Développement Professionnel ContinuÉpilepsie : pour une sémiologie neuropsychiatrique de la dépressionEpilepsy: For neuropsychiatric symptomatology of depression
Introduction
La prévalence des pathologies psychiatriques est plus élevée chez les patients présentant une épilepsie que dans la population générale. Ceci est d’autant plus marqué chez les patients présentant une épilepsie réfractaire. La prévalence des épisodes dépressifs caractérisés est d’environ 30 % et celle des troubles anxieux de 10 à 25 % dans cette population [7]. Les troubles dépressifs sont la comorbidité psychiatrique la plus fréquente chez les patients atteints d’épilepsie [33]. Ils appartiennent à l’ensemble des troubles de l’humeur divisés en troubles unipolaires et troubles bipolaires [6]. Leurs présentations cliniques, chez les patients atteints d’épilepsie, peuvent être impossibles à distinguer des épisodes dépressifs caractérisés pour une partie de cette population. Mais pour plus de la moitié des patients présentant une épilepsie, les troubles dépressifs ont tendance à avoir des manifestations cliniques inhabituelles par rapport à la durée et au type de symptômes. D’une part, aux symptômes « classiques » de la dépression se greffent des éléments d’irritabilités et d’anxiété et, d’autre part, les tableaux syndromiques altérant pourtant le fonctionnement du patient ne correspondent pas forcément aux classifications diagnostiques figurant dans le Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux [24].
La première question que doivent se poser les psychiatres qui prennent en charge des troubles de l’humeur chez des patients souffrant d’épilepsie est de savoir si le syndrome dépressif n’est pas secondaire à des antiépileptiques. Ces derniers peuvent être à l’origine ou majorer les symptômes dépressifs et/ou anxieux [23], [30], [31]. La seconde question est d’interroger le lien entre épilepsie et syndrome dépressif. L’association entre syndrome dépressif et épilepsie est intéressante d’un point de vue neuropsychiatrique puisqu’elle met en évidence un soubassement physiopathologique commun. Dans l’épilepsie, plus que dans les autres pathologies neurologiques [35], existerait en effet un lien bidirectionnel entre la physiopathologie de l’épilepsie et celle de la dépression. L’existence d’un épisode dépressif caractérisé, diagnostiqué rétrospectivement avant le début de l’épilepsie, augmente ainsi le risque d’apparition d’une épilepsie [10], [11]. Et inversement, la présence d’une épilepsie augmente le risque de syndrome dépressif. Ce lien physiopathologique conduit à se demander si cliniquement la présentation du syndrome dépressif n’est pas modifiée par l’existence d’une épilepsie et si les critères du DSM [35] sont pertinents pour aborder les symptômes dépressifs chez les patients souffrant d’épilepsie [21], [22], [34].
Ainsi, une évaluation clinique conduit à mettre l’accent sur les spécificités de la sémiologie du syndrome dépressif chez les patients souffrant d’épilepsie. Ces spécificités sont peu reconnues dans les classifications nosographiques psychiatriques internationales [35]. Les critères du DSM sont en effet en partie inappropriés pour repérer cliniquement l’ensemble des syndromes dépressifs avec une répercussion fonctionnelle chez les patients souffrant d’épilepsie [16]. Une sémiologie et une classification spécifique reliées à la chronologie des crises d’épilepsies ou à la mise en place des traitements antiépileptiques ont donc été proposées par l’International League Against Epilepsy [22]. Par ailleurs, une échelle de dépistage adaptée est désormais disponible afin de détecter en pratique courante les syndromes dépressifs dans le contexte de l’épilepsie [25], [35].
Section snippets
Physiopathologie
Un certain nombre de données humaines et animales tendent à expliquer [14] le lien bidirectionnel entre épilepsie et syndrome dépressif [5], [10], [11], [12]. Il semble en partie en lien avec une augmentation de l’activité de l’axe hypothalamo-hypophysaire qui serait à l’origine d’une diminution de la neurotransmission sérotoninergique, GABAergique et d’une augmentation de la neurotransmission glutamatergique [18]. Sur le plan anatomo-fonctionnel, des études de l’imagerie fonctionnelle trouvent
Syndromes dépressifs péri-ictaux
Les épilepsies du lobe temporal sont plus souvent associées à des syndromes dépressifs péri-ictaux, surtout si le système limbique est impliqué [29].
Syndrome dépressif inter-ictal
Les critères DSM ne sont pas toujours présents [35]. La durée des symptômes dépressifs est variable de quelques heures à quelques jours [9], [17], [24] et intervient dans une période libre de crise [13].
Il existe une grande aspécificité et les symptômes à rechercher sont la dévalorisation, la culpabilité, les idéations suicidaires, l’irritabilité, la frustration et l’anhédonie [8], [16].
Malgré leur manque de spécificité mais devant leur fréquence, le ralentissement psychomoteur, l’asthénie et
Pratique Clinique
Il existe désormais un outil de dépistage rapide, fiable et pertinent pour le dépistage du syndrome dépressif dans l’épilepsie, validé en de multiples langues. Il s’agit du Neurological Disorders Depression Inventory for Epilepsy (NDDI-E) construit et validé en langue anglaise [8]. Il s’agit d’un autoquestionnaire de dépistage rapide, constitué de six items (score allant de 6 à 24) [8] (cf. Tableau 1).
Il est maintenant traduit et validé en français [25]. Les items sont « tout est une lutte »,
Conclusion
Les syndromes dépressifs sont très fréquents chez les patients présentant une épilepsie. Cependant, les critères DSM n’étant pas toujours respectés, ils sont sous-diagnostiqués.
Le risque de ce sous-diagnostic est de négliger la prise en charge et plus précisément le traitement des patients souffrant d’épilepsie. Or les deux troubles ont un lien bidirectionnel. Une collaboration épileptologie/psychiatrie fondée sur des représentations communes, évitant la dichotomie psychique/organique, est
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Références (35)
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Is the psychopathology of epilepsy different from that of nonepileptic patients?
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Depression in epilepsy: a common but often unrecognized comorbid malady
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Depression and epilepsy: epidemiologic and neurobiologic perspectives that may explain their high comorbid occurrence
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One step closer to a global tool for rapid screening of major depression in epilepsy: validation of the French NDDI-E
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