REVUE FRANÇAISE DE PEDAGOGIE
N° 60 juil.-août-sept. 1 982, 9-1 7
MEMOIRE ET RESOLUTION DE PROBLÈMES
par J. F. RICHARD
Introduction
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1. Mémoire et intelligence
On oppose souvent mémoire et intelligence, l'intelligence étant considérée comme une activité créatrice et la mémoire comme une activité de caractère passif et répétitif.
En fait, cette dépréciation n'est pas le fait des psychologues qui ont étudié la mémoire, elle est héritée de la tradition philosophique. On peut s'en étonner car tous ceux qui ont étudié la mémoire ont mis en évidence les liens qu'elle entretient avec les activités intellectuelles les plus complexes (voir de Schonen, 1 974). Les recherches récentes insistent de plus en plus sur les stratégies qui interviennent soit au niveau du stockage, soit au niveau de la récupération en mémoire : certaines sont d'un niveau de complexité équivalent à celles observées dans la résolution de problèmes.
Piaget et Inhelder (1968) ont développé l'idée que la mémoire était le reflet des traitements et des opérations
mentales et suivait le développement des structures opératoires de l'intelligence. Une perspective voisine a été développée par l'école soviétique qui lie la mémoire et l'activité (Zintcheko, 1966 ; Smirnov, 1966). On trouve également des idées équivalentes chez des auteurs anglo- saxons comme Craik et Lockhart (1972) pour qui la probabilité qu'une information soit conservée en mémoire dépend du niveau de profondeur du traitement qui a été effectué : une information qui a subi un traitement sémantique a plus de chances d'être retenue qu'une information qui a été traitée à un niveau superficiel, phonétique ou visuel par exemple. D'une façon générale, dans la lecture des travaux récents on est frappé de la similitude du langage utilisé pour parler de la mémoire et de l'intelligence. L'idée centrale de cet article est que l'activité de résolution de problèmes dépend dans une très large mesure des activités mnésiques et que pour une grande part les difficultés rencontrées dans cette tâche sont liées aux contraintes de fonctionnement des systèmes mnésiques.
2. Les types de mémoires
II faut, pour commencer, introduire deux distinctions classiques en psychologie, qui se recouvrent en partie mais ne partent pas du même point de vue :
La première distinction est faite d'un point de vue qu'on pourrait qualifier d'anatomique en ce sens qu'elle envisage les structures : c'est la distinction entre mémoire à court terme (M.C.T.) et mémoire à long terme (M.L.T.).
L'autre distinction est faite du point de vue de la tâche à réaliser, c'est-à-dire dans une perspective fonctionnelle : c'est la distinction entre mémoire de travail (M T.) et mémoire permanente.
2.1. Mémoire à court terme et mémoire à long terme
Très schématiquement on peut considérer la mémoire à court terme comme un registre dans lequel beaucoup d'informations circulent : elle ressemble à la mémoire-tampon des informaticiens. Dans ce registre peu d'informations sont résidentes à la fois : sa capacité est limitée. Une information y subsiste pendant peu de temps : elle est sujette à effacement à moins qu'une activité particulière n'intervienne pour la maintenir. Elle est donc labile mais a l'avantage d'être facilement récupérable.
La mémoire à long terme est un registre à entrée plus sélective : des opérations de codage spécifique accompagnent l'entrée en mémoire à long terme. C'est une mémoire à très grande capacité : la conservation de l'information est durable, elle offre une énorme résistance à l'effacement. Mais c'est une mémoire dans laquelle il y a beaucoup d'interférences entre les informations. Celles qui y entrent peuvent transformer celles qui y sont déjà