Sophie Bobbé

Gestions faunistiques, cultures des sauvages et brouillage des catégories 1

La formule « nouvelle culture du sauvage » est particulièrement bienvenue pour parler des rapports de l'Occident contemporain aux espaces et aux espèces sauvages. Cela fait référence à une dimension sauvage qui ne se pense plus uniquement sur le mode cynégétique, à la différence du XIXe siècle. Aujourd'hui appréhendé comme un élément de la biodiversité écologique, le monde sauvage, loin d'être perçu comme une réalité hostile, doit* être sauvegardé. On aurait presque mauvaise grâce à envisager les choses autrement, tant cette nouvelle conception s'impose à nous, dans toute son évidence. Mais qu'en est-il des anciennes représentations du sauvage ? Ont-elles été évincées par cette « nouvelle culture » ? Concernent- elles de façon globale ou discriminante les diverses espèces sauvages ? En s'inscrivant dans l'histoire de notre rapport à la nature, cette transformation des mentalités bouleverse les liens que nous entretenons avec la faune sauvage, des liens qui ne sont pas univoques. Il faut en fait distinguer la représentation du-« sauvage », légalement estampillé comme tel dans les documents officiels, de celle du « fauve », dont les prédations nous rappellent la dangerosité dans un implacable après-coup. La notion de temporalité, ici employée comme paradigme opératoire, permettra de repérer deux modes majeurs de représentation du sauvage. C'est à partir de trois études de cas que seront examinés les mécanismes à l'œuvre dans la fabrication sociale des animaux sauvages qui peuplent, aujourd'hui, l'espace mental et médiatique dé notre société.

I. Un sauvage polysémique

Traditionnellement, on le sait, le qualificatif « sauvage » est défini par rapport à son contraire. Est « sauvage » l'ensemble de la faune et de la flore qui échappe à la sphère de la maison (domus), et plus généralement à

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