Santé publique
Republication : Aliments ultra-transformés : le système NOVA est-il robuste ?Reprint of : Ultra-processed foods: How functional is the NOVA system?

https://doi.org/10.1016/j.cnd.2022.04.003Get rights and content

Résumé

La classification NOVA répartit les aliments en quatre groupes (de 1, peu transformé à 4, le plus transformé). Sa fiabilité et sa reproductibilité ont été très peu explorées alors qu’elle est très utilisée. Nous avons étudié la cohérence entre utilisateurs (environ 170 professionnels) de l’affectation de 120 aliments du commerce et 111 aliments génériques dans les groupes NOVA. La cohérence des affectations (κ de Fleiss) était de 0,32 (aliments du commerce) et 0,34 (aliments génériques). Des clusters d’aliments présentant des distributions d’affectations similaires ont été définis par classification hiérarchique. Parmi les aliments du commerce, un cluster réunissait 90 aliments très largement affectés à NOVA4 (91 % des affectations) et, parmi les aliments génériques, trois clusters contenaient des aliments principalement affectés à NOVA 1 (79 %), NOVA2 (75 %) et NOVA4 (70 %), respectivement. Les affectations étaient particulièrement hétérogènes pour 30 aliments du commerce et 28 aliments génériques (25 % du total dans les deux cas). Les critères actuels de la classification NOVA ne permettent pas d’affecter de manière non ambiguë un aliment à un groupe. Ce système doit être amélioré, en raison de son utilisation en recherche et dans les politiques publiques.

Summary

In the NOVA classification system, descriptive criteria are used to assign foods to one of four groups based on processing-related criteria. Although NOVA is widely used, its robustness and functionality remain largely unexplored. We determined whether this system leads to consistent food assignments by users. French food and nutrition specialists completed an online survey in which they assigned foods to NOVA groups. The survey comprised two lists: one with 120 marketed food products with ingredient information and one with 111 generic food items without ingredient information. We quantified assignment consistency among evaluators using Fleiss’ κ (range: 0–1, where 1 = 100% agreement). Fleiss’ κ was 0.32 and 0.34 for the marketed foods (n = 159 evaluators) and generic foods (n = 177 evaluators), respectively. The consistency of the assignments, as assessed by Fleiss’ κ, was 0.32 (commercial foods) and 0.34 (generic foods). Clusters of foods with similar assignment distributions were defined by hierarchical ascending classification. Among the 120 commercial foods, one cluster contained 90 foods that were predominantly assigned to NOVA4 (91% of the assignments) and, among the 111 generic foods, three clusters contained foods that were predominantly assigned to NOVA 1 (79% of the assignments), NOVA2 (75%) and NOVA4 (70%), respectively. Assignments were particularly heterogeneous for 30 commercial and 28 generic foods (25% of the total in both cases). Although assignments were more consistent for some foods than others, overall consistency among evaluators was low, even when ingredient information was available. These results suggest current NOVA criteria do not allow for robust and functional food assignments.

Introduction

Les aliments ne sont pas équivalents à la simple somme de leurs nutriments [1] et il est essentiel, pour les caractériser, de tenir compte d’autres facteurs, tels que la transformation et la formulation, devenus de plus en plus complexes au fil du temps. Qu’elle soit réalisée à la maison, dans des ateliers artisanaux ou dans des usines, la transformation des aliments vise à garantir la sécurité, la digestibilité et la palatabilité des produits ; elle améliore également la durée de conservation, et simplifie la préparation des repas [2]. Plusieurs systèmes proposent de classer les aliments en fonction de leur niveau de transformation [3], [4], [5], [6], [7], [8], [9], chacun utilisant des critères et des mesures différents. NOVA est de loin le plus utilisé de ces systèmes [8]. Son objectif déclaré est de classer « tous les aliments en fonction de la nature, de l’ampleur et des objectifs des processus industriels qu’ils subissent » [9]. Dans le système NOVA, les aliments peuvent être affectés à quatre groupes : NOVA1 contient des « aliments non transformés ou peu transformés », c’est-à-dire les parties comestibles des plantes ou des animaux qui ont été prélevées directement dans la nature ou qui ont été modifiées/préservées de façon minimale ; NOVA2 contient des « ingrédients culinaires », tels que le sel, l’huile, le sucre ou l’amidon, produits à partir d’aliments NOVA1 ; NOVA3 contient des « aliments transformés », tels que du pain frais, des légumes en conserve ou des viandes salées, obtenus en combinant des aliments et ingrédients NOVA1 et NOVA2 ; et NOVA4 contient des « aliments ultra-transformés », à savoir des produits industriels prêts à consommer qui sont « fabriqués principalement ou entièrement à partir de substances dérivées d’aliments, et d’additifs, avec peu ou pas d’aliments intacts du groupe NOVA 1 » [8].

Le système NOVA est de plus en plus utilisé pour explorer les relations entre la consommation d’aliments « ultra-transformés » et la qualité du régime alimentaire ou les effets sur la santé [10]. En outre, les institutions inscrivent parfois NOVA dans leurs politiques de santé publique. Par exemple, les recommandations alimentaires de plusieurs pays d’Amérique latine sont basées sur la classification NOVA [11], [12], et le gouvernement français a fixé un objectif de réduction de 20 % pour la consommation d’aliments « ultra-transformés » (NOVA4) [13].

La classification NOVA est donc mise en œuvre dans des contextes de plus en plus variés. Néanmoins, hormis quelques rares travaux antérieurs [14], [15], la fiabilité, le caractère opérationnel et la cohérence du système restent mal caractérisés. En raison de critères uniquement descriptifs, NOVA ouvre la porte à l’ambiguïté et aux différences d’interprétation [16], et les difficultés et les désaccords sont nombreux lors de son utilisation [17], [18], [19].

Dans ce travail, nous avons exploré la robustesse du système de classification NOVA en examinant si un grand nombre de professionnels de l’alimentation et de la nutrition parvenaient à des affectations d’aliments concordantes en appliquant les critères originaux du système. Nous avons également étudié les relations entre les affectations NOVA et la qualité nutritionnelle des aliments, sur la base de systèmes connus de profilage des aliments.

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Méthodes

Un schéma de notre démarche expérimentale est présenté sur la Fig. 1. Nous avons invité des professionnels de l’alimentation à participer à une enquête via une interface en ligne développée spécifiquement. Les professionnels participant à l’enquête (ci-après, les évaluateurs) ont pris connaissance d’une description du système de classification NOVA et des critères permettant d’affecter les aliments aux différents groupes (« affectation » = acte d’assigner un aliment à l’un des quatre groupes

Analyse des données

Pour chaque liste, les analyses étaient identiques mais effectuées séparément.

Un contrôle de qualité des réponses a été effectué afin de s’assurer que les évaluateurs ont fait preuve de prudence et d’honnêteté lorsqu’ils ont répondu à l’enquête. Cinq aliments ont été sélectionnés dans chaque liste, pour lesquels le groupe NOVA aurait dû être évident. Dans la liste des aliments du commerce, il s’agissait du bœuf bourguignon, d’un dessert lacté aux fruits, du riz frit chinois, du pain grillé avec

Résultats

L’application du contrôle-qualité a entraîné l’exclusion de 62 évaluateurs (37 évaluateurs de la liste des aliments du commerce et 25 évaluateurs de la liste des aliments génériques), soit parce qu’ils n’avaient pas évalué tous les aliments de la liste (30 évaluateurs de la liste des aliments du commerce et 24 évaluateurs de la liste des aliments génériques ont été exclus pour cette raison), soit parce qu’ils ont échoué au test de contrôle de qualité (7 évaluateurs de la liste des aliments du

Discussion

Dans cette étude, nous avons exploré la robustesse du système de classification NOVA en demandant à des professionnels de l’alimentation et de la nutrition de mettre en œuvre le système tel que prévu par ses créateurs [8]. La très faible concordance entre les affectations des aliments dans les groupes NOVA réalisées par les différents évaluateurs, quel que soit leur milieu professionnel, est le résultat le plus frappant : les valeurs moyennes du κ de Fleiss n’ont jamais dépassé 0,37. L’analyse

Conclusions

Nos résultats indiquent que des améliorations devraient être apportées au système de classification NOVA afin de renforcer la cohérence des affectations, qui sont souvent discordantes entre les évaluateurs, que l’information sur les ingrédients soit fournie ou non. Cette constatation soulève des questions sur le caractère opérationnel du système NOVA dans sa forme actuelle et devrait également susciter une réflexion sur la fiabilité des conclusions des études épidémiologiques qui utilisent le

Financement

Ce travail a reçu un financement, à hauteur de moins de 5 % du coût total de l’étude, du Fonds français pour l’alimentation et la santé (FFAS), une organisation partiellement sponsorisée par l’industrie alimentaire ; ces fonds ont payé le développement de l’outil d’enquête en ligne (Pi value) et l’analyse statistique (MS-nutrition). Le FFAS n’a joué aucun rôle dans la conception de l’étude, la collecte, l’analyse ou l’interprétation des données, la rédaction et la finalisation du manuscrit, ni

Déclaration de liens d’intérêts

MM et TH sont salariés de MS-Nutrition.

Les auteurs VB, CF, ND, PS et IS déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts concernant ce travail.

Remerciements

Nous souhaitons remercier P. Vaissié (Pi.value) pour le développement de l’interface de l’enquête en ligne ; les sociétés scientifiques, les départements de recherche de l’INRAE et les associations professionnelles pour leur aide au recrutement des évaluateurs ; et tous les évaluateurs anonymes pour avoir consacré du temps et des efforts à l’enquête. Nous remercions C. Helmer, C. Samieri et C. Delcourt, qui ont aidé à recueillir les données alimentaires de la cohorte bordelaise Trois-Cités.

Références (38)

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    Cette étude a fait l’objet d’une publication en langue anglaise dans la revue European Journal of Clinical Nutrition en mars 2022 (disponible à l’adresse : https://rdcu.be/cJs7G). Nous remercions la rédaction en chef de la revue, ainsi que les auteurs de nous avoir donné l’autorisation de le republier dans nos pages.

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