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La philosophie et la pédagogie

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Année 1968 5 pp. 31-37
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LE PHILOSOPHE ET LA PEDAGOGIE

« L'homme libre ne doit rien apprendre en esclave ; car si les travaux corporels pratiqués par force ne font aucun mal au corps, les leçons qu'on fait entrer de force dans l'âme n'y demeurent pas. »

Platon, République 536-e

La grande majorité des professeurs de philosophie reste persuadée que le mot liberté n'est pas vide de sens. Beaucoup adhèrent à cette phrase de Lachelier que reprend un manuel trop connu : « Je ne sais pas ce qu'est la philosophie ». Mais cela proclamé, on ne s'en préoccupe plus guère, et commence une année d'enseignement autoritaire. C'est donc là une contradiction, puisque ce qui est dit ne s'aperçoit plus dans ce qui est vécu. Dans la situation que nous vivons en Tunisie, le problème se complique encore, car la culture où nous intervenons est radicalement différente de celle que nous a transmise l'université française. Elle a ses valeurs propres qui ne sont pas forcément à piétiner, même si, au premier abord, elles paraissent curieuses à nos esprits occidentaux. Il ne s'agit pas ici d'opportunisme, et pour moi la critique vaut dans les deux sens : je ne souhaite pas abandonner ce que je suis mais ne voudrais pas non plus amener les autres à être identiques à moi. Je voudrais que les valeurs reconnues ne proviennent pas de normes extérieures aux personnes. Et, au fond, un pays en voie de développement a surtout besoin de personnes chez qui on a cherché à développer le sens de la création.

Chacun, dans le métier d'enseignement, est amené à

définir son attitude en fonction de son expérience, à recopier ou à s'opposer à l'image du professeur que ses maîtres lui ont présentée. Pour peu que l'on ait l'esprit critique, il est difficile cependant d'en rester à une copie naïve ou à une opposition stérile. Le but de l'enseignement, pour moi, n'est pas de fournir des copies conformes d'un certain type d'homme où se retrouveraient les valeurs communément admises, n'est pas de faire passer au même moule rigide des personnalités qui ne peuvent s'épanouir que si leurs originalités ont la possibilité de s'exprimer. En cela consiste mon opposition, puisque, durant mes années d'enseignement secondaire j'ai pu faire l'expérience de cette tentative d'écrasement des personnes dans l'institution bretonne où j'étais interne. Le but recherché plus ou moins consciemment était là de niveler les individus, de faire que tous deviennent interchangeables, qu'aucune originalité ne vienne au jour. Le but était atteint au-delà des espérances.

La manière traditionnelle de communiquer le savoir a souvent été critiquée. Qu'on en permette toutefois une critique rapide, une caricature peut-être, ne serait-ce que pour mettre en évidence les principes d'une pédagogie inspirée de Carl Rogers, d'une pédagogie qui veut aller jusqu'au bout de la liberté. Dans l'acte d'enseignement, les rôles de chaque partenaire sont fixés par l'opinion d'une façon rigide. Quand les parents conduisent leur eniant au lycée, ils s'attendent à un comportement bien déterminé de la part du professeur, de l'administration, de l'enfant lui-même. Les rôles sont fixés et chacun joue son personnage. Tout est clair et, en général, cela fonctionne bien, les intéressés ayant la même image du processus d'enseignement. Quand un des termes ne répond plus à l'attente des autres, il conduit sur lui leurs attaques ; la répression rétablit l'ordre. On attend que le professeur, dès le début de l'année, s'asseoit derrière le bureau, se perche sur l'estrade. Il est le point de mire d'une classe, trop contente souvent que ce soit au seul professeur à faire les efforts. Il s'acharnera à répondre aux questions que lui propose un programme, organisant son cours à partir de sa problématique. Il ne faut pas nier qu'il y ait parfois des tentatives de dialogue, mais elles sonnent faux pour la plupart, apparaissant téléguidées. C'est encore le professeur qui tire les ficelles d'un dialogue qu'il a voulu instaurer, qu'il veut conduire, et dont, à l'avance, il connaît le résultat. En un mot, le professeur accepte sans critique un pouvoir que lui accordent les partenaires de l'acte d'enseigner. Et, si on lui reproche quelque chose, c'est presque toujours de ne pas exercer avec assez de violences son dirigisme. Dans cette relation figée, sans fissure, comme la tranquille distribution du savoir. La stérilité d'un tel enseignement est mal reconnue. Quelqu'un me disait avoir fait autrefois une excellente année de philosophie, avoir eu un cours extraordinaire. A la réflexion il s'est avéré que la

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