REVUE FRANÇAISE DE PEDAGOGIE

N°61 oct.-nov.-déc. 1982.45-59

ÉVALUATION ET MUSÉOLOGIE SCIENTIFIQUE. A propos de l'exposition Einstein, Palais de la Découverte, 1979-1981

par J. EIDELM AN, M. C. HABIB et M. ROGER

L'évaluation de l'exposition Einstein (Palais de la Découverte, 1979/81 ) présente deux aspects : 1 ) d'une part l'analyse des transpositions didactiques et culturelles qui portent sur la théorie de la relativité et la personne du savant, 2) d'autre part la mise en relation, bien que corrélée négativement, des visées des visiteurs et de l'action muséologique. Aux intérêts et motivations des visiteurs correspondent des usages différenciés des divers supports.

Au plan didactique, les exposés ont à l'égard des panneaux présentant la théorie de la relativité, une fonction réparatrice dont les visiteurs non-scientifiques sont les premiers bénéficiaires. Le caractère rassurant de la mécanique classique, l'absence de distinction entre expérience réelle et expérience par la pensée, le réalisme des analogies discursives, la primauté des résultats sur les raisonnements constituent les obstacles principaux à la compréhension de la théorie et banalisent sa nature révolutionnaire.

Au plan culturel, la biographie du savant ne restitue ni le cheminement théorique, le « credo épistémologi- que », ni les fondements logiques et critiques de la théorie. Elle est cependant le signe, pour nombre de visiteurs, d'une alternative au mode de diffusion traditionnel des théories physiques.

Dégager la singularité de l'action muséologique(i) vis-à-vis de l'enseignement ou de la vulgarisation scientifiques, appelle une analyse du mode de transposition qu'elle opère sur un objet de savoir qu'elle n'a ni conçu ni élaboré. Dans l'exposition Einstein cette transposition — d'un objet de savoir en objet « d'exposition », voire de « conservation » pour rester dans le vocabulaire des musées — porte sur deux registres : celui des contenus de l'œuvre scientifique, celui de la personne du savant. La première, transposition didactique (2), est peu démarquée du modèle scolaire et concerne la présentation de résultats. La seconde, transposition culturelle, met en scène une figure culturelle (fût-elle scientifique) selon un mode hagiographique nuancé d'éléments d'histoire des sciences.

L'évaluation de l'exposition met en relation ces transpositions et leurs effets sur le public, compte tenu de la visée de l'action muséologique et des projets de ceux à qui elle est destinée.

Si pour les visiteurs de l'exposition Einstein, le projet de visite relève de façon minoritatre de « l'acquisition de connaissances » (au sens de connaissance systématique de l'œuvre scientifique du savant), par contre, c'est essentiellement un mobile didactique qui anime les muséo- logues et que traduisent la structure et le contenu de l'exposition. Ainsi, l'action muséologique majoritairement située dans cette perspective didactique organise un rapport pédagogique entre visiteur et muséologue (soit directement au moment de l'exposé, soit médiatisé par les panneaux) fondé quasi exclusivement sur la mémorisation des connaissances.

Cependant, la présence, au cœur même de l'exposition, d'une biographie du savant atteste, de la part du musée, d'une volonté d'intéresser à la science par un autre biais que celui de la présentation de ses résultats et révèle la prise en compte d'autres types d'attentes.

Il nous a donc paru intéressant de confronter des projets qui se répondent nonobstant l'importance que muséologues et visiteurs leur attribuent. On a ainsi :

— acquisition d'une théorie (la relativité restreinte)/ action didactique ayant pour supports les panneaux et les exposés ;

— formation d'une culture scientifique/intéresser à la science par l'intermédiaire d'une biographie.

I. - Problématique et méthodologie

Confronté à une demande d'évaluation d'une situation de muséologie (que l'on peut ramener à une situation

45