Article original/Original articleVers une nouvelle déclinaison de la neurophysiologie clinique en psychiatrie : le neurofeedback par imagerie par résonance magnétique fonctionnelle appliqué aux dysfonctions des processus émotionnelsTowards a new approach of neurophysiology in clinical psychiatry: Functional magnetic resonance imaging neurofeedback applied to emotional dysfunctions
Introduction
L’efficacité des thérapeutiques psychiatriques est traditionnellement évaluée sur des critères cliniques plutôt que neurophysiologiques. Pourtant, il très probable qu’une connaissance plus approfondie des changements neurophysiologiques accompagnant l’effet des thérapies pourrait être très utile [44]. Ainsi, si l’on pouvait identifier des patterns neurophysiologiques sous-tendant certains symptômes ou troubles psychiatriques, et si ces patterns se normalisaient après une thérapeutique, alors on pourrait utiliser cette connaissance pour développer de nouveaux traitements ciblant spécifiquement des anomalies fonctionnelles de certains réseaux neuronaux. Pour aller plus loin, on pourrait également cibler ces activités de réseaux directement par neurofeedback. Le neurofeedback est en effet un dispositif permettant au sujet de réguler par lui-même sa propre activité cérébrale. Cette technique peut être considérée dans certaines pathologies comme un moyen psychothérapeutique adjuvant pouvant favoriser une amélioration symptomatique [44], [77].
Les émotions et leurs dysfonctionnements occupant une place importante dans les recherches actuelles en neurosciences sur la symptomatologie et la psychopathologie de la majorité des troubles mentaux, nous nous proposons de faire ici une revue de la littérature centrée sur la possibilité de réaliser une régulation, par le biais du neurofeedback (NF), d’activités de régions cérébrales situées dans les réseaux impliqués dans les émotions. Nous ferons la revue de la littérature des nouvelles techniques de neurofeedback par imagerie par résonance magnétique fonctionnelle du proton (NF IRMf), qui pourraient être complémentaires du plus traditionnel neurofeedback par électroencéphalographie (NF EEG), et permettre d’envisager un renouveau de cette technique en psychiatrie [37], [38], [72], [34]. Nous commencerons par décrire les principes techniques du NF afin de comparer les apports du NF IRMf aux NF EEG. Puis nous ferons un bref rappel de ce que l’IRMf a permis d’apporter dans la compréhension de la régulation des émotions, afin de mieux comprendre le choix des régions d’intérêt (RI) dans les protocoles de régulation émotionnelle par NF IRMf et de pouvoir envisager les implications thérapeutiques possibles dans le domaine des troubles dépressifs et anxieux. Enfin, nous analyserons les conséquences épistémologiques du neurofeedback. Cette technique inattendue de neurophysiologie humaine ouvre en effet de nouvelles perspectives sur le lien entre le sujet, ses activités cognitives et émotionnelles, et ses activités neurophysiologiques cérébrales.
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Principe général du neurofeedback
Les techniques de biofeedback sont des procédures de conditionnement opérant permettant l’apprentissage, par un sujet, de la régulation d’une fonction physiologique qui, normalement, n’est ni perçue ni contrôlée consciemment [56]. Dans ce type de protocole, un paramètre physiologique relatif à cette fonction est mesuré et traité par une interface technique afin de fournir au sujet une information continue et en temps réel (« feedback »), le plus souvent sous forme visuelle ou auditive, lui
IRM fonctionnelle et régulation des émotions en psychiatrie
L’IRMf a apporté de nombreuses informations sur la régulation des émotions et la physiopathologie de certains troubles psychiatriques. Notre but n’est évidemment pas ici de réaliser une revue exhaustive de la littérature sur cet apport de l’IRMf (pour revue : [73], [27], [24]). Nous centrerons cette partie sur les troubles de l’humeur et les troubles anxieux qui sont les pathologies les plus souvent évoquées dans les perspectives thérapeutiques psychiatriques de l’application du NF IRMf. Malgré
Les approches classiques et la validité ad hoc
Nous disposons de deux approches classiques en neurosciences pour étudier l’interaction entre le fonctionnement cognitif ou émotionnel et l’activité cérébrale [83], [81]. La première approche historique, que nous qualifierons de « neuropsychologie », a consisté à observer les conséquences cognitives ou émotionnelles comme des variables dépendantes (VD) de lésions ou stimulations cérébrales (variables indépendantes [VI]). La deuxième approche (classique en IRMf [77], [90]), moins invasive et
Conclusion : le sujet et la neurophysiologie
La régulation émotionnelle est un processus essentiel et subtil permettant de donner une couleur spécifique et singulière aux cognitions, réactions et comportements propres à un sujet. L’IRMf a joué et joue un grand rôle dans l’étude de la neurophysiologie de la génération et de la régulation des émotions. Des patterns neurophysiologiques anormaux ont été mis en évidence dans certains troubles psychiatriques et les protocoles récents de NF IRMf permettent d’envisager la régulation par le sujet
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Remerciements
Michel Bitbol pour la discussion épistémologique/phénoménologique, et Clélia Quiles, Pierre Lazerges et Sébastien Tassy pour les perspectives thérapeutiques psychiatriques.
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