Henry Rousso
Le Plan, objet d'histoire
Dans les années soixante, Plan et planification ont suscité de très nombreuses études. Réalisées par des économistes et sociologues, elles se situaient dans le sillage de la croissance forte, dans la ligne des espoirs soulevés par la planification «démocratique », d'une meilleure cohérence de la politique économique et d'un partage des fruits de l'expansion. Elles avaient le plus souvent une valeur normative et un but implicite, l'aide à la décision. D'une manière générale, elles s'inscrivaient dans la volonté d'«expertise sociale » qui a pu caractériser à cette époque les sciences sociales. Avec le colloque d'Uriage, organisé par Lucien Nizard en 1972 sur le thème «Planification et société »(1), cette littérature et ces réflexions ont connu une sorte d'apogée, avant le relatif déclin, parallèle à celui de la planification elle-même, nettement perceptible tout au long des années soixante-dix.
De ce foisonnement intellectuel, les historiens ont la plupart du temps été absents. Il est vrai qu'à l'époque, l'histoire contemporaine, baptisée avec un certain mépris par quelques esprits académiques «histoire immédiate », n'avait pas toujours les faveurs des spécialistes de disciplines pourtant voisi¬ nes. Il n'est pas moins effectif que les historiens ont négligé ce champ, par manque d'intérêt, de sources d'archives mais aussi par réflexe positiviste, le Plan pouvant sembler a priori comme relevant plus du registre du discours et du symbolique que du réel. Sans doute aussi faisait-il partie de ces objets d'histoire en attente, au purgatoire de la mémoire collective, à la fois trop proche dans le passé et trop peu actuel, les historiens, malgré leurs dires, se nourrissant aux sources du présent.
(') Planification et société, Actes du colloque d'Uriage, Presses universitaires de Grenoble, 1973, sous la direction de Lucien Nizard.
Sociologie du travail. —
0038-0296/85/03 239 12/S 3.20/ © Gauthier-Villars
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