Article de rechercheQuelles comorbidités psychiatriques dans la dépendance au cannabis à l’adolescence ? Comparaison de patients consultants et de témoinsWhich psychiatric comorbidities in cannabis dependence during adolescence? Comparison of outpatients and controls
Introduction
Face aux enjeux de santé publique que représente l’importance des prévalences d’usagers réguliers de substances psychoactives, et plus particulièrement de cannabis chez les jeunes français [1], [2], il est fondamental de mieux comprendre les particularités cliniques associées au développement d’une dépendance. Les comorbidités psychiatriques sont particulièrement fréquentes dans les troubles addictifs, et notamment dans les troubles liés à l’usage de substances psychoactives, tant chez les adultes [3], [4] que chez les adolescents [5]. Les études épidémiologiques conduites chez l’adulte ont notamment mis en évidence que les prévalences de comorbidités psychiatriques dépendaient du type de substances, mais également de la gravité de l’usage (ex., abus vs dépendance) et des catégories de troubles psychiatriques considérées [4]. Malgré ces indications, et les résultats de nombreuses études épidémiologiques ayant démontré la fréquence élevée des polyconsommations chez les sujets dépendants, ces travaux ne discriminent pas toujours clairement la substance principalement consommée. Deux études françaises ont rendu compte des prévalences de comorbidité chez des adultes usagers de cannabis vus en consultations spécialisées, et ont confirmé la forte représentation des troubles de l’humeur et anxieux [6], [7]. Malgré ces connaissances acquises chez l’adulte, nous avons observé que seules deux études étrangères [8], [9], conduites en population générale, s’étaient intéressées spécifiquement à l’évaluation des comorbidités psychiatriques chez des adolescents et des jeunes adultes dépendants au cannabis. De plus, à notre connaissance, la proportion de diagnostics psychiatriques chez des adolescents dépendants au cannabis consultants n’a encore jamais été comparée à celle de sujets témoins tous venants issus de la population générale. Ainsi, nos objectifs étaient de déterminer les comorbidités psychiatriques associées à la dépendance au cannabis chez des adolescents et des jeunes adultes consultants comparativement à des témoins issus de la population générale, d’inscrire nos analyses dans une approche développementale prenant en compte le genre et l’âge des participants, et d’étudier les liens entre les diagnostics psychiatriques et les indicateurs de consommation de substances psychoactives.
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Participants
L’échantillon clinique comportait 100 patients (dont 80 hommes), dépendants au cannabis (critères DSM-IV), consultant pour leur usage problématique de cannabis (âge moyen et étendue : 18,2 (ET = 2,9 ; [14–25] ans)). Ils ont été recrutés à Paris au Centre émergence, à l’ECIMUD de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, ainsi qu’au CEDAT de Mantes la Jolie (Yvelines). La répartition des derniers niveaux scolaires était : CAP/BEP = 19,6 %, collège = 12,4 %, lycée général et technique = 48,5 % et enseignement
Données descriptives sur la consommation de cannabis, d’alcool, de tabac et d’autres substances illicites des patients
La majorité des patients (80,8 %) consommaient du cannabis quotidiennement depuis en moyenne plus de 40 mois (Tableau 1). Leur consommation actuelle était en moyenne de plus de 5 joints par jour, et 69 % déclaraient consommer du cannabis essentiellement quand ils étaient seuls.
Concernant l’alcool, la grande disparité des fréquences de consommation indique que certains patients en consommaient moins d’une fois par mois, mais que d’autres buvaient très régulièrement. Les données relatives au
Discussion
Les analyses ont mis en évidence que la prévalence de patients présentant un diagnostic comorbide de l’axe I du DSM-IV, qu’il soit actuel ou vie entière, était particulièrement élevée : 79 % des participants de notre échantillon clinique présentaient au moins un autre diagnostic associé à celui de dépendance au cannabis contre 30,5 % des témoins. Au-delà de la différence intergroupe très fortement significative, les analyses par régression ont par ailleurs mis en évidence que le fait de
Conclusion
Quelle que soit la perspective étiologique, sur un plan clinique, l’effet cumulatif des différents troubles psychiatriques ne peut qu’être considéré comme un facteur négatif en regard du fonctionnement de l’individu [20]. La fréquence et la sévérité de la symptomatologie dépressive sont particulièrement inquiétantes en regard notamment du risque de récurrence des épisodes dépressifs majeurs [24]. Par ailleurs, la sévérité d’un trouble psychiatrique comorbide constitue un facteur négatif de
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
Références (27)
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Sociologie et épidémiologie des consommations de substances psychoactives de l’adolescent
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Facteurs sociodémographiques, conduites addictives et comorbidité psychiatrique des usagers de cannabis vus en consultation spécialisée
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Comorbidités chez 207 usagers de cannabis en consultation jeunes consommateurs
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Une intervention motivationnelle pour les consommateurs de cannabis souffrant de psychose
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Cannabis et psychose : recherche d’un lien de causalité à partir d’une revue critique systématique de la littérature
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