Hostname: page-component-8448b6f56d-jr42d Total loading time: 0 Render date: 2024-04-24T04:03:29.640Z Has data issue: false hasContentIssue false

UN DÉBAT SUR L'EXISTENCE DE DIEU SOUS L'ÉGIDE PRÉTENDUE D'ALEXANDRE LE GRAND

EXTRAIT D'UNE SOMME THÉOLOGIQUE COPTO-ARABE DU XIIIe SIÈCLE (ABŪ ŠĀKIR IBN AL-RĀHIB, KITĀB AL-BURHĀN)

Published online by Cambridge University Press:  23 September 2009

ADEL SIDARUS
Affiliation:
Évora, Portugal Email: asidarus@netvisao.pt

Abstract

Abstract

The philosophical debate presented in these pages (edition, translation and analysis) is extracted from a 13th-century Coptic Arabic summa ecclesiastica. The venue is alleged to have taken place in Alexandria under the aegis of its proper founder. In a gathering of five philosophers or sages (ḥakīm-s) coming from India to the Maghreb, passing of course through Greece, amongst whom was present the great Aristotle, Alexander's preceptor and the undisputed authority that summed up the debate and put an end to it. The disputation turns on the existence or not of a supreme creator and organizer, reminding the public sessions convened by the Sassanid and Muslim Rulers. However, the mise en scène here is linked without contest to the famous encounter of 325 b.C. between the Macedonian Conqueror and the Brahmans or Indian gymnosophites. We know how this episode was glossed in different ways in the Greek literature until it was “recovered” in an apologetic monotheistic view by the new Christian imperial order from the 4th century a.C. onward. Although our Coptic writer from the Middle Ages intends to prove with the text he offers to us the rightness of the “miaphysite” teaching of his Church, he, or his source, stands fully in line with that tradition, despite the fact that we could not trace a specific source from the rich variety of linguistic traditions on the matter. All the same, the ideological and linguistic analysis of the text brings us to suggest a Greek original that goes back to Late Antiquity.

Résumé

Tiré d'une somme ecclésiastique copto-arabe du XIIIe siècle, le débat philosophique que nous présentons ici (édition, traduction et analyse), est prétendu avoir eu lieu à Alexandrie, sous l'égide de son propre fondateur. S'y trouvent réunis cinq sages ou philosophes (ḥakīm-s), venus depuis l'Inde jusqu'au Maghreb, passant bien sûr par la Grèce, dont la délégation ne manque pas d'inclure le grand Aristote, le précepteur d'Alexandre le Grand et l'autorité incontestée qui récapitule et clôt le débat. La ‘dispute’ porte sur l'existence ou non d'un créateur-ordonnateur suprême, rappelant les sessions publiques convoquées par les souverains sassanides ou musulmans. Mais la mise en scène ici se rattache incontestablement à la célèbre rencontre du Conquérant macédonien avec les brahmanes ou gymnosophistes indiens en 325 av. J.-C. On sait comment cet épisode a été glosé de différentes manières dans la littérature grecque, jusqu'à sa cristallisation dans le Roman d'Alexandre, avant d'être “récupéré”, dans une perspective monothéiste apologétique, par la nouvelle donne impériale chrétienne depuis le IVe siècle ap. J.-C. Si notre auteur copte du Moyen Âge arabe veut voir dans le texte qu'il nous livre une confirmation de la doctrine “miaphysite” de son Église, il se situe néanmoins, lui ou sa source, dans cette ligne-là, sans qu'on ait pu, pour autant, en retracer la source dans les différentes traditions linguistiques existantes. Ceci dit, l'analyse idéologique et linguistique du texte du débat nous mène à suggérer, comme source immédiate, un original grec de la Basse Antiquité.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Cambridge University Press 2009

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References

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2 “Nouvelles recherches sur Alexandre le Grand dans la tradition arabe chrétienne”, communication au VIIe Congrès International des Études Arabes Chrétiennes (Grenade, sept. 2008).

3 EI 1 III, 912b–16b (A.J. Wensinck), repris dans EI 2 III, 934a–38b; Encycl. Qur'ān, III (Leiden, 2003), 81b–84a (J. Renard). Voir de plus: H. Elboudari, “Entre le symbolisme et l'historique: Khadir im-mémorial”, Studia Islamica, 76 (1992): 25–39; V. Poggi, “Alessandro Magno: dal ‘Romanzo’ alla Sura ‘della Caverna’”, dans La diffusione dell’eredità classica nell'età tradoantica e medievale: Il “Romanzo di Alessandro” e altri scritti (Atti del Seminario internazionale di studio – Roma-Napoli, sett. 1997), a cura di R.B. Finazzi / A. Valvo, Collana di studi e testi 2 (Alessandria, 1998), pp. 197–208; B. Wheeler, “Moses or Alexander: Qur'ān 18:60–65 in early Islamic exegesis”, Journal of Near Eastern Studies, 57 (1998): 191–215.

4 EI 2 III, 133a (W.M. Watt); Encycl. Qur'ān, I (Leiden, 2001), 61b–62b (J. Renard); Encycl. Arabic Lit. (London / New York, 1998), I, 68b–69b; Blachère, Histoire de la littérature arabe, III (Paris, 1969), 745–51. Voir de plus: M. Grignaschi, “La figure d'Alexandre chez les Arabes et sa genèse”, Arabic Sciences and Philosophy, 3 (1993): 205–34; S. Kh. Samir, “Les versions arabes chrétiennes du Roman d'Alexandre”, dans La diffusione dell'eredità, pp. 228–47; différentes œuvres collectives mentionnées dans la bibliographie finale. À part plusieurs articles de détail, Faustina C.W. Doufikar-Aerts a présenté le fruit de sa longue recherche dans une thèse de doctorat (Leiden, 2003), dont elle annonce la publication prochaine à Leuven, sous le titre de Alexander Magnus Arabicus: A Survey of the Alexander Tradition through Seven Centuries, from Pseudo-Callisthenes to Suri.

5 Fragments de différents papyrus identifiés, avec éditions et études, dans l'inventaire bien connu de Mertens-Pack3, # 2099, 2100 et 2580 (dans ce dernier rouleau, la suite correcte est: Duke-Cologne-Genève).

6 J.D.M. Derrett, “The history of Palladius on the races of India and the Brahmans”, Classica et Mediaevalia, 21 (1966): 64–135 (éd. du texte dans sa recension brève, pp. 108–35); W. Berghoff (éd.), Palladius de gentibus Indiae et bragmanibus, Beiträge zur klassichen Philologie 24 (Meisenheim am Glan, 1967). Voir aussi: F. Pfister, Kleine Schriften zum Alexanderroman, Beiträge … 61 (Meisenheim am Glan, 1976), pp. 53–79 (= ch. 3; étude originellement publiée dans Hermes, 76 [1941]: 143–69); R. Merkelbach, Die Quellen des griechischen Alexanderromans, 2. neubearb. Aufl. unter Mitwirkung von J. Trumpf, Zetemata 9 [bis] (München, 1977), pp. 72–5, 141–2, 156–61 (L'étude la plus détaillée sur la question des sources. La 1re éd. de 1954 est encore valable pour certaines questions omises dans la nouvelle édition); Dictionnaire de Spiritualité, XIII/1 (Paris, 1984), pp. 113–26, spéc. 121–2, § 2 (art. de B. Flusin). Claire Muckenstrum-Poulle (Besançon) a publié ces derniers temps plusieurs études de détail sur ce texte et sur la question plus générale des relations entre grecs et indiens, voir en particulier: “Alexandre et les brahmanes”, dans XIIe METAGEITNIA: Rencontre des Universités du Rhin Supérieur sur l'Antiquité classique (Mulhouse, 1991), pp. 47–59; “Les Brahmanes de Palladios”, TOΠOI: Orient-Occident, 3 (1993): 535–45; “Gymnosophistes”, dans Dictionnaire des philosophes antiques, dir. R. Goulet, III (Paris, 2000), pp. 494–96. Je remercie l'auteure de m'avoir procuré aimablement une copie de ses travaux.

7 Éd./trad. de S.V. Yankowski, The Brahman Episode: St. Ambrose's Version of the Colloquy between Alexander the Great and the Brahmans [De moribus Brachmanorum] (Ansbach, 1962). Voir en dernier lieu: C. Muckenstrum-Poulle, “De Palladios à Palladius: Remarques sur la traduction latine de la lettre sur les Brahmanes”, Euphrosyne, 29 (2001): 221–8.

8 Grignaschi, “La figure d’Alexandre chez les Arabes”, pp. 210–11, n. 19.

9 Derret, “The history of Palladius”, p. 65.

10 Voir Grignaschi, “La figure d’Alexandre chez les Arabes”, p. 213.

11 A. Sidarus, Ibn ar-Rāhibs Leben und Werk: Ein koptisch-arabischer Encyklopädist des 7./13. Jahrhunderts, Islamkundl. Untersuchungen 36 (Freiburg i. Br., 1975). Voir notre article s.v. “Ibn al-Rāhib”, EI 2 XII, 396a–7a (= Suppl., fasc. 5–6, 1982). Sur la période littéraire en question, qu’il nous soit permis de renvoyer à notre double essai: “Essai sur l'âge d'or de la littérature copte arabe”, dans D. Johnson (éd.), Acts of the Fifth International Congress of Coptic Studies (Roma, 1993), vol. 2, pp. 443–62; “La Renaissance copte arabe du Moyen âge”, dans H. Teule (éd.), The Syriac Renaissance, Eastern Christian Studies (Leuven, 2009), sous-presse.

12 Sidarus, Ibn ar-Rāhibs Leben und Werk, pp. 97–182. Présentation globale et comparative dans “Encyclopédisme et savoir religieux à l'âge d'or de la littérature copte arabe (XIIIe–XIVe siècle)”, Orientalia Christiana Periodica, 74 (2008): 347–61.

13 Voir notre étude citée dans la note suivante, p. 357, avec les références sur le sujet. La thèse de doctorat de M.S. Zakhary mentionnée en note 7 est maintenant publiée: De la Trinité à la Trinité: La christologie liturgique d’Ibn Sabbā῾, auteur copte du XIIIe siècle, Bibliotheca Ephemerides Liturgicae 140 (Roma, 2007).

14 A. Sidarus, “Une justification du ‘monophysisme’ due à un médecin-philosophe copte du XIIe/XIIIe siècle”, dans Anne Boud'hors et al. (éd.), Études coptes IX: Onzième Journée d'études (Strasbourg, juin 2003), Cahiers de la Bibliothèque Copte 14 (Paris, 2006), pp. 355–66.

15 Muātabat/Muḫādalat al-nafs; voir Sidarus, Ibn ar-Rāhibs Leben und Werk, p. 127. Nous préparons un article sur ce texte, car nous avons pu recueillir depuis lors des informations additionnelles. Voir entre-temps: Aḥmad Ġassān Sabānū, Hirmis al-Ḥakīm bayna al-ulūhiyya wa-al-nubuwwa: Hirmis, mā nusiba ilayhi wa-mā kutiba ῾anhu (Damas / Beyrouth, 1423/2002).

16 Sidarus, “Une justification…”, p. 360.

17 Sidarus, Ibn ar-Rāhibs Leben und Werk, p. 112, § 5. Voir de plus: Samir Khalil dans Orientalia Christiana Periodica, 44 (1978): 190–4. Sur l'auteur-copiste lui-même, voir aussi les références recueillies dans Sidarus, “Une justification”, p. 360, n. 21.

18 Litt. ‘natures’. Cette forme plurielle signifie aussi ‘nature générique’, en opposition au singulier ṭabī῾a, ‘nature individuelle’.

19 Dans le passage identifié ici-bas en troisième position.

20 Ibn al-Qifṭī, Ta’rīḫ al-ḥukamā’ wa-al-aṭibbā', éd. J. Lippert (Leipzig, 1903; repr. Frankfurt, 1999), pp. 73–4. Voir aussi le Fihrist d'(Ibn) al-Nadīm, éd. G. Flügel (Leipzig, 1872; repr. du Caire et de Beyrouth), pp. 288 et 292 (voir aussi pp. 260 et 357); éd. R. Tağaddud (Téhéran, 1971), pp. 347 et 351 (+ 319, 422); trad. B. Dodge (New York / London, 1970), t. II, pp. 680 et 689 (+ 623, 859). Ici, les formes graphiques sont: ’RĞYĞ’NS, ’RSYĞ’NS (+’RŠYĞ’NS, ’RSNĞ’NS).

21 G. Cary, The Medieval Alexander, ed. by D.J.A. Ross (Cambridge, 1956; repr. 1967), pp. 91–5.

22 Sur cette universalisme en particulier, voir: F. Kampers, Alexander der Grosse und die Idee des Weltimperiums in Prophetie und Sage, Studien und Darstellungen aus dem Gebiete der Geschichte I/2–3 (Freiburg i. Br., 1901); H.E. Stiehr, “Alexander (III) der Grosse”, dans Realencyklopädie für Antike und Christentum I (Stuttgart, 1950), 261–70, spéc. 267 (§ D). Voir aussi l'article de Fr. de Polignac, “Cosmocrator…”, dans M. Bridges / J.C. Bürgel (éd.), The Problematics of Power: Eastern and Western Representations of Alexander the Great, Schweizer Asiat. Studien / Études asiat. Suisses, Monographien/Monographies 22 (Bern, etc., 1996), pp. 149–64.

23 Analysés avec un stemma dans Sidarus, Ibn ar-Rāhibs Leben und Werk, pp. 137–82 (ch. 6). Au contraire des données de Graf (cf. ibid., p. 160), il n'y a, en définitive, qu'un seul MS au Dayr al-Suryān, l'actuel 143 (olim 27, Lāhūt, XIXe s.?), l'autre étant une copie du K. al-Šifā' du même auteur.

24 Éd./trad. partielle à paraître dans la collection Studi e Testi publiée par la Vaticane.

25 Ces MSS en particulier sont méticuleusement décrits et analysés dans Sidarus, Ibn ar-Rāhibs Leben und Werk, pp. 139–58 + 164–79.