Le "motín de Esquiladle" et le peuple de Madrid
PAR
Jacques SOUBEYROUX
Université Paul Valéry de Montpellier
Aucun événement de l'histoire espagnole du XVIIIe siècle n'a suscité et ne suscite encore autant d'intérêt, autant d'analyses contradictoires que le « motín de Esquiladle » (*). Emeute populaire spontanée ou complot organisé ? Et organisé par qui ? Par les Jésuites ? Par le clergé dans son ensemble, la haute noblesse, ou les deux ordres unis ? Certaines puissances étrangères (la France) ou sociétés secrètes (la franc-maçonnerie) ont-elles joué un rôle dans le déclenchement de l'émeute ? Et quelles en sont les causes : attachement du peuple à une tradition vestimentaire, xénophobie, crise de subsistance, opposition des classes privilégiées au processus de « révolution bourgeoise » engagée par la monarchie éclairée, désir de la haute noblesse de reprendre un pouvoir politique dont elle était écartée, rivalités entre ordres religieux ? Il est difficile de voir clair au milieu de tant d'incertitudes, mais comment pourrait-il en être autrement alors que le pouvoir s'est
(1) Cette réflexion sur le rôle du peuple pendant les événements de mars 1766 à Madrid, basée sur l'exploitation de documents nouveaux (en particulier, ceux qui appartiennent aux Archives du Comte de Campomanes, conservées par la Fundación Universitaria Española à Madrid), prolonge les quelques pages consacrées au « motin de Esquilache » en 1976 dans ma thèse de doctorat sur Paupérisme et rapports sociaux à Madrid au XVIII* siècle (Première partie, chapitres 1 et 3).