Navigation – Plan du site

AccueilRecherches & ÉducationsHSDossierL’échelle métrique d’Alfred Binet...

Dossier

L’échelle métrique d’Alfred Binet (1857-1911) comme outil de diagnostic de la débilité mentale : contexte historique, médical, politique et social (1876-1911)

Isabelle Cavé

Résumés

Quel a été le contexte historique, médical et social d’une politique hygiéniste de IIIe République partie en lutte contre la décadence ou l’état de dégénérescence de la société française où s’inscrivait l’œuvre du psycho-pédagogue Alfred Binet (1857-1911) savant célèbre pour son invention d’échelle métrique de l’intelligence à caractère scolaire ? N’était-il que l’ombre de son collègue médecin aliéniste le Dr Désiré Magloire Bourneville (1840-1909) qui à l’hôpital Bicêtre était chargé d’étudier les enfants idiots, imbéciles, épileptiques, dont les méthodes d’apprentissage étaient réputées sur le plan mondial ? Quelles sont les motivations qui poussaient ces deux hommes à s’opposer diamétralement ? Et la révision de la loi du 30 juin 1838 relative au régime des aliénés occupait-t-elle une place particulière à la fin du XIXe siècle face à l’émergence disciplinaire nouvelle de la psychiatrie et de la psychologie expérimentale ? Pour quels traitements médicaux des aliénés ?

Haut de page

Texte intégral

La maladie mentale au XIXe siècle

  • 1  M. FOUCAULT, Histoire de la folie à l'âge classique. Folie et déraison. Paris, éditions Gallimard, (...)
  • 2 Nombreuses publications dans les Annales médico-psychologiques.
  • 3 P. PINEL, Traité médico-philosophique sur l'aliénation mentale, Paris, Chez J. Ant. Brosson, librai (...)
  • 4 Quarante de travaux de recherche scientifique résumés dans six volumes d'étude.
  • 5 F.-E. FODÉRÉ, Traité du délire. Paris, 1817. Et Traité de médecine légale et d'hygiène publique, ou (...)
  • 6 Grave manquement à la jurisprudence sanitaire contenue dans l'article 1er de la loi du 30 juin 1838 (...)
  • 7 V. RADENAC, Du rôle de l'État dans la protection des enfants maltraités ou moralement abandonnés, c (...)
  • 8 Esquirol estime à 5 153 le nombre des aliénés internés en France en 1818 dans 59 établissements hos (...)

1Jusqu’en 1794 il faut savoir que les fous étaient enchaînés partout en Europe. En France, la loi des 16-26 mars 1790 vint bien abolir les lettres de cachet et décider, dans son art. 9, que, dans un délai de trois mois, toutes les personnes détenues pour cause de démence seraient examinées par des médecins et interrogées par les procureurs, afin qu’elles soient mises en liberté ou envoyées dans des hôpitaux spéciaux pour y être soignées. Pinel le premier, médecin à Bicêtre en 1792, demande la suppression des chaînes, des cachots et de la torture. Il crée, pour ces malades, les promenades, les ateliers, les traitements doux et vit très rapidement le succès couronner ses efforts et ses veilles ; la guérison suivit de près et nombreux de ces malheureux recouvrer la raison1. Cependant soigner les fous, les criminels, les aliénés ... ceux que la société appellent « idiots », « crétins », « faibles d’esprit », commodément « incurables » ; ceux que la société, considèrent autant que tout aliénés, arriérés, dangereux, irrécupérables (en réalité indésirables) ne seront traités sur le plan médical qu’à la fin du XIXe siècle sous le régime de la IIIe République malgré l’avancée certaine des travaux archarnés des médecins sur la maladie mentale pendant tout le Grand siècle avec les célèbres Archambault, Baillarger, Calmeil, Delasiauve, Ferrus, Moreau (de Tours)2, Trélat (…). Puis plus tard avec les Bompard, Brouillet, Lannelongue, Mourier, Potain, Parchappe (…) C’est sous l’impulsion des grands aliénistes Pinel3, Esquirol4, Fodéré5 affichant la volonté d’étudier les maladies mentales, proposer des traitements et l’hospitalisation des aliénés qu’un grand mouvement scientifique humaniste est né qui a donné la loi du 30 juin 1838 sur les aliénés et qui va influencer la plupart des autres pays en la matière. En deçà de ce texte juridique pendant tout le XIXe siècle l’assistance des aliénés, en France, reste insuffisante en dépit de la générosité de bienfaisance religieuse ou privée. Sur le plan national chaque département ne possède pas son asile public dont il aurait la charge6 ; les aliénés non internés ne font l’objet d’aucune surveillance et ne reçoivent aucun traitement. Les enfants atteints de maladies mentales et nerveuses sont à l’état d’abandon, cachés parfois maltraités7 dans leurs propres familles ou livrés dans les hospices ou dans les prisons avec les adultes, les séniles et les incurables ; le recurement et la situation du personnel médical exigent des améliorations. Enfin le personnel secondaire ne possède en général, ni les qualités, ni l’instruction professionnelles, indispensables pour bien soigner les malades qu’on s’efforce de leur donner dans les contrées voisines. Et lorsque ces enfants idiots, débiles ou arriérés sont scolarisés ils sont des charges pesantes pour la classe et les instituteurs qui les accueillent et freinent les programmes scolaires. Pendant très longtemps durant le siècle, l’État ne possèdera aucune statistique officielle complète8 qui aiderait à comptabiliser ces sujets à les repérer et donc à authentifier les besoins pour la construction et la prise en charge médicales de ces derniers. Ce qui explique les amalgames d’internement de ces populations une bonne partie du siècle qu’il conviendrait de soigner en créant des structures rapportées à chacune des pathologies rencontrées.

L’échelle métrique d’Alfred Binet

  • 9 D'une morale préconisée par les hygiénistes du XIXe siècle cf. l'ouvrage de Julia CSERGO, Liberté, (...)
  • 10 C. ROLLET-ECHALIER, La politique à l'égard de la petite enfance sous la IIIe République, Paris, Ins (...)
  • 11 B. ANDRIEU « Arriérés Pédagogiques : naissance de l'élève capacitaire dans les dernières recherches (...)
  • 12 Médecin aliéniste français né à Dijon en 1873. Directeur médecin en chef de l'hôpital Henri Roussel (...)
  • 13 L. LE SONN, « Le test d'intelligence Binet-Simon dans les asiles (1898-1908). L'invention d'une nou (...)
  • 14 Cf. T. SIMON, Documents relatifs à la corrélation entre le développement physique et la capacité in (...)
  • 15 F. MAYEUR, Histoire de l'enseignement et de l'éducation. Partie 5. Cinquante ans d'université répub (...)
  • 16 D.-M. BOURNEVILLE, Histoire de la section des enfants à Bicêtre, Paris, éditions Battaille, 1892.
  • 17 S. NICOLAS, « Les premières recherches de Binet au laboratoire de psychologie de la Sorbonne (1891- (...)
  • 18 D.-M. BOURNEVILLE, in Les enfants anormaux, 1907.
  • 19 M. FAGOT, « Alfred Binet et l'invention des tests d'intelligence », Un siècle de sciences humaines, (...)
  • 20 D.-M. BOURNEVILLE, Les enfants anormaux au point de vue intellectuel et moral, Paris, aux Bureaux d (...)
  • 21 I. CAVÉ, État, santé publique et médecine à la fin du XIXe siècle français, Paris, Éditions L'Harma (...)
  • 22 I. LESPINET-MORET, « La Troisième République face à la question sociale », Tous Républicains ! Orig (...)

2Convient-il de savoir que toutes les réformes entreprises en matière d’assistance et de prise en charge de ces populations spécifiques au cours du XIXe siècle sont dues à des médecins et l’enjeu pour l’État et les collectivités publiques de l’époque était de répondre à la demande médico-sociale par la création de nouveaux services, d’établissements d’accueil ou de classes médico-scolaires adjacentes ou non à l’Hôpital. Enjeux sociétaux sous une IIIe République moralisatrice9 consacrés à la question notamment des enfants débiles, imbéciles ou arriérés, et par conséquent, d’une querelle partagée entre spécialistes de l’Éducation (éducateurs, psycho-pédagogues, psychologues). Dont le pédagogue, psychologue Alfred Binet (1857-1911) avec son associé l’aliéniste le Dr Théodore Simon (1873-1961) vont devoir s’affronter avec le clan des psychiatres ou des médecins aliénistes incarnés par deux farouches défenseurs de ces questions d’encadrement scolaire à l’Hôpital qui ne sont que le Dr Désiré Magloire Bourneville (1840-1909) député et le Dr Théophile Roussel (1816-1903), sénateur, membre de l’Institut, ancien président des congrès d’assistance publique et de bienfaisance privée en 1839, 1894, 1897, président d’honneur des congrès de l’enfance en 1896 à Rouen et en 1900 à Paris. Ce sont deux grandes figures incontournables des débats législatifs au Parlement relatifs : 1° à l’assistance de l’enfance maltraitée et abandonnée et 2° à la prise en charge de l’éducation de ces enfants socialement déshérités10. La question de l’assistance obligatoire aux enfants idiots et imbéciles fut posée seulement à partir des années 1900. Avec un souci de rentabilité économique, la société cherche à présent à calculer le coût des dépenses financières consacrées à l’assistance des infirmes mentaux c’est-à-dire à s’intéresser au sort des débiles légers, des enfants en difficulté, des arriérés scolarisés plus qu’elle ne vise à régler la condition des idiots définis comme éducables. Il ne faut pas oublier qu’à la suite de la loi de l’enseignement obligatoire en 1882 Binet fut chargé d’étude sur le sujet en 1904 par le ministre de l’Éducation11. Le ministère de l’Instruction publique fait appel à ses compétences pour mettre au point un outil qui permettrait de repérer les enfants en grandes difficultés scolaires. Il s’associe avec Théodore Simon12 et il publie une échelle métrique de l’intelligence13 qu’il élabore avec lui14.
Cette discussion relative à l’assistance des enfants aliénés va aboutir à une loi du 15 avril 1909 relative à la création de classes de perfectionnement, dites des classes spéciales annexées aux écoles élémentaires publiques et des écoles spéciales avec plusieurs classes qui pourront comprendre un internat et un demi-pensionnat sous la gouvernance solidaire de Paul Strauss et de Léon Bourgeois. Jusqu’à présent il faut faire remarquer que la grande loi organique de l’enseignement primaire (du 30 octobre 1886) ne prévoyant que des écoles ordinaires pour les enfants normaux se suffisait à elle-seule pour la prise en charge globale de l’éducation de tous les enfants en âge de scolarité15. Avec cette remarquable transformation de progrès social, la société va ignorer le coût financier de cette dernière loi, l’importance de la population à éduquer, les méthodes d’enseignement général et professionnel à donner. Et le plan d’organisation des classes annexes et des internats à prévoir demeure tout aussi flou. Cette loi fut finalement votée pour étancher la soif de querelle scientifique entre les deux protagonistes spécialistes en jeu de l’époque Binet et Bourneville. Le Dr Bourneville en charge des enfants infirmes, paralytiques, épileptiques à l’Hôpital Bicêtre bien placé sur le plan des institutions politiques (préalablement nommé par concours médecin en chef de la 3e Commission des aliénés en 1879, devait, grâce à son influence au Conseil municipal et au Conseil général de la Seine, était parvenu à convaincre ces assemblées de l’urgence d’améliorer la situation des idiots de Bicêtre. Ce qui fut fait en son temps.)16
Le XXe siècle sonné ̶ face à son adversaire Binet ̶ il ne lui restait que des arguments professionnels divergents pour faire progresser les choses. Le Dr Bourneville était médecin, étranger à la notion de « rendement » que prétendait dorénavant Binet en préconisant les bienfaits de son outil d’évaluation pédagogique « l’échelle métrique de l’intelligence », à devoir mesurer les facultés mentales de chaque élève, notamment des élèves scolaires potentiellement arriérés ou en difficultés. Les méthodes d’éducation pédagogiques des idiots que le Dr Bourneville proposait n’étaient quant à elles que d’une portée bien plus modeste. L’objectif, pour son équipe, consistait par exemple à rendre un enfant gâteux propre, à apprendre la marche à un enfant invalide ou faire pratiquer la gymnastique de la parole par des exercices de la respiration et des muscles à un enfant muet. Ce qui était déjà pas si mal si l’on se réfère aux lectures des études pathologiques sur ces jeunes aliénés où les équipes médicales pédagogiques peinaient à leurs apprendre les rudiments de la propreté corporelle, les apprentissages fondamentaux de la vie et la sociabilité. Les spécialistes du monde entier se déplaçaient à Paris, consulter le Dr Bourneville à l’hôpital Bicêtre, pour ses méthodes éducatives réputées. Que signifiaent donc ces notions soudaines de rendement préconisées par Binet et Simon avec leur outil métrique de nouvelle pédagogie ? En réalité, la démarche cherchait à imposer un modèle éducatif commun à tous les sujets scolarisés éliminant ainsi les élèves les plus faibles intellectuellement pour les contenir dans des garderies. Il n’exclut pas pour autant de l’école les débiles légers. Président de la Société libre pour l’étude de l’enfant17, directeur de l’Année psychologique, il se moquera cependant des méthodes pensées par Séguin ou Bourneville, pour éduquer les idiots18.
Ce que Binet cherche à faire dans son laboratoire de pédagogie normale, rue de la Grange aux Belles à Paris, tend à concentrer ses efforts de recherche sur les débiles perfectibles (il étudiait les sujets instables et arriérés scolaires). L’échelle psychométrique élaborée par Binet-Simon consiste à établir un diagnostic rapide d’arriération en comparant les performances de l’enfant à celles de sa classe d’âge19. À l’encontre des médecins de tradition aliéniste il écrit : « (...) C’est pure folie d’apprendre, pendant six ou huit années d’efforts, les lettres à un enfant qui n’arrivera jamais à lire complètement, et qui, quand même il saurait lire, ne pourrait rien comprendre à ce qu’il lit. À ce malheureux, il suffira, certainement, de donner des leçons pour lui apprendre à manger, à se vêtir, à marcher, à faire de petits travaux simples comme du balayage et du nettoyage. Il s’agira moins d’écoles que de garderies. Elles coûteront moins cher, surtout si on les place à la campagne. On concentrera les efforts de l’éducateur sur des anormaux qui sont moins profondément atteints, et ce sont ceux-là seulement qu’on cherchera à instruire. C’est la pratique suivie, et avec raison, dans les pays étrangers (...) »20 Tout ceci porte à croire que la société française votait en son temps des lois sur des malentendus21.
La société de IIIe République s’organise très vite, des utilitaristes réclament une société de capitaux marchands, où chaque individu doit être une source de production immédiate rentable, n’épargnant aucun individu indépendamment des critères d’âge, de conditions physiques ou mentales ou sociales de chacuns... Nul ne peut rester sur le bord de la route comme assistés en mendiants, en éclopés ou en vieillards. D’autres citoyens, des philanthropes, des médecins ou des philosophes avaient une vision plus humaniste de la condition humaine, ayant le souci de s’occuper des plus faibles dans leurs souffrances, leurs maladies ou leurs infirmités physiques ou mentales ou mêmes leurs déchéances sociales (chômage, pauvreté...). En clair la société française de IIIe République se présente sous un spectre moral et hygiéniste. Perfectible, elle se donne pour mission communautaire prioritaire une productivité rentabiliste des individus en lien avec l’arrivée du machinisme industriel, du progrès technique et des sciences. L’école, dès le plus jeune âge de l’individu, occupe ici une place majeure à la formation calculée des enfants scolarisés en voie de les verser directement dans cette société productiviste. Elle reste aussi soucieuse à devoir traiter l’ensemble de ses plaies sociales22. Autant affirmer que la tâche socio-économique rapportée aux très nobles ambitions philanthropiques va être dense entre 1870 et 1914.

Le malentendu

  • 23 D.-M. BOURNEVILLE, op. cit., supra, p.62.
  • 24 J. GATEAUX-MENNECIER « Représentations psychologiques et régulation sociale au XIXe siècle. L' « ar (...)
  • 25 Congrès international de bienfaisance ; 1857 Frankfurt ; 1862 London ; 1880 Milano ; 188.... 1904, (...)
  • 26 P.-L. WAHL, À propos de l'éducation des enfants arriérés / par le Dr Wahl, J. Boyer et Bourneville, (...)
  • 27 D.-M. BOURNEVILLE, Les enfants anormaux au point de vue intellectuel et moral, Paris, Bureaux du Pr (...)
  • 28 D.-M. BOURNEVILLE, Assistance, traitement et éducation des enfants idiots et dégénérés : rapport fa (...)
  • 29 J. FALRET, Des aliénés dangereux et des asiles spéciaux pour les aliénés dits criminels, discours p (...)
  • 30 D.- M. BOURNEVILLE, Les enfants anormaux au point de vue intellectuel et moral. Débat sur les arrié (...)
  • 31  Directeur fondateur de la Revue de psychaitrie.
  • 32 D.-M. BOURNEVILLE, op. cit., supra, p.65.

3Les positions divergentes entre professionnels de la prise en charge des enfants aliénés s’imposèrent toute à la fin du XIXe siècle. La Ligue de l’enseignement dans son XXe Congrès en 1900 formula plusieurs demandes : 1° la révision de la loi de 1838 sur les aliénés en adoptant l’obligation de l’assistance et de l’éducation des enfants idiots et arriérés, 2° le recensement spécial des enfants anormaux, 3° la création de classes spéciales, 4° la création d’établissements régionaux autonomes ou annexés aux asiles. Elle réclama surtout avec fermeté que la direction et l’inspection de ces écoles soient réservées au personnel enseignant, avec la collaboration médicale en ce qui concerne les idiots et arriérés, et que soit créé un diplôme spécial pour cet enseignement. Or le Dr Bourneville est le premier à monter au créneau exigeant que ces établissements spéciaux soient dirigés par des médecins versés dans l’étude des maladies mentales : « L’état mental de ces enfants est un état pathologique ; c’est donc au médecin et au médecin seul qu’en appartient la thérapeutique. Ce n’est que sous sa direction que l’instituteur doit agir et non pas (...) l’instituteur maître de l’établissement faisant appel au médecin quand il le juge utile23.» C’est là un débat devenu traditionnel qui est loin d’être tranché. En fait, dans les deux camps, on ne parlait pas tout à fait des mêmes enfants, Bourneville s’intéressant aux cas les plus graves, et les partisans de la direction par des instituteurs aux enfants simplement « arriérés scolaires »24. En réalité ces clivages polémiques provoqués s’expliquent qu’à partir de la relance du débat sur l’enfermement psychiatrique des individus, fous ou déments, criminels ou individus difformes, que la société effrayée rejetait en force parce qu’elle les considérait comme dangereux.
De 1876 à 1877, des commissions ont siégé au Ministère de l’Intérieur et à la Préfecture de la Seine dans le but de proposer au Parlement des modifications qu’il convenait d’apporter à la loi du 30 juin 1838. Un loi qui comprend à la base la création d’asiles d’aliénés dans chaque département, qui définit les modalités d’hospitalisation (placement volontaire, placement d’office) sous l’autorité compétente d’un médecin (seul le certificat médical faisant foi), la protection des biens des aliénés par la nomination d’un administrateur de biens ; dont les finalités de répression et de protection de cette jurisprudence étaient inscrites dans une planification de thérapeutique psychiatrique. Cependant, ce fut une loi peu ou mal appliquée car le projet de soins défini initialement par Esquirol (initiateur de la loi) a cédé son pouvoir d’action au champ judiciaire. Le Dr Théophile Roussel en tant que législateur a déposé au Sénat deux volumes critiques relatifs à la loi le 20 mai 1884 et les discussions en séance débutèrent au Palais du Luxembourg le 25 novembre 1886 et le projet de loi adopté par celui-ci a été introduit à la Chambre des députés dans la séance du 24 juin 1887 dont la déclaration d’urgence de la révision du texte par le Dr Bourneville (nommé rapporteur de la commission d’examen) sera prononcée en 1890. La Commission du Sénat chargée d’examiner le projet de loi cherche à combler cette lacune par le texte suivant : « Les aliénés réputés incurables, les idiots, les crétins, peuvent être admis dans ces établissements (asiles d’aliénés) tant qu’il n’a pas été pourvu à leur placement dans des maisons de refuge, des colonies ou autres établissements appropriés. L’État fera construire un ou plusieurs établissements spéciaux pour l’éducation des jeunes idiots ou crétins. »25
Mais tous les spécialistes concernés par la question ne tombaient pas d’accord sur la composition de la population référente à la loi de 1838. Camailhac, instituteur à Bicêtre, souligne que l’idiotie qui rentre dans le cadre des maladies mentales tombe sous le coup de cette loi. La loi comprend sous le nom générique d’aliénés : les idiots, les imbéciles, les crétins. Que le malade soit maniaque, mélancolique, paralytique général, dément ou idiot, il est aliéné de son esprit. Cependant d’autres médecins condamnaient un telle assimilation se réclamant des travaux de Ferrus, Falret, E. Seguin, Bourneville, Legrain26. Dès 1879, le Dr Bourneville organisait à Bicêtre la section des enfants idiots et épileptiques27, de même qu’en 1890 il organisait la Fondation Vallée, consacrée aux filles, et en 1893 l’Institut médico-pédagogique, consacré aux enfants arriérés et nerveux pour les familles aisées. Auteur de nombreuses publications, il a montré chaque année ce que la société était en droit d’attendre d’un traitement approprié, notamment au Congrès d’assistance publique tenu en 1894 à Lyon. La ligue de l’Enseignement prendra très rapidement le relais en organisant des congrès sur le sujet28, à Bordeaux en 1893, à Rouen en 1896, à Rennes en 1898 puis de nouveau à Paris en 1900 en réclamant que d’une part la loi du 28 mars 1882 soit appliquée aux aveugles et aux sourds-muets et que d’autre part la loi du 30 juin 1838 soit disposée à proposer un traitement particulier à l’éducation des enfants idiots et des anormaux. La subtilité d’appréciation était la suivante. Les discussions étaient depuis longtemps amorcées dans les institutions médicales comme avec le Dr Jules Falret médecin à Bicêtre en 1868 : « La loi de 1838, de même que les autres lois sur les aliénés dans tous les pays, repose essentiellement sur la distinction entre les aliénés curables et incurables, et entre les aliénés dangereux et inoffensifs, au point de vue de la sécurité publique, comme au point de vue de l’assistance des aliénés, La première question que l’on se pose en effet, avant de prendre une mesure administrative relative à un aliéné, est celle de savoir s’il est dangereux de le laisser en liberté ou de le replacer dans la société, ou bien au contraire s’il peut être considéré comme inoffensif.
Or aux médecins seuls il appartient de résoudre cette question, essentiellement clinique, avant le placement des aliénés dans les asiles, comme après leur séquestration. S’ils refusent d’exprimer une opinion, dans la crainte de se compromettre ou d’engager trop fortement leur responsabilité, les administrateurs ou les magistrats décideront arbitrairement, sans compétence et sans éléments suffisants de jugement cette question inévitable, qui est la seule base sur laquelle puisse reposer une détermination relative à la sécurité publique. Si l’aliéné est déclaré dangereux, personne n’hésitera en effet à le faire séquestrer, en vue d’éviter un malheur pour lui-même, pour sa famille ou pour les personnes qui l’entourent, ou bien une cause de trouble et de désordre pour la société. Si, au contraire, il est regardé comme inoffensif, on pourra attendre, pour son placement, le désir de sa famille, ou la constatation de son indigence et de l’impossibilité où il se trouve de travailler pour vivre et de subvenir à ses besoins. II en est de même pour les aliénés déjà placés dans les asiles, que l’on songe à renvoyer dans la société. S’ils sont considérés comme dangereux, on ne doit pas hésiter à les conserver dans l’établissement et même à les signaler à l’administration comme devant être placés d’office. Si, au contraire, ils sont jugés inoffensifs, on peut alors légitimement se demander s’il ne serait pas possible de les replacer dans leur famille, ou de les rendre à la liberté, soit à titre d’essai, soit à titre définitif, en supposant qu’ils trouvent des moyens d’existence, ou une surveillance et une protection suffisantes, en rapport avec leur situation physique et morale.
La distinction entre les aliénés dangereux et inoffensifs, imposé par la loi, a donc par elle-même une véritable importance, au point de vue de la sécurité publique et de celle des aliénés eux-mêmes. Elle en a une non moins grande sous le rapport de l’assistance des aliénés, envisagée à un point de vue exclusivement philanthropique.29» Une enquête nationale fut ensuite lancée en 1906 sur les anormaux hospitalisés dans les asiles d’aliénés pour sonder les réalités en matière de rentabilités économiques de ces structures et pour essayer de répondre aux vrais besoins en édifiant des structures toujours mieux adaptées aux pathologies médico-sociales qui aboutira à la loi de 1909 relative à la création des classes de perfectionnement30. Il faut clôturer le débat en notant que les plaies étaient finalement beaucoup plus profondes si la société devait considérer l’ensemble d’une détresse très grande en reprenant la clairvoyance sociale du Dr Toulouse médecin aliéniste des hôpitaux de la Seine31 en 1909 : « La société a parfaitement le droit de se préoccuper de mesurer son effort de protection aux résultats qu’elle peut rationnellement escompter. Les enfants les plus défectueux, les idiots et les infirmes, imposent des charges considérables aux budgets d’assistance publique. Or ce n’est là que la troupe la plus réduite de l’enfance anormale, à la vérité la troupe qui attire le plus l’attention de tous ; et ces infortunés ne sont pas les plus dangereux ni d’autre part les plus aisés à améliorer. Le plus souvent l’idiot et l’imbécile, qui constituent le fond de ces assistés, sont incapables de se reproduire ; et l’évolution de leur intelligence est, malgré les soins les plus assidus et les plus ingénieux, à peine sensible. Tout autre au contraire est le simple arriéré, qui n’a pu atteindre un développement intellectuel ou moral suffisant pour mener une vie normale et qui cependant, dans son organisation incomplète, est capable d’agir, souvent vicieusement. C’est parmi les ralentis et les incomplets intellectuels que le crime et les tendances antisociales germent et se développent naturellement. » Aussi bien « le vrai problème de l’enfance anormale est là. Il faut porter le plus gros effort d’assistance sur ce côté. Ce sont ces anormaux valides et actifs que l’on doit s’efforcer de traiter et de faire servir au travail social commun au lieu de les laisser devenir des invalides précoces et des perturbateurs de l’activité générale.32»

Les critères d’anormalité au XIXe siècle

  • 33 D. SÉGUILLON, L'éducation de l'écolier sourd, histoire d'une orthopédie (1822 à 1910) : De l'art de (...)
  • 34 D.-M. BOURNEVILLE, « Les enfants anormaux au point de vue intellectuel et moral », le Progrès médic (...)
  • 35 Dont il faut préciser que bon nombre d'entre eux sont spécialistes des affections mentales infantil (...)
  • 36 M. HUTEAU, « Alfred Binet et la psychologie de l'intelligence », Le Journal des psychologues,vol. 2 (...)
  • 37 Déjà en route dès la fin du XVIIIe siècle.
  • 38 A. TSCHIRHART, « Rôle et évolution de l'hygiène scolaire dans l'enseignement secondaire de 1800 à 1 (...)
  • 39 I. CAVÉ, Travail industriel des enfants et des femmes : lois de 1874, 1892. Histoire de la législat (...)
  • 40 Démarches qui vont aboutir à la loi dite « Monod » en date du 14 juillet 1905 relative à l'assistan (...)
  • 41 M. CODDENS, « La théorie de l'hérédité-dégénérescence. Morel, Lombroso, Magnan et les autres », L'e (...)
  • 42 G. JORLAND, « Dégénérescence et dépopulation » in Une société à soigner : hygiène et salubrité publ (...)
  • 43 Dont les plus fréquentes d'entre elles sont le choléra, la variole, la fièvre typhoïde, la scarlati (...)
  • 44 L. QUEYRAT, La démoralisation de l'idée sexuelle, mémoire lu à la Société française de prophylaxie (...)
  • 45 A. BINET, Les idées modernes sur les enfants, Paris, E. Flammarion, 1909, p.60.
  • 46 A. BINET, ibidem, p.66.
  • 47 Puis il publie un traité des dégénérescences en 1857.
  • 48 B.-A. MOREL, Traité des maladies mentales. Introduction, Paris, V. Masson, 1860.

4Sous la Troisième République, les aveugles, les sourds et muets et les bègues exclus ne rentrent pas dans la classification étudiée car des structures d’hébergement et de soins leurs sont réservées33. Les anormaux désignés sous les noms d’idiots, d’imbéciles, d’arriérés, et d’anormaux (imbécillité morale, folie morale), instabilité mentale avec ou sans perversion des instincts étaient les populations retenues par les médecins et les éducateurs pour les inscrire à un projet de grande réforme de l’obligation scolaire à l’initiative du ministère de l’Instruction publique34. Pendant que les institutions médico-sociales peinent à sortir de terre, les équipes hospitalières spécialisées sont à la tâche et la méthode de repérage de ces enfants est parfaitement rôdée. À l’Institut médico-pédagogique et à l’hôpital Bicêtre de Paris, plus globalement à la demande des médecins hygiénistes de l’époque, l’état des enfants à l’entrée, autrement dit le diagnostic, est posé cliniquement, aussi exactement que possible, en se basant sur cette classification des maladies psychiatriques inspirées par les plus grands aliénistes de ce siècle (Burrows, Cerise, Delasiauve, Dietrich, Esquirol, Franck, Friedreich, Gall, Griesinger, Haslam, Maury, Morel, Montessori, Perfect, Roubinovitch, Séguin, Spurzheim, Voisin...35). Les antécédents héréditaires et personnels sont pris en note avec soins. La description physique, physiologique, psychologique, est codifiée. Les accidents maladifs quotidiens sont mentionnés sur le cahier spécial des infirmières, sur l’observation médicale, et résumés tous les six mois. Les modifications du corps (poids, taille, mensurations, puberté, etc.) sont relevés chaque semestre. Les changements pédagogiques sont consignés tous les mois sur des cahiers scolaires, dès 1880, c’est-à-dire plusieurs années avant leur introduction dans les écoles primaires. La réunion de tous ces documents constitue le dossier, l’histoire du malade. Dans l’accomplissement de leur tâche, internes, instituteurs, institutrices, surveillants et surveillantes etc., sont guidés par les instructions médico-pédagogiques rédigées spécialement pour eux. Parallèle à ces structures existantes le psychologue Binet avec ses collaborateurs procédaient à l’élaboration identique d’outils de mesures scientifiques. Pas étonnant finalement que la psychométrie36 couvrant l’ensemble des techniques de tous les champs de la psychologie émergente va rapidement rejoindre les disciplines pionnères de l’époque comme la psychologie expérimentale allemande wundtienne37, la psychanalyse et plus tard les sciences neurologiques.
Ces efforts de recherche scientifique sont conjugués à l’expérimentation sur le terrain. Les hôpitaux, les écoles, les garnisons militaires, les prisons, s’offrent par excellence, comme creusets d’observations. Les aliénistes, les psycho-pédagoques, les psychologues et les éducateurs de la fin du XIXe siècle doivent alors consigner chaque cas clinique. L’instruction publique de cette période n’a pas raté le coche puisqu’elle réclame ces études scientifiques pour organiser elle-même ses enseignements et par là-même ses corps d’élites, élaborant sans cesse des classes de niveaux scolaires sanctionnées par des examens de fin d’année ou des concours d’entrée pour les grandes écoles. Naturellement, les meilleurs élèves sont triés sur le volet mais les élèves en grandes difficultés d’apprentissage scolaire ne sont pas laissés pour compte. Pendant que les gymnases, les piscines et les pédiluves (objets de promotions d’éducation sportive et sanitaire) se construisent dans les villes et dans les lycées38, l’ambiance de la seconde partie du XIXe siècle est à l’organisation hygiéniste de la société. Le souci des politiques étaient de voir se régénérer l’ensemble de la population française incluant toutes les classes sociales pour palier aux déperditions démographiques inquiétantes, pour retrouver une force vive des populations ouvrières aux calculs intéressés des fabricants et des industriels39, pour donner un niveau d’éducation et de vie à la population et faire partager les progrès et les bénéfices des sciences médicales en proposant par exemple la vaccination du point de vue de la santé publique et la prise en charge collective des désœuvrés (malades, vieillards, paralytiques (...))40. La hantise des élites de Troisième République est basée sur l’idée de dégénérescence41 de la société42.
Après le choc traumatisant de la Guerre de 1870-1871 le moral de ce pays est à la baisse sur le plan économique, démographique, diplomatique. Les dirigeants du pays pensent véritablement à une abâtardissement de la race française où s’englue un peu plus chaque jour la collectivité dans des modes de vie pernicieux dégradant l’espèce humaine. Alcoolisme, délinquance, criminalité, récurrences et contagiosités extrêmes des maladies épidémiques43, tuberculose, influenza, maladies vénériennes dont la célèbre maladie du siècle la syphilis44, maladies vésaniques dont l’état inévitable de la sénilité, oisiveté, pauvreté (….) Voici les principaux maux dépressifs d’une litanie qui gangrènent mortellement une société en perte par ailleurs de déchéance identitaire sur le plan national. Si peu convaincus du contraire, les pédagogues moralistes de l’époque rejoignent ainsi le discours ambiant. Voilà ce qu’en dit Binet, au ton grave, embellissant davantage une situation dramatique : « L’examen et la mesure du développement physique des enfants n’ont pas seulement un intérêt de pédagogie toutes ces questions, quand on les comprend bien, débordent les intérêts propres de l’école, et prennent une véritable importance sociale ; car elles mettent en jeu l’avenir de notre race et l’organisation de notre société.
Après avoir constaté que le peu de développement intellectuel de certains écoliers est une expression d’un petit développement physique, on ne peut pas se contenter de décrire cette corrélation pour son bel intérêt philosophique ; il ne suffit pas d’aligner des chiffres, il faut savoir ce que ces chiffres nous révèlent, il faut surtout regarder un peu les enfants qui ont été mesurés.45» Plus loin il écrit : « (…) Or, c’est par suite d’un abaissement du niveau physique que l’individu montre moins d’intelligence, moins d’attention, moins de mémoire, et surtout qu’il réfléchit moins, qu’il sacrifie constamment demain à aujourd’hui, qu’il satisfait sans mesure des besoins immédiats, cède à la suggestion du plaisir, de l’exemple, de l’alcool, et gaspille en un jour ou deux le gain d’une semaine. La véritable définition morale du miséreux ce n’est pas un être qui manque d’argent ; c’est un être qui est incapable d’épargner. Et tous ces effets mentaux de la déchéance physique sont les conséquences naturelles du défaut d’hygiène et d’alimentation ; elles en sont les effets et en même temps, mais d’une manière accessoire, les causes ; car la mauvaise hygiène et la mauvaise alimentation sont encore aggravées par le défaut de réflexion et le manque d’esprit de conduite. En vérité, le système des castes, que la Révolution de 1889 a abolies, existe encore ; elles ne sont plus reconnues ni sanctionnées par la loi, mais elles subsistent en fait, attestées par l’amoindrissement physique, intellectuel et moral des êtres les plus misérables.46» Par ces déclarations tous les ingrédients de la pensée hygiéniste sont présents.
La peur du caractère héréditaire à propos du vice ou de la maladie est réel dans les esprits médicaux les premiers auteurs concernés en charge de soigner les populations indigentes. Le médecin en chef à l’asile des aliénés de Saint-Yon, Bénédict-Auguste Morel (1809-1873), l’écrit dans son traité des maladies mentales (1852-1853)47 : « Le simple exposé de la théorie des dégénérescences suffit déjà pour faire entrevoir l’idée qu’il est permis de se faire l’aliénation mentale. Il est incontestable : 1° Que lorsque cette maladie est le résultat de phénomènes pathologiques transmis par hérédité, elle constitue un véritable état dégénératif ; 2° que lorsqu’elle est un fait primitif, on a toute raison de craindre que, dans les générations subséquentes, elle ne se caractérise aussi par la dégradation de la race, et finalement par son extinction.48» Le médecin aliéniste a parlé. Pas difficile, au quotidien, d’imaginer les tableaux de scènes pathétiques empruntes à la débauche des buveurs d’absinthe, tous bons pères de famille initiant leurs jeunes progénitures à la pratique alcoolique ; les prostituées syphilitiques ou blennorrhagiques avec les militaires ou les messieurs de bonne compagnie en goguettes ; les mendiants phtisiques et les vagabonds estropiés réclamant un morceau de pain impassibles à l’ère du temps ... Tous riches héritiers consentis d’une génération à une autre pourchassés par une si funeste providence.

Conclusion

5L’ensemble des congrès internationaux de bienfaisance sous la Troisième République (Bruxelles, 1856 ; Frankfurt, 1857 ; Londres, 1862 ; Milan, 1880 ; Paris, 1880-1904) s’accordent conjointement à établir un lien permanent entre assistance publique et bienfaisance privée afin que chaque population en difficultés soit prise en charge comme le Conseil supérieur de l’Assistance publique et le Congrès international de 1889 ont posé le principe de l’obligation du secours basé sur le droit de vivre. Qui tendaient à l’étendre aux vieillards, aux infirmes et aux incurables, appliqué aux personnes dénuées de ressources (loi du 15 juillet 1893 relative à l’assistance médicale gratuite dans les campagnes). Naturellement, dans le cadre organisationnel des institutions médico-sociales, l’assistance et l’éducation des arriérés, bègues, sourds-muets, aveugles, épileptiques et autres ainsi que l’instruction professionnelle et la situation du personnel secondaire des hôpitaux demeurent des priorités d’urgence à régler. À cet effet il faut souligner que la plus belle œuvre des débuts de ce régime démocratique ambitieux restera la révision de la loi de 1838 qui a permis l’essor de la psychiatrie différenciant les malades mentaux des criminels dangereux et donnant désormais voix aux nouveaux métiers de la psychologie et des sciences neurologiques.
Toute la société française avait à planifier ses structures d’accueil et de soins à travers ces nouvelles disciplines scientifiques. Seules deux maladies l’hystérie et l’épilepsie pouvant atteindre les enfants présentaient une réflexion particulière pour le placement ou le traitement des individus. Car la nature même de la maladie très complexe à appréhender à ses débuts (travaux de Portal, Delasiauve, Herpin) traduite par les crises consulsives récurrentes décourageaient les instituteurs à prendre en charge les enfants livrés en conséquence à la rue. Dès l’âge de 12 ans, période d’apprentissage pour les jeunes gens, en cas de crises répétitives les employeurs les congédiaient. Souvent précédées ou suivies de troubles intellectuels, ces crises d’impulsions poussaient les individus à des tentatives de suicide ou d’homicide qui les rendaient très dangereux pour la sécurité publique. Pendant longtemps, les malades épileptiques ont posé problème à la collectivité. Puis, dès 1900, la Ligue de l’Enseignement qui entre en action sur la scène politique met l’accent sur le recensement des enfants anormaux et la construction d’établissements régionaux sous financement de fonds du pari mutuel. Elle sera suivie et appuyée largement par la Ligue française Pour la Défense des droits de l’homme et du citoyen (assemblée générale, Paris, 1901) ; par l’Association française pour l’avancement des sciences (Congrès d’Ajaccio, 1901) ; par le Congrès d’anthropologie criminelle (Amsterdam, septembre 1901, vœu Albanel) ; par le Comité central de Patronage familial (juin 1901).
Chaque institution sociale ou organisme professionnel concernés par ces questions sont solidaires de construction. De même que le deuxième Congrès d’assistance familiale, à Anvers, en septembre 1902, renouvelle le vœu du Congrès de Paris en septembre 1901 pour la création dans les écoles communales de classes spéciales sous la surveillance des médecins. Les membres du congrès réclament que les instituteurs de ces écoles reçoivent à l’École normale des rudiments de psychiatrie et qu’il soit établit des colonies familiales avec asiles-écoles où ces enfants pourraient, sous une direction médicale compétente, recevoir le traitement médico-pédagogique complet. Malgré toutes les énergies rassemblées à transformer la société, la loi de 1909 relative à la création de classes de perfectionnement ne rencontrera qu’un succès mitigé. 2 000 enfants arriérés seulement fréquentent l’école publique (dont 1 000 pour l’Alsace-Lorraine dotée d’une législation allemande précoce), alors qu’en Allemagne on assiste 70 000 enfants, aux États-Unis près de 100 000. En 1935, le pays comptera 30 classes de perfectionnement à Paris et dans la Seine, 30 pour la province. La visée sociale de la création de ces classes spécialisées n’était que de réduire le nombre des anormaux laissant place à l’action première d’une prophylaxie sanitaire s’appliquant concrètement à toutes les causes susceptibles d’être combattues et lutte contre l’hérédité des grands fléaux sociaux de la période : alcoolisme, tuberculose, syphilis puis d’assurer pleinement la protection de la femme enceinte, l’éducation rationnelle de l’enfant basée sur sa psycho-physiologie, la substitution de la méthode d’observation à l’enseignement libre et enfin de garantir l’organisation complète du service de l’inspection médicale des écoles afin de surveiller régulièrement la croissance physique des écoliers. L’œuvre de Binet s’est tout simplement fondue dans la démarche de santé publique citoyenne très innovante pour l’époque.

Haut de page

Bibliographie

Andrieu, B., Avanzini, G., Grollier, Rosencwajg, M. (sous la direction de), (2011). « Le centenaire de la mort d’Alfred Binet », Revue Recherches et éducations, HS n° 1, 5 octobre.

Binet, A., (1909). Les idées modernes sur les enfants. Paris : Flammarion.

Blanche, É., (1884). Rapport à l’Académie de médecine sur les projets de réforme relatifs à la législation sur les aliénés : au nom d’une commission composée de MM. Baillarger, Brouardel, Lunier, Luys, Mesnet et Blanche, rapporteur. Paris : G. Masson.

Bourdelais, P., (sous la direction), (2001). Les hygiénistes. Enjeux, modèles et pratiques (XVIIIe-XXe). Paris : Belin.

Bourneville, D.-M., (1889). De l’assistance des enfants dits incurables. Paris : impr. de V. Goupy et Jourdan.

Bourneville, D.-M., (1892). Histoire de la section des enfants de Bicêtre. Paris : Bureaux du Progrès médical.

Bourneville, D.-M., (1905). Traitement médico-pédagogique des différentes formes de l’idiotie. Paris : Alcan.

Castan, A., (1859). Essai sur la pathogénie des maladies nerveuses. Montpellier : Impr. de Boehm.

Charon, R., (1908). L’assistance des enfants anormaux, Congrès des aliénistes et neurologistes de France et des pays de langue française. XVIIIe session, Dijon. Paris : G. Masson.

Congrès international de bienfaisance [puis d’assistance ; d’assitance publique et de bienfaisance privée ; d’assistance publique et privée.] (1904). Compte-rendu, 1856 Bruxelles ; 1857 Frankfurt ; 1862 London ; 1880 Milano ; 188.... 1904. Bordeaux : Imprimerie G. Gounouilhou.

Delasiauve, L., (1849). Un an de révolution ou situation politique et sociale. Paris : Fiquet.

Descamps, D., (1900). L’alcoolisme et la question sociale. Lille : Descamps.

Devay, F., (1846). Hygiène des familles, ou du Perfectionnement physique et moral de l’homme considéré particulièrement dans ses rapports avec l’éducation et les besoins de la civilisation moderne, tome 1er. Paris : Labé.

D’Hombres, E., (2015), (sous la direction). Du solidarisme à l’économie solidaire. Fonder et réaliser la solidarité. Lyon : Chronique sociale.

Doron, C.-O., (2016). L’homme altéré : race et dégénérescence (XVIIe-XIXe siècle). Paris : Champ Vallon.

Falret, J., (1869). Des aliénés dangereux et des asiles spéciaux pour les aliénés dits criminels : discours prononcés à la Société médico-psychologique, le 27 juillet et le 16 novembre 1868. / par M. le Dr Jules Falret.

Foucault, M., (1972-1973). La société punitive, (1974-1975), Les Anormaux, (1978-1979), Naissance de la biopolitique. Paris : cours donnés au Collège de France.

Foucault, M., (1975). Surveiller et punir. Naissance de la prison. Paris : Gallimard.

Friedel, V. H., (1913). Les Arriérés scolaires. Paris : Librairie classique Fernand Nathan.

Hähner-Rombach, S., Nolte, K., (2017). Patients and Social Practice of Psychiatrie. Nursing in the 19th and 20 th Century. Stüggart : Franz Steiner Verlag.

Jorland, G., (2010). Une société à soigner : hygiène et salubrité publiques en France au XIXe siècle. Paris : Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires ».

Klein, A., (2016). « À la recherche de l’archive psychiatrique perdue. L’histoire des fonds d’archives d’Alfred Binet (1857-1911) ». Revue Santé mentale au Québec, volume XLI, n° 2.

Kohler, R., (2017), (sous la direction de). Une histoire de l’orthopédie pédiatrique. Paris : éditeur Sauramps Médical, collection universitaire.

Lacour, A., (1878). De l’État actuel de l’assistance aux épileptiques et de la nécessité de les hospitaliser. Lyon : J.-P. Mégret.

Langlois, A.-M., (1880). Résumé de la leçon d’ouverture du cours de clinique des maladies mentales. Dijon : impr. de Jobard.

Marec, Y., (2002). Bienfaisance communale et protection sociale à Rouen (1796-1927). Paris, La Documentation française, 2 volumes.

Missa, J.-N., (2006). Naissance de la psychiatrie biologique. Histoire des traitements des maladies mentales au XXe siècle. Paris : PUF.

Poret, A., (1898). Le Régime des aliénés et la liberté individuelle, thèse de droit, faculté de Rennes. Rennes : impr. de Oberthür.

Quétel, C., (2012). Histoire de la folie. De l’Antiquité à nos jours. Paris : Taillandier.

Salomon-Bayet, C., (1986), (sous la direction de). Pasteur et la révolution pastorienne. Paris : Payot.

Seiffer, W., (1905), Atlas-manuel des maladies nerveuses : diagnostic et traitement. Paris : J. Baillière et fils.

Séguin, É., (1846). Traitement moral, hygiène et éducation des idiots et des autres enfants arriérés ou retardés dans leur développement, agités de mouvements involontaires, débiles, muets non-sourds, bègues, etc. Paris : J.-B. Baillière.

Turck, L., (1867), Observations du Dr Turck adressées à M. le sénateur Suin, rapporteur de sa pétition, sur le régime des aliénés en France, et les nombreux inconvénients de la loi de 1838 sur cette matière. Paris : impr. de A. Roux.

Vigarello, G., (1987). Le Propre et le sale : l’hygiène du corps depuis le Moyen Âge. Paris : éditions du Seuil, collection « L’Univers historique ».

Voisin, F., (1843). De l’idiotie chez les enfants : et des autres particularités d’intelligence ou de caractère qui nécessitent pour eux une instruction et une éducation spéciales de leur responsabilité morale. Paris : J.-B. Baillière.49

Haut de page

Notes

1  M. FOUCAULT, Histoire de la folie à l'âge classique. Folie et déraison. Paris, éditions Gallimard, collection « tel », 1972.

2 Nombreuses publications dans les Annales médico-psychologiques.

3 P. PINEL, Traité médico-philosophique sur l'aliénation mentale, Paris, Chez J. Ant. Brosson, libraire, rue Pierre-Sarrazin, n°9. Seconde édition, entièrement refondue et très-augmentée, 1909.

4 Quarante de travaux de recherche scientifique résumés dans six volumes d'étude.

5 F.-E. FODÉRÉ, Traité du délire. Paris, 1817. Et Traité de médecine légale et d'hygiène publique, ou police de santé, imprimerie de Mame, 6 volumes.

6 Grave manquement à la jurisprudence sanitaire contenue dans l'article 1er de la loi du 30 juin 1838 relative aux aliénés. Pendant une bonne partie du XIXe siècle la loi ne fut donc pas appliquée. En 1898 il est à noter que 36 départements français ne sont pas dotés d'un asile public. Source : Dr Bourneville, « Création de classes spéciales pour les enfants arriérés », Paris, Le Progrès médical, 1898.

7 V. RADENAC, Du rôle de l'État dans la protection des enfants maltraités ou moralement abandonnés, commentaire de la loi du 24 juillet 1889, Paris, A. Rousseau, 1901.

8 Esquirol estime à 5 153 le nombre des aliénés internés en France en 1818 dans 59 établissements hospitaliers. Source : Morin-Goustiaux : Construction du 5e asile d'aliénés de la Seine dit de la Maison Blanche, Ville-Evrard, Paris,1897, p.16.

9 D'une morale préconisée par les hygiénistes du XIXe siècle cf. l'ouvrage de Julia CSERGO, Liberté, égalité, propreté. La morale de l'hygiène au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 1988.

10 C. ROLLET-ECHALIER, La politique à l'égard de la petite enfance sous la IIIe République, Paris, Institut national d'études démographiques, 1990.

11 B. ANDRIEU « Arriérés Pédagogiques : naissance de l'élève capacitaire dans les dernières recherches de Binet dans les écoles parisiennes en 1908-1910 », Ridphe in Revue Iberoam. Patrim. Històrico-Educativo, vol.2, n° 3, 2016.

12 Médecin aliéniste français né à Dijon en 1873. Directeur médecin en chef de l'hôpital Henri Rousselle à Paris, il est le fondateur d'une école d'infirmières en psychiatrie à Maison-Blanche (Neuilly-sur-Marne) en 1946.

13 L. LE SONN, « Le test d'intelligence Binet-Simon dans les asiles (1898-1908). L'invention d'une nouvelle pratique d'interrogatoire », Revue L'Évolution Psychiatrique, vol.82, n° 3, juillet-septembre 2017.

14 Cf. T. SIMON, Documents relatifs à la corrélation entre le développement physique et la capacité intellectuelle, Paris, G. Carré et C. Naud, 1900.

15 F. MAYEUR, Histoire de l'enseignement et de l'éducation. Partie 5. Cinquante ans d'université républicaine, Le temps de Jules Ferry, 1. Paris, éditions Perrin, collection poche « Tempus », 1981.

16 D.-M. BOURNEVILLE, Histoire de la section des enfants à Bicêtre, Paris, éditions Battaille, 1892.

17 S. NICOLAS, « Les premières recherches de Binet au laboratoire de psychologie de la Sorbonne (1891-1894) », revue Recherches et éducations, 5, 2011, pp.37-51.

18 D.-M. BOURNEVILLE, in Les enfants anormaux, 1907.

19 M. FAGOT, « Alfred Binet et l'invention des tests d'intelligence », Un siècle de sciences humaines, Revue Sciences humaines, n° 30, hors série, 2000-2001.

20 D.-M. BOURNEVILLE, Les enfants anormaux au point de vue intellectuel et moral, Paris, aux Bureaux du Progrès médical, 1905, p.62.

21 I. CAVÉ, État, santé publique et médecine à la fin du XIXe siècle français, Paris, Éditions L'Harmattan, collection « Médecine à travers les siècles », 2016.

22 I. LESPINET-MORET, « La Troisième République face à la question sociale », Tous Républicains ! Origine et modernité des valeurs républicaines, Paris, Armand Colin, 2011, pp.233-248.

23 D.-M. BOURNEVILLE, op. cit., supra, p.62.

24 J. GATEAUX-MENNECIER « Représentations psychologiques et régulation sociale au XIXe siècle. L' « arriération », de l'asile à l'institution scolaire », in Sociétés contemporaines, 1993, vol.13, n° 1, pp.179-190.

25 Congrès international de bienfaisance ; 1857 Frankfurt ; 1862 London ; 1880 Milano ; 188.... 1904, [puis d'assistance ; d'assitance publique et de bienfaisance privée ; d'assistance publique et privée.] Compte-rendu . 1856 Bruxel, Bordeaux, Imprimerie G. Gounouilhou, 1904, p.82.

26 P.-L. WAHL, À propos de l'éducation des enfants arriérés / par le Dr Wahl, J. Boyer et Bourneville, 1900, documents, pp.1-8.

27 D.-M. BOURNEVILLE, Les enfants anormaux au point de vue intellectuel et moral, Paris, Bureaux du Progrès médical, 1905, p.53.

28 D.-M. BOURNEVILLE, Assistance, traitement et éducation des enfants idiots et dégénérés : rapport fait au Congrès national d'assistance publique (session de Lyon, juin 1894) / par Bourneville, 1894, p.204.

29 J. FALRET, Des aliénés dangereux et des asiles spéciaux pour les aliénés dits criminels, discours prononcés à la Société médico-psychologique, le 27 juillet et le 16 novembre 1868, 1869, p.5.

30 D.- M. BOURNEVILLE, Les enfants anormaux au point de vue intellectuel et moral. Débat sur les arriérés scolaires, Paris, les Bureaux du Progrès médical, 1905, p.62.

31  Directeur fondateur de la Revue de psychaitrie.

32 D.-M. BOURNEVILLE, op. cit., supra, p.65.

33 D. SÉGUILLON, L'éducation de l'écolier sourd, histoire d'une orthopédie (1822 à 1910) : De l'art de prévenir et de corriger les difformités du corps à celui de faire parler et entendre, Paris, Presses universitaires de Nanterre, collection de l'INS HEA, 2017.

34 D.-M. BOURNEVILLE, « Les enfants anormaux au point de vue intellectuel et moral », le Progrès médical, 1905.

35 Dont il faut préciser que bon nombre d'entre eux sont spécialistes des affections mentales infantiles.

36 M. HUTEAU, « Alfred Binet et la psychologie de l'intelligence », Le Journal des psychologues,vol. 234, n° 1, 2006, pp.24-28.

37 Déjà en route dès la fin du XVIIIe siècle.

38 A. TSCHIRHART, « Rôle et évolution de l'hygiène scolaire dans l'enseignement secondaire de 1800 à 1910 », Carrrefours de l'éducation, vol.26, n° 2, 2008, pp.201-213.

39 I. CAVÉ, Travail industriel des enfants et des femmes : lois de 1874, 1892. Histoire de la législation sanitaire et sociale à la fin du XIXe siècle français, Sarrebrück, Presses académiques francophones, 2015.

40 Démarches qui vont aboutir à la loi dite « Monod » en date du 14 juillet 1905 relative à l'assistance des vieillards, des infirmes et des incurables.

41 M. CODDENS, « La théorie de l'hérédité-dégénérescence. Morel, Lombroso, Magnan et les autres », L'en-je lacanien, vol.27, n° 2, 2016, pp.123-149.

42 G. JORLAND, « Dégénérescence et dépopulation » in Une société à soigner : hygiène et salubrité publiques en france au XIXe siècle, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 2010. chap.8, p.181.

43 Dont les plus fréquentes d'entre elles sont le choléra, la variole, la fièvre typhoïde, la scarlatine, la rougeole, la gale... (Pour cette dernière maladie voir l'ouvrage de Georges Mailhetard, Contribution à l'étude de la gale, Paris, A. Delaye, 1875.)

44 L. QUEYRAT, La démoralisation de l'idée sexuelle, mémoire lu à la Société française de prophylaxie sanitaire et morale, le 10 octobre 1902, Paris, J. Rueff, 1902.

45 A. BINET, Les idées modernes sur les enfants, Paris, E. Flammarion, 1909, p.60.

46 A. BINET, ibidem, p.66.

47 Puis il publie un traité des dégénérescences en 1857.

48 B.-A. MOREL, Traité des maladies mentales. Introduction, Paris, V. Masson, 1860.

49Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Isabelle Cavé, « L’échelle métrique d’Alfred Binet (1857-1911) comme outil de diagnostic de la débilité mentale : contexte historique, médical, politique et social (1876-1911) »Recherches & éducations [En ligne], HS | 2019, mis en ligne le , consulté le 19 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/rechercheseducations/6261 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rechercheseducations.6261

Haut de page

Auteur

Isabelle Cavé

Docteur en santé contemporaine, EHESS

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search