Dans un premier article, publié dans le numéro précédent, les auteurs ont mis l'accent sur le bilan paradoxal de la crise si l'on regarde le système des relations professionnelles. Recensant les éléments, nombreux et importants de continuité entre les négociations de 1968 et celles des années précédentes, ils brossaient un tableau dans lequel la continuité des objectifs poursuivis, des mécanismes de négociation même, s'allie à une sorte de révolution dans faction. Mai 1968 , une crise comme les autres, à la différence près, mais qui est capitale, d'un radical changement d'échelle qui, écrivaient-ils, «transforme le désordre inhérent à toute crise en désarroi, réintroduit sur le devant de la scène l'arbitrage gouvernemental, révèle la faiblesse des appareils de négociation et l' ambiguïté des rapports du syndicat et de sa base».

Étudiant ensuite les problèmes nouveaux ils mettaient en évidence une double crise de légitimité dans l'entreprise liée d'une part à l'ampleur des distances sociales entre les travailleurs, d'autre part à des problèmes d'organisation qui ne se confondent entièrement ni avec ceux d'une éventuelle démocratisation ni avec ceux d'une nécessaire rationalisation.

Poursuivant ici l'analyse les auteurs font le point sur l'état du bargaining power et du pouvoir ouvrier avant d'en venir à l'évaluation des changements et des cohérences dans les attitudes et les stratégies des protagonistes principaux. La conclusion cerne de près ce qui semble être deux vides graves du système français de négociation : difficulté pour les syndicats d'un terrain d'intervention politique, insuffisante institutionnalisation des procédures au niveau de l'entreprise, niveau que la crise a pourtant porté sur le devant de la scène.