Panel: Wealthy cities and local elites : Basel, Geneva and Zurich, 1880-2010

Author of the report
Jérémy
Ducros
Ecole d’Economie de Paris & Institut d’histoire économique Paul Bairoch
Citation: Ducros Jérémy: « Panel: Wealthy cities and local elites : Basel, Geneva and Zurich, 1880-2010 », infoclio.ch Tagungsberichte, 08.07.2019. En ligne: <https://www.doi.org/10.13098/infoclio.ch-tb-0223>, consulté le 29.03.2024

Responsabilité: Stéphanie Ginalski, Matthieu Leimgruber
Intervenant-e-s: Pierre Eichenberger, Matthieu Leimgruber ; Thomas David, Stéphanie Ginalski ; Roberto Di Capua
Commentaire: Alexis Schwarzenbach

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Organisé par STÉPHANIE GINALSKI et MATTHIEU LEIMGRUBER, ce panel a pour but de présenter les premiers résultats de projets de recherche ayant trait aux élites locales en Suisse entre 1890 et 2020. Regroupés dans le projet de recherche Sinergia « Local power structures and transnational connections. New perspectives on elites in Switzerland, 1890-2020 »1, ils se concentrent sur les élites des trois principales villes suisses – Zurich, Genève et Bâle, et s’appuient sur la base de données des élites suisses au XXe siècle construite par l’Observatoire des élites suisses (OBELIS).2

La première présentation par PIERRE EICHENBERGER et de MATTHIEU LEIMGRUBER, a pour titre « Local economic elites. The Basel, Geneva and Zurich Chambers of Commerce, 1880-2010 ». Elle est consacrée aux chambres de commerce de Genève, Zurich et Bâle depuis 1880, et plus particulièrement à ses membres. Ces trois chambres de commerce sont les plus anciennes, puisqu’elles ont été créées respectivement en 1865, 1873 et 1875. Toutefois, le rôle économique de ces chambres de commerce, leur fonctionnement, ainsi que leurs liens avec la sphère politique, restent à établir : c’est l’objet d’un projet de recherche en cours à l’Université de Zurich. La première partie de cette étude est centrée sur les acteurs eux-mêmes, et analyse les membres de ces chambres de commerce, ainsi que la composition des leurs comités. Même s’ils s’internationalisent progressivement à partir des années 1970, comme en témoigne la création de la Swiss American Chamber of commerce à Zurich, ces comités sont majoritairement composés d’entreprises locales. Ils reflètent les structures économiques et industrielles de chaque canton : les secteurs du commerce, du bâtiment et de l’horlogerie sont, par exemple, davantage présents à Genève, alors qu’à Zurich, le textile est le deuxième secteur représenté à la chambre de commerce. Sans surprise, le secteur de la banque et de l’assurance occupe une place prépondérante dans les comités à Zurich, comme à Genève. Les chambres de commerce constituent ainsi un observatoire privilégié des élites locales.

Dans leur présentation « Wealth and Power in Switzerland, 1991-2015 », THOMAS DAVID et STÉPHANIE GINALSKI tentent de réconcilier deux champs d’étude situés au cœur des sciences sociales : le premier consacré aux « puissants » perpétuant la tradition bourdieusienne ; le second centré sur les « riches » dans la ligne des travaux récents de Thomas Piketty sur les 1% les plus aisés. Leur question principale de recherche est en effet la suivante : les puissants et les riches sont-ils, en Suisse, des individus différents ? Pour répondre à cette question, ils utilisent, d’une part, le classement annuel des 300 personnalités les plus riches de Suisse établi par le magazine Bilan et, d’autre part, la Base de données sur les Elites suisses aux XXe siècle hébergée par l’Université de Lausanne. Bien que la méthodologie employée par Bilan dans l’établissement de la liste des personnalités les plus riches et de l’estimation de leurs fortunes demeure floue, les données collectées sur les classements de 2000 et de 2015 permettent d’ores et déjà d’éclairer partiellement la question posée. Elles suggèrent, en effet, une corrélation forte entre les riches et les élites suisses pour les cantons de Bâle et de Zurich, où les riches sont majoritairement suisses. Pour Genève, en revanche, la corrélation semble moins forte dans la mesure où les étrangers constituent la majorité des personnalités les plus riches. Des spécificités cantonales apparaissent également lorsque l’on s’intéresse à l’origine des fortunes. Par exemple, Bâle accueille une écrasante majorité d’héritiers parmi les riches recensés par Bilan (83%), tandis que Genève compte davantage de self made men avec 41%, contre « seulement » 49% d’héritiers.

Intitulée « The spatial and social identity of the local political elites of Zurich and Lausanne », la présentation de ROBERTO DI CAPUA s’intéresse, quant à elle, aux lieux de résidence des conseillers communaux des villes de Zurich et Lausanne entre 1980 et 2016. Le lieu de résidence des élus constitue un enjeu central : en tant que tel, il fournit des informations précieuses sur les élus eux-mêmes et a également une influence sur les politiques menées par les villes. A Zurich, les élus ont tendance à habiter dans des quartiers à revenus médians moyens (à l’échelle de la ville), alors que les élus lausannois tendent à se concentrer dans les quartiers les plus aisés en termes de revenus médians. Cela peut s’expliquer par l’existence d’un système de circonscription électorale à Zurich (der Wahlkreis) : les quartiers populaires comptent généralement davantage de sièges, ce qui poussent les (futurs) élus à s’y installer. A Lausanne, au contraire, l’absence de circonscription électorale n’incite en moyenne pas les personnalités politiques à habiter dans des quartiers moins aisés. La couleur politique de l’élu entre également en compte dans le choix du lieu de résidence. A Lausanne, par exemple, alors que les élus du Parti Socialiste (PS) sont répartis dans tous les quartiers, les conseillers du Parti Libéral Radical (PLR) ont davantage tendance à s’installer dans des quartiers plus aisés. La présence d’un système de circonscription électorale ne supprime pas totalement l’influence de la couleur politique dans le choix du lieu de résidence. Ainsi, à Zurich, les élus PLR et Vert ont davantage tendance à vivre dans des quartiers aisés, à l’inverse des conseillers PS et de l’Union Démocratique du Centre (UDC). L’étude du lieu de résidence des conseillers communaux de Zurich et de Lausanne met ainsi en évidence l’existence de sélectivités sociale et spatiale.

A l’issue de ces trois présentations, ALEXIS SCHWARZENBACH introduit la discussion. Après avoir interrogé les intervenants successifs sur la finalité de ces collectes intensives de données et sur le rôle de l’historien face à ces nouveaux matériaux de recherche, il note que les recherches en cours seront susceptibles d’enrichir l’historiographie sur la bourgeoisie en Suisse. À la suite de ce commentaire, une discussion collective s’est ouverte. De nombreuses questions portent sur le rôle de la fiscalité et la possibilité de considérer des sources fiscales pour approcher les thématiques abordées dans ce panel.

Notes:
1 Le projet Sinergia est présenté plus en détails sur ce site internet.
2 La base de données des élites suisses au XXe siècle est disponible en ligne.

Aperçu du panel:
Eichenberger, Pierre; Leimgruber, Matthieu: Local economic elites. The Basel, Geneva and Zurich Chambers of Commerce, 1880-2010.

David, Thomas; Ginalski, Stéphanie: Wealth and Power in Switzerland, 1991-2015.

Di Capua, Roberto: The spatial and social identity of the local political elites of Zurich and Lausanne.

Ce compte rendu de panel fait partie de la documentation infoclio.ch des 5èmes Journées Suisses d'Histoire.

Evènement
5èmes Journées Suisses d'Histoire
Organisé par
Société suisse d'histoire et Université de Zürich
Date de l'événement
Lieu

Zürich

Langue
Français
Report type
Conference