Elsevier

L'Encéphale

Volume 40, Issue 3, June 2014, Pages 255-262
L'Encéphale

Psychopathologie
Estime de soi, coping, soutien social perçu et dépendance au cannabis chez l’adolescent et le jeune adulteSelf-esteem, coping, perceived social support and substance use in young adults with a cannabis dependence disorder

https://doi.org/10.1016/j.encep.2013.04.014Get rights and content

Résumé

Objectif

Notre objectif était double : évaluer l’estime de soi, les stratégies de coping et le soutien social perçu chez des adolescents et des jeunes adultes dépendants au cannabis, comparativement à des sujets tout-venant ; chez les patients, mettre en correspondance ces dimensions adaptatives avec les modalités de consommation de substances.

Méthode

Des questionnaires évaluant l’estime de soi globale et sociale, les stratégies de coping et le soutien social perçu ont été complétés par 43 patients et 50 témoins. Les modalités de consommation étaient investiguées lors d’un entretien clinique.

Résultats

Les analyses révèlent que les patients présentent des scores différents de ceux des témoins et plusieurs associations significatives sont retrouvées entre les modalités d’usage et les scores aux échelles cliniques.

Conclusion

Nos résultats témoignent d’un déficit des ressources personnelles et de la perception des ressources environnementales chez ces jeunes patients dépendants au cannabis. De plus, le recours privilégié à certains styles de coping pourrait contribuer au développement et au maintien des usages de produits psychoactifs.

Summary

Introduction

Self-esteem, coping strategies and perceived social support play a role in the adaptive functioning of the human being: they allow the adjustment of the subject to his/her environment. These dimensions could be protective factors regarding multiple risks associated with adolescent development, and particularly substance use. Thus our objective was twofold: to evaluate self-esteem, coping strategies and perceived social support in adolescents and young adults with a cannabis dependence in comparison with subjects from the general population; to establish the correspondence between these psychological dimensions and the patients’ substance use pattern.

Method

Data from 43 young patients (36 males; mean age = 19.6 ± 3), consulting for their cannabis dependence, and 50 young adults from the general population (39 males; mean age = 19.7 ± 3.4) were included. Participants completed the Rosenberg Self-Esteem Inventory, the Social Self-Esteem Inventory of Lawson, the Coping Inventory for Stressful Situation of Endler & Parker, and the Perceived Social Support Questionnaire of Sarason. The MINI was administered to evaluate cannabis abuse or dependence; a semi-structured clinical interview was given to determine psychoactive substance use.

Results

Between-group comparisons (two independent sample t-tests) showed that the patients had significantly lower scores on global (P = 0.002) and social (P = 0.035) self-esteem, task-oriented coping (P < 0.001) and both availability and satisfaction regarding perceived social support (respectively P = 0.029 and P < 0.001). Conversely, patients had significantly higher scores on emotion-focused coping subscale (P = 0.003). Logistic regressions showed that the satisfaction regarding social support and task-oriented coping scores were the more powerful to distinguish the patients from the controls (respectively β = 1.16, P = 0.043 and β = 1.06, P = 0.015). Unvaried linear regression analyses revealed a negative association between the age of first cannabis use and the avoidant-social coping score (P = 0.025), and positive associations between the length of daily cannabis use and emotion-focused coping score (P = 0.028), and frequency of cannabis use and global self-esteem scores (P = 0.028). Moreover, polysubstance misuse is associated with low distraction-avoidant coping scores. No association was found between clinical scores and tobacco and alcohol uses variables.

Conclusion

These results suggest that cannabis dependent patients may present a lack in individual and interpersonal resources. This clinical study underscores the potential contribution of maladaptive coping to the development or maintenance of substance use in young adulthood.

Introduction

Même si les prévalences d’usagers restent stables depuis 2005, le cannabis reste la drogue illicite la plus consommée en France: 13,4 millions de français âgés de 18 à 64 ans déclarent en avoir déjà fait usage [1]. Selon le dernier Baromètre Santé de l’INPES, parmi ces expérimentateurs, 550 000 sont des consommateurs quotidiens. Ces données épidémiologiques sont préoccupantes lorsque l’on considère que la consommation régulière de cannabis concerne tout particulièrement les adolescents et les jeunes adultes [2]. Parallèlement, les patterns d’usage de produits se modifient (précocité des premiers usages, polyconsommation), induisant de nouveaux défis pour la prise en charge de ces jeunes usagers [3]. Aussi, il paraît tout à fait essentiel et urgent que le fonctionnement de ces jeunes consommateurs fasse l’objet davantage d’études approfondies de manière à pouvoir au mieux ajuster les modalités de prévention et de prise en charge thérapeutique.

D’un point de vue psychopathologique, les difficultés de régulation émotionnelle apparaissent souvent au premier plan de la symptomatologie des conduites addictives [4]. Ces dimensions de régulation émotionnelle, telles l’alexithymie ou la recherche de sensations, sont classiquement considérées comme d’éventuels facteurs de vulnérabilité et/ou de maintien de ces conduites. En revanche, des dimensions telles que l’estime de soi et les stratégies d’ajustement (coping et soutien social perçu) ont fait l’objet de peu d’études chez les jeunes patients dépendant au cannabis. Pourtant, l’estime de soi, les stratégies de coping et le soutien social perçu jouent un rôle adaptatif majeur dans le fonctionnement psychologique, en permettant l’ajustement de l’individu à l’environnement [5], [6], [7]. Ces dimensions pourraient donc être considérées comme des facteurs de protection au regard des risques multiples liés au développement adolescent, et notamment des usages de produits psychoactifs.

Ainsi, notre objectif était double :

  • évaluer l’estime de soi (globale et sociale), les stratégies de coping et le soutien social perçu chez des adolescents et des jeunes adultes dépendants au cannabis, comparativement à des sujets tout-venant ;

  • chez les patients, mettre en correspondance ces dimensions adaptatives avec les modalités de consommation de substances.

Section snippets

Participants

L’échantillon clinique comportait 43 patients (84 % d’hommes), dépendants au cannabis (critères DSM-IV), consultant pour leur usage problématique de cannabis (âge moyen et étendu : 19,6 ans [ET = 3], [14 à 25] ans). Ils ont été recrutés à Paris au Centre émergence, à l’ECIMUD de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, ainsi qu’au CEDAT de Mantes-la-Jolie (Yvelines). La répartition des derniers niveaux scolaires était : CAP/BEP = 19 %, collège = 4,8 %, lycée général et technique = 47,6 % et enseignement

Résultats

Les sujets des groupes clinique et contrôle ne différaient pas concernant le genre (χ2 = 0,485, p = 0,601) et l’âge (t = −0,136, p = 0,892).

Discussion

Cette étude se proposait d’investiguer l’implication de dimensions psychologiques, classiquement envisagées comme des contributeurs significatifs au fonctionnement adaptatif de l’individu [5], [6], [7], au sein d’une population clinique d’adolescents et de jeunes adultes dépendants au cannabis. L’originalité de notre approche réside dans la mise en correspondance directe des indicateurs détaillés de consommation de substance avec les scores aux échelles d’estime de soi (globale et sociale) et

Conclusion

Notre étude comporte un certain nombre de limites, notamment des biais concernant le recrutement de notre population, qui limitent la possibilité de généraliser nos conclusions dans le cadre de la dépendance au cannabis. En effet, les participants du groupe clinique étaient consultants pour leur dépendance au cannabis, et ce statut clinique peut avoir contribué à majorer l’expression de certaines dimensions psychologiques. La taille modeste de l’échantillon clinique et notamment le faible

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références (33)

  • D.E. Ramo et al.

    Characteristics of relapse to substance use in comorbid adolescents

    Addict Behav

    (2005)
  • F. Beck et al.

    Les niveaux d’usage des drogues en France en 2010

    Tendances OFDT

    (2011)
  • L. Montanari et al.

    Cannabis users in drug treatment in Europe: an analysis from treatment demand data

  • M. Reynaud

    Traité d’addictologie

    (2006)
  • R.S. Lazarus et al.

    Stress, appraisal and coping

    (1984)
  • M. Rosenberg

    Society and the adolescent self-image

    (1965)
  • Cited by (22)

    • Frequent Cannabis Use Moderates the Relationship Between Sexual Dysfunction and Depression Among Female German Adults

      2022, Journal of Sexual Medicine
      Citation Excerpt :

      Moreover, a higher frequency of sexual intercourse was found to have a protective effect on sexual dysfunction.46 In contrast, frequent cannabis use is shown to be associated with a lack of social interactions and social support.47,48 Thus, we assume that up to now the different findings are heterogeneous across studies, complex, and ambiguous.

    • A discriminant analysis model of psychosocial predictors of problematic Internet use and cannabis use disorder in university students

      2021, Addictive Behaviors Reports
      Citation Excerpt :

      Cougle, McDermott, Hakes, and Joyner (2020), for example, highlight that cannabis dependence is associated with higher rates of personality disorders and lower social support. Patients who used cannabis more often also showed an absence of social support (Dorard, Bungener, Corcos, & Berthoz, 2013). Evenden (1999) defined impulsiveness as the behavior that is performed with little or insufficient tact which often leads to adverse consequences.

    • The latent structure of depression symptoms and suicidal thoughts in Brazilian youths

      2019, Journal of Affective Disorders
      Citation Excerpt :

      In the present study, we expand the research on the latent structure of depression symptoms in a Latin American sample of children and adolescents by using a combination of latent profile and taxometric analysis. Apparently consistent with a categorical view of depression, many cluster analysis studies have uncovered discrete groups of individuals when analyzing data from symptoms of depression (Baldassin et al., 2013; Cox et al., 2001; Dorard et al., 2014; Ferdinand et al., 2005; Hybels et al., 2013; Schrader, 1995; van Lang et al., 2006). Groups were also reported when researchers analyzed data collected on suicidal thoughts and suicide attempts (Podlogar et al., 2017; Rapeli and Botega, 2005), postpartum depression (Campbell et al., 2009; Postpartum Depression: Action Towards Causes and Treatment (PACT) Consortium, 2015) and trajectories during the course of treatment for depression (Maalouf et al., 2012; Thibodeau et al., 2015).

    View all citing articles on Scopus
    View full text