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CLAUDE GRIGNON

renseignement agricole

et

la domination

symbolique

de la paysannerie

La diversité des institutions, des enseignements et des publics que rassemble l'enseignement agricole, ou qui pourraient s'y rattacher, a conduit dès le début de ce travail à mettre en question une définition administrative trop étroite et à rechercher des critères capables de délimiter avec plus de pertinence le domaine de l'étude (1), Le rattachement d'un grand nombre d'institutions d'enseignement agricole au ministère de l'Agriculture (et non à l'Education nationale), constitue certes un indicateur de la position de cet enseignement par rapport à l'enseignement dominant, et aussi par rapport à la "profession", c'est-à- dire à un secteur particulier du système économique; mais en retenant cette définition, on se condamnait à exclure la plupart des établissements privés, indépendants jusqu'à une date récente, les centres d'apprentissage agricole ou encore les "colonies agricoles pour jeunes détenus, enfants trouvés et orphelins" qui constituent de 185O à. 1880 la forme la plus importante, au moins sous le rapport des effectifs, d'enseignement agricole "populaire" et que les spécialistes de l'époque rangent explicitement parmi les établissements d'enseignement agricole. Surtout, on peut se demander si l'enseignement agricole (enseignement de l'agriculture, mais aussi enseignement destiné aux agriculteurs) n'a pas été transmis, pour une grande part, en dehors de l'enseignement agricole au sens officiel du terme, par les instituteurs chargés de l'enseignement post-scolaire, et, plus généralement, par l'école primaire rurale; alors que l'enseignement agricole dispensé par les écoles spécialisées a toujours été facultatif, l'école primaire et les instituteurs ont eu le monopole de l'enseignement obligatoire de l'agriculture.

Fallait-il retenir comme critère la spécificité des savoirs techniques véhiculés par l'enseignement agricole et son caractère professionnel? Mais les différents degrés de l'enseignement agricole ne dispensent pas les mêmes compétences et ne préparent pas aux mômes métiers. Plus on s'élève dans la hiérarchie des établissements, ou, ce qui revient pour une part au même, plus on va des institutions anciennes vers les institutions contemporaines, et plus l'enseignement tend à perdre son caractère pratique et spécialisé pour devenir théorique et général, plus les professions sur lesquelles il débouche s'éloignent de l'agriculture proprement dite : à l'enseignement de la pratique agricole que les maisons familiales rurales dispensent, comme leurs ancêtres, fermes-écoles ou colonies, à une majorité de futurs paysans, s'oppose l'enseignement scientifique que reçoivent dans les grandes écoles les futurs professeurs ou hauts fonctionnaires; à mi-chemin entre la pratique et la science de l'agriculture, théorique mais appliqué, l'enseignement donné par les lycées agricoles (et par les anciennes écoles pratiques) aux cadres moyens de l'agriculture, conseillers, techniciens, semble correspondre à. la