Électroconvulsivothérapie et niveau de preuve : de la causalité à la relation dose-effetElectroconvulsive therapy and level of evidence: From causality to dose-effect relationship
Introduction
L’électroconvulsivothérapie (ECT) est utilisée comme traitement des troubles psychiatriques depuis les années 1930 avec les travaux historiques de Ugo Cerletti (1877-1963) et Lucio Bini (1908-1964). Cependant, Cerletti et Bini ne font pas référence aux nombreux travaux sur l’application thérapeutique de l’électricité (générée par un dispositif technologique) existant depuis le 18e siècle. Ces auteurs étaient guidés par le fait que les crises épileptiques pouvaient être un facteur protecteur des troubles psychiatriques [1]. Les ECT sont donc plutôt reliés à l’histoire pharmacologique des drogues proconvulsogènes comme le camphre ou le metrazol. L’électricité était considérée comme un agent « quasi-pharmacologique » plus facile à manipuler et plus efficace pour induire des crises épileptiques que les drogues proconvulsogènes [2].
Pourtant, dès le 18e siècle, l’électricité fut appliquée sur les patients souffrant de troubles psychiatriques [3], [4], [5]. L’objectif de cet article est premièrement de rappeler cette histoire naissante de l’électricité en psychiatrie et les descriptions cliniques et phénoménologiques de l’époque qui faisaient alors office de preuve d’efficacité. Cette histoire a vu également apparaître la nécessité d’une évaluation de ces thérapeutiques dépassant la preuve de la description clinique de cas singuliers. La deuxième partie de cet article analysera donc les arguments détaillés dans un rapport fameux sur l’efficacité du magnétisme animal (thérapeutique à cette époque concurrente des thérapeutiques électriques) à la lumière des désormais classiques critères de causalité de Hill [6]. Parmi ces neufs critères, un manquera dans le rapport. Le critère sur la relation dose-effet y est en effet absent, ce qui permettra dans la troisième partie de cet article de détailler comment appliquer ce critère dans le domaine des ECT. La neurophysiologie et plus particulièrement l’électroencéphalographie per critique obtenue juste après la stimulation électrique de la séance ECT sera présentée comme un élément majeur pour établir une relation dose-effet en ECT et ainsi aborder à nouveau frais l’électricité dans la perspective « quasi-pharmacologique ».
Section snippets
Description phénoménologique et preuve d’efficacité clinique de l’électricité en psychiatrie
Benjamin Franklin (1706-1790) fut un des investigateurs majeurs de l’application thérapeutique de l’électricité, poursuivant en médecine une approche empirique et rigoureuse [1], [3]. C’est au cours d’échanges avec Jan Ingenhousz (1730-1799), un médecin allemand, que fut suggérée pour la première fois l’application de l’électricité dans le traitement de la « mélancolie ». Cette idée n’a pas été sous-tendue par une conception physiopathologique des troubles psychiatriques, mais plutôt par une
Critéres de causalité et preuve d’efficacité clinique de l’électricité en psychiatrie
Mesmer et son mentor Charles Deslon (1750-1786), docteur-régent à la Faculté de Médecine de Paris et membre de la Société Royale de Médecine développèrent une thérapeutique basée sur l’utilisation d’un baquet en bois autour duquel les patient(e)s étaient relié(e)s par des tiges de fer. Le baquet était censé être un condenseur et un conducteur du magnétisme animal. Le thérapeute circulait alors entre les participant(e)s et touchait avec une baguette en fer une partie de leur corps [13]. Ces
Études randomisées controlées contre placebo pour les ECTs
Les ECTs sont efficaces cliniquement et le taux de répondeurs dans le cadre des épisodes dépressifs caractérisés (EDC) est d’environ 80 %, ce qui en fait une des thérapeutiques psychiatriques des plus efficaces [18]. Pourtant comme le soulignait le rapport de la commission, l’efficacité clinique est insuffisante pour légitimer une thérapeutique en médecine. La question du lien de causalité est la première, « celle de l’utilité ne doit être traitée que lorsque l’autre aura été pleinement résolue
Relation dose-effet et électroconvulsivothérapie
L’évaluation en 1784 de la preuve d’un lien de causalité entre magnétisme animal et effet clinique a suivi huit des neuf critères de Hill. Le neuvième critère de Hill est l’établissement d’une relation dose effet [6]. La méta-analyse du Lancet a exploré cette relation [22].
Sept études étaient incluses, pour un nombre total de 342 patients [29], [30], [31], [32], [33], [34], [35]. La comparaison faible versus forte charges était soit 2,5 fois le seuil versus 403 mc [32], [35], soit 7-10 J versus
Conclusion
Aborder le niveau de preuve d’efficacité des ECTs conduit à se plonger dans l’histoire débutant au 18e siècle de l’électricité appliquée en médecine d’une part et des essais contrôlés en aveugle (par l’intermédiaire du rapport de 1784) d’autre part. La place de la psychiatrie est centrale dans cette histoire médicale. L’électricité a ainsi joué un rôle essentiel dans la constitution d’une psychiatrie biologique. Contrairement aux conceptions de Cerletti et Bini les ECTs ne proviennent pas
Liens d’intérêts
Les auteurs déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt pour cet article.
Références (50)
Convulsive therapy: a review of the first 55 years
J Affect Disord
(2001)- et al.
Element for a history of electricity and brain in psychiatry. Beginning and development of electrical brain stimulation and electrical brain recording
Annales Medico Psychologiques
(2013) - et al.
Element for a history of electricity and brain in psychiatry. Psychiatric therapeutic applications of external electrical brain stimulation and electrical brain recording
Annales Medico Psychologiques
(2013) Franklin, Lavoisier, and Mesmer: origin of the controlled clinical trial
Urol Oncol
(2005)- et al.
Placebo controls, exorcisms, and the devil
Lancet
(2009) - et al.
The Northwick Park electroconvulsive therapy trial
Lancet
(1980) - et al.
Comparison of the efficacy of titrated, moderate-dose and fixed, high-dose right unilateral ECT in elderly patients
Am J Geriatr Psychiatry
(1995) - et al.
Altérations cognitives et plaintes mnésiques lors d’un traitement par électroconvulsivothérapie : revue de la littérature
Annales Medico Psychologiques
(2013) - et al.
Electroconvulsivothérapie
- et al.
Low dose lignocaine added to propofol does not attenuate the response to electroconvulsive therapy
J Affect Disord
(2010)