Développement professionnel continu
Un nouveau regard sur la sémiologie motrice en psychiatrie : de la physiologie du mouvement moteur volontaire aux résultats d’imagerie fonctionnelle dans les troubles de conversionA new perspective on the motor psychiatric symptoms: From the physiology of voluntary motor movement to functional neuroimaging results in conversion disorders

https://doi.org/10.1016/j.amp.2017.03.007Get rights and content

Résumé

Le trouble de conversion constituerait-il un trouble à part ? Vécu comme une réalité par le patient, l’absence de signes « objectifs » à l’examen l’a longtemps fait considérer comme une « pathologie sans substrat ». Or, si la clinique de ce trouble est bien connue, sa compréhension précise reste sujette à interprétation et les mécanismes exacts qui le produisent sont encore mal compris. Ainsi, le fait de ne pas retrouver de lésion explicative dans le cerveau exclut-il la possibilité d’un dysfonctionnement au sein de ce même organe ? On qualifie bien souvent ce trouble de « maladie de l’imagination ou de la volonté », mais au final, on connaît peu de chose sur le fonctionnement cérébral du mouvement volontaire et des représentions mentales dans le trouble de conversion. Alors, dans cette optique, quel pourrait être l’apport des moyens « modernes » d’investigation tels que l’imagerie fonctionnelle ? La mise en évidence d’anomalies fonctionnelles dans le cerveau ne permettrait-elle pas d’ouvrir de nouvelles perspectives théoriques pour ces patients ? L’imagerie fonctionnelle a permis d’explorer des mécanismes plus complexes, jusqu’à présent peu accessibles (émotions, états affectifs, volition, imagerie mentale, processus inconscients), et nous proposons dans cette communication de montrer comment, à l’aide de ces techniques, une pathologie considérée comme un diagnostic d’exclusion et de trouble sans substrat peut être abordée différemment du fait d’explications neurophysiologiques « nouvelles ».

Abstract

Are the conversion disorders beyond medical disorders? Lived as a reality by the patient, the absence of “objectives” signs at the clinical examination have for a long time considered these conversion disorders as “pathologies without substrates”. However, if the clinic of these disorders is well known, its precise understanding remains subject to debate and the exact mechanisms that produce it are poorly understood. Does the fact that explanatory lesions in the brain are not found, exclude the possibility of functional abnormalities in this organ? It is often called these disorders “disease of the imagination or the will”, but in fact, we know little about the brain functioning of voluntary motor movement and mental representation in conversion disorders. So with this in mind, what could be the contribution of “modern” techniques of investigations such as functional imaging? Would the identification of functional abnormalities in the brain allow opening new theoretical perspectives for these patients? Functional imaging has explored more complex mechanisms considered some years ago as inaccessible (e.g. emotions, affective states, volition, mental imagery, unconscious processes), and we propose in this paper to show how, using these techniques, a pathology considered as a diagnosis of exclusion and a disorder without substrate can be approached differently through “new” neurophysiological explanation.

Introduction

En 1896, William James prit une position courageuse : « Pauvres hystériques. En premier elles ont été traitées de victimes de troubles sexuels… puis de perversion morale et de médiocrité… enfin d’imagination. Parmi la variété de réhabilitation que notre époque a vue, aucune n’est aussi méritante et humaine. C’est une maladie réelle, mais une maladie mentale. » Un siècle plus tard, une équipe finlandaise [24] publie une analyse en imagerie de l’activité cérébrale d’une patiente présentant une paralysie unilatérale gauche d’origine conversive (un trouble à symptomatologie somatique de type trouble de conversion avec paralysie, dans le cadre de la nosographie du DSM-5 [1]). Ils observent des modifications de l’activité des régions impliquées dans le mouvement volontaire entre la période critique et après rémission. C’était la première fois que l’on parvenait à objectiver une modification du fonctionnement neurophysiologique lors de la production des symptômes de type conversif. Pouvait-on alors continuer à considérer le trouble de conversion comme une « pathologie sans substrat » ou un « diagnostic d’élimination »? Bien que le nombre d’études en imagerie ou physiologie ne soit pas aussi élevé que dans d’autres champs de la psychiatrie, la décennie suivante verra la publication de travaux fondamentaux sur le sujet et permettra de redéfinir certains aspects du trouble. Les nouvelles techniques d’imagerie fonctionnelle ont aussi permis l’exploration de mécanismes plus complexes impliqués dans ce trouble (émotions, états affectifs, volition, imagerie mentale, processus inconscients, mémoire).

Pourtant, lors de la parution du DSM-3, le démembrement de la névrose hystérique en trois entités distinctes (conversion, dissociation, personnalité histrionique) a été vécu par certains comme une frénésie classificatoire. La position du DSM-3 était pourtant relativement claire. Les mécanismes des troubles névrotiques n’étant pas connus, la classification restera à un niveau descriptif et associera le terme névrotique à celui de trouble (trouble névrotique) et évitera d’utiliser le terme de processus névrotique qui renverrait au processus étiologique dans le cadre de la théorie psychanalytique. Ainsi, Stone montrait, à partir de l’analyse de données issues de 29 études [22], que l’abandon progressif du concept de névrose hystérique dès les années soixante-dix au profit d’une approche plus « athéorique » expliquait la baisse du nombre d’erreurs diagnostiques (conversions hystériques qui s’avéraient en fait être des pathologies organiques de type trouble neurologique). En médecine, la description des mécanismes, bien que ne permettant pas de réduire les troubles à ceux-ci, reste pour autant, et suivant la perspective de Claude Bernard, un guide essentiel pour une pratique rigoureuse. Depuis, en l’absence de consensus pour nommer ce trouble, plusieurs termes sont utilisés [8], [9].

Nous proposons dans cet article d’évoquer l’apport des techniques d’exploration psychiatrique modernes, comme l’imagerie fonctionnelle et l’électrophysiologie pour la compréhension du trouble de conversion. Nous proposerons ainsi une meilleure compréhension de la sémiologie de ces troubles et des processus physiopathologiques sous-jacents au niveau cérébral, afin de ne pas limiter le diagnostic de ces troubles à un diagnostic d’exclusion et d’augmenter la rigueur de l’approche médicale que méritent les patients souffrant d’« hystérie ».

Section snippets

Neuroanatomie fonctionnelle du mouvement volontaire

Le trouble de conversion est caractérisé au niveau moteur soit par un déficit (faiblesse ou paralysie), soit par une production de mouvement anormal. Un rappel de la neuroanatomie fonctionnelle du circuit sensorimoteur volontaire est nécessaire pour la bonne compréhension des études et concepts qui seront présentés ultérieurement. Le mouvement volontaire est un mouvement dont l’initiation est interne, il est « libre » (par opposition aux mouvements stéréotypés ou réflexes), et orienté vers un

Apport de l’imagerie fonctionnelle

Au-delà d’une utilisation clinique classique (diagnostic différentiel d’une pathologie « organique »), l’imagerie fonctionnelle peut avoir pour objectif de proposer une physiopathologie du trouble, contribuant au diagnostic positif en favorisant la caractérisation sémiologique des différents sous-types de troubles moteurs « psychogènes » selon le type d’atteinte fonctionnelle du substrat neuronal. Secondairement, elle peut aussi guider la thérapeutique et aider au développement de nouveaux

Conclusion

Les troubles de conversion avec paralysie ou mouvements anormaux gagnent à être abordés du point de vue neurophysiologique en suivant les mécanismes impliqués dans la régulation du mouvement volontaire. Ces mécanismes nous amènent à rechercher l’implication en neuroanatomie fonctionnelle non seulement des circuits de la motricité volontaire mais également des circuits de la régulation émotionnelle et de la représentation de soi.

Bien que les études d’imagerie fonctionnelle soient encore

Déclaration de liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références (28)

  • M. Arthuis et al.

    Resting cortical PET metabolic changes in psychogenic non-epileptic seizures (PNES)

    J Neurol Neurosurg Psychiatry

    (2015)
  • S. Aybek et al.

    Neural correlates of recall of life events in conversion disorder

    JAMA Psychiatry

    (2014)
  • J.M. Charcot

    Œuvres complètes. Tome III. Leçons sur les maladies du système nerveux

    (1890)
  • M. Edwards et al.

    Neurobiology of functional (psychogenic) movement disorders

    Curr Opin Neurol

    (2013)
  • Cited by (1)

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