Rapports sur la santé
Regard rétrospectif en 2020, l'évolution de la consommation de cannabis et des comportements connexes au Canada

par Michelle Rotermann

Date de diffusion : le 21 avril 2021

DOI : https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202100400001-fra

Le 17 octobre 2018, le Canada est devenu le deuxième pays au monde à légaliser la production, la distribution, la vente et la consommation de cannabis à des fins non médicales par les adultesNote 1. Cette mesure a fait suite à la légalisation du cannabis pour usage médical une vingtaine d’années plus tôtNote 2. Pendant la première année suivant la légalisation du cannabis pour usage non médical au Canada, les changements observés ont été minimes : de manière générale, selon les données autodéclarées, l’augmentation de la consommation a été modeste, et la consommation avant la conduite d’un véhicule n’a pas changéNote 3Note 4Note 5. Par ailleurs, le nombre de consommateurs de cannabis ayant déclaré s’en être procuré auprès d’une source légale s’est accruNote 3Note 4Note 5, une tendance qui a coïncidé avec des hausses marquées des ventes légales au détail, ainsi que des volumes vendusNote 6Note 7.

Cependant, un important changement était prévu pour octobre 2019, soit l’élargissement de la gamme de produits pouvant être vendus légalement, y compris des variétés plus puissantes (extraits) et des produits comestibles, lesquels peuvent poser des risques particuliersNote 8Note 9Note 10. Leur mise en marché au Canada devait commencer en décembre 2019 et se poursuivre jusque tard en 2020, compte tenu des délais réglementaires et des autorisations requises avant que chaque nouveau produit puisse être mis en vente. L’offre de cannabis sous des formes de plus en plus diversifiées devait permettre des modes de consommation tout aussi variés, comme l’ingestion d’aliments et de boissons ou le vapotage. On dispose de beaucoup moins d’études et de données sur ces formes de cannabis moins traditionnelles et plus récentes (produits comestibles, extraits, vaporisateurs stylos, etc.) et sur les modes de consommation qui leur sont associés (ingestion d’aliments ou de boissons, dabbing, vapotage, etc.)Note 8Note 10Note 11Note 12Note 13.

En plus des modifications législatives qui sont entrées en vigueur, d’autres changements ont été observés, comme le fait que le cannabis jouit d’une meilleure acceptabilité sociale au CanadaNote 5 et aux États-Unis Note 9Note 14, ce qui s’accompagne de la perception de plus en plus répandue que le cannabis est inoffensifNote 15. Par ailleurs, les magasins de cannabis légal étaient presque huit fois plus nombreux au Canada à la fin de 2020 qu’au quatrième trimestre 2018 (graphique 1 en annexe).

Selon des études menées au CanadaNote 3Note 4 et aux États-UnisNote 9Note 16Note 17Note 18Note 19Note 20, l’incidence de la légalisation du cannabis sur certains comportements, certaines conséquences liées au cannabis (p. ex. contacts avec les services de santé, appels au centre antipoison) et certains groupes démographiques (p. ex. augmentation de la consommation de cannabis, particulièrement chez les personnes de 25 ans et plus) serait plus marquée que sur d’autres. L’approche du Canada en matière de légalisation comprend également des engagements en matière de réglementation (p. ex. des restrictions concernant la publicité, le marketing, l’accessibilité et l’emballage)Note 21.

Les provinces et territoires sont responsables de déterminer la manière dont le cannabis est distribué et vendu dans leur secteur de compétenceNote 22. Chacun a également la possibilité d’étendre les restrictions, y compris en imposant des limites à la possession, à la culture à des fins personnelles ou à la consommation dans les lieux publics, ainsi qu’en augmentant l’âge minimum requisNote 22. Nous ne savons pas encore quelles seront les répercussions, sur le marché du cannabis et la santé de la population, des modifications législatives, de la disponibilité des produits, de l’accès aux magasins de cannabis autorisés, et des opinons plus libérales concernant le cannabis. Par conséquent, il conviendra de faire régulièrement le bilan de la situation.

Le principal objectif de cette étude est de produire des renseignements à jour, afin de rendre compte des changements autodéclarés relatifs à la consommation de cannabis et aux comportements connexes, et pour voir comment les modes de consommation et les produits ont évolué de 2018 à 2020 et, plus particulièrement, depuis les dernières modifications apportées à la Loi sur le cannabis, en 2019.

Données

L’Enquête nationale sur le cannabis (ENC) est une enquête transversale et à participation volontaire. Elle est réalisée en ligne, au moyen d’un questionnaire électronique dont le contenu a été mis au point en collaboration avec différents ministèresNote 23. La population visée est la population à domicile âgée de 15 ans et plus, à l’exclusion de la population des territoires, des personnes qui vivent dans un établissement institutionnel, des personnes qui vivent dans une réserve autochtone, et des sans-abri. De plus amples renseignements sur l’ENC sont accessibles en ligneNote 23.

L’étude se fonde sur les données de l’ENC du premier trimestre de 2018, du premier trimestre de 2019 et du quatrième trimestre de 2020 (tableau A en annexe). On a jugé les cycles du premier trimestre de 2018 et de 2019 plus appropriés pour cette étude, car leur période de référence de trois mois concernant la consommation de cannabis ne chevauchait ni l’adoption de la Loi sur le cannabis (projet de loi C-45) le 17 octobre 2018 ni les modifications apportées à la Loi un an plus tard (le 17 octobre 2019)Note 1.

Les données du premier trimestre de 2018 et de 2019 ont été recueillies de la mi-février à la mi-mars environ, alors que celles du quatrième trimestre de 2020 ont été recueillies de la mi-novembre au 31 décembre environ. Les échantillons comptaient 5 540 répondants en moyenne, et les taux de réponse étaient de 49,4 %. La majorité des répondants (60,6 %) ont rempli leur questionnaire sans aide, au moyen du code d’accès sécurisé qui leur avait été envoyé par la poste. Pour les cycles du premier trimestre de 2018 et de 2019, les répondants qui n’avaient pas encore répondu vers la troisième semaine de collecte ont été contactés par téléphone et invités à répondre avec l’aide d’intervieweurs qualifiés. La période de collecte pour le quatrième trimestre de 2020 a été plus longue, en raison d’interruptions liées à la pandémie de COVID-19 et aux fêtes de fin d’année, et a comporté deux périodes d’interviews téléphoniques.

Cette étude porte sur 16 467 répondants âgés de 15 ans et plus qui ont fourni des renseignements complets sur leur consommation (ou leur non-consommation) de cannabis et leurs comportements connexes.

Définitions

Les données des trois trimestres visés ont été analysées afin de déterminer si la consommation de cannabis ou les comportements connexes avaient évolué au fil du temps. Les estimations « avant la légalisation » sont fondées sur les données du premier trimestre de 2018, et les estimations « après la légalisation » sont fondées sur celles du premier trimestre de 2019 et du quatrième trimestre de 2020. Puisque la Loi sur le cannabis a été promulguée en deux grandes parties sur une période de 12 mois, les données de deux trimestres ont été utilisées pour tenter de saisir les changements à court et à long terme, ainsi que les répercussions particulières des modifications apportées à la Loi en octobre 2019, lesquelles autorisent la production, la vente et la consommation d’une plus grande variété de produits du cannabis.

Résultats

Aux fins de la présente, le cannabis comprend la marijuana, le haschisch, l’huile de haschisch et toute autre préparation obtenue à partir d’un plant de cannabis.

La consommation de cannabis au cours des trois mois précédant l’enquête et la consommation tous les jours ou presque tous les jours ont été déterminées à partir des réponses à la question : « Au cours des trois derniers mois, à quelle fréquence avez-vous consommé du cannabis? » Les répondants qui ont indiqué en avoir consommé (c.-à.-d. une ou deux fois, mensuellement, hebdomadairement ou tous les jours ou presque tous les jours) ont été considérés comme ayant consommé du cannabis. Ceux qui ont répondu « pas au cours des trois derniers mois » ont été considérés comme n’ayant pas consommé de cannabis.

Le mode de consommation du cannabis a été déterminé à partir des réponses à la question : « Au cours des trois derniers mois, laquelle des méthodes suivantes avez-vous utilisée le plus souvent? ». Les choix de réponses étaient les suivants : fumé, vapoté, consommé en aliment ou boisson, et autre. Cette question fait partie de l’ENC depuis le quatrième trimestre de 2018.

La consommation de huit différents produits du cannabis (fleurs ou feuilles séchées, cartouches d’huile ou vaporisateurs stylos, haschisch ou kif, concentrés liquides, concentrés solides, produits comestibles, liquides et autre [non précisé]) a été déterminée en fonction du choix d’une quantité ou d’une unité de mesure associée à chaque type de produit. On a demandé à tous les répondants ayant déclaré avoir consommé du cannabis au cours des trois mois précédant l’enquête d’indiquer s’ils avaient utilisé les différents produits et d’en préciser la quantité à l’aide d’une combinaison d’unités de mesure (p. ex. grammes) et de nombres d’unités (p. ex. 1). Au total, 64 répondants ayant déclaré avoir consommé du cannabis au cours des trois mois précédents (premier trimestre de 2018 : n = 17; premier trimestre de 2019 : n = 31; quatrième trimestre de 2020 : n = 16) ont été exclus de cette partie de l’analyse parce qu’ils ont omis d’indiquer au moins un nombre d’unités ou une unité de mesure.

Puisque les « produits comestibles » et les « autres liquides non concentrés » (qui peuvent comprendre des boissons au cannabis) sont considérés comme deux catégories distinctes dans l’ENC, il est possible que les répercussions des modifications apportées à la Loi en 2019 semblent moins prononcées que si les produits comestibles et les boissons avaient été réunis en une seule catégorie.

Les données sur la source du cannabis sont fondées sur les réponses à la question : « Au cours des trois derniers mois, comment avez-vous généralement obtenu le cannabis que vous avez consommé? » Aux fins de la présente, les 11 catégories proposées ont été groupées en cinq : 1) cultivé (j’ai cultivé mon propre cannabis; quelqu’un l’a cultivé pour moi); 2) légalement (je l’ai acheté d’un détaillant autorisé; je l’ai acheté en ligne d’un producteur autorisé; 3) illégalement (auprès d’un club de compassion/dispensaire/comptoir de services; je l’ai acheté en ligne d’autre source; auprès d’une connaissance; auprès d’un « dealer » [vendeur]); 4) famille et amis (auprès d’un membre de ma famille ou d’un ami; il a été partagé dans un groupe d’amis); et 5) autre (non précisé). Les consommateurs pouvaient sélectionner plus d’une source; par conséquent, les pourcentages des colonnes dépassent 100 %.

Covariables

Le genre a été déterminé en fonction de la réponse à la question : « Quel est votre genre? » Les répondants pouvaient répondre : 1) homme, 2) femme ou 3) diverses identités de genre. Les résultats de la troisième catégorie ne peuvent être utilisés en raison de la petite taille de l’échantillon. Quatre groupes d’âge (15 à 17 ans, 18 à 24 ans, 25 à 44 ans et 45 ans et plus) ont été formés à partir des réponses aux questions suivantes : « Quel est votre âge? » et « Quel est votre groupe d’âge? » La province a été déterminée en fonction du lieu de résidence.

Techniques d’analyse

Les fréquences pondérées et les tableaux croisés ont été désagrégés selon le fait que la consommation de cannabis ou les comportements connexes se sont produits avant la légalisation (premier trimestre de 2018) ou après (mesurés deux fois : au premier trimestre de 2019 et au quatrième trimestre de 2020), ainsi que selon l’âge, le genre et la province (si l’échantillon le permettait).

La littérature, la disponibilité des données (en particulier, la cohérence du contenu entre les différents trimestres de l’ENC) et la taille des échantillons ont orienté le choix des résultats et des covariables.

On a appliqué des poids d’échantillonnage afin que l’analyse soit représentative de la population canadienne à domicile dans les 10 provinces. Les comparaisons effectuées entre avant et après la légalisation, et entre trimestres, ainsi que les différences relevées entre les caractéristiques et les groupes de comparaison (catégories de référence) sont significatives sur le plan statistique à p<0,05 et ont été comparées à l’aide de la méthode statistique du test T. Des poids de rééchantillonnage bootstrap ont été utilisés pour tenir compte du plan d’échantillonnage complexe de l’enquête.

Les analyses ont été effectuées dans SAS 9.4 et dans SUDAAN 11.0.3.

Résultats

Taux de consommation de cannabis

À la fin de 2020, près de 6,2 millions de personnes de 15 ans et plus, soit 20,0 % des Canadiens de ce groupe d’âge, ont déclaré avoir consommé du cannabis au cours des trois mois précédents (tableau 1). Ce pourcentage était plus élevé que ceux observés précédemment : avant la légalisation, 14,0 % des répondants ont déclaré consommer du cannabis, et dans les premiers mois suivant l’adoption de la Loi sur le cannabis, ils étaient 17,5 %.

En 2020, pour la première fois, les taux de consommation générale étaient comparables entre les genres, environ 1 homme sur 5 et 1 femme sur 5 ayant déclaré avoir consommé du cannabis au cours des trois mois précédents.

En 2020, plus du tiers (35,6 %) des répondants de 18 à 24 ans ont déclaré avoir consommé du cannabis au cours des trois mois précédant l’enquête, soit la même proportion qu’en 2018 et en 2019. Parmi les autres groupes d’âge, le pourcentage ayant déclaré avoir consommé du cannabis au cours des trois mois précédents avait tendance à être moins élevé que chez les répondants de 18 à 24 ans, et ce, pour toutes les périodes observées. Par exemple, en 2020, 10,5 % des répondants de 45 ans et plus ont déclaré avoir consommé du cannabis au cours des trois mois précédant l’enquête, comparativement à 30,3 % de ceux de 25 à 44 ans et à 19,2 % de ceux de 15 à 17 ans.

De 2018 à 2020, les taux de consommation au cours des trois mois précédant l’enquête sont restés inchangés chez les répondants de 18 à 24 ans, mais ils avaient tendance à augmenter chez ceux de 25 ans et plus, et la croissance était systématique chez ceux de 25 à 44 ans (tableau 1).

En 2020, environ le quart des habitants de la Nouvelle-Écosse (27,3 %), de la Colombie-Britannique (24,8 %) et de l’Ontario (23,1 %) ont déclaré avoir consommé du cannabis au cours des trois mois précédant l’enquête, ce qui est plus élevé que les estimations pour le reste du Canada. La consommation chez les habitants du Québec et de la Saskatchewan était inférieure à la moyenne, s’étant située à 10,6 % et à 13,9 %, respectivement. À l’Île-du-Prince-Édouard et en Colombie-Britannique, les pourcentages ont atteint en 2020 leur plus haut niveau en trois ans, alors que les taux en Ontario étaient plus élevés qu'en 2018 seulement, tandis qu’en Nouvelle-Écosse et au Manitoba les taux en 2020 étaient supérieurs à ceux de 2019 (juste après la légalisation), mais inchangés par rapport à ceux d’avant la légalisation (tableau 1).

Consommation tous les jours ou presque tous les jours

Au quatrième trimestre de 2020, 7,9 % des Canadiens de 15 ans et plus ont déclaré consommer du cannabis tous les jours ou presque tous les jours, un pourcentage plus élevé que ceux enregistrés au premier trimestre de 2018 et au premier trimestre de 2019 (tableau 1). Les taux de consommation tous les jours ou presque tous les jours en 2020 étaient semblables entre les hommes et les femmes, mais plus élevés chez les répondants de 18 à 44 ans que chez ceux de 45 ans et plus.

Le pourcentage de Canadiens ayant déclaré consommer du cannabis tous les jours ou presque tous les jours en 2020 variait également à l’échelle nationale. En général, la consommation tous les jours ou presque tous les jours par province reflétait, en 2020, les tendances régionales globales : les taux étaient supérieurs à la moyenne nationale en Nouvelle-Écosse et en Colombie-Britannique et inférieurs à celle-ci au Québec et en Saskatchewan.

Mode de consommation et produits

Fumer est resté le mode de consommation du cannabis le plus populaire en 2020, 63,6 % des hommes et 52,5 % des femmes ayant déclaré utiliser ce mode (tableau 2). Alors que le pourcentage d’hommes ayant déclaré fumer comme principal mode de consommation n’a pas changé de 2019 à 2020, il a beaucoup diminué chez les femmes, s’étant situé à 64,2 % en 2019.

Parmi les Canadiens ayant déclaré avoir consommé du cannabis en 2020, environ 7 sur 10 ont consommé des fleurs ou des feuilles séchées (70,9 %), tandis que 41,4 % ont ingéré des produits comestibles (tableau 3). Certains ont déclaré avoir utilisé d’autres types de produits du cannabis, notamment des cartouches d’huile ou des stylos à vapoter (23,2 %), des concentrés liquides (18,9 %) et du haschisch ou du kif (15,9 %).

Au cours de la première année suivant la légalisation, seul un nombre limité de produits étaient autorisés, dont le cannabis séché et l’huile de cannabis, qui étaient déjà disponibles en vertu du Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicalesNote 2. Même s’il n’était pas possible d’acheter de produits comestibles légalement durant la première année, il était possible d’en préparer soi-même à domicile, sous certaines conditionsNote 1.

Un an après la légalisation, la vente de trois nouvelles catégories de produits a été autorisée, ce qui peut avoir eu une incidence sur la consommation de certains produits au fil du temps, mais pas nécessairement de façon uniforme selon le genre ou l’âge. Selon les données de 2020 de l’ENC, moins de femmes ont déclaré consommer des fleurs ou des feuilles séchées (63,3 %) qu’en 2018 (73,5 %), mais plus de femmes ont déclaré avoir ingéré des produits comestibles comparativement à 2019 (42,5 % par rapport à 28,0 %). L’ingestion de produits comestibles était également plus répandue qu’au cours des deux années précédentes chez les hommes et dans le groupe d’âge des 25 à 44 ans (tableau 3).

Sources de cannabis

Selon les données de l’ENC de 2020, 68,4 % de consommateurs de cannabis ont déclaré s’être procuré légalement au moins une partie du cannabis qu’ils ont consommé, un pourcentage près de trois fois plus élevé qu’avant la légalisation en 2018 (22,9 %) et aussi plus élevé que juste après la légalisation en 2019 (47,4 %) (tableau 4). Se procurer du cannabis auprès d’autres sources était également commun en 2020, mais généralement moins qu’avant la légalisation. Par exemple, en 2020, environ le tiers (35,4 %) des consommateurs ont déclaré s’être procuré du cannabis auprès d’un fournisseur illégal et 28,6 % s’en étaient procuré auprès d’amis ou de membres de leur famille (ou l’avaient partagé avec eux). Les estimations correspondantes en 2018 étaient considérablement plus élevées (51,3 % et 47,0 %), tout comme le pourcentage de consommateurs qui ont déclaré se l’être procuré auprès d’amis ou de membres de leur famille en 2019 (37,0 %). La culture du cannabis (qu’il s’agisse de le cultiver soi-même ou de le faire cultiver par quelqu’un d’autre) constituait une source d’approvisionnement pour 14,2 % des consommateurs en 2020, un taux plus élevé qu’en 2018 ou en 2019.

Discussion

Le cannabis est l’une des substances les plus couramment consommées au Canada, près de la moitié des Canadiens de 15 ans et plus ayant déclaré l’avoir déjà essayéNote 24. Lorsque la consommation de cannabis est mesurée sur de courtes périodes, comme un trimestre, les taux tendent à être plus faibles en raison de l’intervalle de temps plus court. Pour la grande majorité des consommateurs de cannabis, une consommation occasionnelle sera sans conséquence. Toutefois, les personnes qui en font une consommation plus fréquente risquent davantage d’en subir des effets néfastesNote 25Note 26. Selon les données de l’ENC, le nombre de Canadiens ayant déclaré avoir consommé du cannabis au moins une fois au cours des trois mois précédents a augmenté en 2020, de même que le pourcentage ayant déclaré une consommation tous les jours ou presque tous les jours.

Pour différentes raisons, il n’est pas étonnant de constater que la croissance du taux de consommation de cannabis s’est poursuivie après l’entrée en vigueur des modifications à la Loi en 2019. Premièrement, le nombre de magasins de cannabis autorisés (en plus des fournisseurs en ligne autorisés) s’est multiplié par presque huit à l’échelle du pays depuis le quatrième trimestre 2018 (légalisation), facilitant ainsi l’approvisionnement en cannabis légal (graphique 1 en annexe)Note 27. L’Ontario et la Colombie-Britannique ont affiché les plus fortes hausses du nombre de magasins autorisés, passant d’aucun magasin (ou presque aucun) en octobre 2018 à des centaines en l’espace de deux ans environ (graphique 1 en annexe)Note 27. Deuxièmement, de manière générale, l’augmentation du taux de consommation de cannabis a été modeste durant la première année suivant la légalisation. Or, les comportements passés, combinés à un accès plus facile et à un plus grand choix de produits autorisés, entre autres facteurs, peuvent contribuer à prédire les comportements futursNote 3Note 5. Troisièmement, la consommation a augmenté dans la plupart des États des États-Unis qui ont légalisé la consommation à des fins récréatives et la vente au détailNote 17Note 18.

Une consommation plus fréquente de cannabis, comme une consommation tous les jours ou presque tous les jours, a été associée à un risque de dépendance au cannabisNote 25Note 26, à la consommation d’autres substancesNote 28Note 29 et à une mauvaise santé mentaleNote 25Note 29Note 30. De plus, certaines études ont démontré que lorsque la prévalence globale s’accroît, le risque de trouble de l’usage du cannabis — lequel se définit comme la poursuite de l’utilisation du cannabis malgré des conséquences négatives majeures sur la vie et la capacité de fonctionner d’une personne — s’accroît aussiNote 26Note 28. Puisque le nombre de Canadiens ayant déclaré une consommation tous les jours ou presque tous les jours a augmenté en 2020, cela pourrait présenter un intérêt pour la santé publique et d’autres études, surtout si la tendance se maintient.

Par le passé, la consommation de drogues a été fortement associée au sexe ou genre masculin, et les hommes étaient plus susceptibles que les femmes de consommer la plupart des types de drogues, y compris le cannabisNote 5Note 9Note 31. La disparition de l’écart entre les genres dans la consommation globale et dans la consommation tous les jours ou presque tous les jours est pratiquement sans précédent. Cela ne semble pas être le résultat d’une baisse de la consommation chez les hommes, mais plutôt d’une hausse de la consommation chez les femmes, laquelle pourrait être reliée à la la mise sur le marché d’une plus grande variété de produits du cannabis qui seraient attirants pour les femmesNote 32. Évidemment, d’autres études seront nécessaires dans les secteurs de compétence où des données ont été recueillies après la légalisation pour déterminer si ce nouveau constat est juste, et s’il se maintiendra.

L’un des objectifs de la légalisation était d’éradiquer (ou de réduire substantiellement) le marché noir (illégal) du cannabis et, par conséquent, de priver les criminels et le crime organisé des profits associésNote 33. Depuis les modifications apportées à la Loi en 2019, les adultes peuvent se procurer légalement une gamme plus variée de produits du cannabis. Les résultats de la présente étude semblent indiquer que les mesures prises contribuent à la réalisation de cet objectif. En effet, les Canadiens ont été plus nombreux à déclarer s’être procuré du cannabis de sources légales en 2020 qu’en 2018 et en 2019, et ils ont été moins nombreux qu’avant la légalisation en octobre 2018 à indiquer avoir consommé du cannabis obtenu illégalement. Les organismes provinciaux de réglementation du cannabis rapportent également que les nouvelles catégories de produits représentent une part importante de leurs profits, de leurs ventes et des quantités venduesNote 34Note 35. Cela concorde avec les données de sources nationalesNote 4Note 5Note 6Note 7.

Toutefois, différents produits sont associés à différents risques, tout comme le sont les différents modes de consommationNote 8Note 11Note 36Note 37. L’offre légale d’un plus grand nombre de produits peut faciliter la consommation et favoriser une consommer de plus grandes quantités, ce qui peut nuire à la santéNote 38Note 39.

Toutes les façons de consommer du cannabis posent des risques pour la santéNote 28Note 40, et choisir de ne pas en consommer demeure l’unique façon d’éviter ces risques. Fumer le cannabis est souvent perçu comme la façon la plus nocive de le consommer, tandis que le vapotage (au moyen d’un atomiseur ou d’un vaporisateur stylo) et l’ingestion d’aliments ou de boissons qui contiennent du cannabis sont parfois présentés comme moins dommageablesNote 40. Toutefois, ces recommandations liées aux modes de consommation ont été publiées avant l’observation de lésions pulmonaires associées au vapotageNote 41.

Les produits comestibles du cannabis, bien que de plus en plus populaires, sont de plus en plus considérés comme intrinsèquement dangereux, parfois imprévisibles et propices à la surconsommation (en raison des effets à retardement) ainsi qu’à l’ingestion accidentelleNote 8Note 10Note 20Note 39Note 42.

Selon les résultats de l’ENC, les fleurs et les feuilles séchées demeurent le produit le plus populaire, et fumer demeure le mode de consommation le plus courant, bien que les deux sont en baisse. En revanche, l’ingestion de produits comestibles est en hausse, ce qui peut être attribuable à l’impression qu’ils sont plus sains et plus discrets, ou à leurs effets psychoactifs prolongésNote 8. D’autres études démontrent que les préférences quant aux produits peuvent être influencées par la légalisationNote 16Note 17Note 43 et, par extension, par l’offre commerciale légale, ce qui semble être le cas également au Canada.

Points forts et limites

Cette étude comporte un certain nombre de points forts, y compris le fait que les données ont été recueillies avant l’adoption de la Loi sur le cannabis, juste après celle-ci, et aussi après l’entrée en vigueur des modifications à la Loi autorisant la production et la vente d’une plus grande variété de produits. Puisque la cohérence de la majeure partie du contenu de l’ENC a été maintenue d’un cycle à l’autre, il a été possible d’examiner l’évolution de plusieurs comportements liés à la consommation de cannabis au fil du temps, ce qui permet d’avoir un portrait plus complet des répercussions, sur la consommation, de la légalisation du cannabis et de la présence d’une industrie du cannabis mieux établie. Il s’agit également de l’une des premières études à inclure des données recueillies pendant la pandémie de COVID-19 et dans le contexte des vastes mesures de santé publique qui ont bouleversé le quotidien de la population et peut-être eu une incidence sur les comportements liés à la consommation de cannabis ainsi que l’accès à celui-ci, bien que cela soit difficile à mesurer.

Cependant, les résultats de cette étude doivent être interprétés en tenant compte de certaines limites. Les renseignements tirés de l’ENC ont été autodéclarés et n’ont pas été vérifiés ou validés. Dans le cadre de l’ENC de 2020, contrairement à d’autres enquêtes, il n’a pas été possible de poser de questions portant spécifiquement sur les changements dans la consommation de cannabis attribuables à la pandémieNote 5Note 44.

Comme nous l’avons indiqué plus haut, un nombre plus élevé que prévu de consommateurs de cannabis ont déclaré s’être procuré du cannabis auprès d’une source légale avant sa légalisation officielle (Loi sur le cannabis)Note 3. Par conséquent, l’ENC a surestimé le pourcentage de Canadiens qui se sont procuré du cannabis auprès d’une source légale. De plus, les sources « famille et amis » et « culture » (par soi-même ou par une autre personne) demeurent difficiles à classer comme étant légales ou illégales. Bien qu’on ait demandé aux consommateurs de fournir des renseignements détaillés sur les produits du cannabis qu’ils ont consommés, certains éléments indiquent que les consommateurs ont de la difficulté à fournir ces renseignementsNote 31Note 45. Cependant, il semble plus facile d’identifier le produit que d’en préciser les quantités et des unités de mesure plausibles.

Il est possible que la volonté des répondants d’admettre qu’ils consomment de la drogue, leur définition de ce qui constitue une consommation de drogues, et le risque réel ou perçu qu’ils en subissent des conséquences juridiques aient évolué au fil du temps, ce qui ne pouvait être ni contrôlé ni détecté, mais pourrait avoir eu une incidence sur les résultats. Au Canada, comme dans de nombreux autres pays, l’accès légal au cannabis pour usage médical et, plus récemment, non médical peut également avoir influencé la volonté de déclarer sa consommation. Les données de l’Enquête canadienne sur le cannabis de Santé Canada de 2018 et 2019 appuient dans une certaine mesure cette affirmation, puisqu’un plus grand nombre de Canadiens reconnaissent cette nouvelle volontéNote 5. Le mois (ou la saison) de la collecte des données peut également avoir une incidence sur les taux de consommation de cannabis, bien que cela soit difficile à mesurer.

La nature transversale des données ne permet pas d’inférences causales.

Les analyses sont limitées aux répondants à domicile. Par conséquent, elles excluent certains groupes connus pour être plus à risque de consommer des drogues, comme les personnes sans-abri.

Conclusion

Cette étude s’étend sur trois ans, soit de la période avant la légalisation jusqu’à environ deux ans après. Elle brosse un tableau plus complet de l’incidence de la législation sur la consommation de cannabis et les comportements connexes, en rendant notamment compte du fait que l’industrie du cannabis légal est maintenant mieux établie et mieux outillée pour concurrencer le marché noir sur le plan du prix, de la commodité et de la diversité de l’offre. Les résultats démontrent que la situation continue d’évoluer et que, tout comme auparavant, une certaine prudence reste de mise et certaines assurances demeurent. L’ampleur des répercussions de la pandémie de COVID-19 sur la consommation de cannabis est encore difficile à mesurer. Il importe de continuer à suivre la situation, compte tenu de la conjoncture sans cesse changeante du commerce de détail dans les provinces, de l’introduction de nouveaux produits vendus légalement, et des pressions exercées par l’industrie pour supprimer ou modifier les limites concernant la teneur des produits et permettre la livraison à grande échelle, les ventes à la ferme et les salons de cannabis.

Annexe


Références
Date de modification :