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SUR LE FRONT DES SEXES UN COMBAT DOUTEUX

Michelle Perrot

Nos guerres, dit-on, auraient bousculé les rapports des sexes et émancipé bien des femmes. Au retour d'un récent colloque à Harvard, Michelle Perrot nous aide à fortement nuancer cette idée reçue. Spectaculaires assurément, mais combien superficiels et surtout provisoires, les changements au cours des deux guerres mondiales ! Les conflits mobiliseraient-ils trop d'énergie sociale pour pouvoir modifier les vieux rôles sexuels ? Constatons, sans conclure, que la tyrannie de l'intimité et le repos du guerrier respectent mal les armistices.

L'idée que les guerres ont changé, voire bouleversé, les rapports de sexes et donné aux femmes des pouvoirs nouveaux est fort répandue. C'est un topique du discours politique et de la littérature. Le héros du roman de Joseph Roth, La crypte des capucins !, le dernier des von Trotta, fait prisonnier dès le début de la guerre dans l'été 1914, rentre pour trouver sa femme, épousée dans la hâte du départ, émancipée économiquement et sexuellement ; devenue lesbienne, elle le quitte pour l'Amérique, en lui abandonnant leur fils. L'effondrement de la famille et du couple accompagne et symbolise celui de l'Empire austro-hongrois, si même il n'en constitue pas le principal ferment de dissolution : le féminisme est souvent considéré comme le symptôme le plus évident de la décadence des mœurs et de l'individualisme corrupteur. Chez Roth,

comme chez Michelet 2, quand les femmes usurpent le pouvoir, l'histoire se dérègle. Chez Proust aussi, en un certain sens. Dans le Faubourg Saint-Germain du Temps retrouvé, « douairière gâteuse » qui ignore les codes et confond les rites, les femmes qui ont, par le sexe et la culture, préparé dès longtemps leur avènement, régnent enfin : Odette, maîtresse du Duc, Madame Verdurin, légitime princesse de Guermantes, scellent, par leur ascension, la fin d'un monde, la mort d'une aristocratie.

Ainsi, la littérature traduit les fantasmes, les peurs ou les rêves d'une époque, qui constituent une part, mais une part seulement, de sa « réalité ». Celle-ci est plus complexe, comme l'a suggéré un récent colloque — « Women and war » — organisé par le Center for European Studies, à Harvard en janvier 1984 ; suggéré parce qu'il ne peut s'agir encore de synthèse, tant les recherches sont, curieusement, peu développées en ce domaine 3 ; et aussi, en raison d'une inégale répartition des pays et des thèmes abordés.

Douze communications principales : quatre sur la première guerre mondiale, huit sur la seconde ; et quant à la répartition géographique : quatre sur la France, trois sur la Grande-Bretagne et

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