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L'idée De Dimension Chez Al-Sijzī

Published online by Cambridge University Press:  24 October 2008

Pascal Crozet
Affiliation:
Centre d'Études et de Documentation Économique Juridique et Sociale (C.E.D.E.J), B.P. 494, Dokki, Cairo, Egypt

Extract

This paper presents the Arabic text, the French translation and an analysis of al-Sijzīʼs treatise (second half of the tenth century), the Book of Measurement of Spheres by Spheres. In this text, al-Sijzī divides the cube into several sub-cubes and parallelopipedes, thus offering us a stereometric interpretation of algebraic identities of the third degree usually credited to mathematicians of the sixteenth and seventeenth centuries. However, this was not al-Sijzīʼs motivation for writing this treatise; rather it was his theoretical interest in the Euclidian concept of the “power” of a segment, an interest which is clearly geometric rather than algebraic. This has led al-Sijzī to the notion of dimension, at least in outline.

Cet article contient l'édition du texte arabe, la traduction françhise et une analyse d'un traité d'al-Sijzī (deuxième moitié du Xe siécle), le Livre de la mesure des sphéres par les sphères. Dans ce texte, al-Syzī expose plusieurs décompositions du cube en réunions de cubes et de parallélépipédes, donnant ainsi une interprétation stéréométrique d'identités algébriques de degré 3 qu'on avait coutume d'attribuer à des mathématiciens des XVTe et XVIIe siècles. Pourtant, ce n'est pas cette interprétation qui, pour l'auteur, semble avoir motivé la rédaction du traité, mais bien une réflexion théorique sur le concept euclidien de “puissance” d'un segment, réflexion de nature clairement géométrique et non pas algébrique, et qui a conduit le mathématicien à dégager, au moins en filigrane, la notion de dimension.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Cambridge University Press 1993

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References

1 L'Œuvre Algébrique d'al-Khayyām, établie, traduite et analysée par Rashed, Roshdi et Djebbar, Ahmad, Sources and Studies in the History of Arabic Mathematics 3 (Alep, 1981), p. 15.Google Scholar

2 Ibid., p. 6.

3 Cf. Rashed, Roshdi, “A Pioneer in anaclastics: Ibn Sahl on burning mirrors and lenses”, Isis, 81 (1990): 464–91.CrossRefGoogle Scholar

4 Par exemple avec la distinction, particulièrement nette chez Ibn al-Haytham, entre la construction d'un objet mathématique et la démonstration de son existence. Voir à ce propos Rashed, Roshdi, “L'analyse et la synthèse selon Ibn al-Haytham,” Rashed, dans R. (éd.), Mathématiques et philosophie de l'antiquité à lʽâge classique (Paris, 1991), pp. 131–62.Google Scholar

5 Né vers 945, mort vers 1025, al-Sijzī est aussi astrologue et astronome. A l'époque de la copie du traité qui nous intéresse, c'est-à-dire vers 970, il se trouve à Shīrāz, où il assiste aux observations du cercle méridien. Parmi ses travaux mathématiques les plus fréquemment cités, rappelons ses traités sur la figure transversale et sur le compas parfait, et surtout l'utiisation qu'il fait des coniques pour le traitement des problàmes solides [ Dold-Samplonius, voir Y., “Al-Sijzī,” Dictionary of Scientific Biography (New-York, 1970), vol. XII, pp. 431–2].Google Scholar

6 En 1985, Rosenfeld, B.A. et Safarov, R.S. ont donné de ce traité une traduction russe, sans toutefois éditer le texte original arabe dans Istoriko Matematiceskie Issledovaniâ, 29 (1985): 326–33.Google Scholar Un commentaire par les mêmes auteurs et E.I. Slavoutine précède d'autre part cette traduction, sous le titre: “Lʽalgèbre géométrique d'al-Sijzī” (trad.) (ibid., pp. 321–5). Nous revenons plus loin sur cette analyse.

7 “Lʼalgèbre géométrique d'al-Sijzī”.

8 Cette proposition vise à retrouver les conditions de partage de la sphère à partir d'un rapport de volume.

9 On pourra ici, de même que pour ce qui suit, se référer à la figure portant le même numéro que la proposition, et se trouvant plus bas au sein du texte d'al-Sijzī.

10 Rappelons que le point C partage AB en moyenne et extrême raison, avec AC pour plus long segment, si:

C'est ce qu'on appellera plus tard “section d'or.” Sur l'historie de ce partage, en particulier dans les mathématiques grecques, Michel, voir Paul-Henri, De Pythagore à Euclide; contributions à l'histoire des mathématiques préeuclidiennes (Paris, 1950), pp. 523600.Google Scholar

11 Ces propositions sont des applications presque immédiates de la proposition XII-18 des Éléments d'Euclide: “les sphères sont en raison triplée de leurs diamètres”.

12 “L'algèbre géométrique d'al-Sijzī”, pp. 322–4.

13 Plusieurs indices incitent à le penser:

– la proposition 11 comporte une digression sur un partage en moyenne et extrême raison qui semble hors sujet, sinon qu'elle fournit au mathématicien un thème (mais rien de plus) pour la proposition 12;

– les propositions 8 et 10 sont à peu près identiques, à quelques nuances de formulation près qui n'engagent ni le résultat ni l'argument; l'une d'entre elles aurait été ôtée d'un traité plus mûri;

– les démonstrations paraissent parfois plus allusives que complètement développées.

14 Voir proposition 5.

15 Voir par exemple Heath, Thomas, A History of Greek Mathematics, 2 vols. (Oxford, 1921), vol. I, pp. 379–80.Google Scholar

16 La proposition 14, dernière du livre II, demande en effet de construire un carré égal à une figure rectiligne donnée.

17 Par exemple dans ses traités sur l'heptagone régulier ou sur la trisection de l'angle.

18 Parler d'“algèbre géométrique,” dans le cas précis du texte d'al-Sijzī qui nous occupe, nous paraît donc inadapté. Cette terminologie, consacrée par la tradition et issue d'une lecture algébrique du livre II des Éléments vieille de plus d'un millénaire, était déjà contestable dans le cas d'Euclide; elle nous semble l'être plus encore ici où il s'agit moins de faire de l'algèbre avec des outils géométriques que d'utiliser des résultats algébriques, même illustrés géométriquement, pour se livrer à des travaux d'ordre plus spéculatif.

19 La situation est différente, par exemple, dans le cas de la proposition 4 du Livre des lemmes attribué à Archimède, où l'on trouve une mesure de cercle à l'aide de cercles, et dont la démonstration s'abstient de tout passage aux carrés. Mais le cercle est alors la figure “naturelle,” puisqu'il est là couplé à la détermination d'une moyenne proportionnelle (voir Éléments, VI-13).

20 Notons en passant que le mot dimension (bu'd) est bien présent dans le texte d'al-Sijzī (dans la démonstration de la proposition 6). Mais alors qu'il sera quasiment utilisé par al-Khayyām dans son acceptation usuelle d'aujourd'hui (voir la citation que nous donnons en introduction), il possède ici un sens un peu plus vague; al-Sijzī s'en sert pour différencier les faces d'un parallélépipède: ainsi trois faces perpendiculaires deux à deux se trouvent-elles de (ou dans des) dimensions différentes.

21 La manière et la terminologie sont euclidiennes. Il faut entendre par là: le carré du rapport.

22 Rashed, Roshdi, Entre arithmétique et algèbre; recherches sur l'histoire des mathématiques arabes (Paris, 1984), p. 9.Google Scholar

23 Al-Khayyām, “De Ia division du quart de cercle,” p. 80 (cité note 1).

24 Woepcke, qui a été l'un des premiers à attirer l'attention sur ce recueil de 51 traités, semble toutefois hésiter sur l'attribution de la copie des derniers folios (dont ceux qui nous intéressent): “on trouve une ou plusieurs écritures, différentes de celle de la première partie du volume, mais qui, cependant, en quelques endroits, ressemblent beaucoup à cette dernière écriture,” Woepcke, Franz, “Essai d'une restitution de travaux perdus d'Apollonius sur les quantités irrationnelles, d'après des indications tirées d'un manuscrit arabe,” Mémoires de divers savants à l'Académie des Sciences de l'Institut de France, 14 (1856): 658720Google Scholar, p. 671. Nous ne voyons pour notre part aucune véritable différence entre l'écriture du traité n° 46 et celle des premiers textes du recueil.

25 Voir plus loin les notes qui accompagnent la traduction du texte de cette proposition, ainsi que l'apparat critique du texte arabe d'une façon générale.

26 Voir ce que nous disons plus haut de ce terme, p. 257.

27 Traduction algébrique:

28 Il faut entendre: le rapport de l'excédent du cube AG (…) au cube AG et le rapport de l'excédent de la sphère AB(…) à la sphère AB.

29 Le manuscrit indique “CD, HG et AB,” mais il s'appuie sur une figure tracée rapidement et “impossible” en rois dimensions. La copie a dû être rapide et “HJ et KB” ont pu se transformer en “HG et AB.” Nous ajoutons d'ailleurs nous-mêmes les lettres J et K, qui n'apparaissent ni sur la figure ni dans le texte du manuscrit; leurs correspondants arabes, et , ainsi que la présence traditionnelle d'une barre horizontale au-dessus des lettres pour désigner les objets géométriques, n'interdisent pas une éventuelle confusion avec ceux de G et A, et . Il s'agirait alors d'une confusion, lors de la copie, entre et d'une part, et d'autre part.

30 Cet énoncé est faux; sa traduction algébrique serait en effet:

Une telle erreur ne peut évidemment qu'étonner, provenant d'un mathématicien comme al-Sijzī. S'agit-il d'une erreur due à un découpage fautif du cube et/ou à une certaine inattention? Ou s'agit-il d'une erreur à la copie, erreur reproduite deux fois, et dans l'énoncé et dans la démonstration (mais il est vrai qu'ici, la démonstration consiste en une simple redite, inversée, de l'énoncé)? Al-Sijzī aurait pu dans ce cas vouloir énoncer l'équivalent de:

II est difficile de trancher.

31 C'est-á-dire:

Le résultat est bien sûr directement issu du résultat de la proposition 2.

32 Le manuscrit étant semble-t-il endommagé à cet endroit, ce que nous mettons ici entre crochets ne doit être considéré qu'avec circonspection.

33 Sur le manuscrit: l'excédent de la moitié.

34 Traduction algébrique:

35 Traduction algébrique: (par example):

.

36 i.e. la sphère centrale.

37 Noter l'utilisation du mot dimension, dans un sens légèrement différent de celui d'aujourd'hui.

38 Il faut bien sûr comprendre: une ligne qui peut un cube égal à six solides….

39 Littéralement, comme partout dans ce traité: selon le rapport qui a une moyenne et deux extrêmes.

40 Autrement dit, en utilisant une traduction algébrique:

41 Littéralement: partageons-le.

42 On retrouve là un résultat utilisé dans la proposition 2, mais sans qu'il y ait application directe de celle-ci.

43 D'après la proposition XI–36 des Éléments. En effet:

44 Autrement dit: (2a)3 − a3 − a3 = 3(a3 + a3).

45 Éléments d'Euclide, XII-18: lea sphères sont entre elles en raison triplée de leurs diamètres.

46 Autrement dit: (3a)3 − a3 − (2a)3 = 18a3.

47 Notons que c'est la seule occurrence dans le texte où le mot “solide” (mujassam) désigne autre chose qu'un parallélépipède rectangle.

48 Il s'agit du même cas de figure que celui de la proposition 8. Le résultat est bien sûr identique, quoique formulé de façon légèrement différente. Traduction algébrique:

49 Al-Sijzī suppose ici que:

On a alors:

Voir plus haut notre discussion de ce cas.

50 Posons BD = a, AD = b. On suppose en outre AG = 2b.

Parconséquent AB = a−b et BG = 3ba.

La deuxième partie de la proposition 11 assure donc que si a 2 = 5b 2, alors:

c'est-à-dire:

En fait, le mathématicien applique ici directement la proposition XIII–2 des Éléments d'Euclide, qui s'adapte tellement bien au cas considéré qu'on peut raisonnablement se demander si cette deuxième partie de la proposition 11 n'est pas faite “sur mesure.”

Il est en outre curieux de voir al-Sijzī mentionner un tel résultat qui semble ici hors sujet. Qui plus est, celui-ci n'apporte rien de nouveau en soi, puisqu'il est une application pure et simple de la proposition euclidienne.

51 Entendre: le rapport au carré.

52 C'est cette affirmation d'al-Sijzī qui semble indiquer qu'il considère ici la sphère comme un objet de dimension quatre.

53 En effet, puisque l'on a supposé

54 De nombreuses ratures et surcharges, affectant les lettres qui désignent les sphères et les segments, apparaissent sur le manuscrit, dans le texte de cette proposition comme sur la figure correspondante. Il semble que, dans la plupart des cas, ces letters aient été modifiées deux fois, la premiére modification étant du reste souvent peu claire, et la deuxième rétablissant le choix initial; lorsque c'est effectivement le cas nous nous référons à cette dernière correction sans rien indiquer dans l'apparat critique. N´anmoins, pour la première occurrence, le manuscrift introduit les sphères DB et AB, alors qu'il est manifeste par ce qui suit (et en outre conforme aux appellations de la proposition précédente) qu'il s'agit de DB et DA.

55 Cette proposition est la seule du traité qui suppose une measure des sphères pour inférer un partage de segment. Comme dans la proposition 11, elle n'est correcte que sil'on suppose que les sphères sont de dimension 4. Posons:

On suppose en outre CD = b; alors BC = a + b, AB = a − b, et AC = 2b. La proposition 12 assure donc que si a4 = 25b4, alors:

c'est-à-dire:

56 Al-Sijzī applique en fait directement la réciproque de la proposition 3 du livre XIII. Mais contrairement à la proposition 1 qui a pour récproque la proposition 2, cette proposition 3 n'a pas de réciproque exposée dans les Éléments. Al-Sijzī la tient cependant pour acquise.