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La figure d'Alexandre chez les Arabes et sa genèse

Published online by Cambridge University Press:  24 October 2008

Mario Grignaschi
Affiliation:
Via Nazionale 12, Trieste-Opicina 34016, Italy

Abstract

The article describes several representations of Alexander the Great which were current in medieval Arabic learned circles and proposes some ideas on the genesis of these representations in the Greek and Syriac civilizations: 1) Alexander as moralist; 2) Alexander as a mystical philosopher who knew the mysterious links governing the cosmos; 3) Alexander as a monotheist philosopher who was charged with responsibility for the Ğihād; 4) Alexander as a cunning politician.

L'article examine les figures d'Alexandre le Grand dans la culture arabe médiévale et leur genèse en milieu grec et syriaque: 1) Alexandre moraliste; 2) Alexandre, philosophe illuminé connaissant les liens mystérieux régissant le cosmos; 3) Alexandre, philosophe monothéiste chargé de conduire le Ğihad; 4) Alexandre, politicien rusé.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Cambridge University Press 1993

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References

1 Nous pensons en particular au MS Vaticanus Arabus 523 du XVIe siècle sans titre qui, à en croire son introduction, aurait été composé par Aristote à l'intention d'Alexandre au moment de son départ pour l'Orient. Les trente chapitres de cet apocryphe, qui n'a rien en commun avec le Secretum Secretorum, exposent les qualités morales et militaires nécessaires à un conquérant et, tout comme les Taktika du Bas-Empire, détaillent les précautions à pendre pendant les marches et dans le choix des campements. Nous citerons aussi le Kitāb al-ḥurub wa al-ḥiyal [Bibl. Süleymaniye, Aya Sofya 2875 et Topkapi Sarayi 7418 (Ahmet III 3469)], un livre qui aurait fait partie de la bibliothèque d'Alexandre. Son auteur prétendait l'avoir traduit du grec. En réalité, il a utilisé surtout al-Siyāsa al-'āmmiyya, mais certains chapitres, par exemple la description des miroirs ardents et les longues sections sur la poliorcétique, peuvent remonter à des textes grecs. Libanius dans une declamatio, dont les fragments ont été publiés par Boissonade, J. F. [Anecdota Graeca e codicibus regiis descripsit annotatione illustravit, 5 vol. (Paris, 18291833), vol. I, p. 172], croy ait que c'était grâce aux inventions et aux conseils d'Aristote qu'Alexandre avait remporté la victoire dans ses batailles et dans ses siéges. On trouvera, dans le cours de l'article, la référence des autres textes évoqués dans le paragraphe introductif.Google Scholar

2 Un texto árabe occidental de la Leyenda de Alejandro, segùn el manuscrito ár. XXVII de la Biblioteca de la Junta para ampliación de estudios, edición, traducción española y estudio preliminar por Emilio García Gómez (Madrid, 1929), pp. LVI–LVIII.

3 van Theil, Helmuth, Die Rezension λ des Pseudo-Kallisthenes (Bonn, 1959).Google Scholar

4 Sternbach, Leo, “De Gnomologio Vaticano inedito,” Wiener Studien. Zeitschrift für classische Philologie, 9 (1887): 175206Google Scholar; ibid., 10 (1888): 1–49, 211–60; ibid., 11 (1889): 43–64, 192–242.

5 Wachsmuth, C., “De gnomologio Palatino inedito,” dans Satura Philologa, Hermanno Sauppio obtulit amicorum conlegarum decas (Berlin, 1879): 742, pp. 23 (no. 62) et 31 (no. 122).Google Scholar

6 Arsenii Violetum, ex codd. MSS. nunc primum edidit, animadversionibus instruxit et alia quaedam inedita adjecit Christianus Walz (Stuttgart, 1832), pp. 93, 26–94,2; 94, 5–7.

7 Éd. Th. Gaisford, 4 vol. (Oxonii, 1822).

8 Patrologiae cursus completus…, éd. Migne, J.-P., Series Graeca, 161 vol. (Paris, 18571866), vol. 136.Google Scholar

9 Ibid., vol. 91.

10 Wachsmuth, De Gnomologio, p. 12.

11 Arsenii Violetum, pp. 496, 498; repris dans Ioannis Stobaei Florilegium, recognovit Meineke, A. (Leipzig, 1857), vol. IV, Appendix, pp. 270, no. 40; 272, no. 73.Google Scholar

12 Wachsmuth, De Gnomologio, pp. 23 (no. 62) et 31 (no. 122).

13 Arsenii Violetum, pp. 210–11, n. 94.

14 Hunain ibn Ishâq, Adâb al-falâsifa (Sentences des philosophes), Abréviation par Moham. Ben Alie Ben Ibrahim, Édition critique, notes et introduction par ʽA. Badawi, Publications de l'Institut des Manuscrits Arabes (Koweit, 1985), pp. 87–91.

15 The Muntakhab Siwān al-hikmah of Abū Sulaimān as-Sijistānī, éd. Dunlop, D.M., Near and Middle East Monographs 4 (La Haye, Paris et New York, 1979), §§ indiqués dans l'index (p. 182, s.v. “Alexander the Great”), plus particulièrement §§ 70–7.CrossRefGoogle Scholar

16 Hindū, Abū al-Farağ b., al-Kalim al-rūhāniyya fī al-ḥikam al-yūnāniyya, éd. al-Dimašqi, Musṭafā al-Qabbānī (Le Caire, 1900), pp. 91–4.Google Scholar

17 Abū al-Wafā' al-Mubaŝŝir b. Fātik, Muhtār al-ḥikam wa maḥāsin al-kalim (Los bocados de oro), éd. ' A. Badawi (Madrid, 1958), pp. 243–51.

18 Merkelbach, Voir R., Die Quellen des griechischen Alexanderromans, Zetemata 9 (Munich, 1954).Google Scholar On se référera à cet ouvrage pour tout ce qui concerne la structure du Roman grec et de ses différentes rédactions. A côté de ce recueil, d'autres lettres apocryphes qui exaltaient le rôle d'Aristote circulaient dans le monde classique. Il nous suffira de mentionner la lettre de Philippe à Aristote conservée dans les Nuits attiques d'Aulu-Gelle et celles que Didot a publiées dans son tome Les Épistolographes grecs [Epistolographi Graeci, éd. Hercher, R. (Paris, 1873), LXXXVI843 p.].Google Scholar

19 Pfīster, D'après F. [“Das Nachleben der Ueberlieferung von Alexander und der Brachmanen,” Hermes, 76 (1941): 140–70]Google Scholar, seul le premier des cinq opuscules attribués à Palladius peut lui appartenir. Nous ne possédons que la traduction latine de la Collatio Alexandri et Dindimii. En tout cas, les Arabes connurent des traductions ou des résumés de la rencontre d'Alexandre avec les Brahmanes car al-Ta'ālibī [Histoire des rois des Perses par Aboû Manṣoûr ‘Abd al-Malik Ibn Moḥammad Ibn Ismà’îl al-Tha‘âlibî, texte arabe publié et traduit par Zotenberg, H. (Paris, 1900), pp. 421–9]Google Scholar et Firdawsī [Le livre des rois par Abou'Lkasim Firdousi publié, traduit et commenté par Mohl, J., 7 vol. (Paris, 18381878), vol. V, pp. 126–7, 132–7; 190–9]Google Scholar ont évoqué cette rencontre et cité un philosophe identifié à Kalanos par Nöldeke, Th., “Beiträge zur Geschichte des Alexanderromans,” Denkschriften der kaiserlichen Akademie der Wissenschaften, Philosophisch-Historische classe, Bd. 38 (Vienne, 1890),Google Scholar V. Abhandlung, pp. 1–56, pp. 47–8.

20 Litt.: “L'achèvement du but (recherché) dans les Annales des Rois des Perses et des Arabes.” Cet ouvrage de la fin du IXe siècle, que désormais nous appellerons la Nihāya tout court, et qui est attribué sans fondement à al-Aṣma'ī, a été conservé par quatre MSS: Cambridge Qq 255 daté 1024 H. (nous citons les feuillets de cemanuscrit); British Library Add. 23298 et Add. 18505; Gotha A 1741. Il a été étudié la premi`re fois par E.G. Browne, “Some account of the Arabic work entitled Nihāyatu'l-irab fiahbāri'l-Furswa'l-'Arab particularly of that part which treats of the Persian kings,” Journal of the Royal Asiatic Society (1900): 195–259, et nous lui avons consacré deux articles dans le Bulletin d'Études Orientales, “La Nihāyatu-l-'arab fi aḫbāri-l-Furs wa-l-'Arab (Première partie),” 22 (1969): 15–67, et “La Nihāyatu-l-'arab fi aḫbāri-l-Furs wa-l-'Arab et les Siyaru-Mulūki-l-'Ağam du Ps. Ibn al-Muqaffa',” 26 (1973): 83–184.

21 Pseudo-Callisthenes, nach der Leidener Handschrift hrsg. Meusel, von H., Jahrbücher für classische Philologie, Suppl. Bd. 5 (Leipzig, 1871): 701816.Google Scholar

22 Un extrait de cette lettre figure dans la Nithāya au fol. 78r. De plus, le copiste du MS Aya Sofya 4260 (fol. 123v) avait trouvé une autre version de cette lettre qu'il ajouta au Roman épistolaire. D'après al-Madā'inī un 'Amru b. Mas'ada l'avait récité au calife al-Ma'mūn mort en 833. Elle aurait été écrite par Aristote à la demande d'Alexandre.

23 Éd. A.D. Nock, 4 vol. (Paris, 1945–1954), vol. IV, pp. 51–4.

24 Éd. J.L. Ideler, 2 vol. (Berlin, 1841–1842), vol. I, pp. 387–96.

25 L'auteur de ce morceau était un hermétique arabe puisqu'il identifiait implicitement Hermès avec l'Idrīs du Coran.

26 “Alexander des Grosse in den Offenbarungen der Griechen, Juden, Muhammadaner und Christen,” Deutsche Akademie der Wissenschaften-Schriften der Sektion für Altertumswissenschaft, 3 (1956): 1–55.

27 Cf. Antiquités Juives, livre XI, §§ 304–45.

28 Ibid., livre II, §§ 348–9.

29 Bellum Jud. VII, 7, 4

30 Pour tout ce qui concerne les Caspiae Pylae, une dénomination qui a souvent donné lieu à des malentendus, on consultera l'article détaillé de Anderson, A.R., “Alexander at the Caspian Gate”, Transactions and Proceedings of the American Philological Association, 57 (1926): 130–63Google Scholar, et la monographie du même auteur Alexander's Gate, Gog and Magog, and the Inclosed Nations, Monographs of the Mediaeval Academy of America 5 (Cambridge Mass., 1932).Google Scholar En particulier, Anderson a eu le mérite de prouver que les Huns n'étaient pas entrés en Syrie à l'époque d'Éphraïm et que le Sermo de fine mundi ne lui appartient pas.

31 Pseudo-Callisthenis historiam fabulosam ex tribus codicibus nunc primum edidit… Müller, C. (Paris, 1846) (en appendice à l'éd. de l'Anabase d'Arrien de Dübner).Google Scholar

32 Cf. “Alexandre le Grand Juif et Chrétien,” Revue d'histoire et de philosophie religieuses, 21, fasc. 3 (1941): 178–92.

33 Cf. Donath, L., Die Alexandersage in Talmud und Midrash (Fulda, 1873), p. 21.Google Scholar

34 Pfister, F., “Ein kleiner lateinischer Text zur Episode von Gog und Magog”, Berliner Philologische Wochenschrift, 35 (1915), n° 49, col. 1549–52, col. 1550, note 1.Google Scholar

35 La “cosmographia Aethici Istri natione schita” - une indication qui peut êtreexacte, son éditeur songeait à Histrio dans la Mésie et à la page 77 du texte on lit: “Histriam… unda Histri” - a été publiée par Wuttke en 1853 et étudiée par von Gutschmidt, A., “Aethicus Hister”, dans ses Kleine Schriften, (Leipzig, 1894), vol. V, pp. 418–25.Google Scholar [Voir aussi l'article de Berger, H., “Aethicus,” dans Paulys RealEncyclopädie, vol. I, col. 697–9]Google Scholar. Il s'agit d'un livre du genre des Voyages de Jean de Mandevilie. A en juger par le nombre des manuscrits qui nous sont parvenus - le plus ancien est celui de Emmeram de 754 - ces Voyages ont été fort goütés pendant le Haut moyen âge en dépit du latin si barbare que parfois on n'arrive pas à le comprendre. Ethicus doit avoir vécu à la fin du VIe siècle ou au début du VIIe siècle. II ne parle pes des Huns mais des “Turd,” voire des “Tulchi” (une transcription du r pehivi?) et il connaissait l'existence des Pilae Chosdronicae. Cependant, à la différence de Fredegarius, Krusch, B. (éd.), Fredegarii et aliorum chronica. Vitae sanctorum, Monumenta Germaniae historica, Scriptorum rerum Merovingicarum 2 (Hannovre, 1888), Liber IV, pp. 152–4Google Scholar, Ethicus ne mentionne pas l'ouverture de ces portes par Héracius. Ce cosmographe s'intéressait de près a la figure d'Alexandre. II nous cite un oracle de la prosarcha sibylla au moment de sa naissance (chap. 82) et il nous parle de sa descente dans les abysses de la mer (chap. 36). On connaissait donc déjà au VIe siècle cat exploit d'Alexandre, que nous retrouvons dans le MS C II 38 du Pseudo-Callisthène. On retiendra ce qu'Ethicus a écrit à propos de l'acsyncitos, l'asygxytos du Pseudo-Callisthène et du Pseudo-Méthode. Pour autant que nous sachions, il s'agit de la première mention de ce bitume miraculeux qui, selon Ethicus, se trouvait seulement dans l'île Tripucia dans l'océan Boréal (chap. 36). L'emploi de ce terme grec dans les Revelationes du Pseudo-Méthode ne suffit donc pas à prouver, ainsi que le croyait Pfister, que cette apocalypse avait été écrite d'abord en grec et ensuite traduite en syriaque. Ajoutons que le récit d'Ethicus sur l'érection d'une barrière contre les peuples immondes correspond assez bien à la courte notice de la rédaction arménienne du VIe siècle [Die armenische Übersetzung der sagenhaften Alexander-biographie (Pseudo-Callisthenes) Auf ihre mutmassliche Grundlage zurückgeführt, éd. R.Raabe (Leipzig, 1896), p. 73 § 609]. Elle raconte qu'Alexandre avait fermé par des portes un passage dans les montagnes du Nord et qu'à cette occasion il avait sacriflé aux Dieux du pays. Cette version pourrait être la forme première de la légende recueillie par Ethicus. Notre cosmographe savait lui aussi qu'Alexandre avait construit un autel sur le mont Chelon, oú il avait offert des sacrifices à Dieu et il ajoute que les “vingt-deux peuples du Nord” avaient immolé des porcs à leurs Divinités pour confirmer la paix stipulée avec Alexandre.

36 The History of Alexander the Great, éd. Budge, E.A.W. (Cambridge, 1889), p. 152 de la traduction anglaise.Google Scholar

37 “Ein Alexanderbrief in den Acta Cyriaci et Julittae,” Zeitung für Kirchengeschichte, 31 (1910): 1–46.

38 Le Pseudo-Méthode annonçait que le califat aurait ceasé d'être invincible après une période de 49 ans [ Sibyllinische Texte und Forsehungen. Pseudomethodius, Adso und die tiburtinisehe Sibylle, éd. E. Sackur (Halle, a.S. 1898), pp. 67–8; 88] et qu'au bout de 60 ans un Roi romain allait exterminer les tribus arabes. Les fragments de la version syriaque publiée par F. Nau, [“Révélations et légendes. Méthodius. - Clément. - Andronicus, textes édités, traduits et annotés par F.N.,” Journal Asiatique, 11e série, 9 (1917): 415–71], une version qul a substitué les années de l'Incarnation à la chronologie de Jules l'Africain adoptée par le Pseudo-Méthode, précise même la date de la chute de l'Empire arabe: “à la fin de 694 années” (l.c. p. 435 n. 5). En tenant compte du fait que ces Revelationes qui citent la conquête arabe de la Tunisie (Africa) ne peuvent avoir été écrites avant 670 – plus probablement elles datent de la période 680–686, elles laissaient espérer aux Syriens et aux Égyptiens chrétiens une libération imminente. Vraisemblablement le Pseudo-Méthode avait été encouragé à espérer une chute prochaine du califat par les guerres civiles entre les Arabes que la mort au combat de Ḥusayn à Karbalā (octobre 680) et le décés soudain de Yazid I (novembre 683) avaient déchaînées.

Un prédécesseur du Pseudo-Méthode, la Sibylle citée dans le Gotifredi Viterbiensis Pantheon particula 24 “De omnibus Sibillis,” Monumenta Germaniae Historica, Scriptores XXII, p. 146, dont on ignore malheureusement les sources, avait été encore plus optimiste. Elle laissait espérer la fin de la domination arabe déjà à l'époque de Constant II (641–668), auquel elle promettait un règne de 122 ans. D'après cette prophétie, a la fin de ces 122 ans lea “spurcissime gentes quas Alexander rex inclusit, Goth vid. et Magoth” envahiront l'Empire romain, mais I'Empereur les détruira. Ensuite, continuait la Sibylle, cet Empereur se rendra à Jèrusalem où il déposera la couronne et les insignes de la royauté et il restituera le pouvoir à Dieu et à son Fils. On se demandera si le Pseudo-Méthode connaissait cette prophétie et s'il l'a utilisée pour le dernier chapitre de ses Revelationes.

39 “Révélations et légendes,” pp. 468–9.

40 Ce cosmographe donne une description des Turcs (chap. 32) qui correspond bien à ce que les apocalypses racontent des Huns. Ils se nourissaient de toute sorte de bêtes immondes. Il note aussi, il est vrai, qu'ils mangeaient la viande des chevaux, des chiens et des ours qu'ils chassaient et il ajoute des indications qui étaient sans doute exactes: lee Turcs ne se lavaient point, ils ne connaissaient pas le vin, le sel et le blé. Ethicus décrit dans des termes semblables les Cananei, c'est-á-dire les Cenocefali (p. 16), les Malachini, les Dafri et les Alces qui étaient ex generatione Yaphet (chap. 62). Cependant il n'affirme pas que l'antropophagie existait seulement chez les descendants de Japhet. Les montagnards du Caucase qui ne connaissaient pas l'agriculture la pratiqualent à leur tour (chap. 67). Il répète à peu près les mêmes choses à propos des Gargani (les Hyrcani) vivant entre l'Albanie et les Portae Caspiae: carnes animalium et bestiarum et cuncta abortiva et morticina cruenta in usum vescuntur (chap. 63). Mais, dans ce cas, il nous donne une explication qu'on rétiendra pour ces pratiques répugnantes: dans le pays des Gargani le blé était insuffisant et amer.

Probablement une conclusion peut être tirée des descriptions d'Ethicus même si le plus souvent elles sont fantaisistes. Quand les disettes sévissaient, les peuples des steppes se nourrissaient de toutes les bêtes impures qu'ils capturaient. Vraisemblablement c'était l'exception et non pas la régle. Mais il est compréhensible que les apocalypses n'ont retenu que les traits les plus horribles attribués par les géographes aux nations du Nord. L'on ne saurait exclure, d'ailleurs, que ces populations consommaient la viande humaine surtout quand les autres ressources faisaient défaut. Ainsi les géographes byzantins et les apocalypses nous fournissent des renseignements pour l'histoire des steppes qu'on ne saurait prendre à la lettre mais qu'il serait néanmoins imprudent d'ignorer tout à fait.

41 Cf. The life and exploits of Alexander the Great, being a series of Ethiopic texts edited from manuscripts in the British Museum and the Bibliothéque nationale, Paris, éd. E.A. Wallis Budge, 2 vol. (Londres, 1896), vol. II, pp. 38–9 de la traduction.

42 Nizami, , Das Alexanderbuch, Iskandarname, Übertragung aus dem Persischen, Nachwort und Anmerkungen von J. Chr. Bürgel (Zurich, 1991), pp. 5580.Google Scholar

43 Gāmi ‘al-bayān ‘an ta’ wīl al-Qur’ān, éd. Le Caire (1968), pp. 17–18.

44 Voir le cas du Sermon sur l'Antichrist publié par Caspari, C.P. [Briefe Abhandlungen und Predigten aus den zwei letzten Jahrhunderten des kirchlichen Alterthums und dem Anfang des Mittelalters (Christiania, 1890), pp. 208–20, 429–72].Google Scholar

45 Nöldeke, Th., compte-rendu de Thomas Josephus Lamy, “Sancti Ephraem Syri hymni et sermones…,” Wiener Zeitschrift für die Kunde des Morgenlandes, 4 (1890): 245–51, p. 245 et suiv.Google Scholar

46 Mohl, J. (trad.), “Extraits du Modjmel al-tewarikh relatifs à l'histoire de la Perse, traduits par M.J.M.(suite),” Journal asiatique, 3e série, 11 (1841): 320–61, à la p. 360.Google Scholar

47 Voir l'étude de Anderson, A.R., “Alexander's horns”, Transactions and Proceedings of the American Philological Association, 58 (1927): 100–22.CrossRefGoogle Scholar

48 Référence dans Watt, W. Montgomery, art. “Iskandar,” EI 2, t. IV, p. 133.Google Scholar

49 Histoire des rois des Perses, p. 440.

50 Cette paraphrase a été conservée par le seul MS Köprülü 1608, fol. 182v–189v et nous l'avons analysée dans notre étude “Les rasā'il Aristūtālīsa ilā-l-Iskandar de Sālim Abū-1-'Alā' et l'activité culturelle à l'epoque omeyyade,” Bulletin d'Études Orientales, 19 (1965–1966): 7–83, voir pp. 68–73.

51 Alexandre se proposait de mettre à mort les “fils des Rois” pour prévenir toute tentative des Iraniens de chercher une revanche. Aristote lui conseilla de partager plutôt l'Iran entre plusieurs roitelets. Le “Grand Bundahišn” raconte de méme qu'Alexandre avait divisé l'“Iranšahr” entre 90 rois [référence dans: Choksy, J.K., “An annoted index of the greater or Iranian Bundahišn (TD2)”, Studia Iranica, 15 (1986): 203–42, à la p. 208.CrossRefGoogle Scholar Il s'agit done d'une légende perse à laquelle Sālim n'a jouté qu'un trait nouveau: le morcellement de la Perse avait été suggéré par Aristote.

52 Les prof. J. Bielawski et M. Plezia ont donné l'édition critique de la Siyāsat almudun et ils en ont commenté chaque ligne, Lettre d'Aristote à Alexandre sur la politique envers les cités, Texte arabe établi et traduit par J. Bielawski. Commentaire de M.Plezia, Polskiej Akademii Nauk Archiwum Filologiczne Pod Redakija Karimierza Kumanieckiego i Bronistawa Bilinskiego, 25 (Wroelaw, Varsovie et Cracovie, 1970). Presque seuls parmi tous les savants qui ont étudié cette lettre ils croyaient fermement qu'elle nous a conservé une épître authentique d'Aristote et ils ont prouvé que ses enseignements sont conformes aux idées politiques du Stagirite. Malheureusement, ces savants polonais n'ont pas publié la lettre d'Alexandre qui sollicitait ce mémoire. Le roi y exprime la dévotion pour son maître dans des termes emphatiques qui correspondent à ce que les écrivains de l'époque romaine racontent de son attachement à Aristote. Mais ce sont des phrases pleines d'humilité qu'en 330 av. J.-C. Alexandre aurait sans doute évitées. Et, de son côté, Aristote n'aurait pas manifesté une admiration sans bornes pour un souverain qui so conduisait désor. mais comme un despote asiatique. De surcroît, la lettre d'Alexandre contient un anachronisme que seul un écrivain de l'époque romaine pouvait commettre. Elle mentionne un “roi Sandoros,” qui serait, d'après un passage de la Siyāsat al-mudun commenté par MM. Bielawski et Plezia (texte arabe chap. 16, 4 et pp. 154–5), le “roi Lysandre.” Or, pour l'auteur de la lettre d'Alexandre Lysandre était un contemporain de “Solon l'athènien” et lui avait demandé un essai sur l'art de gouverner.

53 Libanius (Boissonade, Aneedota Graeca, I, 172) connaissait un traité d'Aristote exposant lea nomoi (dana ce cas lea règles morales) que son élève devait suivre. Il s'agissait probablement d'une autre version du Peri basileias que notre épistolo. graphe peut avoir utilisée.

54 Les waşāyā contiennent des interpolations de Sālim qui dérivent des conseils (andarz) perses.

55 Bibliotheca geographorum Arabicorum, edidit de Goeje, M.J.. Pars quinta, Compendium libri Kitâb al-Boldân, auctore Ibn al-Fakîh al-Hamadhânî (Lugduni, 1885), p. 296, 3.Google Scholar

56 On ne s'étonnera pas qu'un écrivain grec ait voulu éliminer l'épisode de Nectanébo qui blessait l'amour-propre de ses compatriotes. La fiction du Pseudo-Callisthène était d'autant plus choquante que, par la suite, il avait inventé que Nectanébo avait été précipité dans un ravin par son fils. Dans son carmen le poète français Aimé de Chatillon protesta contre cette version outrageante pour Olympias et pour Alexandre lui-même et ce fut peut-être pour la même raison que les auteurs arabes l'éliminérent de leurs biographies du roi macédonien.

57 Une autre version de la naissance d'Alexandre, citée par al-Ţabarī (I, p. 696) et devenue célèbre grâce au Šahnāmeh de Firdawsī, circulait dans le monde muaulman. Le roi macédonien était le fils de Dārā le Grand (Darius I) et d'Olympias la file de Philippe. A cause de sa mauvaise haleine Dārā l'avait répudiée quoiqu'eile ifit enceinte. Alors Philippe fit croire à ses sujets qu'Alexandre était son propre fils. On peut être sûr qu'il s'agit d'une légende perse car seuls les anciens Iraniens ne voyaient rien de blâmable dans une union de ce genre. Et cette invention, que nous croyons appartenir à un lettré persan du VIIIe siècle [voir notre article, “Nihāyatu-l-ʼarab et les Siyaru-Mulūki-l-ʽAğam,” pp. 100–1 (cité note 20)] permettait à ses compatriotes de prétendre que leur roi Darius III avait été vaincu non pas par un grec mais par son demi-frère. On comprend que les poétes persans l'aient accueillie avec empressement. D'ailleurs, ainsi que nous l'apprend l'Anonyme Sprenger fol. 109, elle avait été préparée par lea Māğūs qui, tout en haïssant le roi macédonien, se persuadèrent que le vainqueur de Dārā était un descendant de Ferīdūn, le héros des mythes iraniens. Cependant les fragments de la littérature pehlvie parvenus jusqu' à nous ne permettent pas de penser que ces fables datent de l'epoque sasaanide.

58 Istanbul, Süleymaniye, MS Hafit ef. 253, fol. 11v–14v. Nous en avons donné une traduction partielle dans “Les rasā'il Arisţūţālīsa ilā-l-Iskandar de Sālim Abū al'Alā',” p. 28 (cité note 50).

59 The Muntakhab, p. 49.

60 Ibn al-Qifţī's Ta'riḫ al-ḥukamā', éd. J. Lippert (Leipzig, 1903), p. 2.

61 Muḫtār al-ḥikam, pp. 7–10.

62 Ce Basṭālūs n'est qu'une fiction servant à expliquer comment Hermès avait découvert un livre d'une époque plus ancienne que la sienne. L'auteur du Madītīs s'inspirait de l'introduction du Sirr al-ḫalīqa, Le secret de la création [Buch über das Geheimnis der Schöpfung und die Darstellung der Natur (Buch der Ursachen) von Pseudo-Apollonios von Tyana, éd. U.Weisser, Sources and Studies in the History of Arabic-Islamic Science, Natural Sciences, Series 1 (Alep, 1979), pp. 1–7] un autre ouvrage hermétique, introduction dans laquelle Balīnās (Apollonius de Tyane) avait découvert dans les mêmes conditions un traité d'Hermès.

63 Voir le Pseudo-Ğāḥiẓ: Djâẖiẕ, , Le livre de la couronne (Kitab el tadj), éd. Pacha, Ahmed Zéki (Le Caire, 1914), p.109Google Scholar; Le livre de Ia couronne. Kitāb at-tāğ (Fī aḫlāq almulūk) ouvrage attribué à Gāḥiz, traduit par C.Pellat (Paris, 1954), p. 133. Voir aussi al-Tabari, éd. De Goeje (Leyde, 1879), I, pp. 693–4.

64 Al-Ṭabarī mentionne en passant le Dū al-qarnayn al-akbar (l'ancien), sans d'ailleurs s'arrêter sur cette figure, dans le chapitre: l'histoire d'al-Ḫiḍr (I, p. 416). Tout en ne se cachant pas les difficultés d'ordre chronologique, il faisait de ce Ḏū alqarnayn qui était arrivé à la “source de la vie” mais ne l'avait pas reconnue, un contemporain d'Abraham (I, pp. 414–15). D'autres généalogistes, reconnaissait al-Ṭabarī, affirmaient que Ḏū al-qarnayn al-akbar était le roi perse Ferīdūn.

65 ad-Dînaweri, Abû Ḥanîfa, Kitâb al-aḫbâb aṭ-ṭiwâl, éd. Guirgass, V. (Leyde, 1988), pp. 44–5.Google Scholar

66 Histoire des rois des Perses, pp. 408–11.

67 Ispahanensis, Hamzae, Annalium, libri X, éd. Gottwaldt, I.M.E., 2 vol. (Leipzig, 18441848), vol. I, p. 45.Google Scholar

68 Alexandrini, Eutichii Patriarchaeannales I, éd. Cheikho, L., Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium 50, Scriptores Arabici 6 (Louvain, 1954), pp. 7980Google Scholar

69 La Nihāya du Pseudo-Aṣma'ī a été remaniée à plusieurs reprises au cours du IXe siècle et al-Dīnawarī a utilisé et résumé une version plus ancienne que celle que nos manuscrits nous ont conservée. Voir nos articles cités aux notes 20 et 50, “Les rasā'il Arisṭūṭalīsa ilā-l-Iskandar de Sālim Abū al-'Alā',” et “Nihāyatu-l-'arab et les Siyaru-Mulūki-l-'Ağam,” pp. 97–102, où nous avons montré les différences principales entre le Kitāb al-aḫbār al-ṭiwāl d'al-Dīnawarī et notre version de la Nihāya dans la Vie d'Alexandre. Browne, “Some account of the Arabic Work entitled Nihāyatu-l-'irab” (cité à la note 20), avait déjà examiné ces discordances et indiqué les passages parallèles du Šahnāmeh de Firdawsī. Nous ne croyons pas devoir modifier ce que nous avions alors affirmé, à savoir qu'il est probable, nous ne disons pas certain, que le Pseudo-Aṣmaʽī avait lui aussi attribué à Alexandre la responsabilité de l'assassinat de Darius.

70 Le livre des rois des Perses, pp. 67–78.

71 Das Alexanderbuch, pp. 132–48.