A PROPOS

DE « MASSE INERTE »

ET « MASSE DE GRAVITE

Cette réflexion s'est développée dans le cadre de mon travail à l'I.R.E.S.P. de Grenoble. Elle s'est nourrie des nombreuses discussions que j'ai pu avoir avec les professeurs du second degré qui expérimentaient les nouveaux programmes de physique élaborés par la Commission Lagarrigue : en particulier l'introduction du concept de masse en classe de seconde et la recherche d'une progression pour l'enseignement de la mécanique. La lecture d'un article de Frège intitulé Sens et dénotation m'a beaucoup aidé. J'en citerai quelques lignes pour commencer :

« ... il est naturel d'associer à un signe (nom, groupe de mots, caractères), outre ce qu'il désigne et qu'on pourrait appeler sa dénotation, ce que je voudrais appeler le sens du signe ».

« ... le lien régulier entre le signe, son sens et sa dénotation est tel qu'au signe correspond un sens déterminé et au sens une dénotation déterminée tandis qu'une seule dénotation (un seul objet) est susceptible de plus d'un signe ».

I. — Sens et dénotation

II arrive souvent qu'une trop grande familiarité avec une pratique rende la réflexion sur cette pratique un peu difficile : la question du sens paraît incongrue et la notion d'évidence, jamais évoquée explicitement, commande pourtant la logique du discours.

C'est pourquoi je préfère commencer cette réflexion sur l'enseignement du concept de masse par quelques mots sur le concept du cheval.

Il y a plusieurs façons d'apprendre à quelqu'un ce qu'est un cheval.

La première consiste à trouver un cheval et à lui associer le signe linguistique correspondant qu'on prononcera distinctement ou qu'on écrira : « cheval ». Pour que cet enseignement soit profitable à l'enseigné, et en particulier pour qu'il puisse lui-même utiliser et transmettre cette connaissance sans ambiguïté, un certain nombre de précautions doivent être prises. Il faut expliquer comment on opère pour se trouver en présence d'un cheval et non d'un zèbre ou d'une vache. A la limite on peut construire une maison dont on diffuse largement l'adresse et à l'intérieur de laquelle on entretient à grands frais un cheval qu'on appelle : « cheval-étalon ».

Cet ensemble assez complexe constitue ce que le physicien appelle une définition opératoire. Le rapport ainsi créé entre le mot cheval et la réalité correspondante s'appelle désignation ou dénotation. La réalité cheval est la référence du mot cheval.

Une autre façon d'enseigner ce qu'est un cheval et de dire : « on appelle cheval un mammifère de l'ordre des ongulés, famille des équidés, caractérisé par l'allongement des membres et la possession d'un seul doigt à chaque patte, le deuxième et le quatrième doigt étant réduits à de courts stylets osseux ». (Petit Larousse).

C'est ce que fait le physicien lorsqu'il dit : « on appelle quantité de mouvement le produit de la masse par la vitesse ». On parle alors de définition conceptuelle. Le rapport qui lie le mot cheval au concept est appelé signification et le sens du mot (ou du concept) est le rapport qu'il entretient avec les autres mots (ou concepts) de la langue. Les linguistes trouveraient sans doute ce qui précède un peu schématique mais cela suffira pour notre réflexion sur l'enseignement du concept de masse.

II. — Un peu d'histoire

II faut attendre la fin du XVIIe siècle pour voir se dégager la notion de masse.

Descartes l'ignorait : pour lui la seule chose qui caractérise un corps c'est ce qu'il appelle sa grandeur ou « son extension ». En fait sa géométrie. Il est pourtant

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