Rapports sur la santé
Disparités ethnoculturelles et socioéconomiques en matière d’exposition à la verdure en milieu résidentiel dans les régions urbaines du Canada

par Lauren Pinault, Tanya Christidis, Toyib Olaniyan et Dan L. Crouse

Date de diffusion : le 19 mai 2021

DOI : https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202100500001-fra

Vivre dans une maison entourée d’arbres, de jardins et de végétation naturelle (c.-à-d. un espace vert ou de la verdure) peut procurer de nombreux bienfaits pour la santé. En particulier, des études menées au Canada, aux États-Unis et en Europe ont révélé des associations inverses entre la verdure en milieu résidentiel et la mortalité toutes causes confondues ou non accidentelleNote 1Note 2Note 3Note 4Note 5 due à une maladie respiratoireNote 2Note 3 ou à une maladie cardiovasculaireNote 4, après correction pour tenir compte des facteurs confusionnels socioéconomiques et démographiques. Les associations avec la mortalité sont plus fortes chez certains groupes, au Canada, chez les femmes et les personnes ayant un revenu et un niveau de scolarité plus élevésNote 4 et, en Angleterre, chez les personnes ayant le revenu le plus faibleNote 1. Outre les résultats en matière de mortalité, une étude menée aux Pays-Bas a déterminé que l’état de santé général autoévalué était meilleur avec une exposition à la verdure à moins de 1 km et 3 km de la maisonNote 6, et une étude effectuée à Toronto a révélé qu’un meilleur état de santé perçu était associé à une plus grande densité d’arbres dans sa rueNote 7.

L’accès à la verdure en milieu résidentiel et sa proximité peuvent agir de plusieurs façons sur les résultats en matière de santé. Par exemple, les environnements plus verts peuvent directement favoriser l’amélioration de la santé psychologique en réduisant le stress psychologiqueNote 8, la gravité de la souffrance mentale et la mauvaise santé mentale perçueNote 9. La verdure peut aussi procurer des expériences esthétiques et donner l’occasion de profiter de la lumière du jour en encourageant l’activité en plein air, ce qui favorise les rythmes cicardiensNote 8. Les environnements plus verts peuvent également agir indirectement sur la santé, en favorisant les activités récréatives et collectives par l’entremise d’espaces physiques, améliorant ainsi la santé cardiovasculaire en plus de réduire l’obésitéNote 10Note 11Note 12Note 13. Toutefois, ces bienfaits peuvent dépendre du type d’espace vert disponible; une étude menée à Montréal et à Québec a fait remarquer que les bienfaits cardiovasculaires procurés par les espaces verts n’ont été observés que si des installations sportives et récréatives étaient également présentesNote 14.

Malgré les avantages que procure le fait de vivre dans un environnement plus vert, ces environnements ne sont pas répartis uniformément dans le paysage. Plusieurs études ont mis en évidence des inégalités dans l’espace physique, la densité de végétation (p. ex. valeur locale de l’Indice de végétation par différence normalisée [IVDN]), la qualité et les caractéristiques (p. ex. jardin entretenu par rapport à terrain ouvert) et l’accessibilité des espaces verts résidentiels. Une étude portant sur les trois plus grandes villes du Canada a mis en lumière un lien entre le revenu familial et la couverture végétaleNote 15. En Angleterre, on a observé plus de verdure dans les régions les moins défavorisées sur le plan économiqueNote 1, et une autre étude a révélé que les espaces verts utilisables étaient moins accessibles à la population d’ascendance indienneNote 16. Dans les régions urbaines des États-Unis, les valeurs de verdure élevées ont été associées à des concentrations plus élevées de résidents blancsNote 17, et les valeurs de verdure plus faibles, à des concentrations plus élevées de populations noires et hispaniques à faible revenuNote 18Note 19.

La justice environnementale est un vaste domaine d’études qui est axé sur la description des expositions qui touchent de façon disparate des groupes socioéconomiques et ethnoculturels particuliersNote 20Note 21. Les inégalités en matière d’accès à la verdure n’ont pas été bien documentées au Canada. Une étude menée à Montréal a révélé des résultats semblables à ceux d’études internationales, indiquant que les quartiers qui comptent une proportion plus élevée de résidents à faible revenu et, dans une moindre mesure, de personnes appartenant à une minorité visible, présentent des valeurs de verdure et un accès aux espaces verts plus faiblesNote 22. Une étude antérieure axée sur les répondants au Recensement du Canada de 2001Note 4 a conclu que les adultes plus aisés et plus scolarisés vivant dans les 30 plus grandes régions métropolitaines de recensement du pays étaient plus exposés à la verdure en milieu résidentiel que les adultes moins bien nantis et moins scolarisés. La présente étude s’appuie sur ce travail en utilisant les données du plus récent recensement canadien, soit celui de 2016, y compris les répondants de tous les âges, et en tenant compte des différences en matière d’exposition en fonction non seulement de l’âge, de la scolarité et du revenu, mais aussi du statut d’immigrant, du temps écoulé depuis l’immigration, de l’appartenance ethnique autodéclarée et des indices de défavorisation des quartiers.

Données et méthodes

Cohorte à l’étude

L’exposition à la verdure selon les caractéristiques démographiques et socioéconomiques a été analysée au moyen du questionnaire détaillé du Recensement du Canada de 2016. Le questionnaire détaillé a été distribué à environ un ménage sur quatre dans des logements privés, à l’exclusion des logements collectifsNote 23. Le taux de réponse a été de 96,7 %Note 23. Les poids du recensement ont été utilisés pour calculer des estimations, lesquelles ont été repondérées pour représenter plus approximativement la répartition de la population totale du Canada. Les variables liées aux particuliers et aux ménages utilisées pour l’étude comprenaient l’âge du répondant, l’identité autochtone, le groupe de population autodéclaré (Blanc, Sud-Asiatique, Chinois, Noir, Philippin, Latino-Américain, Arabe, Asiatique du Sud-Est, Asiatique occidental, Coréen, Japonais, identités multiples ou autre), le statut d’immigrant et l’année d’immigration au Canada, le niveau de scolarité (pour les personnes de 25 ans et plus), la situation d’activité sur le marché du travail (pour les personnes de 25 ans et plus), le revenu du ménage, le mode d’occupation (propriétaire ou locataire) et le faible revenu. En ce qui concerne les groupes de population autodéclarés, les auteurs reconnaissent les limites de ces catégories désagrégées et se fient aux données du recensement qui sont accessibles. Le recensement définit les minorités visibles, d'après la Loi sur l'équité en matière d'emploi, comme « les personnes, autres que les Autochtones, qui ne sont pas de race blanche ou de couleur non blanche ». Le seuil de faible revenu est défini comme la moitié de la médiane du revenu après impôt rajusté, multipliée par la racine carrée de la taille du ménageNote 24.

Le lieu de résidence géographique a été estimé au moyen du code postal à six caractères fourni au recensement. La version 7C du Fichier de conversion des codes postaux plus (FCCP+) a été utilisée pour déterminer la latitude et la longitude approximatives, ainsi que les caractéristiques géographiques du recensement. Le FCCP+ est l’outil le plus précis pour le géocodage dans les centres urbains, des points représentatifs étant assignés à une médiane de 100 m à 200 m de la résidence réelle, habituellement le long du côté d’îlot de la même rue.Note 25

En plus des caractéristiques des personnes et des ménages, des indices de défavorisation des quartiers ont été attribués en appariant l’Indice canadien de défavorisation multiple (ICDM) fondé sur le Recensement de 2016 aux particuliers dans l’ensemble de données. L’ICDM tient compte de quatre dimensions de la défavorisation, soit l’instabilité résidentielle, la dépendance économique, la composition ethnoculturelle et la vulnérabilité situationnelle. Il est calculé au niveau de l’aire de diffusion (AD), qui est une petite région relativement stable de la géographie du recensement composée d’environ 400 à 700 personnesNote 26.

Toutes les régions urbaines du Canada ont été incluses dans cette étude. Afin de mettre l’accent sur la population urbaine du Canada, les personnes qui ne résidaient pas dans les régions métropolitaines de recensement (RMR) ou les agglomérations de recensement (AR) ont été exclues des analyses. Les RMR sont définies comme ayant une population totale d’au moins 100 000 personnes, dont au moins la moitié doit vivre dans le noyau, tandis que les AR doivent avoir un noyau d’au moins 10 000 personnesNote 27. On a également tenu compte de la forme urbaine pour distinguer les personnes qui peuvent résider dans les parties rurales des RMR ou des ARNote 28. Celles qui vivent dans un secteur de recensement rural ou urbain exurbain (c.-à-d. moins de 150 personnes par km2) ont également été exclues des analyses. Environ 3,0 millions de répondants ont été exclus parce qu’ils vivaient à l’extérieur d’une RMR ou d’une AR ou dans une région à faible densité de population. Il restait donc une population étudiée totale de 5 306 800 répondants, représentant 21 925 200 personnes après l’application des poids du recensement (les chiffres sont arrondis pour des raisons de confidentialité).

Évaluation de l’exposition

Les estimations de verdure ont été calculées à partir de l’IVDN obtenu par télédétection, qui est un indice de végétation variant de -1 (eau) à 0 (sol nu) à 1 (végétation épaisse). On s’est servi des valeurs de l’IVDN entre 0,01 et 1,00 pour estimer l’IVDN résidentiel moyen dans une zone tampon de 500 m autour d’un point représentatif du code postal du répondant. D’autres tailles de zone tampon ont été prises en compte dans les analyses préliminaires, ce qui a donné des résultats semblables (les résultats n’ont pas été montrés). Les valeurs annuelles maximales de verdure ont été tirées d’images à une résolution de 30 m des satellites Landsat de la Geological Survey des États-Unis pendant la saison de croissance de la végétation (du 1er mai au 31 août)Note 4Note 29. Les données ont été calculées à partir de l’année la plus récente disponible (2012 ou une année plus antérieure si les données pour 2012 étaient manquantes). Sur les 8,65 millions de répondants initiaux au questionnaire détaillé du recensement, 253 700 ont été exclus parce qu’ils n’ont pu être couplés aux estimations de la verdure. La figure 1 montre d’autres éléments contextuels du concept de verdure, qui décrit les quatre quartiles des estimations de verdure dans les régions urbaines du Canada et en donne des exemples.

Analyses statistiques

Des statistiques descriptives ont été employées pour déterminer les différences sur le plan de l’exposition moyenne à la verdure selon certaines caractéristiques des particuliers et des quartiers, à l’aide des poids du recensement. Pour comparer les différences de valeurs de verdure entre les groupes, les tests de Student ont été utilisés comme tests de signification statistique, et la taille de l’effet de la valeur d de Cohen a servi à interpréter l’ampleur des différences entre les groupes, étant donné qu’elle permet d’obtenir une mesure indépendante de la taille de l’échantillonNote 30. En plus de la population totale du Canada urbain, les mêmes analyses ont été effectuées dans les trois plus grandes villes du Canada : Toronto, Montréal et Vancouver. Les estimations de la taille de l’effet peuvent être interprétées comme faibles (d = 0,2), moyennes (d = 0,5) ou importantes (d = 0,8). Les analyses ont été effectuées au moyen de la version 9.4 de SAS.

Résultats

Le tableau 1 présente des statistiques descriptives de la population étudiée. Environ 31 % des 5,3 millions de répondants étaient des immigrants, 34 % se sont identifiés comme Autochtones ou comme appartenant à une minorité visible, 31 % étaient des locataires et 15 % étaient considérés comme des personnes à faible revenu. Dans l’ensemble du Canada urbain, la valeur moyenne de verdure en milieu résidentiel à moins de 500 m de la maison est de 0,44 (écart-type = 0,18). De façon descriptive, une valeur de verdure plus élevée a été observée chez les enfants de moins de cinq ans ou les adultes plus âgés, les populations blanches, les non-immigrants, les propriétaires, la population dans les quintiles de revenu supérieur et la population qui n’est pas à faible revenu. À l’échelle des quartiers, on remarque dans les AD que plus les niveaux d’instabilité résidentielle, la composition ethnoculturelle et la vulnérabilité situationnelle sont faibles, plus la verdure en milieu résidentiel est élevée.

Lors de l’analyse des trois plus grandes villes du Canada, des tendances semblables ont été observées entre les covariables à l’échelle des particuliers et l’exposition à la verdure (tableau 2). Toutefois, l’ampleur des inégalités était plus grande à Montréal qu’à Toronto ou Vancouver, les résidents déclarant être Blancs ou d’ascendance autochtone présentant des valeurs moyennes de verdure plus élevées de 0,05 que les résidents déclarant être d’ascendance arabe ou latino-américaine (p < 0,001; d = 0,25), et les non-immigrants ayant des valeurs moyennes plus élevées de 0,04 que les immigrants (p < 0,001; d = 0,23). Notamment, les propriétaires d’une résidence à Montréal ont déclaré des valeurs moyennes plus élevées de 0,08 que les locataires (p < 0,001; d = 0,44) et, de même, l’IVDN moyen du quintile de revenu le plus élevé était plus élevé de 0,08 que celui du plus faible (p < 0,001; d = 0,41).

Les augmentations du revenu médian des ménages dans les différents déciles sont associées à des augmentations marginales, mais presque constantes, de l’exposition à la verdure en milieu résidentiel dans toutes les catégories d’âge examinées (figure 2). La valeur de verdure est toutefois plus faible chez les personnes de 18 à 39 ans pour tous les déciles de revenu, sauf le plus élevé. À l’extérieur du décile le plus élevé et du décile le plus faible, les personnes âgées affichent la valeur de verdure en milieu résidentiel la plus élevée comparativement à celles des autres groupes d’âge.

Une relation positive a été observée entre le revenu médian des ménages et la verdure en milieu résidentiel dans tous les groupes ethnoculturels examinés (figure 3). Cependant, pour tous les déciles de revenu, les populations blanches présentent une valeur de verdure nettement plus élevée que tout autre groupe de population. Les Autochtones affichent également une valeur plus grande que tous les autres groupes, à l’exception de celles du décile de revenu du ménage le plus faible. Les personnes d’ascendance philippine ont une valeur de verdure inférieure à celle de tout autre groupe de population, tous déciles de revenu confondus. L’exposition la plus faible à la verdure se situe dans le groupe des personnes d’ascendance philippine à faible revenu (moyenne = 0,40; ET = 0,16), et l’exposition la plus élevée a été observée dans le groupe Blanc ayant le revenu le plus élevé (moyenne = 0,48; ET = 0,18; différence : p < 0,001; d = 0,46).

Le figure 4 montre les groupes de population selon le statut d’immigrant et la période d’immigration au Canada. Pour la
plupart des groupes de population qui sont aussi des immigrants (sauf ceux d’ascendance chinoise), l’exposition à la verdure en milieu résidentiel augmente à mesure que la période de résidence au Canada augmente, atteignant et dépassant parfois l’exposition estimée des populations nées au Canada après quelques décennies. Chez les immigrants chinois, en revanche, l’exposition est la plus importante chez ceux qui avaient récemment immigré au Canada et la plus faible après une résidence au Canada de plus de 50 ans. Les populations de non-immigrants blancs affichent des valeurs plus élevées (moyenne = 0,46; ET = 0,18) que tout groupe d’immigrants, y compris les immigrants blancs. Les valeurs les plus faibles ont été observées chez les personnes d’ascendance philippine qui avaient immigré au Canada au cours des 10 dernières années (moyenne = 0,40; ET = 0,14; différence entre les groupes ayant les valeurs les plus élevées et les valeurs les plus faibles : p < 0,001; d = 0,35).

Le lien entre le statut de propriétaire, le statut d’immigrant et la valeur de verdure a été examiné selon les déciles de revenu du ménage au figure 5. Les propriétaires non immigrants affichent une exposition plus élevée que tout autre groupe, à tous les paliers de revenu. Chez les propriétaires qui ne sont pas des immigrants récents, la valeur de verdure augmente en fonction de l’accroissement du revenu. Les locataires de tous les niveaux de revenu présentent une valeur inférieure, surtout chez les immigrants récents. Chez les locataires et les propriétaires immigrants récents, il n’a pas été possible d’établir de lien clair entre le revenu et l’exposition à la verdure.

Discussion

L’exposition à la verdure en milieu résidentiel est répartie de façon inégale parmi les 5,3 millions de résidents urbains du Canada compris dans cette étude, des inégalités étant observées selon les dimensions du revenu, le statut d’immigrant, l’identité ethnoculturelle, le mode d’occupation du logement et les caractéristiques socioéconomiques du quartier. En général, on a observé une valeur plus faible chez les personnes à faible revenu, les immigrants (surtout les immigrants récents), les jeunes adultes, les personnes appartenant à une minorité visible (en particulier d’ascendance philippine) et les locataires. Ces tendances ont été observées à différents degrés dans les trois plus grandes villes du Canada. Les points forts de cette étude sont les suivants : un grand échantillon de population (c.-à-d. recensement pondéré) et l’utilisation d’une plus grande variété de variables qui recoupent les dimensions sociales, ethnoculturelles et économiques, ainsi que les covariables au niveau du quartier.

Des valeurs de verdure particulièrement élevées ou faibles ont été observées pour certaines combinaisons de ces caractéristiques de la population. Par exemple, on a constaté l’exposition à la verdure la plus faible chez les personnes d’ascendance philippine qui sont soit des immigrants récents au Canada (depuis moins de 10 ans), soit dans le décile de revenu le plus faible. Les jeunes adultes (de 18 à 39 ans) à faible revenu et les locataires qui sont des immigrants récents affichent également une exposition particulièrement faible autour de leur lieu de résidence. À l’inverse, on a observé des valeurs plus élevées chez les propriétaires non immigrants, les non-immigrants blancs et les Blancs ayant un revenu plus élevé. Dans certaines de ces comparaisons, la valeur d de Cohen (qui mesure la taille de l’effet pour la différence entre l’IVDN moyen) a été estimée entre 0,40 et 0,48, ce qui correspond à une valeur « moyenne ». La constatation selon laquelle les immigrants présentent des valeurs de verdure plus faibles est en harmonie avec celle d’une étude menée dans la région urbaine de Montréal, qui a révélé un lien négatif entre les immigrants et la densité des arbres dans leur rueNote 31, et celle d’une étude menée dans l’ensemble des États-Unis, qui a révélé une corrélation négative entre le statut d’immigrant et la verdure selon l’IVDNNote 32.

En général, ces conclusions concordent avec celles d’études antérieures menées au Canada et ailleurs, qui ont observé une plus grande exposition parmi les populations les plus favorisées sur les plans social et économique. La plupart des études menées à l’échelle des villes, en particulier aux États-Unis, ont relevé que les espaces verts, les parcs et le couvert forestier sont plus susceptibles d’être concentrés près des populations à revenu plus élevé que dans les régions habitées par des populations à faible revenu, des locataires et des groupes de minorités visiblesNote 8Note 33Note 34Note 35. De même, une étude européenne sur la promotion de la justice environnementale par l’accès aux espaces verts en milieu urbain a conclu que les infrastructures vertes accessibles à pied sont souvent concentrées dans les quartiers richesNote 10.

Les inégalités observées dans les valeurs de verdure sont attribuables à de nombreux facteurs historiques, socioculturels, économiques et démographiques. Bien qu’un examen des causes sous-jacentes de ces inégalités dépasse la portée de la présente étude, le rôle de la disponibilité de logement, les tendances historiques des établissements et les politiques de logement, ainsi que la distribution et l’entretien du parc de logements locatifs, méritent d’être étudiés plus à fond, en particulier au Canada, où de telles études font défaut. Une étude menée à Fredericton, Halifax et Winnipeg a révélé que différentes populations, notamment les personnes âgées et les femmes, accordent une plus grande importance aux forêts urbaines, ce qui peut influencer leurs choix en matière de logementNote 36.

La constatation selon laquelle les personnes d’ascendance philippine sont les moins exposées à la verdure en milieu résidentiel peut s’expliquer, en partie, par des concentrations élevées de cette population dans les grandes villes (à savoir Toronto, Vancouver, Montréal et Winnipeg) et par des vagues d’immigration plus récentes que pour de nombreux autres groupes, à partir des années 1960Note 37, des vagues plus importantes ayant été observées dans les années 1990 et 2000Note 38. À Montréal et à Winnipeg, les immigrants philippins ont eu tendance à se regrouper dans certains quartiers souvent caractérisés par des immeubles d’habitation à faible hauteur et un nombre réduit d’espaces vertsNote 38. Une analyse des tendances d’établissement à Toronto a révélé que les immigrants philippins privilégient les logements locatifs abordables et les quartiers à usages mixtes, en choisissant des secteurs où le transport en commun est accessible ou à proximité du lieu de travailNote 38, mais qui offrent peu de verdure en milieu résidentiel. Toutefois, lorsqu’elle est analysée à l’échelle de chaque ville (tableau 2), la valeur de verdure de la population d’ascendance philippine n’est pas nettement inférieure à celle de certains des autres groupes de minorités visibles pris en compte dans cette étude.

Limites

Cette étude comporte plusieurs limites, principalement associées à l’utilisation de l’IVDN pour estimer la verdure et la nature transversale de l’étude. Cette étude n’a pas permis d’évaluer la qualité ou l’accessibilité des espaces verts, seulement l’IVDN moyen dans une zone tampon autour de la maison. Aucune distinction n’a été faite entre la verdure des parcs accessibles au public et celle des espaces privés inaccessibles, comme les terrains de golf ou les terres agricoles. Le fait, cependant, de limiter la zone d’étude aux zones suburbaines ou aux parties centrales de la ville a probablement éliminé la plupart des zones qui auraient inclus des terres agricoles. On sait que le maintien des espaces verts varie selon le revenu et les gradients démographiques dans les villesNote 10, et l’examen de la quantité globale de verdure pourrait surestimer tout avantage réel pour la santé découlant des espaces verts. Par exemple, à Baltimore et à Los Angeles, la superficie globale des parcs est plus grande dans les quartiers principalement noirs ou latinos, mais ces parcs présentent des niveaux d’entretien plus faibles et comptent moins d’installations sportives, et sont généralement moins accessibles à la populationNote 39Note 40. De même, une étude menée à Montréal a montré que la disponibilité globale des espaces dans les parcs ne différait pas selon le statut socioéconomique du quartier, mais que les parcs des quartiers à revenu plus élevé avaient plus d’équipements récréatifs et étaient mieux entretenusNote 41. D’autres mesures de la verdure utilisées dans des études à échelle plus réduite comprennent la densité des arbresNote 7 et la proportion de pâtés de maisons, de rues ou de cours résidentielles recouvertes d’arbres et d’arbustesNote 22Note 31, bien que ces mesures ne soient pas encore disponibles à l’échelle nationale.

Les mesures de verdure à elles seules peuvent ne pas représenter un avantage, car la verdure peut parfois indiquer des zones de saisie ou d’abandonNote 17, ainsi qu’un mauvais entretien des arbres nuisibles, comme cela a été le cas à Baltimore le long des limites des propriétésNote 40. Les autres attributs nuisibles possibles liés à une verdure abondante peuvent être la présence accrue de pollens et d’habitats de ravageursNote 10, et une augmentation réelle ou perçue des activités criminelles ou de l’insécurité dans les zones boiséesNote 11. L’établissement futur des ensembles de données géographiques à ces fins, comme des cartes de parcs et de zones récréatives accessibles, ainsi que des indices de qualité des parcs, pourra aider les chercheurs à explorer plus à fond les inégalités en matière d’accès à ces avantages de quartier.

Une certaine erreur spatiale est inhérente à l’attribution des coordonnées géographiques en fonction des codes postaux. Les estimations ponctuelles de l’emplacement résidentiel du programme FCCP+ sont considérées comme ayant une erreur spatiale médiane de 160 m pour les ménages urbains ordinaires et de 110 m pour les grands immeubles d’appartements en milieu urbainNote 25, qui sont les types de codes postaux les plus courants de cette étude. Il est toutefois peu probable qu’une erreur de cette ampleur ait une incidence sur les estimations de l’IVDN, car celles-ci ont été calculées comme une moyenne à l’intérieur d’une zone tampon de plus grande taille, représentant les valeurs dans l’ensemble du quartier. De plus, seule une échelle spatiale unique (500 m) a été incluse dans cette étude, bien qu’il soit possible que d’autres éléments des espaces verts, comme l’accès aux parcs ou la superficie des espaces verts, puissent être mieux saisis à une échelle différenteNote 40. Des recherches antérieures sur les effets de la verdure sur la santé ont toutefois révélé des effets semblables en utilisant des zones tampons de différentes tailles (c.-à-d. des zones tampons de 250 m, 500 m et 1 km)Note 14

Les variations de l’exposition à la verdure au fil du temps pourraient être une voie intéressante pour une étude future, car les données historiques sur la verdure et le recensement pourraient être utilisées pour fournir un aperçu de l’évolution des inégalités au fil du tempsNote 17. Ce type d’étude pourrait mettre en lumière un autre problème : le paradoxe des espaces verts en milieu urbainNote 42Note 43. On peut l’expliquer ainsi : l’écologisation d’un quartier peut entraîner des conséquences inattendues, en augmentant éventuellement la valeur des propriétés, entraînant un embourgeoisement et le départ de groupes qui devaient à l’origine bénéficier de ce changement. Par conséquent, les efforts visant à améliorer l’équité en matière de verdure doivent être menés de manière à préserver les autres caractéristiques des quartiers.

Conclusion

Dans les régions urbaines du Canada, la verdure en milieu résidentiel, telle que mesurée par l’IVDN, n’est pas répartie équitablement entre les groupes socioéconomiques et les groupes de population. Les estimations de la verdure sont plus faibles autour des résidences des personnes à faible revenu, des immigrants récents, des locataires et de la plupart des personnes appartenant à une minorité visible, en particulier les répondants qui ont indiqué être Philippins. En revanche, la verdure en milieu résidentiel est plus abondante chez les populations blanches non immigrantes et chez celles ayant un revenu plus élevé. Ces constatations peuvent présenter un intérêt particulier pour les urbanistes ou les personnes qui participent aux efforts de reboisement dans les villes. Compte tenu du nombre croissant de publications faisant état d’un lien entre la verdure en milieu résidentiel et les résultats en matière de santéNote 1Note 2Note 3Note 4Note 5Note 9Note 14, les tendances différentielles de l’exposition des ménages canadiens à la verdure peuvent représenter un mécanisme indirect par lequel les iniquités en santé se perpétuent.

Références
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