Abstract
Contexte: La nature exacte des répercussions de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) sur la santé maternelle et néonatale reste à préciser. Nous avons cherché à évaluer l’association entre l’infection par le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRAS-CoV-2) pendant la grossesse et les issues défavorables de la grossesse.
MÉTHODES: Nous avons réalisé une revue systématique et une méta-analyse d’études observationnelles fournissant des données comparatives sur l’infection par le SRAS-CoV-2 et la gravité de la COVID-19 pendant la grossesse. Nous avons sélectionné les études admissibles à partir des bases de données MEDLINE, Embase, ClinicalTrials.gov, medRxiv et Cochrane au 29 janvier 2021, en utilisant les Medical Subject Headings (vedettes matière en médecine) et les expressions clés « severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 OR SARS-CoV-2 OR coronavirus disease 2019 OR COVID-19 » (coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 ou SRAS-CoV-2 ou maladie à coronavirus 2019 ou COVID-19) AND « pregnancy » (grossesse). Nous avons ensuite évalué la qualité méthodologique de toutes les études retenues avec l’échelle de Newcastle–Ottawa. Les issues primaires étaient la prééclampsie et la naissance prématurée. Les issues secondaires incluaient la mortinaissance et le diabète gestationnel, ainsi que d’autres issues de grossesse. Nous avons calculé des rapports de cotes (RC) sommaires ou des différences moyennes pondérées avec des intervalles de confiance (IC) à 95 % par méta-analyse à effets aléatoires.
RÉSULTATS: Nous avons retenu 42 études portant sur 438 548 personnes enceintes. Comparativement à une absence d’infection par le SRAS-CoV-2 pendant la grossesse, le diagnostic de COVID-19 a été associé à la prééclampsie (RC 1,33; IC à 95 % 1,03–1,73), à la naissance prématurée (RC 1,82; IC à 95 % 1,38–2,39) et à la mortinaissance (RC 2,11; IC à 95 % 1,14–3,90). Par rapport à la COVID-19 légère, la COVID-19 grave était fortement associée à la prééclampsie (RC 4,16; IC à 95 % 1,55–11,15), à la naissance prématurée (RC 4,29; IC à 95 % 2,41–7,63), au diabète gestationnel (RC 1,99; IC à 95 % 1,09–3,64) et au faible poids à la naissance (RC 1,89; IC à 95 % 1,14–3,12).
INTERPRÉTATION: La COVID-19 pourrait être associée à un risque accru de prééclampsie, de naissance prématurée et d’autres issues défavorables de la grossesse.
La maladie à coronavirus 2019 (COVID-19), causée par le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRASCoV-2), a fait l’objet d’une déclaration de pandémie en mars 20201. Les personnes enceintes et les nourrissons pourraient être particulièrement susceptibles de contracter la COVID-19, car la grossesse induit des changements physiologiques touchant l’appareil cardiorespiratoire et le système immunitaire, ce qui pourrait altérer la réponse à l’infection par le SRAS-CoV-22. Par ailleurs, le fœtus peut être exposé au SRAS-CoV-2 pendant une période critique de son développement3. La nature de l’association entre la COVID-19 et les issues de grossesse reste mal définie, et les méta-analyses portant sur des patientes enceintes atteintes de la COVID-19 ont une portée limitée. Quant aux revues publiées, elles se concentrent principalement sur des estimations de prévalence tirées d’études de cas ou de séries de cas difficiles à interpréter et potentiellement biaisées4,5. Selon une revue systématique publiée en 2020, les personnes enceintes ne présentaient pas un risque supérieur d’infection par le SRAS-CoV-2 ou de COVID-19 symptomatique, mais elles étaient exposées à un risque accru de COVID-19 grave par rapport à celles qui n’étaient pas enceintes5. Notons toutefois que cette revue incluait des cas probables de COVID-19 en plus des cas confirmés5. Certaines études observationnelles récentes semblent indiquer que les personnes présentant une COVID-19 asymptomatique ou symptomatique confirmée6–15, ainsi que des infections légères et graves6,8,9,15–22, pourraient être exposées à un risque d’issues de grossesse défavorables, nous n’avons trouvé aucune revue systématique faisant une analyse exhaustive de ces données.
Nous avons réalisé une revue systématique et méta-analyse des issues maternelles, fœtales et néonatales chez les personnes enceintes atteintes de la COVID-19 pour déterminer s’il y a une association entre l’infection par le SRAS-CoV-2 et les issues de grossesse défavorables, notamment la prééclampsie, la naissance prématurée et la mortinaissance.
Méthodes
Nous avons procédé à une revue systématique selon les directives PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses).
Sources des données, stratégie de recherche et sélection des études
Nous avons procédé à une recherche systématique dans les bases de données MEDLINE, Embase, ClinicalTrials.gov, medRxiv et Cochrane afin de recenser les études observationnelles publiées au 29 janvier 2021 comportant des données comparatives sur les personnes atteintes de la COVID-19 qui étaient enceintes (annexe 1, accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.202604/tab-related-content). Notre stratégie de recherche suivait les directives du Peer Review of Electronic Search Strategies (PRESS). Nous avons effectué des recherches dans les bases de données à l’aide d’une combinaison de Medical Subject Headings (vedettes matière en médecine) et des expressions clés « severe acute respiratory syndrome coronavirus 2 OR SARS-CoV-2 OR coronavirus disease 2019 OR COVID-19 » (coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 ou SRAS-CoV-2 ou maladie à coronavirus 2019 ou COVID-19) AND « pregnancy » (grossesse), en restreignant le paramètre linguistique aux résumés en anglais. Nous avons également effectué une recherche manuelle dans les références citées pour ces articles afin d’inclure toute autre étude répondant à nos critères.
Deux chercheuses ont examiné indépendamment les titres et les résumés recensés, comparé les études sélectionnées et résolu toute divergence par une discussion.
Nous avons examiné et sélectionné les articles complets des études évaluant les issues de grossesse maternelles, fœtales et néonatales associées à la COVID-19 qui répondaient aux critères d’inclusion suivants: étude observationnelle, population comprenant des personnes enceintes, infection par le SRAS-CoV-2 confirmée par un test d’amplification en chaîne par polymérase (PCR) ou par des codes pour les cas confirmés de COVID-19 de la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, 10e révision (CIM-10), comparaisons comprenant des patientes atteintes de la COVID-19 par rapport à celles qui ne l’étaient pas, patientes atteintes d’une COVID-19 symptomatique par rapport à celles atteintes d’une COVID-19 asymptomatique, ou d’une COVID-19 grave par rapport à une forme légère. Les issues comprenaient la morbidité et la mortalité maternelles, fœtales ou néonatales, l’accès aux données comparatives nécessaires au calcul de la taille de l’effet et un risque de biais faible ou modéré selon les critères d’évaluation de la qualité méthodologique de l’échelle de Newcastle–Ottawa23.
Nous avons exclu les études qui répondaient à au moins un des critères suivants: revues, études de cas ou séries de cas, études sans données comparatives, et études incluant des cas de pneumonie infectieuse causés par d’autres agents viraux. Dans les cas où plus d’une étude publiée portait sur la même cohorte et rapportait des résultats identiques, nous avons inclus celle qui contenait les données les plus complètes afin d’éviter les doublons.
Définition de cas
Nous avons défini les cas de COVID-19 comme une infection par le SRAS-CoV-2 confirmée chez une personne enceinte. Les témoins sans COVID-19 comprenaient les personnes enceintes dont le résultat du test de dépistage par PCR était négatif, celles qui étaient enceintes avant la pandémie ou celles qui étaient enceintes et asymptomatiques au début de la pandémie. Les cas de COVID-19 asymptomatique incluaient les personnes ayant obtenu un résultat positif au test de dépistage du SRAS-CoV-2, mais n’ayant jamais développé de symptômes de la COVID-19, et les cas de COVID-19 symptomatique, les personnes ayant obtenu un résultat positif au test de dépistage du SRAS-CoV-2 qui ont eu de la fièvre, une toux, de l’essoufflement, de la fatigue ou une perte du goût ou de l’odorat. La COVID-19 grave se caractérisait par une dyspnée, une fréquence respiratoire de 30 respirations par minute ou plus et une saturation en oxygène de 93 % ou moins à l’air ambiant, ou des résultats évocateurs d’une pneumonie24. Quant à la COVID-19 légère, elle se caractérisait par un résultat positif au test de dépistage du SRAS-CoV-2 sans présence de symptômes graves. Nous avons classé les cas de COVID-19 comme étant symptomatiques ou asymptomatiques et graves ou légers. Nous avons inclus dans les cas de COVID-19 symptomatiques toutes les patientes présentant un symptôme, quelle qu’en soit la gravité. Pour les cas de COVID-19 grave, nous avons inclus les patientes présentant des symptômes graves et critiques, tandis que la COVID-19 légère incluait les cas asymptomatiques ou légers6,7,19.
Issues
La sélection des issues s’est faite en fonction de leur importance clinique et de l’accès aux données pertinentes dans les études publiées. Les issues primaires étaient la prééclampsie et la naissance prématurée. Les issues secondaires étaient les suivantes: diabète gestationnel, chorioamnionite ou infection intra-amniotique, césarienne, anomalies de la fonction hépatique, lymphopénie, ventilation mécanique, admission en unité de soins intensifs (USI), mortinaissance (mort fœtale à partir de la 20e semaine de grossesse), détresse fœtale, poids à la naissance, faible poids à la naissance, âge gestationnel à la naissance, admission en unité de soins intensifs néonatals (USIN) et décès néonatal.
Évaluation de la qualité des études
Deux examinatricess ont évalué de manière indépendante la qualité méthodologique de chaque étude selon l’échelle de Newcastle–Ottawa23. Les études de cohorte ont été évaluées selon les 3 critères suivants: qualité de la sélection des cohortes (4 étoiles), comparabilité des cohortes (2 étoiles) et évaluation des issues (3 étoiles). Les études cas–témoins ont été évaluées en fonction de la qualité de la sélection des cas et des témoins (4 étoiles), la comparabilité des cas et des témoins (2 étoiles) et la détermination de l’exposition (3 étoiles). Nous avons jugé qu’un total de 7 étoiles sur 9 correspondait à un faible risque de biais, que 4 à 6 étoiles correspondaient à un risque modéré et que moins de 4 étoiles correspondaient à un risque élevé de biais (annexe 2, accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.202604/tab-related-content). En cas de désaccord, les examinatrices sont parvenues à un consensus lors d’une discussion avec un troisième examinateur.
Extraction et analyse des données
Deux auteurs ont extrait les données indépendamment et en double, toute divergence étant résolue par une discussion. Les données ont été extraites et l’analyse statistique a été effectuée dans Review Manager 5.4. Pour la méta-analyse, nous avons eu recours à des estimations non ajustées, car la plupart des études ne rapportaient des données que pour les issues brutes. Nous avons utilisé le test de Mantel–Haenszel pour combiner les données des variables dichotomiques, et les mesures de l’effet sont présentées sous forme de rapports de cotes (RC) avec des intervalles de confiance (IC) à 95 %. Pour les variables continues, nous avons calculé la différence moyenne (DM) pondérée en fonction de la taille de l’échantillon lorsque les issues étaient mesurées de la même manière d’une étude à l’autre. Nous avons évalué les associations entre la morbidité liée à la COVID-19 et les issues de grossesse (personnes atteintes de la COVID-19 par rapport aux personnes enceintes non infectées par le SRAS-CoV-2). Nous avons également évalué les issues de la COVID-19 en fonction de la gravité chez les patientes enceintes dont l’infection a été confirmée (cas symptomatiques par rapport aux asymptomatiques, cas graves par rapport aux cas légers).
Nous avons utilisé des graphiques en forêt pour montrer les estimations ponctuelles (IC à 95 %) pour chaque étude, et un losange pour représenter l’estimation ponctuelle groupée (IC à 95 %) pour chaque issue à l’étude. Nous avons évalué l’hétérogénéité à l’aide de l’indicateur I2. Si la valeur de I2 était égale ou supérieure à 40 %, nous avons considéré qu’il y avait hétérogénéité25. Ensuite, nous avons regroupé les résultats à l’aide de modèles à effets aléatoires, puis nous avons effectué une analyse de sensibilité en excluant les prépublications et les études présentant un risque modéré de biais et utilisé des modèles à effet fixe pour les issues des études comptant un petit nombre de patientes. Le risque de biais de publication a été évalué à l’aide d’un diagramme en entonnoir.
Approbation éthique
Il n’a pas été nécessaire de demander l’approbation éthique pour cet examen systématique, car les données étaient accessibles au public.
Résultats
Nous avons recensé 7212 citations potentiellement pertinentes au moyen de notre stratégie de recherche. Le diagramme de l’approche PRISMA (figure 1) résume le processus de recherche documentaire et de sélection des études. Après examen des titres et des résumés, nous avons lu 357 articles dans leur intégralité. Quarante-deux études observationnelles7–15,17,19,21,22,26–54 portant sur 438 548 personnes enceintes répondaient aux critères d’inclusion et ont été retenues pour la revue systématique et la méta-analyse. Notre évaluation de la qualité méthodologique de chaque étude admissible est résumée à l’annexe 2. Quatre-vingt-quinze pour cent des études observationnelles (40 sur 42) présentaient un faible risque global de biais selon l’échelle de Newcastle–Ottawa, et 5 % (2 sur 42) des études présentaient un risque modéré.
Les caractéristiques des études incluses sont résumées à l’annexe 3, accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.202604/tab-related-content. Sur les 42 études, 16 portaient sur des cohortes prospectives7,9,11,18,19,21,28,30,33,34,36,37,46,49–51, 21, sur des cohortes rétrospectives8,10,12–14,17,27,29,32,35,38–45,48,53,54 et 5, sur des études cas-témoins22,31,47,50,52. Une étude prospective a donné lieu à 2 publications, soit une étude en prépublication portant sur un résultat positif à l’infection par rapport à un résultat négatif au dépistage du SRAS-CoV-234, et une autre portant sur une infection grave comparée à une infection légère par la COVID-1918. Les cas de COVID-19 ont été confirmés par un test de dépistage par PCR. Vingt-huit études portaient sur une infection par le SRASCoV-2 confirmée durant la grossesse comparativement à l’absence d’infection11–13,15,22,27–32,34,35,37,39–45,47–51,53,54. Douze études ont mis en parallèle la COVID-19 symptomatique et asymptomatique7–15,46,48,52. Enfin, 13 études ont comparé la COVID-19 grave et légère pendant la grossesse8,9,15,17–19,21,22,26,33,36,38,48.
Comparativement à l’absence d’infection, l’infection par le SRASCoV-2 pendant la grossesse était associée à la prééclampsie (RC 1,33; IC à 95 % 1,03–1,73; I2 = 31 %; 13 études) (figure 2A), à l’accouchement prématuré (RC 1,82; IC à 95 % 1,38–2,39; I2 = 64 %; 18 études) ( figure 3A), à la mortinaissance (RC 2,11; IC à 95 % 1,14–3,90; I2 = 24 %; 6 études) (figure 4), l’admission à l’USI (RC 4,78; IC à 95 % 2,03–11,25; I2 = 76 %; 5 études), le faible poids à la naissance (grammes; différence moyenne: −8,96; IC à 95 % −130,22 à −7,69; I2 = 29 %; 13 études) et l’admission à l’USIN (RC 3,69; IC à 95 % 1,39–9,82; I2 = 94 %; 10 études) (annexe 4, accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.202604/tab-related-content). Comparativement à l’absence de maladie, il n’y avait pas d’association entre la COVID-19 et le diabète gestationnel, l’accouchement par césarienne, l’hémorragie post-partum et le décès néonatal (tableau 1).
Par rapport à la COVID-19 asymptomatique, la COVID-19 symptomatique pendant la grossesse a été associée à un risque accru de naissance prématurée (RC 2,29; IC à 95 % 1,49–3,53; I2 = 57 %; 9 études) (figure 3B) et d’accouchement par césarienne (RC 1,57; IC à 95 % 1,32–1,85; I2 = 1 %; 9 études) (annexe 4). La COVID-19 symptomatique n’était pas associée au diabète gestationnel (tableau 1).
Par rapport à la COVID-19 légère, la COVID-19 grave était fortement associée à la prééclampsie (RC 4,16; IC à 95 % 1,55–11,15; I2 = 0 %; 5 études) (figure 2C), à la naissance prématurée (RC 4,29; IC à 95 % 2,41–7,63; I2 = 61 %; 10 études) (figure 3C), au diabète gestationnel (RC 1,99; IC à 95 % 1,09–3,64; I2 = 14 %; 5 études), à l’admission à l’USI (RC 15,46; IC à 95 % 5,79–41,23; I2 = 0 %; 5 études), à la ventilation mécanique (RC 19,31; IC à 95 % 9,38–39,72; I2 = 0 %; 5 études), à l’accouchement par césarienne (RC 2,58; IC à 95 % 1,64–4,06; I2 = 43 %; 8 études), au faible poids à la naissance (RC 1,89; IC à 95 % 1,14–3,12; I2 = 0 %; 2 études) et à l’admission à l’USIN (RC 3,95; IC à 95 % 1,43–10,95; I2 = 79 %; 5 études) (tableau 1 et annexe 4).
Les analyses de sensibilité ont donné des résultats similaires (annexes 5 et 6, accessibles en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.202604/tab-related-content). Les diagrammes en entonnoir pour la prééclampsie et la naissance prématurée ne semblent pas indiquer que les conclusions étaient influencées par un biais de publication (annexe 7, accessible en anglais au www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.202604/tab-related-content).
Interprétation
Comparativement à l’absence de COVID-19 pendant la grossesse, nous avons constaté que la COVID-19 était associée à la prééclampsie, à la mortinaissance et à la naissance prématurée. Par rapport à la COVID-19 asymptomatique, la COVID-19 symptomatique était associée à un risque accru de césarienne et de naissance prématurée. Et la COVID-19 grave était fortement associée à la prééclampsie, au diabète gestationnel, à la naissance prématurée et au faible poids à la naissance, par rapport à la COVID-19 légère. Notre méta-analyse d’études observationnelles a le mérite unique de fournir des données comparatives sur la morbidité associée à la COVID-19 durant la grossesse. D’après nos observations, le fait de contracter la COVID-19 pendant la grossesse est associé à la prééclampsie et à la naissance prématurée, et la COVID-19 grave peut entraîner une morbidité maternelle et néonatale considérable.
Nous avons retenu des études présentant un risque de biais faible à modéré, en utilisant des critères stricts d’évaluation de la qualité23. Bien que le nombre de publications sur la COVID-19 chez les personnes enceintes ne cesse d’augmenter, les revues systématiques précédentes concernant la COVID-19 pendant la grossesse avaient principalement inclus des études de cas et des séries de cas4,5, ou présentaient une revue d’études de cas pour d’autres types de coronavirus55, décrivant la proportion de patientes présentant des manifestations cliniques ou des complications de la grossesse. Les auteurs de ces revues étaient conscients du manque de données de bonne qualité au début de la pandémie, données qui étaient nécessaires pour tirer des conclusions non biaisées. L’une des premières revues systématiques sur le sujet n’a observé aucune différence dans les caractéristiques cliniques des patientes atteintes de la COVID-19 qui étaient enceintes par rapport à celles qui n’étaient pas enceintes56. Une revue systématique en continu portant principalement sur des études de cas et des séries de cas5, dont beaucoup utilisaient des groupes témoins sans personnes enceintes, ou n’avaient pas de groupe témoin, a rapporté que les patientes enceintes étaient moins susceptibles de présenter des symptômes de la COVID-19 que les personnes atteintes de la COVID-19 qui n’étaient pas enceintes5. Notre méta-analyse d’études de cohorte récentes de bonne qualité comportant des données comparatives arrive à une conclusion différente, et fournit des preuves tangibles que la COVID-19 symptomatique ou grave est associée à un risque considérable de prééclampsie, de naissance prématurée et de faible poids à la naissance.
Les mécanismes qui sous-tendent l’association entre la COVID-19 et la prééclampsie ne sont pas bien définis, mais des chercheurs ont montré que le SRAS-CoV-2 entraîne un dysfonctionnement du système rénine–angiotensine et une vasoconstriction en se liant au récepteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 257. La prééclampsie, qui se caractérise par un dysfonctionnement endothélial systémique, pourrait avoir un mécanisme en commun avec la COVID-19, les effets vasculaires de l’infection par le SRAS-CoV-2 étant de plus en plus reconnus. Une étude a révélé que les personnes enceintes atteintes d’une forme grave de COVID-19 présentaient des manifestations cliniques comparables à la prééclampsie, qui s’en distinguait par des taux de biomarqueurs, notamment la tyrosine kinase analogue à FMS soluble dans le sérum et le facteur de croissance placentaire19. Certaines études ont montré que l’infection par le SRAS-CoV-2 créait un état pro-inflammatoire suivi par un dysfonctionnement endothélial systémique et une prééclampsie58,59. Cette constatation concorde avec les conclusions d’une étude suédoise de 2020, qui avait rapporté une prévalence accrue de prééclampsie chez les personnes enceintes atteintes de la COVID-1943.
Notre méta-analyse semble également indiquer que comparativement à l’absence d’infection, l’infection par le SRAS-CoV-2 serait associée à la naissance prématurée, à la mortinaissance et au faible poids à la naissance, mais pas à l’accouchement par césarienne. Nous avons également observé que la forme grave de la COVID-19 était fortement associée à la naissance prématurée et à d’autres issues périnatales défavorables. Il se peut que certains de ces risques excessifs soient liés à la prééclampsie, même si l’infection par le SRAS-CoV-2 peut également provoquer la réponse inflammatoire systémique exagérée présente durant la pathogenèse d’une naissance prématurée ou être responsable d’un milieu sous-optimal pour la croissance et le développement du fœtus. Les résultats de l’analyse histopathologique du placenta de patientes atteintes de la COVID-19 au moment de l’accouchement ont révélé une malperfusion vasculaire placentaire41, un élément susceptible d’avoir un effet sur la croissance du fœtus, la mortinaissance et la naissance prématurée. Une récente étude quasi expérimentale nationale menée aux Pays-Bas a révélé une association entre les mesures d’atténuation de la COVID-19 et une réduction de l’incidence des naissances prématurées60.
L’absence d’information sur les effets de l’infection par le SRAS-CoV-2 lors de la grossesse suscite d’importants questionnements chez les obstétriciens et les néonatologistes, qui s’inquiètent du risque de morbidité et de mortalité maternelles, fœtales et néonatales. Il existe donc un besoin urgent de données probantes pour orienter les décisions cliniques. Les résultats que nous avons recueillis semblent indiquer que l’infection par le SRAS-CoV-2 augmenterait le risque de prééclampsie, de mortinaissance, de naissance prématurée et d’admission à l’USIN, et que le risque d’issues maternelles, fœtales et néonatales indésirables est particulièrement important chez les personnes enceintes atteintes d’une forme grave de la COVID-19. Les cliniciens doivent être informés de ces issues indésirables lorsqu’ils prennent en charge la grossesse de patientes atteintes de la COVID-19 afin d’adopter des stratégies efficaces pour prévenir ou réduire les risques pour les patientes et les fœtus.
Limites
Nous n’avons pas enregistré notre étude auprès du registre de l’International Prospective Register of Systematic Reviews (PROSPERO), et notre recherche documentaire était limitée aux publications en anglais. Malgré le grand nombre d’issues prises en compte, nous ne pouvons pas exclure la possibilité que certaines associations soient non fondées. Certaines des études retenues (14 %) n’exigeaient pas un résultat négatif à un test de dépistage par PCR pour l’inclusion dans le groupe témoin non exposé22,32,37,40,42,47. La taille des effets non ajustée a été estimée, ce qui pourrait avoir entraîné une surestimation des risques. Il ressort de l’étude la plus importante disposant de données sur les facteurs confusionnels que les associations entre la COVID-19 et les issues de grossesse étaient quelque peu atténuées après ajustement, même si les risques sont restés élevés pour la plupart des issues53. Par ailleurs, nous n’avons pas pu déterminer l’importance clinique de certaines des issues. À titre d’exemple, nous ne pouvons pas confirmer que tous les patients admis à l’USIN ont eu besoin de soins intensifs. Le motif de la naissance prématurée n’était pas clair: il n’a entre autres pas été possible de déterminer si la naissance prématurée était indiquée médicalement ou spontanée. Comme les données se fondaient sur l’observation, nous ne pouvons pas éliminer la possibilité d’un facteur de confusion résiduel.
Conclusion
L’infection par le SRAS-CoV-2 pendant la grossesse a été associée à des risques de prééclampsie, de mortinaissance, de naissance prématurée et d’admission à l’USIN. En outre, il y a une forte association entre l’infection par le SRAS-CoV-2 entraînant une maladie grave et la prééclampsie et d’autres issues défavorables, maternelles et néonatales. Il faudra mener d’autres études pour recueillir des données plus fiables afin de valider ou d’étayer ces résultats, de mieux connaître les mécanismes physiopathologiques qui expliquent ces associations et pour mettre en évidence des stratégies efficaces de prévention des issues défavorables chez les personnes enceintes atteintes de la COVID-19.
Footnotes
Voir la version anglaise de l’article ici: www.cmaj.ca/lookup/doi/10.1503/cmaj.202604
Intérêts concurrents: Aucun déclaré.
Cet article a été révisé par des pairs.
Collaborateurs: Shu Qin Wei et Nathalie Auger ont contribué à la conception de l’étude. Shu Qin Wei et Marianne Bilodeau-Bertrand ont examiné les articles et évalué la qualité des études. Shu Qin Wei et Shiliang Liu ont effectué l’extraction et l’analyse des données. Shu Qin Wei a rédigé le manuscrit, et Nathalie Auger, Marianne Bilodeau-Bertrand et Shiliang Liu l’ont révisé de manière critique pour le contenu intellectuel important. Tous les auteurs ont contribué à l’interprétation des données, ont donné leur approbation finale pour la version destinée à être publiée et assument l’entière responsabilité de tous les aspects du travail.
Financement: Ce travail a été financé par une bourse des Instituts de recherche en santé du Canada (no PJT-162300). Nathalie Auger a reçu une bourse de carrière du Fonds de recherche du Québec – Santé (no 34695).
Partage des données: Toutes les données pertinentes sont fournies dans l’article et les annexes, et sont accessibles pour utilisation.
- Accepted March 2, 2021.
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