Elsevier

L'Encéphale

Volume 43, Issue 5, October 2017, Pages 457-463
L'Encéphale

Revue de la littérature
Stimulation cérébrale non invasive dans le traitement du trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité : une revue de la littératureNoninvasive cerebral stimulation for treatment of ADHD: A review of the literature

https://doi.org/10.1016/j.encep.2016.08.011Get rights and content

Résumé

La prise en charge actuelle du trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDA/H) repose principalement sur la pharmacothérapie. Le méthylphénidate est le psychostimulant ayant l’AMM en France chez l’enfant et l’adolescent (mais pas chez l’adulte). Dans le cas d’une réponse incomplète au méthylphénidate, de contre-indications, d’une mauvaise tolérance faisant nécessiter une diminution des posologies ou un arrêt du traitement, de refus du traitement ou chez l’adulte, des alternatives thérapeutiques doivent être mises en place. Les alternatives utilisées jusqu’à présent, principalement de type éducation thérapeutique et remédiation cognitive, ne permettent pas d’atteindre les réponses thérapeutiques obtenues par le méthylphénidate. Dans ce contexte, les techniques de stimulation cérébrale non invasives ont été envisagées comme thérapeutique du TDA/H. Nous avons réalisé en février 2016 une recherche des études explorant l’utilisation de la stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS) et de la transcranial direct current stimulation (tDCS) dans la prise en charge du TDA/H. Les publications ont été recensées à partir de la base de données électronique Pubmed grâce à une équation de recherche associant les termes Medical Subject Headings (Mesh) suivants : « attention-deficit disorder with hyperactivity » et « transcranial magnetic stimulation » pour la rTMS et « attention-deficit disorder with hyperactivity » et « transcranial direct current stimulation » pour la tDCS. Suivant nos critères d’inclusion, cinq études ont été retenues sur la rTMS et quatre sur le tDCS. La rTMS a été utilisée avec une efficacité significative dans quatre des cinq études. Elle pourrait s’envisager en complément du traitement médicamenteux chez les patients ayant des symptômes persistants ou des altérations cognitives associées ou bien en traitement de deuxième intention chez ceux présentant une mauvaise tolérance ou une inefficacité des psychostimulants. La tDCS a été utilisée avec une efficacité significative dans trois des quatre études. La tDCS pourrait s’avérer utile pour améliorer les altérations cognitives de certains patients, utilisée seule ou en association avec des techniques de remédiation cognitive. Cependant des études d’efficacité supplémentaires sont nécessaires pour asseoir le niveau de preuve de la rTMS et de la tDCS dans le TDA/H ainsi que leurs places dans les stratégies thérapeutiques actuelles.

Abstract

Objectives

The aim of this review is to summarize the available data in the literature about the therapeutic applications of transcranial magnetic stimulation and transcranial direct current stimulation in attention-deficit hyperactivity disorder (ADHD).

Method

The scientific literature search of international articles was performed in February 2016 using the PubMed electronic database. The following MeSH terms were employed: “attention-deficit disorder with hyperactivity” AND “transcranial magnetic stimulation”, “attention-deficit disorder with hyperactivity” AND “transcranial direct current stimulation”.

Results

Five studies were retained by the literature search and were included in the review about rTMS and ADHD. Except for one study, they all showed significant positive effects of rTMS on ADHD. Four studies were retained by the literature search and were included in the review about tDCS and ADHD. Three of them showed significant positive effects of tDCS on ADHD. Two of them used tDCS during sleep at a frequency < 1 Hz. Only low-level evidences are available to support treatment with rTMS or tDCS in patients with ADHD. Indeed, randomized controlled trials are rare in this field of research.

Conclusion

Additional studies are needed to confirm the efficacy of rTMS and tDCS in ADHD. rTMS could be used as an alternative therapy when methylphenidate is not well tolerated or shows an insufficient efficacy. Nevertheless, the optimal target, frequency and duration remain to be determined. tDCS can modulate attention in healthy subjects but data are insufficient in ADHD to conclude. It could be interesting to study its use in association with cognitive remediation to enhance its cognitive efficacy.

Introduction

Le trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) est un trouble neurodéveloppemental pouvant concerner l’enfant, l’adolescent, et l’adulte. Sa prévalence est de l’ordre de 3 à 10 % des enfants, et de 3 à 5 % des adultes [1], [2]. En France, la prévalence est estimée entre 3,5 % et 5,6 % chez les enfants et à 2,99 % chez les adultes [3]. Le TDA/H est hétérogène dans sa présentation clinique. Il associe à des degrés divers des symptômes d’inattention et/ou d’hyperactivité/impulsivité occasionnant un retentissement sur le fonctionnement social, scolaire/professionnel [4].

La prise en charge consiste essentiellement en la pharmacothérapie. Le méthylphénidate est le psychostimulant ayant l’AMM en France chez l’enfant et l’adolescent. Le méthylphénidate n’a pas l’AMM chez l’adulte. Environ 80 % des enfants répondent au traitement par méthylphénidate. Les contre-indications principales sont un glaucome, une HTA sévère pharmacorésistante ou une insuffisance cardiaque sévères préexistante, un trouble de l’humeur non traité ou mal stabilisé et enfin l’association à un traitement par IMAO. Les effets secondaires les plus fréquents entraînant parfois une mauvaise tolérance sont l’insomnie, les céphalées, les douleurs abdominales, la nervosité et la diminution de l’appétit. Par ailleurs, le méthylphénidate fait parfois l’objet de représentations négatives limitant son accès auprès de certaines populations [5]. Dans le cas d’une réponse incomplète au méthylphénidate, de contre-indications, d’une mauvaise tolérance faisant nécessiter une diminution des posologies ou un arrêt du traitement, de refus de ce traitement ou chez l’adulte, des alternatives thérapeutiques doivent être mises en place. Des techniques d’éducation thérapeutique, remédiation cognitive [6] ou de neurofeedback [7] ont été proposées mais bien que très prometteuses, peuvent parfois manquer d’efficacité n’atteignant en tout cas pas le niveau d’efficacité du méthylphénidate. Ainsi, de nouvelles stratégies thérapeutiques sont nécessaires dans le TDA/H.

Les connaissances actuelles suggèrent que le TDA/H serait sous-tendu par une dysrégulation des systèmes catécholaminergiques (en particulier dopaminergique) et par des anomalies fonctionnelles et structurelles de réseaux intracorticaux ou fronto-sous corticaux [8]. En neuro-imagerie, des hypoactivations de plusieurs régions cérébrales, notamment frontales mais pouvant impliquer des réseaux cérébraux plus larges, ont été mises en lien avec la symptomatologie et les altérations cognitives du TDA/H [9]. Ainsi, des réseaux cérébraux différents seraient mis en jeu selon la dimension symptomatologique du TDA/H. Pour la symptomatologie attentionnelle des anomalies dans le réseau impliquant le cortex préfrontal dorsolatéral (CPFDL) et le cortex cingulaire antérieur seraient retrouvées [8]. Ces anomalies sont également reliées aux altérations cognitives que l’on peut retrouver dans le TDA/H, principalement les fonctions attentionnelles (attention sélective, attention soutenue et mémoire de travail) et exécutives (planification et inhibition) [10]. Pour la symptomatologie hyperactive des anomalies dans le réseau impliquant l’aire motrice supplémentaire (AMS) et le CPFDL seraient retrouvées [8]. En électrophysiologie, les études utilisant la TMS comme outil d’évaluation de l’excitabilité corticale en la couplant soit à l’EMG [11], [12], [13] soit à l’EEG [14] ont retrouvé chez des enfants et adultes atteints de TDA/H un déficit d’inhibition corticale. Ces déficits d’inhibition corticale seraient un marqueur des altérations cognitives retrouvées dans le TDA/H [15], [16].

La stimulation magnétique transcrânienne (TMS) repose sur les principes de l’induction électromagnétique. La production d’un champ magnétique bref et puissant au contact du scalp entraîne une dépolarisation des neurones et un potentiel d’action. En stimulations répétitives (rTMS), le sens de l’effet obtenu sur l’excitabilité corticale, facilitateur ou inhibiteur, dépendrait de la fréquence de stimulation mais également de l’état d’excitabilité corticale au moment de la stimulation. Dans le cadre des troubles psychiatriques, les études en rTMS ont porté essentiellement sur le trouble dépressif caractérisé. Il a été montré des effets de la rTMS appliquée sur le cortex frontal similaires à ceux induits par la D-amphétamine avec une augmentation des concentrations striatales de dopamine et des concentrations de glutamate dans le cortex cingulaire antérieur [17]. Ainsi, dans le TDA/H, la rTMS appliquée sur le cortex frontal, pourrait corriger la déplétion dopaminergique par relargage de dopamine endogène dans le striatum [18]. La rTMS agirait donc de façon privilégiée sur les systèmes catécholaminergiques, et appliquée en regard du CPFDL ou de l’AMS pourrait moduler l’état d’activation de ces structures et permettre d’améliorer le fonctionnement de ces réseaux impliqués dans la physiopathologie du TDA/H. Par ailleurs, ce bénéfice pourrait perdurer dans le temps par l’effet de la rTMS sur la neuroplasticité [13].

La tDCS est une technique de neuromodulation corticale non invasive, consistant en l’application d’un courant continu de faible intensité à la surface du crâne d’un patient. Il a été montré des effets modulateurs sur la neuroplasticité cérébrale variant selon la polarisation du courant utilisé. La stimulation par une anode augmente l’excitabilité du cortex sous-jacent, tandis que la stimulation par une cathode diminue l’excitabilité [17]. La tDCS peut être appliquée en état de veille ou en état de sommeil. Chez les sujets sains l’application de la tDCS en état de veille permet une amélioration des fonctions cognitives, notamment de l’attention [19], en particulier la vigilance dans des tâches d’attention soutenue [20], mais également la mémoire de travail [21]. Concernant la mémoire, chez les sujets sains l’application de la tDCS pendant le sommeil appelé aussi slow oscillation-tDCS (so-tDCS) ou transcranial oscillating direct current stimulation (to-DCS) permet d’augmenter l’intensité des ondes lentes et favoriserait ainsi la consolidation mnésique [22], [23]. L’ensemble de ces fonctions cognitives étant potentiellement altérées dans le TDA/H, il semble légitime de proposer la tDCS dans ce trouble psychiatrique.

Ainsi, les modifications corticales que pourraient induire la rTMS ou la tDCS contribuent à les envisager comme une thérapeutique intéressante dans le TDA/H. La rTMS pourrait agir sur la symptomatologie clinique attentionnelle ou hyperactive du TDA/H [17] mais également sur les altérations cognitives attentionnelles ou exécutives [15], [16]. La tDCS, appliquée en veille ou pendant le sommeil pourrait être utilisée sur les altérations cognitives des fonctions attentionnelles, exécutives ou mnésiques. Malgré des utilisations thérapeutiques prometteuses de ces techniques de stimulation cérébrale non invasive dans de nombreux troubles psychiatriques [4], [6] leurs utilisations dans le TDA/H restent limitées. De plus, malgré des résultats encourageants dans le TDA/H, les études évaluant l’efficacité de la stimulation cérébrale non invasive ne sont pas nombreuses et la méthodologie reste hétérogène. Ainsi, la réalisation d’un travail de revue de la littérature internationale est nécessaire. L’objectif de ce travail est donc de réaliser une revue de la littérature sur l’application de la rTMS et de la tDCS dans le TDA/H, afin de déterminer dans quelle mesure ces techniques pourraient avoir des applications thérapeutiques dans la prise en charge des patients avec TDA/H.

Section snippets

Méthodes

Nous avons réalisé en février 2016 une recherche des études concernant l’utilisation thérapeutique de la rTMS ou de la tDCS dans le TDA/H. Les publications étaient issues de la littérature internationale. Elles ont été recensées à partir de la base électronique PubMed grâce à une recherche associant les termes Medical Subject Headings (Mesh) suivant : « attention-deficit disorder with hyperactivity » AND (« transcranial magnetic stimulation » OR « transcranial direct current stimulation »).

rTMS et TDA/H

Soixante-quinze occurrences ont été identifiées. Cinq articles qui n’étaient pas rédigés en anglais ont été exclus, aucun de ces articles ne concernaient l’évaluation clinique de l’application thérapeutique de la rTMS dans le TDA/H. Trente-neuf études abordaient les apports de la TMS utilisée à visée exploratoire dans le TDA/H afin de décrire les caractéristiques électrophysiologiques de ce trouble ou l’effet des traitements sur ces mesures. Vingt-deux s’intéressaient à la rTMS dans d’autres

Discussion

Les résultats de cette revue de la littérature montrent que la rTMS peut présenter un intérêt thérapeutique pour la prise en charge du TDA/H. Trois études ont été pratiquées chez des adultes exclusivement, une incluant des jeunes adultes et des adolescents et une seule étude a été réalisée chez les enfants. Les sites de stimulation choisis étaient le CPFDL, droit dans trois études, gauche pour une, et l’AMS dans une étude. Toutes les études ayant choisi le CPFDL droit comme site de stimulation

Conclusion

Cette revue de la littérature souligne que les outils de stimulation non invasive, rTMS ou tDCS, sont très bien tolérés chez l’enfant que chez l’adulte avec TDA/H. Cependant des études d’efficacité supplémentaires seront nécessaires pour asseoir le niveau de preuve de leur utilisation et leur place dans les stratégies thérapeutiques actuelles. Par ailleurs, rTMS et tDCS dans le TDA/H soulignent l’intérêt d’une approche dimensionnelle dans la prise en charge thérapeutique innovante du TDA/H afin

Déclaration de liens d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références (36)

  • R.C. Kessler et al.

    The prevalence and correlates of adult ADHD in the United States: results from the National Comorbidity Survey Replication

    Am J Psychiatry

    (2006)
  • M. Lecendreux et al.

    Prevalence of attention-deficit hyperactivity disorder and associated features among children in France

    J Attent Disord

    (2011)
  • J. Graham et al.

    European guidelines on managing adverse effects of medication for ADHD

    Eur Child Adolesc Psychiatry

    (2010)
  • R. Vidal-Estrada et al.

    Psychological treatment of attention-deficit hyperactivity disorder in adults: a systematic review

    Actas Esp Psiquiatr

    (2012)
  • J.-A. Micoulaud Franchi et al.

    EEG neurofeedback treatments in children with ADHD: an updated meta-analysis of randomized controlled trials

    Front Hum Neurosci

    (2014)
  • N. Makris et al.

    Towards conceptualizing a neural systems-based anatomy of attention-deficit/hyperactivity disorder

    Dev Neurosci

    (2009)
  • A.F. Arnsten

    Fundamentals of attention-deficit/hyperactivity disorder: circuits and pathways

    J Clin Psychiatry

    (2006)
  • Cited by (0)

    View full text