Rapports sur la santé
Espérance de vie des populations des Premières Nations, des Métis et des Inuits à domicile au Canada

par Michael Tjepkema, Tracey Bushnik et Evelyne Bougie

Date de diffusion : le 18 décembre 2019

DOI : https://www.doi.org/10.25318/82-003-x201901200001-fra

Il existe des écarts importants en matière de santé entre les populations autochtones et non autochtones au CanadaNote 1Note 2Note 3Note 4Note 5Note 6 et dans d’autres pays comme les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-ZélandeNote 7. Pour déterminer et combler ces écarts, la Commission de vérité et réconciliation du CanadaNote 8 a lancé l’appel à l’action no 19 pour demander au gouvernement fédéral de publier des données et d’évaluer les tendances à long terme pour un certain nombre d’indicateurs de la santé, notamment l’espérance de vie chez les Premières Nations, les Métis et les Inuits.

Au Canada, estimer l’espérance de vie de la population autochtone pose des défis méthodologiques, puisque les actes de décès ne renferment habituellement pas de renseignements sur l’identité autochtone de la personne décédéeNote 9Note 10. Dans des études antérieures, on a évalué l’espérance de vie des Autochtones par le couplage d’enregistrementsNote 11Note 12Note 13 et en appliquant des méthodesNote 14Note 15 ou des projectionsNote 16 géographiques. Malgré les différences entre les définitions, les couvertures géographiques et les méthodologies, ces études ont constamment montré que l’espérance de vie est plus courte au sein de la population autochtone que dans le reste de la population au CanadaNote 11Note 12Note 13.

Jusqu’à maintenant, on n’a établi aucune approche normalisée pour évaluer à l’échelle nationale l’espérance de vie des Premières Nations, des Métis et des Inuits au fil du temps. Par conséquent, on a couplé des données sur la mortalité à des données du recensement pour créer une série d’ensembles de données pouvant servir à surveiller régulièrement la mortalité des populations autochtones dénombrées dans le cadre d’un recensement. Le présent article vise :

  1. à évaluer l’espérance de vie des Premières Nations, des Métis et des Inuits à différents âges et selon le sexe pour 2011 et à la comparer avec celle de la population non autochtone;
  2. à examiner les tendances en matière de longévité depuis 1996 chez les Premières Nations, les Métis et les Inuits et au sein de la population non autochtone ainsi qu’à évaluer si la disparité entre les populations autochtones et la population non autochtone a évolué au fil du temps.

Ainsi, l’étude vise à combler une lacune importante en matière d’information en dressant un portrait national de l’espérance de vie des Premières Nations, des Métis et des Inuits.

Méthodes

Source des données

La Cohorte santé et environnement du recensement canadien (CSERCan) comporte des ensembles de données couplées qui sont fondés sur la population et qui permettent un suivi de la population excluant les pensionnaires d’établissements institutionnels (la population à domicile) au moment du recensement pour divers résultats en matière de santé, comme la mortalité, le cancer et les hospitalisations ainsi que le lieu annuel de résidence. Le couplage de données pour la CSERCan de 2006 et celle de 2011 a été fait à l’aide de l’Environnement de couplage de données sociales (ECDS) de Statistique CanadaNote 17. L’ECDS facilite la création de fichiers de données couplées sur la population aux fins d’analyse sociale en permettant de coupler des données avec le Dépôt d’enregistrements dérivés (DED), une base de données relationnelle dynamique contenant uniquement des identificateurs personnels de base. Les données d’enquête et les données administratives sont couplées au DED à l’aide d’un logiciel généralisé de couplage d’enregistrements qui prend en charge le couplage déterministe et le couplage probabiliste. On a créé les CSERCan de 1991, de 1996 et de 2001 en couplant les dossiers fiscaux à l’aide du même logiciel généralisé de couplage d’enregistrements qui a été normalisé puisque le DED n’existait pas encoreNote 18Note 19Note 20. Pour accroître l’uniformité des CSERCan, les données fiscales et les données des recensements de 1991, de 1996 et de 2001 ont été couplées d’une manière déterministe avec le DED à l’aide des numéros d’assurance sociale afin de mettre à jour et de joindre différents résultats en matière de santé (c.-à-d. la mortalité, le cancer et les hospitalisations) selon une approche identique pour les CSERCan de 2006 et de 2011. Puisqu’il fallait coupler les données avec les dossiers fiscaux pour les CSERCan de 1991, de 1996 et de 2001, on a déterminé une limite d’âge pour cibler la population adulte (soit 25 ans et plus dans le cas de la CSERCan de 1991 et 19 ans et plus pour les CSERCan de 1996 et de 2001). Aucune limite d’âge n’a été établie pour les CSERCan de 2006 et de 2011.

Dans le cadre des recensements de 1991, de 1996, de 2001 et de 2006, un questionnaire détaillé obligatoire a été transmis à la population à domicile (environ 1 ménage sur 5), y compris les personnes habitant dans des logements collectifs (c.-à-d. les maisons de chambres et les hôtels) qui vivent habituellement au Canada le jour du recensement. De manière générale, le taux de réponse au recensement obligatoire est très élevé : en 2006, le taux de réponse pour le questionnaire détaillé a été de 93,5 %Note 21. En 2011, le questionnaire détaillé du recensement a été remplacé par l’Enquête nationale auprès des ménages (ENM) de 2011, une enquête à participation volontaire réalisée auprès de la population excluant les pensionnaires d’établissements institutionnels et vivant dans des logements privés (environ 1 ménage sur 3, à l’exclusion des logements non privés comme les maisons de chambres et les hôtels). Le taux de réponse non pondéré à l’ENM a été de 68,6 %Note 22.

Lors du Recensement de 1996, il y avait 77 réserves indiennes partiellement dénombrées, 30 lors de celui de 2001, 22 lors de celui de 2006 et 36 lors de l’ENM de 2011. En outre, une petite proportion de la population (habituellement inférieure à 5 % au cours d’un recensement donné) est omise dans le cadre des recensements, les adultes de 20 à 34 ans étant les plus susceptibles de ne pas être dénombrésNote 23. Dans le présent article, le terme « réserve indienne » désigne les subdivisions de recensement qui sont, au sens de la loi, des réserves indiennes, des établissements indiens, d’autres types de territoires créés par la ratification d’ententes sur l’autonomie gouvernementale de même que d’autres collectivités du Nord rattachées aux Premières Nations conformément aux critères établis par Services aux Autochtones Canada.

Dans le cadre de la présente étude, la CSERCan de 1991 a été exclue parce que la question sur l’identité autochtone n’a pas été posée lors du recensement.

Analyse statistique

Pour chaque CSERCan, le nombre de décès et de personnes vivantes au cours d’une période de suivi de cinq ans a été calculé selon le sexe, l’âge et le groupe de population. Une période de suivi de cinq ans a été établie pour veiller à ce que le nombre de décès soit suffisant pour fournir des estimations fiables et minimiser le chevauchement des décès entre les périodes de suivi des différentes CSERCan. Tous les chiffres ont été pondérés.

L’espérance de vie correspond au nombre moyen d’années qu’une personne d’un âge donné peut s’attendre à vivre si les taux de mortalité observés lors d’une période donnée persistent dans l’avenir. Dans le cadre de la présente étude, des tables de mortalité abrégées du moment (en fonction de groupes d’âge de cinq ans, à l’exception du premier groupe d’âge, pour lequel les taux ont été calculés pour les âges de 1 à 4 ans, et du dernier groupe d’âge, pour lequel les taux ont été calculés pour les âges de 85 ans et plus) ont été produites selon la méthode ChiangNote 24 pour les hommes et les femmes autochtones (Premières Nations, Métis, Inuits) et non autochtones. Le poids de la cohorte a été appliqué pour veiller à ce que les estimations de l’espérance de vie soient représentatives de la population cible; des poids de rééchantillonnage bootstrap ont servi à évaluer les erreurs-types appropriées et les intervalles de confiance (IC) à 95 %. Des tests statistiques visant à évaluer les différences entre les groupes ont été réalisés à l’aide des estimations pondérées et des erreurs-types en fonction des 500 poids bootstrap fournis avec chaque CSERCan.

La variation moyenne en pourcentage (VMP) au fil du temps a été évaluée à l’aide de la version 4.6.0.0 de Joinpoint. Pour calculer les tendances en matière d’espérance de vie pour chaque catégorie d’Autochtones et de non-Autochtones, on a utilisé un modèle de régression linéaire qui supposait un taux de changement constant dans le logarithme de l’estimation pondérée de l’espérance de vie d’une année de cohorte à l’autre. Les modèles intégraient les erreurs-types appropriées, et les tests de signification reposaient sur la méthode de permutation Monte Carlo. La pente estimée par chaque modèle a ensuite été reconvertie en VMP. Les valeurs p associées aux VMP correspondent à des tests bilatéraux de l’hypothèse nulle selon laquelle la VMP sous-jacente équivaut à zéro (c.-à-d. stable) et a un niveau de signification de 0,05. Les VMP associées à une valeur p supérieure à 0,05 étaient considérées comme étant stables. Sinon, les variations annuelles en pourcentage positives (à la hausse) et négatives (à la baisse) étaient considérées comme les variations réelles de l’espérance de vie au fil du temps.

À des fins de comparaison entre les CSERCan, les réserves indiennes partiellement dénombrées pour au moins un cycle de la CSERCan ont été exclues de toutes les analyses de tendances. La population vivant dans des logements collectifs non institutionnels a également été exclue des estimations de la CSERCan de 1996, de 2001 et de 2006 par souci de cohérence avec les populations exclues de la CSERCan de 2011.

Définitions

Dans le cadre de la présente étude, l’identité autochtone (Première Nation, Métis et Inuit) a été définie à l’aide des questions suivantesNote25 :

Les répondants qui avaient des identités autochtones multiples ont été exclus. Ils représentent généralement une petite proportion de l’ensemble de la population ayant une identité autochtone. Par exemple, en 2011, moins de 1 % des personnes ayant déclaré être des Autochtones ont indiqué qu’elles avaient plus d’une identité autochtoneNote 25.

Les critères suivants ont servi à définir la population non autochtone : 1) n’a pas déclaré être un Autochtone (Première Nation, Métis ou Inuit) (réponses uniques ou multiples); 2) n’a pas déclaré être un Indien inscrit ou un Indien avec statut (c’est-à-dire une personne inscrite à titre d’Indien en vertu de la Loi sur les Indiens); 3) n’a pas déclaré être membre d’une bande indienne ou d’une Première Nation.

Résultats

L’espérance de vie des populations des Premières Nations, des Métis et des Inuits à domicile était beaucoup moins élevée que celle de la population non autochtone à domicile (tableau 1, tableau A en annexe).

Espérance de vie et probabilité de survie en 2011

En 2011, l’espérance de vie à 1 an de la population des Premières Nations à domicile était de 72,5 ans pour les hommes et de 77,7 ans pour les femmes. Elle était donc 8,9 ans (IC à 95 % : 8,1 à 9,7) et 9,6 ans (IC à 95 % : 8,7 à 10,5) plus courte que celle des hommes et des femmes non autochtones (tableau 1). Au chapitre de l’espérance de vie à 65 ans, l’écart entre les Premières Nations et la population non autochtone était de 4,6 ans (IC à 95 % : 3,8 à 5,4) chez les hommes et de 6,2 ans (IC à 95 % : 5,3 à 7,2) chez les femmes.

En 2011, pour la population des Métis à domicile, l’espérance de vie à 1 an était de 76,9 ans chez les hommes et de 82,3 ans chez les femmes, soit respectivement 4,5 ans (IC à 95 % : 3,2 à 5,8) et 5,0 ans (IC à 95 % : 3,0 à 7,0) plus courte que celle de la population non autochtone. À 65 ans, l’écart entre les Métis et la population non autochtone s’était rétréci pour s’établir à 2,7 ans (IC à 95 % : 1,4 à 4,1) chez les hommes et à 3,8 ans (IC à 95 % : 1,7 à 6,0) chez les femmes.

L’espérance de vie à 1 an pour la population d’Inuits à domicile était de 70,0 ans chez les hommes et de 76,1 ans chez les femmes, soit 11,4 ans (IC à 95 % : 9,2 à 13,6) et 11,2 ans (IC à 95 % : 8,3 à 14,2) plus courte que celle de la population non autochtone. À 65 ans, l’espérance de vie était 4,9 ans (IC à 95 % : 2,4 à 7,3) plus courte chez les hommes inuits et 5,9 ans (IC à 95 % : 2,7 à 9,2) plus courte chez les femmes inuites par rapport aux hommes et aux femmes non autochtones.

La probabilité de survie jusqu’à 75 ans était inférieure chez les Premières Nations, les Métis et les Inuits par rapport à la population non autochtone (tableau 2). Au sein de la population des Premières Nations à domicile, la probabilité de survie jusqu’à 75 ans était de 53 % chez les hommes et de 66 % chez les femmes, soit 22 points de pourcentage et 18 points de pourcentage de moins que la population non autochtone à domicile. Chez les Métis, la probabilité de survie jusqu’à 75 ans était de 64 % chez les hommes et de 74 % chez les femmes, soit 12 points de pourcentage et 10 points de pourcentage de moins que la population non autochtone à domicile. Chez les Inuits, la probabilité de survie jusqu’à 75 ans était de 51 % chez les hommes et de 63 % chez les femmes, soit 25 points de pourcentage et 21 points de pourcentage de moins que la population non autochtone à domicile.

Changements de l’espérance de vie de 1996 à 2011

De manière générale, de 1996 à 2011, l’espérance de vie à 20 ans a augmenté chez les Premières Nations, les Métis, les Inuits et la population non autochtone (tableau 3).

Chez les hommes des Premières Nations, l’espérance de vie à 20 ans a augmenté, passant de 52,6 ans en 1996 à 54,3 ans en 2011; chez les femmes des Premières Nations, elle a aussi augmenté, passant de 57,9 ans à 59,3 ans. La variation moyenne en pourcentage (VMP) entre chaque point dans le temps allait de 0,19 (p ⋜ 0,06) chez les hommes des Premières Nations à 0,17 (p ⋜ 0,05) chez les femmes des Premières Nations (figure 1). Le gain en années chez les hommes des Premières Nations était inférieur au gain chez les hommes non autochtones (4,2 ans; p < 0,05). Sur le plan statistique, le gain en années chez les femmes des Premières Nations ne différait pas du gain chez les femmes non autochtones (2,7 ans).

De 1996 à 2011, l’espérance de vie à 20 ans a augmenté de 3,7 ans (passant de 54,6 ans à 58,3 ans) chez les hommes métis et de 4,0 ans (passant de 59,5 ans à 63,5 ans) chez les femmes métisses. La VMP entre chaque point dans le temps allait de 0,38 (p ⋜ 0,1) chez les hommes métis à 0,41 (p ⋜ 0,05) chez les femmes métisses (figure 1). Sur le plan statistique, ces gains en années ne différaient pas de ceux observés chez les hommes non autochtones (VMP = 0,47, IC à 95 % : 0,40 à 0,53) et chez les femmes non autochtones (VMP = 0,24, IC à 95 % : 0,06 à 0,43).

Chez les hommes inuits, l’espérance de vie à 20 ans était de 49,6 ans en 1996 et de 53,0 ans en 2011 (tableau 3). Chez les femmes inuites, l’espérance de vie à 20 ans était de 58,1 ans en 1996, de 54,0 ans en 2001, de 56,9 ans en 2006 et de 58,0 ans en 2011. La variabilité dans les VMP chez les hommes inuits et les femmes inuites, indiquée par les intervalles de confiance relativement larges, ne permet pas de déterminer si la tendance au fil du temps au sein des Inuits est différente de celle de la population non autochtone (figure 1).

Discussion

Pour toutes les périodes, l’espérance de vie était toujours beaucoup plus courte dans les populations des Premières Nations, des Métis et des Inuits à domicile que dans la population non autochtone à domicile. Les facteurs qui favorisent la longévité sont complexes et interreliésNote 26. Dans les populations des Premières Nations, des Métis et des Inuits, la culture, la langue, le passé colonial ainsi que la situation sociale, économique et sanitaire sont diversifiésNote 27. Cependant, les populations autochtones partagent un énorme désavantage par rapport à la population non autochtone en ce qui concerne de nombreux déterminants sociaux de la santéNote 25Note 28. En outre, les effets de la colonisation, du racisme et des traumatismes intergénérationnels sur les peuples autochtones ont contribué à leurs moins bons résultats en matière de santé et à leur espérance de vie plus courteNote 8Note 28Note 29Note 30Note 31. Les raisons pour lesquelles l’espérance de vie est plus courte dans les populations des Premières Nations, des Métis et des Inuits à domicile étaient hors du champ de la présente étude. Des études futures sur le sujet sont nécessaires.

En 2011, l’espérance de vie à 1 an était d’environ 9 ans à 10 ans plus courte chez les Premières Nations que dans la population non autochtone. L’écart était plus élevé que l’écart de 6 ans observé entre les Indiens inscrits vivant en Colombie-Britannique et d’autres résidents provinciauxNote 11, par contre, il était semblable à l’écart observé chez les Indiens inscrits vivant en AlbertaNote 12 et au ManitobaNote 32. En ce qui concerne l’espérance de vie des adultes des Premières Nations, les hausses observées de 1996 à 2011 n’étaient pas aussi importantes que celles observées chez les adultes non autochtones.

En 2011, l’espérance de vie à 1 an était d’environ 4,5 ans à 5 ans plus courte chez les Métis qu’au sein de la population non autochtone. Il n’existe pas de résultats comparables d’après les registres des Métis. Au fil du temps, les hausses de l’espérance de vie chez les hommes métis et chez les femmes métisses étaient semblables à celles observées au sein de la population non autochtone. Il faut faire preuve de prudence lorsqu’on interprète ces tendances, puisqu’il y a eu une hausse importante du nombre de répondants au recensement qui ont déclaré être MétisNote 33.

En 2011, l’espérance de vie à 1 an était environ 11 ans plus courte chez les Inuits que dans la population non autochtone. Dans l’ensemble, ces résultats étaient semblables aux résultats d’études dans le cadre desquelles on s’appuyait sur une approche géographique pour calculer l’espérance de vie au sein de l’Inuit NunangatNote 34. En raison de la petite taille de l’échantillon, il était impossible de faire un test statistique au fil du temps. Cependant, des estimations ponctuelles laissent croire que l’espérance de vie à 20 ans a augmenté chez les Inuits depuis 1996.

Limites

On doit prendre en considération de nombreuses limites importantes pour comprendre les estimations de l’espérance de vie présentées ci-dessus. Tout d’abord, les résultats décrivent la population à domicile au moment de la collecte du recensement et ne tiennent pas compte de l’ensemble de la population canadienne (les personnes vivant dans des établissements institutionnels sont exclues). Ainsi, en fonction des données de la CSERCan et de son cycle, les estimations de l’espérance de vie à 1 an sont supérieures à celles des tables de mortalité officielles de Statistique Canada d’environ 2 ans à 2,5 ans chez les femmes et d’environ 1,5 an chez les hommes.

Les données des cohortes du recensement qui sont couplées à celles sur la mortalité sous-estiment énormément la mortalité infantile (les décès qui se produisent au cours de la première année suivant la naissance) parce qu’environ les trois quarts de tous les décès d’enfants en bas âge ont lieu au cours des 28 premiers jours, ce qui rend le dénombrement du recensement incertainNote 35. Ainsi, il était impossible de produire une estimation fiable de l’espérance de vie à la naissance. Récemment, une cohorte de naissance a permis d’évaluer que le taux de mortalité infantile était plus de deux fois supérieur pour chaque population autochtone par rapport à la population non autochtoneNote 36.

La présente étude ne fournit que des données nationales sur les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Les importantes différences régionales en ce qui a trait à l’espérance de vie qui ont été démontrées dans d’autres étudesNote 11Note 12Note 34 ne sont pas apparentes. Des analyses régionales, qui peuvent être réalisées à l’aide des CSERCan, devront faire l’objet d’un examen plus approfondi dans le cadre de futurs travaux de recherche.

Lorsque l’on compare les données sur les populations autochtones qui sont tirées des recensements et de l’ENM, on doit tenir compte de plusieurs facteurs. Parmi ceux-ci, il y a les différences méthodologiques, les changements à la formulation et à la présentation des questions qui permettent de déclarer son identité autochtone, les changements législatifs (qui ont une incidence sur les concepts comme l’identité autochtone et le statut d’Indien inscrit), les changements apportés à la définition des réserves indiennes ainsi que les différences propres à la liste des réserves indiennes partiellement dénombrées. En plus de ces facteurs, pour différentes raisons, certaines personnes ne déclarent pas la même identité autochtone d’une période de collecte de données à l’autreNote 37. Pour améliorer la comparabilité des données au fil du temps, l’analyse des tendances a été limitée aux établissements et aux réserves dont les populations ont pris part à tous les cycles du recensement et de l’ENM. Les réserves partiellement dénombrées peuvent avoir une incidence sur les estimations de l’espérance de vie chez les personnes des Premières Nations ayant le statut d’Indien inscrit.

La mise en place de l’ENM de 2011 à participation volontaire a constitué un important changement méthodologique par rapport au questionnaire détaillé du recensement utilisé auparavant. On ignore les répercussions de ce changement sur la comparabilité des résultats avec ceux sur l’espérance de vie observés dans les CSERCan précédentes. La présente étude porte sur les répondants ayant déclaré être des Autochtones (Métis, Inuits ou Premières Nations). Il existe de nombreuses façons de définir la population autochtone au Canada. D’autres personnes intéressées pourraient utiliser la même source de données pour estimer séparément l’espérance de vie chez les personnes des Premières Nations qui ont le statut d’Indien inscrit et celles qui ne l’ont pas ou chez celles qui vivent dans une réserve et celles qui vivent hors réserve ou bien pour estimer leur espérance de vie par région géographique.

Conclusions

Des hausses de l’espérance de vie ont été observées chez les Autochtones (Premières Nations, Métis et Inuits) de 1996 à 2016. Cependant, ces hausses étaient inférieures à celles observées au sein de la population non autochtone ou ne différaient pas de celles-ci sur le plan statistique. Par conséquent, l’écart persiste entre l’espérance de vie des populations autochtones et celle des populations non autochtones au Canada. Les présents résultats soulignent l’importance de l’élaboration continue de données pour surveiller régulièrement les tendances en matière de longévité, ce qui permet ensuite de guider l’élaboration et la planification des politiques visant à favoriser l’équité en santéNote 38.Au fur et à mesure que des ensembles de données plus récents de la CSERCan deviendront accessibles, les futurs travaux de recherche permettront de surveiller constamment les tendances à plus long terme en matière d’espérance de vie chez les Premières Nations, les Métis et les Inuits au Canada.

Remerciements

Les auteurs remercient sincèrement les organisations autochtones nationales pour les commentaires utiles qu’elles ont formulés. Les auteurs tiennent également à remercier Philippe Finès, qui a fourni la syntaxe ayant permis de produire les estimations de l’espérance de vie selon les CSERCan.

Annexe

Références
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