Article original/Original articleComment ce que disent les patients peut nous renseigner sur leurs crises non épileptiques psychogènesWhat the patient's history tells us about their nonepileptic seizures
Introduction
Les crises non épileptiques psychogènes (CNEP) peuvent ressembler à des crises épileptiques mais ne sont pas associées à une activité électrique anormale « épileptiforme » dans le cerveau. D’une manière générale, ce sont des épisodes paroxystiques de perte de conscience associée à des symptômes et des signes variés, depuis des manifestations motrices et sensorielles, jusqu’à des manifestations psychologiques et comportementales anormales [30]. La grande majorité des CNEP sont considérées comme échappant au contrôle volontaire. Dans le DSM-IV, elles font partie des « troubles somatoformes » et sont plus précisément dénommées « troubles de conversion avec crises épileptiques ou convulsions », ce qui constitue une appellation ambiguë et génératrice de confusion, puisqu’il ne s’agit justement pas de crises épileptiques [1]. Dans la CIM-10, les CNEP font partie des troubles dissociatifs [51], ce qui peut les rapprocher d’un équivalent d’un syndrome de répétition traumatique caractérisé par un trouble dissociatif récurrent [2], [3]. Pour une mise au point en français sur les troubles dissociatifs, voir [22]. Les CNEP ne sont pas des troubles factices [1], [51].
L’étiologie des CNEP est complexe. Aucun facteur étiologique nécessaire et suffisant n’a été identifié. Bien qu’il existe des facteurs communs, de très nombreux facteurs de risques peuvent, chez un patient donné, prédisposer à l’apparition de CNEP, déclencher la première crise et entretenir le trouble après la première crise [9], [35]. Il existe cependant des facteurs de risque plus fréquemment associés aux CNEP, à savoir, parmi les facteurs prédisposants, l’abus sexuel dans l’enfance et, parmi les facteurs déclencheurs, une maladie intercurrente entraînant une expérience de perte de conscience ou de contrôle de soi [10].
Suite aux développements récents, dans tous les domaines de la médecine, de notre compréhension des liens intimes et bidirectionnels entre le bien-être physique, les émotions et l’expérience subjective [23], on peut raisonnablement considérer que la division dualiste entre les maladies du corps « somatiques » et les troubles mentaux « psychiatriques » est maintenant dépassée [17]. La pensée dualiste est remplacée par un modèle biopsychosocial qui postule que les expériences que fait un sujet entraînent des changements physiques dans son cerveau modifiant en retour ses expériences futures ainsi que ses relations avec les autres [31]. Le fait que le traitement des CNEP, en l’absence de comorbidité dépressive ou anxieuse, relève davantage d’approches « psychologiques » (psychothérapies) que « somatiques » (médicaments) ne signifie évidemment pas que ces troubles n’ont pas de bases « physiques » dans le cerveau [32]. Effectivement, bien que leur étiologie reste largement inconnue, les CNEP sont très probablement associées à des modifications neurobiologiques.
Cet article sera divisé en trois parties :
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sa 1re partie résume un certain nombre d’études qui ont fourni de nouvelles connaissances sur les fondements neurobiologiques des CNEP, complétant en français notre dernière revue de 2009 [31] ;
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sa 2e partie décrit les conclusions des études dans lesquelles des techniques sociolinguistiques microanalytiques [46], [16], [49], [41], [18] ont été utilisées pour décrire et analyser le comportement communicationnel des patients souffrant de CNEP au cours d’entretiens médicaux portant sur leurs crises. Nous allons montrer que, bien que ces études aient été initialement déployées pour aider au diagnostic différentiel entre les CNEP et l’épilepsie, les différences en termes de caractéristiques interactionnelles, linguistiques et de contenus catégoriels trouvées entre les deux troubles nous informent également sur les facteurs mis en jeux dans les CNEP ;
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dans la 3e partie de cet article, nous utiliserons les transcriptions d’une première consultation entre un patient et un neurologue pour illustrer le fait que l’analyse des caractéristiques interactionnelles, linguistiques et des contenus catégoriels propres à la façon de parler de ses crises pour un patient donné peuvent aider le médecin ou le thérapeute à comprendre les CNEP d’un patient individuel. L’idée selon laquelle l’analyse approfondie du langage et de sa dynamique interactionnelle pourrait ouvrir une fenêtre sur les processus psychodynamiques n’est d’ailleurs pas nouvelle et a déjà été utilisée chez des patients présentant d’autres « troubles mentaux » [15], [11].
Section snippets
Partie 1 : données récentes concernant la compréhension biopsychosociale des CNEP
Plusieurs études ont montré que les patients souffrant de CNEP présentent des modifications du traitement cognitif des émotions. Prigatano et Kirlin ont ainsi montré que les patients souffrant de CNEP avaient une performance moins bonne que celle des patients souffrant d’épilepsie pour les tâches de perception et d’expression des émotions, tandis qu’il n’y avait pas de différences significatives entre les performances de ces deux groupes de patients à d’autres tests neuropsychologiques [29].
Premières études
Devant les difficultés que représente la nécessité d’un diagnostic rapide et précis de CNEP [33] et les réflexions cliniques de certains neurologues indiquant que les entretiens avec des patients souffrant de CNEP sont parfois plus difficiles qu’avec les patients souffrant d’épilepsie, un groupe de recherche multidisciplinaire de l’université de Bielefeld et du Bethel Epilepsy Center en Allemagne a cherché à savoir si l’analyse linguistique approfondie des entretiens cliniques entre les
La signification des observations sociolinguistiques chez une patiente : « Sue »
Les études linguistiques ne fournissent pas seulement des indices sur l’étiologie des CNEP en général, mais peuvent aussi nous aider à comprendre les CNEP chez un patient particulier. Nous avions notamment montré dans une étude de cas comparant un entretien d’un patient souffrant d’épilepsie avec celui d’un patient souffrant de CNEP, comment le comportement interactionnel du patient avec CNEP est caractérisé par un certain évitement tout au long de son entretien avec le médecin [24]. Dans cet
Conclusion
Les CNEP sont un trouble sémiologiquement et étiologiquement hétérogène [31], elles sont caractérisées par quelques grands sous-groupes différents [37], [50]. Les recherches récentes par entretiens sur les vécus des patients et des recherches plus expérimentales ont permis d’augmenter nos connaissances sur les CNEP. Ainsi, les CNEP seraient souvent associées à des anomalies de la régulation émotionnelle qui seraient probablement une dimension importante pour expliquer le déclenchement d’une
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Remerciements
Nous remercions Ulrich Krafft pour son aide lors de la préparation du manuscrit et le Dr. Martin Schöndienst pour sa contribution à l’interprétation linguistique.
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The use of coping strategies in chronic low back pain patients: relationship to patient characteristics and current adjustment
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Emotion regulation profiles in psychogenic non-epileptic seizures
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Trauma, stress and preconscious threat processing in patients with psychogenic non-epileptic seizures
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2022, Pratique Neurologique - FMCPsychogenic non-epileptic seizures: Chronology of multidisciplinary team approach to diagnosis and management
2022, Revue NeurologiqueCitation Excerpt :Generally speaking, alteration of consciousness in PNES mainly reflects content of consciousness with globally preserved level of consciousness [45]. Patients’ narrative descriptions of PNES have been shown to differ from descriptions of epileptic seizures: patients with PNES more often describe their seizure as a “place where they go” and cannot easily come back from [46]. Whatever the nature of alteration of consciousness in PNES, it appears to play a protective role against overwhelming emotions and explaining this process to the patient can help them understand the experience of their seizures.
Differentiating PNES from epileptic seizures using conversational analysis on French patients: A prospective blinded study
2020, Epilepsy and BehaviorCitation Excerpt :The terms “crise” (seizure), “trou noir” (memory lapse), and “malaise” (blackout) were counted in a patient's interview [8,14]. Raters also quantified metaphors used by patients to describe their seizures and classified them according to three previously established categories: “the seizure is an AGENT/FORCE”, “the seizure is an EVENT/SITUATION”, and “the seizure is a PLACE/SPACE” [8,15–17]. This study was validated by the clinical research support ethics group (ERERC, Espace de Réflexion Ethique Région Centre-Val de Loire, France).