NOTE CRITIQUE
LE «COSMOPOLITE » ET LE «LOCAL »
Introduction
Proposés à l'origine dans une étude sur les sources et les formes de l'in¬ fluence des notables d'une petite ville américaine 1, les deux concepts de cosmopolite et de local ont paru particulièrement féconds aux socio¬ logues de l'organisation qui les ont utilisés pour analyser les modes d'in¬ sertion des professionnels dans des organisations de type bureaucratique.
Le développement assez considé¬ rable de la littérature sociologique portant sur la professionnalisation des bureaucrates nous semble appeler une revue critique de l'utilisation de ces deux concepts, cosmopolite et local, et une interrogation sur leur réelle pertinence dans le cadre d'une telle problématique.
Nous verrons qu'ils ont surtout servi à accentuer les oppositions entre le bureaucrate et le professionnel, mais que ce faisant ils ont apporté plus de confusion que de clarté dans la compréhension du phénomène étu¬ dié. Nous chercherons à montrer que cette confusion provient d'une volonté d'opposer systématiquement l'orien¬ tation bureaucratique à l'orientation professionnelle 2 alors que c'est au
1. R. K. Merton, «Patterns of in¬ fluence, local and cosmopolitan influen¬ tial », in Social theory and social struc¬ ture. Free Press, New York, 1957, p. 387-420.
2. Par exemple, cf. P. M. Blau et
W. R. Scott, Formal organizations ,
sein du mouvement de professionna¬ lisation qu'il faudrait situer les ten¬ sions et les conflits. En définitive, nous proposerons d'abandonner les concepts qui font l'objet de cet article pour construire sur d'autres bases les variables qui nous paraissent plus adéquates à la compréhension de ces phénomènes.
Nous adopterons le plan suivant pour cette étude critique.
Dans une première section nous rappellerons les quatre recherches qui ont utilisé la variable cosmopolito-locale, celles de A. W. Gouldner, de W. Bennis, de P. M. Blau et W. R. Scott et de B. G. Glaser 3. Leur simple exposé nous révélera déjà une première difficulté : la présentation de corrélations contradictoires.
La section II montrera les glisse-
Routledge & Kegan Paul, Londres, 1699, p. 62-63.
3. A. W. Gouldner, «Cosmopoli-tans and locals : towards an analysis of latent social roles », in Administra¬ tive Science Quarterly, 2, 1957, p. 281-306 et 2, 1958, p. 444-480. Cette recherche a fait l'objet d'un intéressant article de Fletcher. Cf. C. Fletcher, Cosmo¬ politisme et professions intellectuelles, Sociologie du Travail, n° 1, 1969, p. 1-21. W. Bennis al., Reference groups and loyalties in the out-patient dépar¬ tement, Administrative Science Quarterly, 2, 1958, p. 481-500. P. M. Blau-W. R. Scott, op. cit., p. 64-74 (La première édition de leur ouvrage remonte à 1963). B. G. Glaser, The local-cosmopolitan scientist, American Journal of Sociology, 69, 1963, p. 249-259.
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