L'humiliation des élèves
dans l'institution scolaire :
contribution à une sociologie
des relations maître-élèves
Pierre Merle
Ecoliers, collégiens et lycéens partagent de multiples expériences scolaires qui sont, peu ou prou, marquées par l'humiliation, l'injure, la vexation, la moquerie, la honte... Dans cet article, afin d'éviter des périphrases inutiles, le terme « humiliation » sera préféré et sollicité dans un sens générique. Ce terme, le plus employé par les élèves, présente en effet l'avantage d'appréhender de façon syncrétique une dimension majeure de leur histoire scolaire, celle du rabaissement de soi. Les ex-élèves interrogés, même ceux de notre échantillon a priori protégés des affres scolaires ordinaires (cf. annexe), sont en effet particulièrement prolixes sur cet aspect de leur
rité. La fréquence des .histoires d'humiliation livrées au chercheur démontre leur importance pour les enquêtes, et constitue, plus largement, une des descriptions possibles de ce qui se passe dans une classe et dans un établissement.
La sociologie de l'humiliation des élèves reste encore embryonnaire. La recherche marquante sur ce thème est due à Dubet (1991) pour qui le « mépris » ou le « manque de respect » constitue une sorte de fil rouge sans lequel l'expérience lycéenne ne peut être véritablement comprise. Une quantification du sentiment subjectif d'humiliation a été réalisée lors de l'enquête Insee-lned menée en juin 1992. La moitié des collégiens et
Revue Française de Pédagogie, n° 139, avril-mai-juin 2002, 31-51
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