Dominique Willems et Bart Defrancq Université de Gand
L'ATTRIBUT DE L'OBJET ET LES VERBES DE PERCEPTION
0. Introduction
Si l'attribut de l'objet (АО) en français a déjà suscité pas mal d'intérêt tant chez les linguistes que chez les grammairiens, certains aspects de son analyse restent encore dans l'ombre : ainsi sur le plan formel la distinction entre attribut direct et indirect et la diversité des classes grammaticales impliquées ont à peine été effleurées. Si plusieurs études insistent sur la différence entre attribut nucléaire et périphérique, la distribution lexicale précise du phénomène reste encore largement à faire. Il en va de même du plan sémantique où l'ambiguïté de la structure, si elle a été maintes fois signalée, n'a pas encore donné lieu à une analyse approfondie. Le présent article a précisément pour objet cette variété formelle, sa distribution et son interprétation. Comme pierre de touche nous avons choisi d'étudier les АО (attributs de l'objet) dans le cadre des verbes de perception. Ces verbes présentent en effet la plupart des variantes formelles possibles et leur élasticité sémantique favorisera, nous l'espérons, une approche sémantique1. Nous avons en outre opté pour une approche basée sur des exemples de corpus, parce qu'ils permettent mieux, grâce au contexte, de saisir dans toute sa richesse la polysémie des verbes concernés. Le corpus que nous avons consulté à cet effet est composé de tous les numéros du journal Le Monde de 1994, ce qui correspond approximativement à 21 millions de « tokens ».
1. Les structures à АО : bilan et questions
1.1. L'AO : variété formelle et distribution lexicale
En étudiant de plus près les structures à АО on ne peut qu'être frappé par l'extrême variété des réalisations formelles : en nous limitant aux attributs nucléaires 2, l'on s'aperçoit d'une part que l'attribut peut être direct (1) ou indirect et que parmi les
1. Nous tenons à remercier Wouter Fiers, Jan Goes et Els Tobback pour leur aide précieuse dans l'élaboration et l'analyse des données. 2. Il est bien connu que l'AO peut fonctionner tant comme complément nucléaire (valenciel) que comme complément périphérique, parfois d'ailleurs auprès du même lexeme verbal : je l'ai trouvé intact /v/je l'ai trouvé intéressant ; il l'a rendu intact /v/ il l'a rendu heureux. Les critères de distinction sont divers, et l'opposition reste parfois bien difficile à établir. En principe nous nous concentrerons sur les structures nucléaires.
