Rapports sur la santé
Tendances de la survie au cancer chez les enfants au Canada, 1992 à 2017

par Larry F. Ellison, Lin Xie et Lillian Sung

Date de diffusion : le 17 février 2021

DOI: https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202100200001-fra

Chaque année au Canada, environ 1 000 enfants de 0 à 14 ans reçoivent un diagnostic de cancer, et 110 en meurentNote 1. À l’échelle mondiale, d’impressionnants progrès en matière de survie ont été réalisés au fil du tempsNote 2Note 3Note 4. Ces progrès sont principalement attribuables à une compréhension plus approfondie de la biologie du cancer pédiatrique, combinée à la succession d’essais cliniques pluri-institutionnelsNote 5. Ainsi, une grande partie des connaissances actuelles sur l’évolution attendue de la maladie et les facteurs de risque proviennent des essais cliniques. Les essais cliniques permettent de tirer d’excellents enseignements sur le rendement de différents traitements dans le contexte d’une surveillance étroite, d’une application rigoureuse des critères d’admissibilité et du respect du protocole thérapeutique. Or, ces résultats pourraient ne pas s’appliquer de façon générale aux enfants qui ne participent pas aux essais cliniques. Par exemple, des études d’observation semblent montrer que les enfants inscrits à des essais cliniques diffèrent des enfants non participants quant à leurs caractéristiques démographiques et aux caractéristiques propres à leur cancer. Par conséquent, il se peut que les résultats des essais cliniques ne soient pas représentatifs des résultats au niveau de la populationNote 6Note 7.

Une façon de remédier à cette limitation de la généralisabilité consiste à utiliser des registres du cancer fondés sur la population tels que le Registre canadien du cancer (RCC). Une analyse antérieure fondée sur le RCC a révélé que les taux d’incidence du cancer chez les enfants étaient stables, tandis que les taux de mortalité diminuaient après 1985Note 8. sBien que cette évaluation de référence ait fourni un important éclairage d’un point de vue national, plusieurs questions importantes demeurent. Parmi les lacunes figurent la description de la survie au niveau de la population pour une cohorte contemporaine — la dernière évaluation exhaustive a été publiée en 2007Note 2 — et la question de savoir si l’amélioration de la survie a été constante au fil du temps et selon le diagnostic. De plus, la survie conditionnelle, soit la probabilité de continuer à survivre compte tenu d’une période de survie initiale, n’est pas bien décrite pour le cancer chez les enfants, alors que cette analyse a été effectuée pour le cancer chez les adultesNote 9. Une telle description serait utile tant aux patients qu’aux fournisseurs de soins de santé.

Par conséquent, les objectifs de la présente étude étaient de décrire la survie, l’amélioration de la survie au fil du temps et la survie conditionnelle chez les enfants atteints de cancer au Canada. S’appuyant sur les données du RCC, l’étude présente des estimations de la survie prévue à court et à long terme pour la période de cinq ans allant de 2013 à 2017, pour tous les groupes diagnostiques de cancer infantile et certains sous-groupes. Les tendances de la survie, y compris celles qui se rapportent à tous les cancers infantiles confondus, sont examinées pour l’intervalle allant de la période de 1992 à 1996 à la période de 2013 à 2017. Les estimations de la survie à cinq ans conditionnelle au fait d’avoir déjà survécu de 1 à 10 ans sont également fournies.

Données et méthodes

Sources de données et définitions

La source des données était un fichier analytique préexistant créé par le couplage des cas diagnostiqués de 1992 à 2017 selon le RCC aux données complètes sur la mortalité pour la période se terminant le 31 décembre 2017, au moyen de l’Environnement de couplage de données sociales de Statistique CanadaNote 10. Le RCC est une base de données fondée sur la population qui se compose des cas diagnostiqués chez les résidents canadiens depuis 1992. Chaque registre du cancer provincial ou territorial fournit des renseignements démographiques ainsi que des renseignements propres au cancer à Statistique Canada, et ce, dans un format normalisé. La transmission annuelle de données par les secteurs de compétence comporte des ajouts et des révisions aux données transmises au cours des années précédentesNote 11. Les données sur la mortalité provenaient de la Base canadienne de données de l’état civil – Décès (BCDECD), qui contient des renseignements sur tous les décès survenus au CanadaNote 12, et du fichier maître sur les particuliers T1 (tiré des déclarations de revenus). L’utilisation des renseignements sur les décès tirés des déclarations de revenus a aidé à repérer d’autres cas de décès chez les patients figurant dans le RCC qui n’ont peut-être pas été inclus dans la BCDECD, notamment les décès survenus à l’étranger. Cette source a également servi à valider la date du décès en cas de divergences entre les dates indiquées dans le RCC et la BCDECD. Le fichier analytique suivait les règles de codage des tumeurs primaires multiples du Centre international de recherche sur le cancerNote 13. Le temps de survie était mesuré en jours. De plus amples renseignements sur le processus de couplage et sur le fichier analytique couplé aux décès sont accessibles sur demande.

Les cancers chez les enfants de 0 à 14 ans ont été classés en fonction de la mise à jourNote 14 de la 3e édition de la Classification internationale du cancer chez les enfants (CICE-3) par le programme SEER (surveillance, épidémiologie et résultats finaux)Note 15. Cette mise à jour a fait suite à l’adoption de nouveaux codes morphologiques par l’Organisation mondiale de la SantéNote 16. Pour 19 cas portant le code histologique 8963 (tumeur rhabdoïde maligne) et le code topographique C71 (cerveau) qui n’auraient autrement pas été attribués à un groupe diagnostique, le code histologique a été remplacé par 9508 (tumeur tératoïde/rhabdoïde atypique), et les cas ont été inclus dans le sous-groupe diagnostique IIIc.

Inclusions et exclusions

D’abord, les nouveaux cancers primitifs malins diagnostiqués chez les enfants de 0 à 14 ans ont été inclus. Les cas du Québec ont été exclus parce que les données sur l’incidence du cancer de cette province n’avaient pas été transmises au RCC depuis l’année de référence 2010. On a ensuite procédé par étapes à des exclusions, en commençant par les cas pour lesquels le diagnostic a été établi au moyen d’une autopsie seulement ou d’un certificat de décès seulement (0,5 % des cas exclus). L’année du décès, le cas échéant, était connue dans chaque cas. L’ensemble de données a davantage été restreint aux premiers cancers primitifs diagnostiqués de 1992 à 2017 par personne et par sous-groupe diagnostique (0,4 % des cas exclus)Note 17Note 18Note 19Note 20. Chez les enfants ayant des cancers primitifs multiples du même groupe diagnostique, seul le premier cancer a été inclus dans les analyses au niveau du groupe diagnostique (0,1 % des cas exclus). Ces exclusions ont été incorporées pour éviter d’inclure deux décès pour la même personne dans la même analyse de survieNote 20. Enfin, 15 cas résiduels de cancers malins qui ne correspondaient pas à un groupe diagnostique ont été exclus.

Présentation des résultats pour les groupes et sous-groupes diagnostiques

Les résultats ont été présentés pour les 12 groupes diagnostiques de la CICE-3 et pour 21 des 47 sous-groupes diagnostiques, en raison de la rareté des diagnostics dans de nombreux sous-groupes. Plus précisément, les résultats ont été présentés pour les sous-groupes lorsque l’erreur-type associée à la proportion de cas de survie observés (PCSO) à cinq ans pour la période de 2013 à 2017 était égale ou inférieure à 0,05 (chiffre arrondi) et que le nombre total de cas diagnostiqués de 2008 à 2017 était d’au moins 50. Par conséquent, en plus de la cohorte totale qui comprenait tous les cas de cancer admissibles, les résultats ont été fournis pour 24 groupes ou sous-groupes indépendants de la CICE-3 (c.-à-d. les 21 sous-groupes, en plus de 3 groupes sans sous-groupes).

Analyse statistique

Les PCSO ont été calculées au moyen d’un algorithme élaboré par DickmanNote 21 et ont été présentées sous forme de pourcentages. Les cas comportant la même date de diagnostic et de décès (à l’exclusion des cas diagnostiqués au moyen d’une autopsie seulement ou d’un certificat de décès seulement) se sont vu attribuer une journée de survie afin d’être inclus dans les estimations de la survie. Les erreurs-types des estimations des PCSO ont été déterminées selon la méthode de GreenwoodNote 22. Les PCSO pour tous les cancers infantiles confondus ont été calculées en tant que moyenne pondérée des estimations propres au sexe et au groupe diagnostique. Les pondérations utilisées étaient fondées sur la répartition selon le sexe et le groupe diagnostique des cas de personnes de 0 à 14 ans ayant reçu un diagnostic de cancer au Canada, sauf au Québec, de 2010 à 2014 (voir les pondérations au tableau A1 en annexe). Les erreurs-types des estimations de cet indice ont été calculées en prenant la racine carrée de la somme des carrés des erreurs-types pondérées des PCSO propres au groupe diagnostique. La période quinquennale la plus récente pour laquelle des estimations réelles peuvent être calculées dépend de la durée du suivi examinée (p. ex. il s’agit de la période de 2003 à 2007 pour la survie à 10 ans).

Pour décrire les variations de la survie au fil du temps, on a présenté des estimations de la survie pour trois périodes : celles de 1992 à 1996, de 2003 à 2007, et de 2013 à 2017. La méthode par périodeNote 23 a été utilisée pour établir des prévisions des PCSO pour la période de 2013 à 2017, tandis que des estimations non prédictives (réelles) pour les périodes de 1992 à 1996 et de 2003 à 2007 ont été calculées selon la méthode des cohortes. Les estimations réelles de la survie à long terme des personnes ayant reçu un diagnostic au cours de la plus récente période ne seront pas connues avant quelque temps. La plus récente cohorte de patients atteints de cancer pour lesquels nous disposons de renseignements complets sur la survie à cinq ans ont reçu leur diagnostic au cours de la période de 2008 à 2012. Des évaluations empiriques de l’analyse de période ont montré que cette méthode fournit des estimations permettant de prévoir avec précision la survie qui sera observée chez les personnes ayant reçu un diagnostic au cours de la période étudiée, particulièrement lorsque la survie est relativement constanteNote 24Note 25Note 26. Lorsque la survie va généralement en augmentant (ou en diminuant), une estimation par période tend à être une prévision prudente de la survie qui sera observéeNote 25Note 27.

La méthodologie qui sous-tend les méthodes des cohortes et par période est essentiellement la même, sauf que les renseignements de suivi utilisés dans la méthode par période ne se rapportent pas nécessairement à une cohorte fixe de personnes. Les estimations de la survie par période reposent plutôt sur l’hypothèse selon laquelle les probabilités conditionnelles des PCSO chez les personnes ayant reçu un diagnostic au cours de la période étudiée seront celles qui ont été observées le plus récemment.

L’augmentation en points de pourcentage des PCSO à cinq ans a servi de mesure de l’amélioration de la survie. Les écarts de PCSO ont été calculés avant l’arrondissement à une décimale près. Le test Z a servi à déterminer les valeurs de p pour les écarts entre les périodes; les erreurs-types des écarts ont été calculées en utilisant la racine carrée de la somme des variances associées aux deux estimations des PCSO. Les valeurs de p correspondent à des tests bilatéraux de l’hypothèse nulle selon laquelle la variation des PCSO équivaut à zéro au seuil de signification de 0,05.

Les proportions de cas de survie conditionnels observés (PCSCO) à cinq ans ont été calculées de la même manière que les PCSO à cinq ans, en utilisant seulement les données des personnes qui avaient survécu certaines durées déterminéesNote 9Note 28. En d’autres termes, il s’agit des estimations de la survie pendant cinq années de plus chez les personnes qui ont déjà survécu 1, 3, 5 ou 10 ans.

Résultats

Répartition des cas

Pour la période de 1992 à 2017, 18 056 nouveaux cas de cancer diagnostiqués chez les enfants de 0 à 14 ans étaient admissibles et ont été inclus dans les analyses de la survie. Le tableau 1 décrit le profil démographique de la cohorte et la répartition des cas selon le groupe diagnostique de la CICE-3 et certains sous-groupes. Plus de garçons (54 %) que de filles ont reçu un diagnostic, un peu moins de la moitié des enfants ont reçu un diagnostic avant l’âge de 5 ans (46 %), et la plupart des cas ont été diagnostiqués en Ontario (52 %). Parmi les cas admissibles, 87 % ont été confirmés par l’histologie, tout comme 94 % des cas admissibles pour lesquels la méthode de diagnostic était connue. Le groupe diagnostique le plus courant était celui des leucémies, des maladies myéloprolifératives et des maladies myélodysplasiques (33 %), tandis que le sous-groupe le plus courant était celui des leucémies lymphoïdes (26 %).

La survie variait selon le type de cancer

Le tableau 2 présente les taux de survie prévus à 1 an, à 3 ans, à 5 ans et à 10 ans pour les cas diagnostiqués de 2013 à 2017. Les PCSO à cinq ans étaient d’au moins 90 % pour 10 des 24 groupes ou sous-groupes diagnostiques particuliers de la CICE-3 à l’égard desquels des données ont été présentées, et de moins de 80 % pour 9 autres. Le taux de survie à cinq ans était le plus élevé pour les carcinomes thyroïdiens, s’établissant à 100 % (intervalle de confiance [IC] de 95 % non défini). Suivaient les lymphomes de Hodgkin, pour lesquels le taux de survie correspondant se situait à 99 % (IC de 95 % = 95 à 100); les tumeurs à cellules germinales gonadiques malignes, pour lesquelles le taux de survie atteignait 97 % (IC de 95 % = 85 à 100); le néphroblastome et les autres tumeurs rénales non épithéliales, pour lesquels le taux de survie était de 96 % (IC de 95 % = 92 à 98). Le taux de survie à cinq ans était le plus faible pour les autres gliomes, s’établissant à 42 % (IC de 95 % = 33 à 51). Suivaient les leucémies aiguës myéloïdes (LAM), pour lesquelles le taux de survie correspondant se situait à 65 % (IC de 95 % = 57 à 71), et les ostéosarcomes, pour lesquels le taux de survie atteignait 65 % (IC de 95 % = 53 à 74). Les PCSO médianes au niveau du groupe diagnostique étaient de 95,5 % (à 1 an), de 88,5 % (à 3 ans), de 84,0 % (à 5 ans) et de 81,0 % (à 10 ans).

La survie ne variait pas selon le sexe parmi les principaux types de cancer

Aucune différence significative entre les sexes en matière de survie à cinq ans n’a été observée parmi les trois sous-groupes de cancer le plus couramment diagnostiqués (figure 1). En ce qui concerne les leucémies lymphoïdes, les astrocytomes, ainsi que le neuroblastome et le ganglioneuroblastome, les estimations de la survie correspondantes chez les garçons et les filles différaient d’un point de pourcentage ou moins. Dans le cas des leucémies lymphoïdes, le taux de survie à cinq ans était plus élevé chez les enfants ayant reçu un diagnostic avant l’âge de 10 ans que parmi ceux qui ont reçu un diagnostic entre les âges de 10 ans et de 14 ans.

La survie s’est améliorée au fil du temps pour les cancers dans leur ensemble et pour certains cancers

La figure 2 illustre les variations au fil du temps des PCSO à 1 an, à 5 ans et à 10 ans pour tous les cancers infantiles confondus, après ajustement pour variation au fil du temps de la répartition des cas de cancer selon le sexe et le groupe diagnostique. Les PCSO prévues pour tous les cancers infantiles confondus pour la période de 2013 à 2017 étaient de 93 % (à 1 an), de 84 % (à 5 ans) et de 82 % (à 10 ans). Les augmentations des PCSO à 5 ans et à 10 ans étaient pratiquement les mêmes de la période de 1992 à 1996 à la période de 2013 à 2017 (entre 7,5 points de pourcentage et 7,6 points de pourcentage), et la hausse correspondante s’établissait à 2,7 points de pourcentage pour la survie à 1 an. Les augmentations étaient statistiquement significatives pour les trois durées (p < 0,001).

Une augmentation statistiquement significative de la PCSO à cinq ans de la période de 1992 à 1996 à la période de 2013 à 2017 a été observée pour 8 des 24 groupes ou sous-groupes particuliers de la CICE-3 à l’égard desquels des données ont été présentées (tableaux 3-1 et 3-2). Les groupes ou sous-groupes diagnostiques qui ont affiché les augmentations les plus marquées au fil du temps étaient ceux des maladies myéloprolifératives chroniques (hausse de 35,4 points de pourcentage) et des épendymomes et tumeurs des plexus choroïdes (hausse de 32,1 points de pourcentage).

L’amélioration de la survie est la plus marquée dans la période la moins récente

Pour tous les cancers infantiles confondus, une grande partie de l’amélioration de 7,5 points de pourcentage de la survie à cinq ans s’est produite dans la première moitié de la période à l’étude. L’augmentation de 1,3 point de pourcentage de la période de 2003 à 2007 à la période de 2013 à 2017 n’était pas statistiquement significative (p = 0,134). Une tendance semblable s’est également dégagée pour six des huit cancers particuliers à l’égard desquels une augmentation de la survie a été observée sur la période au complet, y compris les trois sous-groupes du groupe diagnostique des leucémies, des maladies myéloprolifératives et des maladies myélodysplasiques. Le contraste était particulièrement remarquable en ce qui concerne les LAM, pour lesquelles une augmentation de la survie de 23,5 points de pourcentage de la période de 1992 à 1996 à la période de 2003 à 2007 a été suivie d’une diminution non significative de 7,0 points de pourcentage de la période de 2003 à 2007 à la période de 2013 à 2017. En revanche, la totalité de l’augmentation de 9,5 points de pourcentage de la survie au néphroblastome et aux autres tumeurs rénales non épithéliales et les trois quarts de l’augmentation de 16,6 points de pourcentage de la survie aux tumeurs embryonnaires intracrâniennes et intramédullaires ont eu lieu dans la période la plus récente. Une augmentation statistiquement significative depuis la période de 2003 à 2007 a été observée pour une seule autre catégorie (divers néoplasmes lymphoréticulaires). Pour le sous-groupe des autres gliomes, une diminution significative depuis la période de 2003 à 2007 a fait suite à une augmentation significative très semblable de la période de 1992 à 1996 à la période de 2003 à 2007.

Pronostics favorables pour les enfants qui survivent les premières années

La PCSCO à cinq ans chez les enfants qui ont survécu la première année suivant leur diagnostic atteignait ou dépassait 95 % dans 9 des 24 groupes ou sous-groupes particuliers de la CICE-3 à l’égard desquels des données ont été présentées (tableau 4). Lorsque l’analyse est limitée aux enfants qui ont survécu les cinq premières années suivant leur diagnostic, cette norme a été atteinte pour tous les cancers, à l’exception des épendymomes et tumeurs des plexus choroïdes, pour lesquels la PCSCO à cinq ans se situait à 88 % (IC de 95 % = 74 à 94); des ostéosarcomes, pour lesquels la PCSCO à cinq ans s’établissait à 91 % (IC de 95 % = 79 à 96); des tumeurs embryonnaires intracrâniennes et intramédullaires, pour lesquelles la PCSCO à cinq ans se chiffrait à 92 % (IC de 95 % = 84 à 96). Alors que la PCSO à cinq ans de 42 % pour les autres gliomes (IC de 95 % = 33 à 51) était la plus faible qui ait été observée à partir du moment du diagnostic, la PCSCO à cinq ans chez les enfants qui ont survécu trois ans à ce cancer était de 92 % (IC de 95 % = 81 à 96). De même, les perspectives sur cinq ans au bout de trois années chez les enfants ayant reçu un diagnostic de LAM étaient de 95 % (IC de 95 % = 88 à 98), tandis qu’elles étaient de 65 % au moment du diagnostic (IC de 95 % = 57 à 71).

Discussion

Au Canada, les PCSO prévues à cinq ans pour la période de 2013 à 2017 étaient d’au moins 90 % pour 10 des 24 groupes ou sous-groupes diagnostiques de cancer infantile à l’égard desquels des données ont été présentées. Une augmentation significative de 7,5 points de pourcentage de la PCSO à cinq ans de la période de 1992 à 1996 à la période de 2013 à 2017 a été observée pour tous les cancers infantiles confondus. C’est la survie aux maladies myéloprolifératives chroniques qui s’est le plus améliorée, la PCSO à cinq ans augmentant de 35,4 points de pourcentage. Toutefois, aucune amélioration de la survie à cinq ans n’a été observée pour un certain nombre de groupes diagnostiques à l’égard desquels les pronostics étaient relativement pessimistes au cours de la période de base. Une fois que les enfants avaient survécu cinq ans, la probabilité de survivre cinq années de plus dépassait 95 % pour la plupart des diagnostics.

Dans l’ensemble, les augmentations de la survie s’expliquent vraisemblablement par de multiples facteurs tels que l’amélioration des soins de soutien, l’amélioration des protocoles de traitement issus des essais randomisés successifs et une meilleure stratification des risques. L’augmentation la plus marquée était celle de la survie aux maladies myéloprolifératives chroniques. Cette constatation est sans doute attribuable à la mise au point de traitements ciblés à base d’inhibiteurs de la tyrosine kinaseNote 29Note 30, qui contribuent à une plus longue survie, combinés à une importante réduction de l’intensité des traitements, ce qui comprend le recours à la greffe de cellules souches hématopoïétiques. L’amélioration de la survie aux épendymomes et aux tumeurs des plexus choroïdes peut être attribuable à de meilleures approches chirurgicales et radiothérapeutiquesNote 31Note 32.

D’importants progrès au chapitre de la survie ont été observés chez les enfants ayant reçu un diagnostic de LAM au Canada, bien que l’estimation à cinq ans soit demeurée relativement faible, se situant à 65 %. Les progrès semblaient toutefois se limiter entièrement à la première moitié de la période à l’étude. Des résultats semblables ont été observés aux États-Unis, sauf que les progrès semblaient plus constants au fil du tempsNote 33. Les améliorations de la survie chez les enfants atteints de LAM s’expliquent par de meilleurs soins de soutienNote 34, y compris l’administration systématique d’une prophylaxie antibactérienneNote 35Note 36Note 37 et antifongiqueNote 38Note 39, et de meilleures approches en matière de greffe allogène de cellules souches hématopoïétiques. Or, ces approches devraient avoir été semblables au Canada et aux États-Unis. Il se peut que les tendances différentes observées dans les deux pays soient fausses ou qu’elles soient par ailleurs liées à l’utilisation de traitements fondés sur des essais du Conseil de la recherche médicale (Medical Research Council) du Royaume-Uni dans certains centres canadiensNote 40 au cours des premières années à l’étude, auxquels traitements étaient associés de très bons résultatsNote 41Note 42Note 43.

Il y a deux grandes raisons possibles pour lesquelles il n’y a pas eu d’augmentations significatives de la survie au fil du temps dans certains groupes ou sous-groupes diagnostiques. Certains cancers chez les enfants étaient associés à des taux de survie élevés au cours de la période de base (c.-à-d. de 1992 à 1996), d’où la difficulté d’obtenir et de démontrer des augmentations significatives au fil du temps. Par exemple, bien qu’aucune augmentation significative de la survie à cinq ans n’ait été observée pour l’un ou l’autre des sous-groupes de tumeurs à cellules germinales, la PCSO à cinq ans pour la période de 2013 à 2017 dépassait 90 % dans les deux sous-groupes. Toutefois, le fait de ne pas observer d’augmentations de la survie peut aussi signifier que la recherche ne s’est pas traduite par de meilleurs résultats chez les patients pédiatriques présentant un taux de survie relativement faible. Par exemple, les patients chez qui l’on a diagnostiqué des tumeurs hépatiques, des tumeurs osseuses malignes et des sarcomes des tissus mous et autres sarcomes extra-osseux avaient tous des pronostics relativement sombres au cours de la période de base qui sont demeurés pratiquement inchangés 20 ans plus tard. Dans le cadre des travaux de recherche futurs, il y aurait lieu de s’attacher à trouver des approches novatrices en matière de traitement des cancers dont l’évolution est défavorable et à l’égard desquels les progrès sont au point mort. Cela fait ressortir toute l’importance de la présente étude.

Il a été souligné que les caractéristiques du cancer infantile, y compris les faibles taux d’incidence et le pronostic favorable, militent en faveur d’une collecte séparée des données sur le cancer chez les enfants et des données sur le cancer chez les adultesNote 44. Par conséquent, d’aucuns pourraient craindre que les estimations de l’incidence du cancer chez les enfants ne soient biaisées dans le RCC. Or, les taux d’incidence du cancer chez les enfants selon le RCC se rapprochent beaucoup de ceux du programme Cancer chez les jeunes au Canada, un registre national du cancer pédiatrique fondé sur la populationNote 45, ce qui donne à penser qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter d’une confirmation biaisée des cas de cancer chez les enfants dans le RCC. Un autre problème tient au fait que les registres n’incluent pas les tumeurs non malignes de la même façon, ce qui soulève des doutes quant à la comparabilité. La présente étude portait uniquement sur les cancers malins et les cancers classés en fonction de la mise à jour par le SEER de la CICE-3, ce qui permet d’améliorer la possibilité d’interprétation des données. Enfin, les patients de 15 ans et plus étaient exclus de la présente étude. Les efforts futurs pourraient être axés sur l’évaluation des adolescents et des jeunes adultes atteints de cancer.

Pendant la pandémie de COVID-19, il risque d’y avoir des retards dans le diagnostic du cancer chez les enfantsNote 46. Il est possible que les parents soient moins susceptibles d’avoir des contacts avec le système de soins de santé si des symptômes associés au cancer se manifestent chez leurs enfants. Les retards mis à examiner des symptômes qui ne sont initialement pas associés au cancer peuvent également être problématiques, car un cancer peut être diagnostiqué de manière fortuite chez les enfants. De plus, les enfants chez qui un cancer est diagnostiqué pendant la pandémie, et ceux qui ont reçu un tel diagnostic peu avant, peuvent subir des retards atypiquesNote 46Note 47 dans leur traitement. L’incidence des retards dans le diagnostic et le traitement du cancer infantileNote 48Note 49 n’est pas claire, mais ils sont susceptibles d’avoir des répercussions émotionnelles sur la famille, en particulier lorsque l’évolution de la maladie est défavorable. Bien que les résultats de la présente étude soient fondés sur des données recueillies avant la pandémie, ils fournissent une base de référence à partir de laquelle les effets de la pandémie sur les taux de survie au cancer infantile pourront être évalués.

Points forts et limites

Au nombre des points forts de la présente étude, mentionnons le fait qu’elle est basée sur la population, ce qui réduit la possibilité de biais de sélection. En outre, la capacité de confirmer presque tous les décès peu importe le temps écoulé depuis le diagnostic contribue à la fiabilité des estimations de la survie à long terme. Cet aspect est d’autant plus important que la capacité de déterminer les décès tardifs dans le cadre des essais cliniques et dans les rapports des établissements risque d’être limitée, particulièrement après la transition des enfants vers des établissements pour adultes ou s’ils déménagent dans d’autres secteurs de compétence. Enfin, la description de la survie conditionnelle est cliniquement significative et aidera à rassurer et à conseiller les familles. Toutefois, les données de la présente étude devraient être interprétées à la lumière des limites qu’elles comportent. Le RCC ne contient pas de renseignements détaillés sur le diagnostic et le traitement; par conséquent, il n’a pas été possible d’évaluer de possibles facteurs associés à la survie et à l’amélioration de la survie au fil du temps. Des bases de données plus annotées, comme le registre Cancer chez les jeunes au CanadaNote 45, pourraient servir à évaluer des facteurs tels que les traitements associés à l’amélioration de la survie ou à la détérioration des résultats à ce chapitre. Enfin, l’absence des cas diagnostiqués dans la province de Québec constitue une limite importante à laquelle il faudrait remédier dans les travaux de recherche futurs.

Conclusion

Depuis la première moitié des années 1990, la survie à court terme et à long terme au cancer chez les enfants s’est améliorée de façon importante au Canada. Toutefois, il y a eu peu d’amélioration au fil du temps pour certains types de cancer à l’égard desquels le pronostic est sombre, notamment les tumeurs hépatiques, les tumeurs osseuses malignes, et les sarcomes des tissus mous et autres sarcomes extra-osseux. Chez les enfants qui ont survécu les quelques premières années suivant le diagnostic, les perspectives ultérieures à long terme étaient très favorables. Cette constatation est cliniquement significative et aidera à rassurer et à conseiller les familles.

Annexe

Références
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