Développement professionnel continu
L’inaccessible presque touché. Connaissance minimale en psychologie de la santé à l’usage de l’étudiant en médecineAlmost reaching the unreachable. Minimal knowledge of health psychology for the medical student

https://doi.org/10.1016/j.amp.2015.03.011Get rights and content

Résumé

L’apprentissage de la psychiatrie pour l’étudiant en médecine est l’occasion d’appréhender le patient en tant qu’individu réagissant à sa maladie en fonction de son histoire personnelle, ses antécédents, ses traits de personnalité et son contexte socio-culturel. Pourtant les notions de psychopathologie qui pourront lui être transmises lui paraissent bien souvent inaccessibles et inutilisables. La psychologie de la santé permettrait au contraire de fournir à l’étudiant en médecine un socle de connaissances psychologiques facilement transférables dans le reste du champ médical. Cet article propose une base de connaissances minimales en psychologie de la santé. Les représentations de la maladie, déterminantes majeures de la mise en place de stratégies d’ajustement à la maladie et de comportements de santé, seront présentées dans une première partie, pour ensuite détailler dans une deuxième partie les mécanismes de mise en place de ces stratégies et comportements. Une fiche synthétique regroupant l’ensemble des concepts développés sera proposée.

Abstract

When a medical student is learning psychiatric, he has the opportunity to understand the patient as an individual that reacts to his illness according to his personal history, backgrounds, personality traits and socio-cultural context. Yet, the concepts of psychopathology that can be transmitted to him seem often unreachable and unusable to him. Health psychology would instead provide the medical student with an easily psychological knowledge base transferable in the rest of the medical field. This paper proposes a minimal knowledge of health psychology. In the first part, the representations of the disease, the major determinants of the development of health behaviors and coping strategies to illness, will be presented. In the second part, the mechanisms of implementation of these strategies and behaviors will be presented. A synthetic support card containing all the proposed concepts will be proposed.

Introduction

L’étudiant en médecine qui découvre la psychiatrie doit acquérir deux compétences [11]. Premièrement, il doit savoir recueillir objectivement les signes et symptômes cliniques présentés à l’aide de l’examen clinique du patient [1], [13], [20]. Deuxièmement, il doit considérer le patient en tant qu’individu réagissant à sa maladie en fonction de son histoire personnelle, ses antécédents, ses traits de personnalité et son contexte socio-culturel. La première compétence nécessite un savoir sémiologique et nosographique organisé, cohérent et consensuel afin de guider le plus efficacement possible l’évaluation clinique [13], [21]. La deuxième compétence nécessite une connaissance de la psychologie, mais renvoie généralement pour le psychiatre à la notion de psychopathologie [14]. L’étudiant en médecine est alors parfois confronté à des psychiatres « psychopathologues solitaires, ignorant plus ou moins le sens de la réalité, développant pour gonfler leur narcissisme des théories aussi complexes qu’infalsifiables » [26]. Pourtant cette deuxième compétence, bien que fortement liée à la psychiatrie, concerne l’ensemble de la médecine. Et l’étudiant en médecine peut alors avoir l’impression qu’en face du modèle biomédical qui lui est enseigné n’existe qu’un savoir psychopathologique inaccessible et inutilisable dans sa pratique clinique [22].

Un savoir psychologique accessible pour l’étudiant en médecine est cependant disponible. Son enseignement en psychiatrie lui fournirait un socle de connaissances psychologiques facilement transférables dans le reste du champ médical [6]. Il s’agit alors pour le clinicien psychiatre enseignant « de se souvenir opportunément qu’il faut toujours rechercher les forces et les mécanismes d’adaptation normaux du patient » suivant la perspective de la santé plutôt que celle de la psychopathologie [32]. Cette « perspective de la santé » a été appréhendée par la psychologie de la santé [29]. Existant depuis environ vingt-cinq ans, la psychologie de la santé a connu un tel essor qu’elle représente actuellement une des premières branches de la psychologie [6], [33]. Elle s’est efforcée de formuler des concepts cognitif, affectif et social mesurables suffisamment précis pour être pertinents cliniquement et suffisamment fiables et valides pour être testés statistiquement. Ainsi, elle a développé une approche évaluable et falsifiable, faisant d’elle une discipline scientifique à part entière. Elle est utilisée dans le domaine de la médecine fondée sur les preuves afin « d’optimiser la prévention, la promotion des comportements de santé et la prise en charge des personnes malades » [8]. Par ailleurs, elle fournit des conceptions pratiques pour l’étudiant en médecine, permettant de lui rendre accessible l’appréhension du patient en tant qu’individu réagissant à sa maladie [6], [17].

Dans cet article, nous proposons une base de connaissances minimales de la psychologie de la santé destinée à l’étudiant en médecine, complément nécessaire à la nosographie minimale de la psychiatrie qu’il doit également maîtriser [21]. Les représentations de la maladie, déterminants majeurs de la mise en place de stratégies d’ajustement à la maladie et de comportements de santé, seront présentées dans une première partie pour ensuite détailler dans une deuxième partie les mécanismes de mise en place de ces stratégies et comportements. Une fiche synthétique regroupant l’ensemble des concepts développés sera proposée.

Section snippets

Facteurs pronostiques des maladies : les représentations

La psychologie de la santé pose au départ deux postulats [8] :

  • il existe des représentations (aussi appelées croyances ou cognitions) concernant la maladie et la santé ;

  • les individus prennent des décisions rationnelles, agissent et adaptent leurs comportements de santé en fonction de leurs représentations.

En effet, les représentations sont importantes à prendre en compte car :

  • elles sont déterminées par les facteurs contextuels liés à l’individu « malade », facteurs psychologiques (traits de

Les processus biopsychosociaux de l’ajustement à la maladie

Le deuxième objectif de la psychologie de la santé est d’approfondir la compréhension des mécanismes ou « processus » biopsychosociaux afin d’expliquer l’influence des représentations sur les comportements de santé et stratégies d’ajustement à la maladie (et au traitement) que les individus mettent en place et ainsi de mieux prédire le pronostic des maladies [17]. La psychologie de la santé a construit et évalué scientifiquement des modèles pour expliquer les comportements de santé et les

Conclusion

L’ensemble de ces processus psychologiques d’adaptation à la maladie rappelle que l’individu avec une maladie est rationnel et agit en fonction de processus appréhendables par le médecin, compréhensibles dans le contexte du patient. Par ailleurs, il faut souligner que l’appréhension de l’entourage du patient peut être abordé suivant les même principes [36]. L’étudiant en médecine doit garder à l’esprit que l’ensemble des cognitions, affects et comportements du patient (ou de l’entourage) semble

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Remerciements

Clélia Quiles pour sa relecture de l’article et ses commentaires.

Les étudiants de l’université de Corte pour leurs intérêts à la psychologie de la santé.

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      Citation Excerpt :

      This does not mean that signs and symptoms in non-psychiatric disorders are not subjective. Indeed, these aspects have already been studied in the field of health psychology [55]. However, it does mean that signs and symptoms in psychiatry should be considered primarily as the manifestations of the modified cognition, emotion and behavior of the patient, leading to a modified inner experience of self, others or the world, and not as the subjective experience of an altered part of the body.

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