Santé publiqueRepublication : Aliments ultra-transformés : le système NOVA est-il robuste ?Reprint of : Ultra-processed foods: How functional is the NOVA system?☆
Introduction
Les aliments ne sont pas équivalents à la simple somme de leurs nutriments [1] et il est essentiel, pour les caractériser, de tenir compte d’autres facteurs, tels que la transformation et la formulation, devenus de plus en plus complexes au fil du temps. Qu’elle soit réalisée à la maison, dans des ateliers artisanaux ou dans des usines, la transformation des aliments vise à garantir la sécurité, la digestibilité et la palatabilité des produits ; elle améliore également la durée de conservation, et simplifie la préparation des repas [2]. Plusieurs systèmes proposent de classer les aliments en fonction de leur niveau de transformation [3], [4], [5], [6], [7], [8], [9], chacun utilisant des critères et des mesures différents. NOVA est de loin le plus utilisé de ces systèmes [8]. Son objectif déclaré est de classer « tous les aliments en fonction de la nature, de l’ampleur et des objectifs des processus industriels qu’ils subissent » [9]. Dans le système NOVA, les aliments peuvent être affectés à quatre groupes : NOVA1 contient des « aliments non transformés ou peu transformés », c’est-à-dire les parties comestibles des plantes ou des animaux qui ont été prélevées directement dans la nature ou qui ont été modifiées/préservées de façon minimale ; NOVA2 contient des « ingrédients culinaires », tels que le sel, l’huile, le sucre ou l’amidon, produits à partir d’aliments NOVA1 ; NOVA3 contient des « aliments transformés », tels que du pain frais, des légumes en conserve ou des viandes salées, obtenus en combinant des aliments et ingrédients NOVA1 et NOVA2 ; et NOVA4 contient des « aliments ultra-transformés », à savoir des produits industriels prêts à consommer qui sont « fabriqués principalement ou entièrement à partir de substances dérivées d’aliments, et d’additifs, avec peu ou pas d’aliments intacts du groupe NOVA 1 » [8].
Le système NOVA est de plus en plus utilisé pour explorer les relations entre la consommation d’aliments « ultra-transformés » et la qualité du régime alimentaire ou les effets sur la santé [10]. En outre, les institutions inscrivent parfois NOVA dans leurs politiques de santé publique. Par exemple, les recommandations alimentaires de plusieurs pays d’Amérique latine sont basées sur la classification NOVA [11], [12], et le gouvernement français a fixé un objectif de réduction de 20 % pour la consommation d’aliments « ultra-transformés » (NOVA4) [13].
La classification NOVA est donc mise en œuvre dans des contextes de plus en plus variés. Néanmoins, hormis quelques rares travaux antérieurs [14], [15], la fiabilité, le caractère opérationnel et la cohérence du système restent mal caractérisés. En raison de critères uniquement descriptifs, NOVA ouvre la porte à l’ambiguïté et aux différences d’interprétation [16], et les difficultés et les désaccords sont nombreux lors de son utilisation [17], [18], [19].
Dans ce travail, nous avons exploré la robustesse du système de classification NOVA en examinant si un grand nombre de professionnels de l’alimentation et de la nutrition parvenaient à des affectations d’aliments concordantes en appliquant les critères originaux du système. Nous avons également étudié les relations entre les affectations NOVA et la qualité nutritionnelle des aliments, sur la base de systèmes connus de profilage des aliments.
Section snippets
Méthodes
Un schéma de notre démarche expérimentale est présenté sur la Fig. 1. Nous avons invité des professionnels de l’alimentation à participer à une enquête via une interface en ligne développée spécifiquement. Les professionnels participant à l’enquête (ci-après, les évaluateurs) ont pris connaissance d’une description du système de classification NOVA et des critères permettant d’affecter les aliments aux différents groupes (« affectation » = acte d’assigner un aliment à l’un des quatre groupes
Analyse des données
Pour chaque liste, les analyses étaient identiques mais effectuées séparément.
Un contrôle de qualité des réponses a été effectué afin de s’assurer que les évaluateurs ont fait preuve de prudence et d’honnêteté lorsqu’ils ont répondu à l’enquête. Cinq aliments ont été sélectionnés dans chaque liste, pour lesquels le groupe NOVA aurait dû être évident. Dans la liste des aliments du commerce, il s’agissait du bœuf bourguignon, d’un dessert lacté aux fruits, du riz frit chinois, du pain grillé avec
Résultats
L’application du contrôle-qualité a entraîné l’exclusion de 62 évaluateurs (37 évaluateurs de la liste des aliments du commerce et 25 évaluateurs de la liste des aliments génériques), soit parce qu’ils n’avaient pas évalué tous les aliments de la liste (30 évaluateurs de la liste des aliments du commerce et 24 évaluateurs de la liste des aliments génériques ont été exclus pour cette raison), soit parce qu’ils ont échoué au test de contrôle de qualité (7 évaluateurs de la liste des aliments du
Discussion
Dans cette étude, nous avons exploré la robustesse du système de classification NOVA en demandant à des professionnels de l’alimentation et de la nutrition de mettre en œuvre le système tel que prévu par ses créateurs [8]. La très faible concordance entre les affectations des aliments dans les groupes NOVA réalisées par les différents évaluateurs, quel que soit leur milieu professionnel, est le résultat le plus frappant : les valeurs moyennes du κ de Fleiss n’ont jamais dépassé 0,37. L’analyse
Conclusions
Nos résultats indiquent que des améliorations devraient être apportées au système de classification NOVA afin de renforcer la cohérence des affectations, qui sont souvent discordantes entre les évaluateurs, que l’information sur les ingrédients soit fournie ou non. Cette constatation soulève des questions sur le caractère opérationnel du système NOVA dans sa forme actuelle et devrait également susciter une réflexion sur la fiabilité des conclusions des études épidémiologiques qui utilisent le
Financement
Ce travail a reçu un financement, à hauteur de moins de 5 % du coût total de l’étude, du Fonds français pour l’alimentation et la santé (FFAS), une organisation partiellement sponsorisée par l’industrie alimentaire ; ces fonds ont payé le développement de l’outil d’enquête en ligne (Pi value) et l’analyse statistique (MS-nutrition). Le FFAS n’a joué aucun rôle dans la conception de l’étude, la collecte, l’analyse ou l’interprétation des données, la rédaction et la finalisation du manuscrit, ni
Déclaration de liens d’intérêts
MM et TH sont salariés de MS-Nutrition.
Les auteurs VB, CF, ND, PS et IS déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts concernant ce travail.
Remerciements
Nous souhaitons remercier P. Vaissié (Pi.value) pour le développement de l’interface de l’enquête en ligne ; les sociétés scientifiques, les départements de recherche de l’INRAE et les associations professionnelles pour leur aide au recrutement des évaluateurs ; et tous les évaluateurs anonymes pour avoir consacré du temps et des efforts à l’enquête. Nous remercions C. Helmer, C. Samieri et C. Delcourt, qui ont aidé à recueillir les données alimentaires de la cohorte bordelaise Trois-Cités.
Références (38)
- et al.
Whole dairy matrix or single nutrients in assessment of health effects: current evidence and knowledge gaps
Am J Clin Nutr
(2017) - et al.
Role of food processing in food and nutrition security
Trends Food Sci Technol
(2016) - et al.
Contributions of processed foods to dietary intake in the US from 2003–2008: a report of the Food and Nutrition Science Solutions Joint Task Force of the Academy of Nutrition and Dietetics, American Society for Nutrition, Institute of Food Technologists, and International Food Information Council
J Nutr
(2012) - et al.
Is the degree of food processing and convenience linked with the nutritional quality of foods purchased by US households?
Am J Clin Nutr
(2015) - et al.
Processed food classification: conceptualisation and challenges
Trends Food Sci Technol
(2021) - et al.
Ultra-processing or oral processing? A role for energy density and eating rate in moderating energy intake from processed foods
Curr Dev Nutr
(2020) - et al.
Comparison of global nutrient profiling systems for restricting the commercial marketing of foods and beverages of low nutritional quality to children in Canada
Am J Clin Nutr
(2017) - et al.
Nutrient profiles discriminate between foods according to their contribution to nutritionally adequate diets: a validation study using linear programming and the SAIN, LIM system
Am J Clin Nutr
(2009) - et al.
Comparative evaluation of acrylamide and polycyclic aromatic hydrocarbons contents in Robusta coffee beans roasted by hot air and superheated steam
Food Chem
(2021) - et al.
Consumption of ultra-processed foods predicts diet quality in Canada
Appetite
(2017)
Ultra-processed foods: definitions and policy issues
Curr Dev Nutr
Contribution of highly industrially processed foods to the nutrient intakes and patterns of middle-aged populations in the European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition study
Eur J Clin Nutr
Does consumption of processed foods explain disparities in the body weight of individuals? The case of Guatemala
Health Econ
A new classification of foods based on the extent and purpose of their processing
Cadernos de saude publica
NOVA. The star shines bright
World Nutr
Ultra-processed foods: what they are and how to identify them
Public Health Nutr
Consumption of ultra-processed foods and health outcomes: a systematic review of epidemiological studies
Nutr J
Food-based dietary guidelines: a comparative analysis between the Dietary Guidelines for the Brazilian Population 2006 and 2014
Public Health Nutr
Ultra-processed food and drink products in Latin America: sales, sources
Cited by (0)
- ☆
Cette étude a fait l’objet d’une publication en langue anglaise dans la revue European Journal of Clinical Nutrition en mars 2022 (disponible à l’adresse : https://rdcu.be/cJs7G). Nous remercions la rédaction en chef de la revue, ainsi que les auteurs de nous avoir donné l’autorisation de le republier dans nos pages.