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Le modèle d'Easton et les sociétés sans Etat: le cas de la société adioukrou*

Published online by Cambridge University Press:  10 November 2009

Bonnie Campbell
Affiliation:
Université du Québec à Montréal
Denis Monière
Affiliation:
Université de Montréal

Abstract

The object of this article is to inquire into the heuristic capacity of Easton's model of analysis. If one accepts that from an epistemological point of view there is an articulation between historically situated social practice and the formulation of concepts which attempt to represent and explain a particular situation, one is then led to question whether a theory produced in this way is capable of comprehending a different social reality which corresponds to other parameters of time and space and which is therefore characterized by a totally different problematic.

After having set out the hypotheses and the logic inherent in the Eastonian model, the authors apply these to a stateless society—that of the Adioukrou. They then proceed to suggest the limitations of the definition of the “political” contained in this model which is based on a specific definition of the division of labour. Without denying the existence of the political in stateless societies, the authors argue that the hypothesis of functional differentiation cannot be applied in all cases and therefore cannot be taken for granted; that one cannot identify the boundaries of the “political” in such societies and finally that one cannot speak of the specialization of functions within different systems in any transferable or automatic sense. In a society based on lineages such as that of the Adioukrou where the organization of production is based on the village community and where there is absence of the appropriation of the means of production on a private basis, it is impossible to identify the specificity of the “political” as opposed to other areas of social interactions.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Canadian Political Science Association (l'Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique 1979

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References

1 Clastres, Pierre, La société contre l'Etat (Paris: Editions de Minuit, 1974), 18.Google Scholar

2 Nous utilisons le terme «traditionnelle» plutôt que te terme ethnocentrique de «précoloniale» en soulignant que sur le plan étymologique, le terme «traditionnelle » n'implique en rien un caractère statique ou figé que certaines interprétations ont eu tendance à associer aux sociétés en question, aussi dites « primitives » pour des raisons trap évidentes pour avoir à les commenter. Etant donné la nature de la société retenue pour illustrer l'étude, nous aurions pu utiliser également le terme « société lignagère ».

3 Bataille, Voir Georges, La part maudite (Paris: Seuil, Coll. Points, 1971), 85125.Google Scholar

4 Les ouvrages suivants illustrent cette approche utilisée par les structuro-fonctionnalistes et appliquée aux sociétés dépendantes: Almond, G. et Coleman, J., The Politics of Developing Areas (Princeton: Princeton University Press, 1960)Google Scholar; Apter, David, The Politics of Modernization (Chicago: University of Chicago Press, 1965)Google Scholar; Pye, Lucien W., Aspects of Political Development (Boston: Little and Brown Co. Ltd., 1966)Google Scholar; Almond, G. et Powell, G., Comparative Politics: A Development Approach (Boston : Little and Brown Co. Ltd., 1966)Google Scholar; Eisenstadt, S., Modernization: Protest and Change (New York: Prentice-Hall, 1967)Google Scholar; Shils, E., Political Development in the New States (La Haye: Mouton et Cie., 1965)Google Scholar; Potholm, C. P., Four African Political Systems (Englewood Cliffs: Prentice-Hall, 1970)Google Scholar. Pour une critique de cette littérature, voir Coulon, Christian, « Système politique et société dans les Etats d'Afrique noire. A la recherche d'un cadre conceptuel nouveau », dans la Revue française de Science Politique 22 (1972), 1049–73.CrossRefGoogle Scholar

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7 Easton, David,« Political Anthropology », dans Siegal, B. J. (dir.), Biennial Review of Anthropology (Palo Alto: Stanford University Press, 1959), 214.Google Scholar

8 Ibid., 226. Voir Easton, D., The Political System, An Inquiry into the State of Political Science (New York: Alfred A. Knopf, 1953).Google Scholar

9 Voir sa critique 221–26 de M. G. Smith qui au contraire maintient: « Unlike authority … power cannot be hierarchical; once it is, it has been converted into authority » (Ibid., 223).

10 Ibid., 227.

11 Ibid., 226.

12 « For our limited purposes here, it does not matter why a decision is accepted or what its consequences are for the social system as a whole » (Ibid.).

13 Easton, D., Analyse du système politique (Paris: A. Colin, 1974), 23.Google Scholar

14 Voir Spiro, Herbert, « An Evaluation of Systems Theory », dans Charlesworth, James, Contemporary Political Analysis (New York: Free Press, 1967), 167.Google Scholar

15 Grosser, Alfred, L'explication politique (Paris: A. Colin, 1972), 73.Google Scholar

16 Easton définit la notion de différenciation de la façon suivante: « the extent to which a political role can be distinguished from other social roles », « Political Anthropology ». Voir aussi les deux autres définitions, 241.

17 Ibid., 244 (c'est nous qui soulignons).

18 Ibid., 241.

19 Ibid., 244 (c'est nous qui soulignons).

20 Ibid., 232–34.

21 Ibid., 232.

22 Ibid., 232–33.

23 Georges Balandier écrit concernant la thèse d'Easton et son utilité dans l'analyse des sociétés traditionnelles africaines: « Cette interprétation laxiste est dépourvue d'efficacité scientifique ». Balandier, Georges, Anthropologie politique (Paris: Presses Universitaires de France, 1967), 37.Google Scholar

24 Easton, Analyse du système politique, 118.

25 Ibid., 193.

26 Marx, K., Manuscrits de 44 (Paris: Editions sociales, 1968), 111.Google Scholar

27 Notons tout de suite le manque d'accord parmi les ethnologues qui ont tenté d'étudier ces sociétés basées sur un système lignager par rapport aux sociétés dites « intermédiaires » qui se situent entre les sociétés à Etat et les sociétés lignagères. Ces sociétés intermédiaires oscillent entre les groupements à mode de production communautaire que certains appellent mode de production lignager et d'autres, mode de production domestique—et un mode de production franchement tributaire. Comme le note J. C. Muller, on ne peut que déplorer l'absence d'études sur l'articulation interne des mécanismes économiques de ces formations sociales. Muller, Jean-Claude: « Chefferie, idéologic et mode de production chez les Rukuba (Plateau State, Nigeria) », dans Revue Canadienne des Etudes Africaines 11 (1977), 7.Google Scholar

28 Nous entendons ici rapports d'exploitation de classes, ce qui n'implique pas l'absence ni de rapports d'exploitation basés sur le statut personnel des individus (« libres »ou« esclaves »jouissantde tous les droits sociauxou diminués de certains ou de la totalité de ces droits), ni de rapports d'exploitation basés sur le critère sexuel. A cet égard il est utile de rappeler la distinction que suggère Samir Amin entre rapports de domination et rapports d'exploitation. Voir Amin, Samir, « L'esclavage en Afrique », dans Impérialisme et sous-développement en Afrique (Paris: Eds. Anthropos, 1976), 331–44Google Scholar. « Dans toutes les sociétés pré-capitalistes de classes … il existe évidemment—par définition—des rapports d'exploitation. De surcroît dans toutes ces sociétés l'extorsion du surproduit est transparente. Cette extorsion est opacifiée seulement et uniquement dans le mode capitaliste, parce que c'est le seul mode où—par définition—la force de travail est elle-même marchandise et, avec elle, la totalité du produit(c'est-à-dire leproduit nécessaire etle surproduit)…. Ici done la bourgeoisie est à la fois classe exploiteuse et classe dominante »(333). Par contre, les sociétés pré-capitalistes dites « égalitaires » n'étaient pas dépourvues de relations d'exploitation. Meillassoux soulève une autre dimension de ce problème en attirant notre attention non seulement sur les rapports de production, mais de reproduction dans la communauté domestique: « le pouvoir dans ce mode de production repose sur le contrôle des moyens de la reproduction humaine: subsistances et épouses, et non sur les moyens de la production matérielle », dans Meillassoux, Claude, Femmes, greniers et capitaux (Paris: Eds. F. Maspéro, 1975), 81.Google Scholar

29 Godelier, Maurice, « Infrastructures, sociétés, histoire », dans Dialectiques, Revue Trimestrielle, no. 21 (1977), 44.Google Scholar

30 Nos informations sont tirées de plusieurs sources dont l'étude non publiée du professeur Harris Memel-Foté « Le système politique des Adioukrou », Université d'Abidjan, 1969 et l'ouvrage suivant: Dupire, Marie et Boutillier, Jean-Louis: « Le pays Adioukrou et sa palmeraie, (Basse Côte d'lvoire) » (Paris: Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer, 1958)Google Scholar. Voir aussi l'étude suivante qui analyse la société adioukrou ainsi que d'autres sociétés lignagères, Augé, Marc, Théorie despouvoirs et idéologie. Etude de cas en Côte d'lvoire (Paris: Collection Savoir, Herman, 1975).Google Scholar

31 Robin Horton, « Stateless Societies in the History of West Africa », chap. 3,78–119, dans Ajayi, J. F. A. et Crowder, Michael (éds.), The History of West Africa tome 1 (London: Longmans, 1971).Google Scholar

32 Ibid., 78. L'intérêt de la société que nous avons retenue à titre d'exemple, la société adioukrou, c'est qu'elle se situe près du pôle que nous pouvons appeler sans hésitation « des sociétés sans Etat ». A cet égard R. Horton écrit: « Again, there are considerable concentrations of stateless peoples in the western Ivory Coast …» (Ibid., 81).

33 L'intérêt et l'originalité de I'organisation socio-politique de la société adioukrou ne se limitent pas à la considération de cette seule société. Le pouvoir collectif de la classe d'âge tel qu'il se manifeste dans la société adioukrou est un modèle partagé par d'autres sociétés à classes d'âge, tels les Abidji, les Abra, les Attié, les Ebrié, les Nigui; et en Afrique de l'Est, les Galla en Ethiopie et les Nandi au Kenya.

34 Dupire et Boutillier, Le pays Adioukrou et sa palmeraie, 13.

35 Il est important de noter que ces individus réduits en servitude, notamment à la suite des guerres où ils étaient capturés, pouvaient en général, au bout d'un certain temps, être affranchis, tout en conservant la marque sociale de leurs origines serviles. Il ne s'agit done pas de l'esclavage de type antique, et par conséquent, d'un mode de production esclavagiste, car leur travail ne représentait pas la base de l'activité productive. Voir Gonidec, P.-F., Les systèmes politiques africains (Paris: Librairie générate de droit et de jurisprudence, 1971), 19.Google Scholar Voir aussi l'article précité de Amin, Samir, « L'esclavage en Afrique » et enfin l'ouvrage édité par Meillassoux, C. éd., L'esclavage en Afrique précoloniale (Paris: F. Maspéro, 1975).Google Scholar

36 Marc Augé note aussi l'existence de filiation bilatérale chez plusieurs sociétés voisines: « L'organisation sociale des Alladian repose, comme celle d'un certain nombre de leurs voisins(Ebrié, Adioukrou, Avikarm…) sur la double reconnaissance de la parenlé en ligne matemelle et du lien privilégié unissant le père à son fils » (Théorie des pouvoirs et idéologie 8).

37 Dupire et Boutillier, Le pays Adioukrou et sa palmeraie, 20.

38 Balandier, Georges, « Réflexions sur le fait politique : le cas des sociétés africaines », dans Cahiers internationaux de Sociologie 36 (1964), 2351.Google Scholar

39 B. Malinowski, Freedom and Civilization (1947), 266 et 253. Cité par Balandier, G. dans Anthropologie polilique (Paris: Presses Universitaires de France, 1969), 173.Google Scholar

40 Muller, « Chefferie, idéologic et mode de production chez les Rukuba », 20.

41 Memel-Foté, « Le système politique des Adioukrou », 94.

42 Ibid., 168.

43 Pour ce qui est d'une définition de classe d'âge, nous nous referons a la contribution suivante:« Au sein des sociétés qui ne connaissent ni pouvoir politique centralisé ni classes sociales bien définies, les règies de la parenté ne suffisent pas toujours pour fixer la répartition de charges importantes, telles la conduite de la guerre ou l'exécution des travaux d'intérêt public. Les classes d'âges (qui comprennent tous ceux qui sont nés pendant une certaine période d'années consécutives et dont la base du calcul peut varier) se voient alors confier certaines fonctions, dont l'attribution dans ces sociétés n'est pas du ressort des clans ni des lignages. Le recours au critère de l'âge s'expliquerait parsa reconnaissance universelle … »; Paulne, Denise (dir.), Classes et Associations a”Age en Afrique de l'Ouest (Paris: Librairie Plon, 1969), 9Google Scholar. Il ne faudrait pas négliger la diversité de ce mode d'organisation sociale, politique et économique: « Si le souci premier auquel répond la présence d'un système quelconque de classe d'âge demeure à peu près constant, assurer la cohésion et la stabilité de l'ensemble local, les modes d'expression, les rapports entre les différentes classes, enfin les relations que leurs chefs entretiennent avec les autorités, forment dans chaque cas un ensemble unique, comme demeure unique la société qui l'engendra » (ibid., 21); le même auteur traite la spécificité du système de classes d'âge dans la société adioukrou dans le chapitre: « Les classes d'âge dans le sud-est de la Côte d'Ivoire » (258–65).

44 Dupire et Boutillier, Le pays Adioukrou et sa palmeraie, 19.

45 Memel-Foté, « Le système politique des Adioukrou », 127.

46 Ibid., 160.

47 Dupire et Boutillier, Le pays Adioukrou el sa palmeraie, 19.

48 Ibid., 20.

49 Ibid., 68.

50 Ibid., 42.

51 Balandier, Georges, Anthropologie politique (Paris: Presses Universitaires de France, 1969), 129.Google Scholar

52 Voir Augé, Marc, Les Domaines de la parenté: filiation, alliance, résidence (Paris: Eds. F. Maspéro, 1975).Google Scholar

53 Godelier, « Infrastructures, sociétés, histoire », 47.

54 Ibid., 45.

55 Ibid., 47.

56 Ibid., 50.

57 Meillassoux, Claude, Femmes, greniers et capilaux (Paris: Eds. F. Maspéro, 1975), 57.Google Scholar