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2019

L’entrée dans le métier d’enseignant : analyse des conceptualisations en actes de professeurs stagiaires

Élisabeth Magendie

Résumés

Cette recherche vise à identifier les principes tenus pour vrais qui assurent la cohérence interne de l’activité des professeurs stagiaires en EPS lors de l’entrée dans le métier. Elle décrit, dans une perspective de didactique professionnelle, les formes organisées plus ou moins stabilisées de leur activité, en vue de pouvoir les travailler en formation, et ainsi permettre le développement de leurs compétences. Les résultats mettent en évidence trois macro-buts chez les stagiaires observés : construire sa posture d’enseignant dans la relation avec les élèves ; engager et maintenir les élèves dans l’activité ; favoriser les apprentissages des élèves. Ils invitent à cibler la formation sur deux objets prioritaires : l’explicitation de l’enseignement et l’engagement des élèves. Ils encouragent la mise en place de dispositifs de formation consistant, à partir d’un travail de conceptualisation des actions d’enseignants, à comprendre les principes tenus pour vrais qui les organisent et à identifier les conditions de leur réussite ou échec.

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Texte intégral

Introduction

1La question de la professionnalisation des enseignants débutants a suscité de très nombreuses recherches qui ont permis de caractériser leur situation lors de leurs premières expériences d’enseignement. Toutes montrent que la prise en responsabilité d’une classe génère de l’anxiété, des doutes et des remises en question qui aboutissent parfois à des échecs importants, à un sentiment d’isolement, de défaite et d’impuissance (Chaliès et Durand, 2000). Face au « choc de la réalité », en difficulté pour mettre les élèves au travail (Guibert, Lazuech et Rimbert, 2008), et subissant le plus souvent l’urgence de l’instant présent devant un public d’élèves critiques, les débutants se sentent « dépassés » (Serres, Ria et Adé, 2004). Ils sont particulièrement inquiets par rapport au décours de la leçon difficilement prévisible et au risque de ne pas pouvoir faire ce qu’ils ont prévu (Ria, Saury, Sève et Durand, 2001). Ils ont le sentiment d’être en course-poursuite contre le temps qui leur échappe. Ils sont en outre confrontés à un problème récurrent : faire leur place face aux élèves, être reconnus et avoir de l’autorité sur le groupe « alors qu’ils ne sont que stagiaires » (Vinatier, 2013). Plus généralement, ils ont l’impression de ne pas être à la hauteur des préconisations institutionnelles ou de leurs propres attentes projetées ou idéalisées (Ria, 2017). Prenant dès lors rapidement conscience de la complexité du métier, ils renoncent parfois à leurs idéaux en accentuant les techniques vouées à « prendre » et « tenir » la classe et en délaissant celles qui consistent à la « faire » (Saujat, 2004).
Leur activité comporte une part de typicalité reconnaissable. Elle est caractérisée notamment par plusieurs préoccupations typiques, sources potentielles de dilemmes par lesquels ils ont le sentiment d’être « pris au piège » (Ria et al., 2001). Les débutants prennent ainsi de multiples décisions dans bien d’autres buts que celui de favoriser les apprentissages des élèves : obtenir le calme, capter l’attention, préserver l’affection que ceux-ci leur portent, entretenir leur propre motivation et économiser leurs forces (Goigoux, Ria, Toczek-Capelle, 2009). Ils cherchent aussi, en EPS notamment, à préserver la face et donner une image sympathique d’eux-mêmes (Gal-Petifaux, 2011).
De telles connaissances sont particulièrement intéressantes pour les formateurs dans la mesure où elles leur permettent de mieux cerner les expériences des enseignants débutants, d’entrer dans leur cohérence et de prendre la mesure des conditions dans lesquelles ils apprennent le métier (Goigoux et Serres, 2015). Les actions, les préoccupations, les émotions, les connaissances mobilisées par les enseignants débutants constituent en effet des points d’ancrage pour mieux identifier les conditions permettant de transformer leurs pratiques (Leblanc et Sève, 2012). Cependant, rares sont les recherches qui se sont focalisées sur les connaissances-en-actes, et plus précisément sur les théorèmes-en-actes (Vergnaud, 1996) ou principes tenus pour vrais mobilisés en situation par les enseignants débutants. Or, ceux-ci permettent d’orienter et de guider les actions d’enseignement, et assurent par conséquent la cohérence interne de l’activité. Aussi, afin de mieux comprendre les choix des débutants, et d’identifier la zone potentielle de développement professionnel de ces derniers pour y intervenir efficacement (Goigoux et al., 2009), il nous paraît important de mettre en évidence ces organisateurs de l’action. Telle est notre intention dans cette étude conduite dans une perspective de didactique professionnelle. Nous envisageons d’analyser les conceptualisations en actes d’enseignants débutants, et ainsi de rendre compte des formes organisées plus ou moins stabilisées de leur activité afin de pouvoir les discuter en formation.

La conceptualisation dans l’activité professionnelle au sein du couplage schème-situation

2La didactique professionnelle s’intéresse principalement aux apprentissages professionnels pour améliorer les parcours et les dispositifs de formation. Elle cherche à identifier les compétences qui fondent l’expertise des acteurs et procède pour cela à l’analyse de l’activité professionnelle (Pastré, 2011). Le cadre théorique de référence qui fonde l’analyse de l’activité est celui de la conceptualisation dans l’action (Vergnaud, 1996). L’analyse consiste à identifier les organisateurs de l’activité, c’est-à-dire les schèmes mobilisés en situation. Le schème est défini comme « une organisation invariante de la conduite dans une classe de situations données » (Ibid., p. 283). Il est analysable en différentes composantes : des buts et des sous-buts ; des règles d’action, de prise d’information et de contrôle ; des inférences en situation et des invariants opératoires de nature conceptuelle (concepts-en-actes et théorèmes-en-actes, c’est-à-dire des propositions, principes ou énoncés tenus pour vrais dans l’activité). Le schème rend compte tout aussi bien de l’organisation de gestes sensori-moteurs que d’une activité complexe. Il s’agit dans ce dernier cas, de ce que Pastré (2007) appelle des « gros schèmes » qui intègrent des schèmes plus élémentaires au sein d’une organisation hiérarchisée de l’activité.
Rendre compte de l’activité d’enseignement à partir de ce cadre consiste à identifier les schèmes professionnels mobilisés, c’est-à-dire selon Goigoux et Vergnaud (2005, p. 9) « les formes organisées et stabilisées de l’activité d’enseignement pour une certaine variété de situations appartenant à une même classe ». Ce sont les invariants opératoires au cœur des schèmes qui sont prioritairement pris en compte dans les analyses car ils sont pour le sujet les outils d’adaptation au réel : ils lui permettent d’orienter et de guider son action. Dans le domaine de l’enseignement, l’analyse repose avant tout sur la recherche des théorèmes-en-actes, que Pastré (2011) appelle des jugements pragmatiques. Un jugement pragmatique représente « un énoncé tenu pour vrai qui permet de subsumer en les justifiant toute une série d’énoncés de circonstances » (Ibid., p. 191). Il fait porter l’accent sur les différentes stratégies qui sont mobilisées par chacun des acteurs en rapport à une même situation, ou une classe de situations. Pastré (ibid.) précise qu’il n’a pas besoin d’être énoncé explicitement pour être effectif. Lorsqu’il est exprimé, il l’est sous la forme d’une proposition assertive plus ou moins modalisée ou nuancée portant sur le travail, son déroulement, ses situations et ses objets (Tourmen, 2014).
Pour Vinatier (2013) analyser l’activité dans le champ de l’éducation, suppose en outre de tenir compte du fait qu’il s’agit d’une co-activité au cours de laquelle des enjeux interpersonnels peuvent parfois surdéterminer le contenu échangé. L’auteure propose alors de distinguer deux types d’invariants en tension : les principes tenus pour vrais au regard de la tâche à accomplir ; les principes qui renvoient à « la place et rôle du sujet dans les échanges, son image, ce qui lui importe, ce qui le tracasse, ses motivations, ses valeurs » (2013, p. 37).
Analyser l’activité des enseignants consiste ainsi à repérer, au sein du couplage schème-situation, comment se fait la conceptualisation dans l’activité professionnelle (Vergnaud, 1996) mais aussi en quoi elle fait défaut ou s’avère inadéquate (Vinatier, 2013).

Méthodologie

Participants et recueil des données

3Cinq stagiaires d’éducation physique ont participé à cette étude qui a eu lieu au début de l’année : Tom, Théo, José, Yan et Marie. Tous enseignaient le badminton ou le tennis de table et n’étaient pas spécialistes de ces activités. Quatre étaient en collège et un en lycée. Nous avons réalisé pour chacun d’entre eux un enregistrement audio et vidéo d’une séance. Nous avons ensuite organisé deux entretiens : un entretien d’auto-confrontation simple (EAS) et, pour quatre d’entre eux, un entretien d’auto-confrontations croisées conduit collectivement (EAC). Pour conduire ces entretiens nous avons suivi les recommandations méthodologiques développées par Goigoux (2007).
Lors de l’EAS, les stagiaires étaient invités à commenter leur activité. Ils devaient se focaliser sur ce qui leur semblait important en essayant de centrer leurs commentaires sur les éléments invariants de leur activité. L’idée était qu’ils expliquent en quoi le déroulement des actions observées était habituel et dans quelle mesure il était similaire à celui qu’ils réalisent dans des situations comparables.
Lors de l’EAC, chaque stagiaire devait commenter à tour de rôle l’activité vidéoscopée d’un autre. Les commentaires devaient préciser en quoi l’activité observée faisait écho, par similitude ou par contraste à ses propres manières de faire, à ses interrogations, à ses convictions ou à ses valeurs. Tout au long du visionnage commenté de la séance, les stagiaires pouvaient s’exprimer et débattre. Un tel cadre dialogique, propice au développement de controverses professionnelles, donnait l’occasion de revenir sur ses propres expériences et de formuler les jugements pragmatiques ou principes organisateurs qui orientent et guident les actions.

Traitement des données

4Pour traiter les données, nous avons tout d’abord analysé les communications entre les stagiaires et leurs élèves (C) et les EAS à partir des questions d’analyse suivantes :
- De quelle situation s’agit-il ?
- Quels sont les buts visés ?
- Quelles sont les règles d’action mises en œuvre (RA) ?
- Quels sont les propositions ou principes tenus pour vrais ?
Nous avons ensuite présenté les résultats de ce premier temps d’analyse de la façon suivante (voir tableau 1 ci-dessous).

Tableau 1 : Extrait 1 d’analyse du verbatim des communications et de l’entretien d’auto-confrontation simple de Théo

Tableau 1 : Extrait 1 d’analyse du verbatim des communications et de l’entretien d’auto-confrontation simple de Théo

5L’identification des principes tenus pour vrais s’est faite en repérant, parmi tous les énoncés recueillis, le jugement suffisamment général permettant de fonder les autres. Lorsqu’il est arrivé que celui ne soit pas formulé par le stagiaire, nous avons nous-mêmes énoncé le jugement en procédant par inférence mais en restant toujours au plus près des propos tenus par les stagiaires. Pour ne pas commettre d’erreur, Pastré (2011, p. 192) recommande de « s’assurer que les inférences qu’on peut tirer de ce jugement couvrent l’ensemble des autres énoncés ». Il importe ici de préciser que ce n’est pas l’exhaustivité qui est visée mais le repérage des principes qui organisent l’action.
Lors de cette première étape, nous avons distingué les principes organisateurs de ceux qui nous ont paru en cours de construction ou de « pragmatisation », c’est-à-dire peu opérants. Nous nous sommes appuyée pour cela sur le discours des stagiaires lors de l’entretien : sur les difficultés qu’ils évoquent et sur ce qui, selon eux, serait souhaitable de faire ou au contraire à remettre en cause (voir tableau 2 ci-dessous).

Tableau 2 : Extrait 2 d’analyse du verbatim des communications et de l’entretien d’auto-confrontation simple de Théo

Tableau 2 : Extrait 2 d’analyse du verbatim des communications et de l’entretien d’auto-confrontation simple de Théo

6Nous avons aussi cherché à identifier, ce que nous avons appelé un défaut d’invariant. Nous avons relevé cette fois-ci les passages durant lesquels, les stagiaires exprimaient leur désarroi ou leur incapacité à trouver des solutions (voir tableau 3 ci-dessous).

Tableau 3 : Extrait 3 d’analyse du verbatim des communications et de l’entretien d’auto-confrontation simple de Théo

Tableau 3 : Extrait 3 d’analyse du verbatim des communications et de l’entretien d’auto-confrontation simple de Théo

7Nous avons ensuite construit un document de synthèse pour chaque stagiaire présentant, dans chaque classe de situation identifiée, les buts, les règles d’action et les principes tenus pour vrais, ainsi que des extraits de verbatim. Nous avons alors entrepris un travail de comparaison systématique entre les stagiaires. Nous avons relevé les points communs et les divergences en nous centrant plus particulièrement sur les principes tenus pour vrais partagés que nous avons parfois été amené à reformuler.
Ce travail s’est poursuivi par l’analyse de l’EAC. Celle-ci a permis de valider, d’affiner et de compléter les résultats obtenus et ainsi de procéder à la mise en forme finale de la présentation des résultats.

Résultats

8Les résultats mettent en évidence trois macro-buts chez les stagiaires observés : construire sa posture d’enseignant dans la relation avec les élèves ; engager et maintenir les élèves dans l’activité ; favoriser les apprentissages des élèves. Nous rendons compte ici, pour chacun de ces macro-buts, de l’organisation de l’activité des stagiaires en mettant en évidence les principes tenus pour vrais qui assurent de façon plus ou moins opérante la cohérence interne de leur activité.

Construire sa posture d’enseignant dans la relation avec les élèves

9Ce macro-but apparait comme étant prioritaire au début de l’année de stage. Lorsque les stagiaires sont en face en face avec les élèves, ils cherchent à construire leur « manière d’être enseignant » et d’être en relation avec leurs élèves. Pour quatre d’entre eux notamment, il importe de ne pas « être le chef », de ne pas instaurer un rapport magistral, autoritaire. Aussi, évitent-ils, lors de la présentation des consignes notamment, de se tenir debout face aux élèves. Leur activité est organisée par le principe selon lequel il ne faut pas instaurer un rapport autoritaire et magistral avec les élèves mais un rapport amical. L’extrait ci-dessous du dialogue entre Tom (T) et Yan (Y) lors de l’EAC illustre cet aspect :
- T : Je vois qu’ils les regroupent comme moi mais il est debout lui, après je sais pas parce qu’il a pas de…
- Y : Il y a toutes les affaires sur le banc et ça, j’en discutais, c’est une position que je n’aime pas : être debout face aux élèves
- T : Ça fait supérieur
- Y : Voilà !
- T : Je trouve que ça fait un peu :
"je suis le chef". Moi en général, je m’assois sur une table, je suis à moitié assis, comme ça on discute, des fois je m’accroupis un peu
- Y Oui moi aussi
Plus généralement, ce qu’expriment les stagiaires à travers cette quête de proximité et d’échanges avec les élèves, c’est un besoin d’être à la fois reconnu dans leur statut d’enseignant et apprécié des élèves. Aussi peut-on dire que leur activité est organisée par le principe selon lequel un enseignant doit être reconnu et apprécié des élèves.
Lorsqu’ils sont en situation de régulation de l’activité des élèves, les stagiaires s’efforcent là encore, d’être proches de leurs élèves mais dans le but cette fois-ci de leur accorder de l’attention et les valoriser. Leur activité est organisée par le principe selon lequel un enseignant doit faire sentir aux élèves qu’il leur porte de l’attention, qu’il se soucie d’eux et les considère. Cependant vouloir être proche des élèves ne suffit pas, encore faut-il l’être effectivement et cela suppose entre autres, d’après certains stagiaires, de s’adresser aux élèves calmement et de façon non monocorde. Or, ce n’est pas toujours le cas. Pour Théo (TH) notamment ce principe est en cours de « pragmatisation ». L’extrait de l’EAS ci-dessous en rend compte :
- CH : Là, cette régulation ça vient comment ?
- TH : Là c’est en fonction de ce que j’observe, je pense. Mais surtout là ce qui me choque, c’est que j’ai tout le temps la même intonation et là j’ai l’impression…, enfin si j’étais un élève, je me dis que ça fait pas crédible, enfin c’est pas… C’est pas que ça fait pas crédible mais tu ne sens pas de proximité vraiment : il te sort ça comme ça et dès qu’il tourne le dos, c’est bon, je refais mon truc normal !
- CH : C’est-à-dire, qu’est-ce que c’est qui ne te paraît pas crédible ?
- TH : J’ai impression que c’est toujours le même ton de la voix. Elle est derrière le filet par rapport à moi donc je continue à parler fort, elle me fait un signe, elle acquiesce de la tête mais…
Être enseignant, c’est enfin pour les cinq stagiaires faire ce qu’ils pensent devoir faire en tant qu’enseignant expert des apprentissages. Ainsi par exemple, ont-ils tendance, dès que les élèves sont en activité, d’aller voir chacun d’entre eux et de délivrer des conseils. Leur activité est organisée par le principe selon lequel un enseignant doit conseiller les élèves. Peu importe qu’ils soient en difficulté pour décoder l’activité des élèves et/ou pour savoir comment corriger les comportements observés, ils font « comme si », comme s’ils avaient vu et comme s’ils savaient quoi dire. En agissant de cette façon, ils cherchent non seulement à tenir leur rôle d’enseignant expert des apprentissages mais aussi à renvoyer cette image d’eux-mêmes aux élèves. Ainsi font-ils en sorte de ne pas montrer aux élèves qu’il leur arrive parfois de ne pas savoir. Leur activité est en effet également organisée par le principe selon lequel l’enseignant ne doit pas montrer qu’il ne sait pas afin que les élèves aient confiance en lui.

Engager et maintenir les élèves dans l’activité

10L’engagement des élèves dans les tâches suppose en premier lieu pour eux de capter l’attention des élèves de façon à ce que les consignes soient bien comprises et que les élèves fassent ce qui est demandé. Trois règles d’action sont généralement évoquées : faire asseoir les élèves ; s’exprimer clairement et brièvement ; démontrer si nécessaire. L’activité des stagiaires est ainsi organisée par le principe selon lequel présenter les consignes de façon claire et concise permet d’obtenir l’attention des élèves. Les stagiaires expriment cependant leurs difficultés à se faire comprendre des élèves. Marie évoque de son côté, sa difficulté à donner les consignes sans crier et sans s’interrompre pour recadrer l’attention des élèves :
- Si j’ai pas l’attention de tous mes élèves, je fais souvent des petits : "Oh, ça va ?". J’arrête souvent ma consigne pour reprendre... des fois peut-être trop […]. Après ça rend la consigne longue, ils perdent un peu le fil 
Mais c’est aussi le temps qui passe et qu’ils n’utilisent pas comme ils voudraient qui les préoccupe. Il est important en effet pour les stagiaires de ne pas perdre de temps pour favoriser l’activité motrice. Aussi, s’efforcent-ils d’expliquer les consignes rapidement mais sans y parvenir parfaitement toutefois. Cette pression temporelle, couplée à la difficulté de focalisation de l’attention des élèves, fait qu’ils choisissent parfois de transmettre les consignes sans rassembler les élèves. Cela cependant ne produit pas toujours le résultat escompté. Les stagiaires sont ainsi tiraillés entre le fait de s’assurer de la compréhension des consignes et celui de faire pratiquer les élèves. Leur activité est par conséquent organisée par le principe selon lequel les élèves doivent être mis rapidement en activité pour que le temps de pratique ou d’activité motrice soit important.
Une fois que les élèves sont en activité, les stagiaires sont soucieux de leur implication réelle dans les tâches. Leur activité est en grande partie guidée par ce qu’ils considèrent devoir faire pour susciter l’investissement des élèves. Ils s’efforcent d’aller voir tous les élèves, de donner des conseils à chacun d’entre eux, de les encourager et de favoriser leur réussite. C’est essentiellement ici le mode de relation à instaurer avec les élèves qui organise leur activité, une relation bienveillante : encourager les élèves et les mettre en réussite permet de les maintenir dans l’activité et de favoriser leur engagement. Il n’en reste pas moins toutefois qu’ils éprouvent là encore quelques difficultés. Théo par exemple ne sait pas ce qu’il faut faire pour que des élèves non motivés s’engagent dans ce qui est demandé (cf. tableau 3 supra) : il ne peut mobiliser un invariant qui lui fait défaut.
Maintenir les élèves dans l’activité, consiste également, pour Marie et Théo notamment, à éviter les comportements déviants. S’ils vont voir tous les élèves, c’est donc aussi parce qu’ils partent du principe selon lequel pour que les élèves réalisent les tâches demandées, il est nécessaire que l’enseignant regarde les élèves et recadre ceux qui ont tendance à faire ce qu’ils veulent. Ils réalisent cependant qu’il serait sans doute préférable de ne pas se focaliser autant sur les comportements hors-tâche. D’autant qu’ils ont appris en formation, qu’il était important de donner la priorité aux apprentissages. Leur activité est ainsi également orientée par un principe en cours de « pragmatisation » : se focaliser sur les apprentissages et ne pas relever tous les comportements déviants favorise le maintien des élèves dans l’activité. Les stagiaires sont cependant à nouveau en difficulté car ils ne savent pas quels comportements hors-tâches relever. Théo doute même de ce qu’on lui a appris en formation (cf. tableau 2 supra) :
- Des fois je me dis : "Mais comment il faut faire, ça ne marche pas de ne pas relever les trucs !"

Favoriser les apprentissages des élèves

11Les stagiaires observés s’efforcent enfin de favoriser les apprentissages des élèves. Au moment de la présentation de la séance ou des situations, ils cherchent à enrôler les élèves dans les apprentissages. Pour ce faire, ils présentent le thème de la séance et certains d’entre eux tentent, selon le cas, de justifier les objets d’apprentissage en s’appuyant sur les conduites des élèves, en mettant en avant les progrès à réaliser ou en tissant des liens entre les séances. Leur activité est organisée par l’idée selon laquelle il est de nécessaire de faire des liens et d’expliquer ce qu’il y a faire et à apprendre avant d’engager les élèves dans l’activité.
Ces modalités d’actions se retrouvent plus ou moins tout au long de la séance mais dans le but cette fois-ci de transmettre les contenus d’enseignement et faire construire aux élèves le sens des apprentissages. Les stagiaires expliquent et/ou démontrent les procédures à mettre en œuvre en s’efforçant de les justifier de façon à ce que les élèves sachent comment faire mais aussi pour quelles raisons. Leur activité est organisée par le principe suivant : faire apprendre les élèves suppose de leur dire ce qu’ils doivent faire pour réussir et pourquoi. Toutefois, ils recourent surtout à des modalités d’intervention visant en priorité à expliciter le « comment » et ils sont par ailleurs en difficulté pour que les élèves procèdent par eux-mêmes à ce travail d’explicitation. Il leur arrive parfois de solliciter les élèves mais les tentatives sont rares et le plus souvent avortées, ce que Théo regrette : « Dans ma tête l’idéal c’est que ce soit eux qui me le disent mais c’est vrai que là je ne leur laisse pas le temps ». Son activité est organisée par un principe en cours de « pragmatisation » selon lequel les élèves, pour apprendre, doivent prendre conscience de ce qu’ils font et verbaliser les procédures d’exécution des actions.
C’est aussi au moment des bilans qui ont lieu entre les situations ou en fin de séance que les stagiaires se soucient de favoriser les apprentissages des élèves. Le but cette fois-ci est de rendre explicite les apprentissages réalisés. Les stagiaires reviennent avec les élèves sur ce qui a été fait, sur ce qui a été acquis ou reste à acquérir. Ils profitent également de ce temps pour faire le lien avec ce qui suit de façon à inciter les élèves à réinvestir ce qu’ils ont appris. Il ressort cependant que de telles modalités d’intervention, bien que souhaitées, sont assez rares :

Je me rends compte que j’oublie de faire ça, […] de prendre un temps pour revenir sur ce que je viens de faire et redire : « Qu’est-ce qu’on a appris ? Qu’est-ce qui s’est bien passé ou pas ? (Tom, EAC).

12On peut dès lors considérer que l’activité des stagiaires est organisée par un principe en cours de « pragmatisation » selon lequel faire un bilan sur ce qui a été appris et reste à apprendre permet aux élèves de construire le sens des apprentissages. Il n’en reste pas moins cependant là encore, qu’entre les intentions et la réalité du terrain, des écarts apparaissent. Les stagiaires ont en effet le sentiment que les élèves ne sont pas intéressés. Marie (M) doute même de l’utilité du bilan :
- M : Y’en a pas un qui écoute ! Le bilan il est pour moi plus que pour eux !
- CH : Quand tu dis : "il est pour moi plus que pour la classe" ?
- M : Et bien moi ça me permettait aussi de faire un bilan de ce que j’ai vu et là je me rends compte que personne n’écoute, ou alors 3 ou 4, et que finalement, je fais le bilan un peu toute seule et que eux... ce que je demande par le bilan, c’est pas du tout…, ça sert à rien en fait..., construire du sens..., je pense qu’ils ont autre chose à faire.

Discussion et conclusion

13Ces descriptions de formes organisées plus ou moins stabilisées de l’activité de cinq stagiaires en EPS sont à voir comme des outils au service de la compréhension de l’activité des enseignants débutants (Goigoux et Serres, 2015). Elles permettent aux formateurs de mieux comprendre les principes qui assurent la cohérence interne de leur activité et de cibler les objets à travailler en formation. Elles les aident à situer leur action de formation dans la zone potentielle de développement professionnel des formés. Ainsi peuvent-ils s’ajuster à leurs besoins mais sans toutefois s’y assujettir (Saujat et Serres, 2015).

Une activité orientée par des macro-buts qui agissent simultanément

14Les trois macro-buts que nous avons identifiés, peuvent être considérés comme des organisateurs d’arrière-plan au fondement de l’activité des stagiaires observés lorsqu’ils interviennent dans leur classe. Ils sont à voir, selon nous, comme les principaux soubassements qui orientent l’activité des stagiaires, c’est-à-dire comme ses organisateurs pragmatiques dominants (Pastré, Mayen et Vergnaud, 2006). À l’instar des préoccupations autour desquelles s’élaborent l’agir ordinaire dans la classe (Bucheton, Soulé, 2009), ces macro-buts co-agissent de façon plus ou moins importante selon les différents moments de la leçon.
De fait, si engager et maintenir les élèves dans les tâches, et ainsi garder le contrôle de la classe, est un organisateur dominant de l’activité des stagiaires, il n’en reste pas moins que cette dernière est aussi organisée par l’intention de faire apprendre les élèves. Bien que pour trois des stagiaires observés, il ne s’agisse pas de deux orientations contradictoires de l’action, nos résultats montrent malgré tout que pour Marie et Théo la compatibilité entre ces deux dimensions est questionnée. Ils corroborent ainsi, tout en les nuançant, ceux mis en évidence par Ria et al. (2001) selon lesquels une majorité de débutants vivent un dilemme récurrent entre « enseigner » et « contrôler ».
Il ressort également de ces résultats, que l’activité des stagiaires est organisée par la construction de sa manière « d’être enseignant » : être tout à la fois respecté, sympathique et reconnu. Il s’agit plus précisément pour les stagiaires de savoir quelle place occuper, quelle image donner de soi, quel rôle tenir, ou encore quelles attentes avoir envers les élèves. De tels constats soulignent la nécessité d’aider les stagiaires à construire leur posture d’enseignant.
De façon plus générale, il nous paraît important dans le cadre de la formation de conduire les stagiaires à analyser leur activité en cherchant à identifier en quoi elle est orientée par ces trois macro-buts. Nous rejoignons de ce point de vue Vinatier (2013) qui suggère que l’analyse de l’activité soit réalisée en mettant toujours en tension les enjeux pragmatiques (faire tourner la classe), les enjeux intersubjectifs (place et rôle de l’enseignant, relations avec les élèves), et les enjeux épistémiques (faire apprendre). Mettre en place de telles modalités d’analyse avec les stagiaires suppose néanmoins que les formateurs reconnaissent ces organisateurs d’arrière-plan et prennent par conséquent la mesure des conditions dans lesquelles ils apprennent le métier.

Des principes tenus pour vrais aux questions professionnelles à résoudre

15Nos résultats enrichissent les travaux portant sur les caractéristiques typiques de l’activité débutante qui ont proposé des pistes pour aider les débutants à réduire les dilemmes auxquels ils sont confrontés (Ria et al., 2001 ; Ria, 2017). Ils apportent aux formateurs des points d’ancrage utiles pour repérer les objets à travailler en formation qui sont situés dans la zone potentielle de développement des débutants. En mettant en évidence les principes tenus pour vrais qui assurent la cohérence interne de l’activité des stagiaires, – ceux notamment qui sont en cours de pragmatisation ou qui font défaut–, ils permettent d’identifier les questions professionnelles à résoudre que les débutants se posent. Nous présentons ci-après les plus significatives :
- Comment présenter les situations sans perdre de temps et de façon à ce qu’elles soient comprises par les élèves ?
- Faut-il faire un bilan ? Pourquoi ? N’est-il pas préférable de libérer les élèves qui sont impatients de quitter le cours ?
- Que faire lorsque les élèves n’écoutent pas les consignes ? Faut-il s’interrompre pour les rappeler à l’ordre ou poursuivre ses explications ?
- Faut-il recadrer les élèves aux comportements hors tâches ou poursuivre son activité de régulation des apprentissages des élèves ?
- Comment faire pour engager les élèves qui refusent de s’engager dans les activités proposées ?
- Faut-il passer voir tous les élèves pour donner des conseils à chacun d’entre eux ou est-il préférable de prendre du recul pour avoir une vision d’ensemble de la classe ?
Ces questions invitent – en référence aux préconisations de Goigoux et Serres (2015) – à cibler la formation des stagiaires, en début d’année, sur deux objets prioritaires : la clarté cognitive et le caractère explicite l’enseignement ; la motivation et l’attention des élèves.

Des actions de formation dans la zone potentielle de développement des formés

16Nous considérons avec Goigoux et Serres (2015) qu’aider les apprentis enseignants à favoriser les apprentissages des élèves, suppose de concevoir des dispositifs de formation qui reposent sur l’alternance entre des analyses de pratiques et des mises en œuvre dans de nouvelles situations d’enseignement. Les analyses dans ces dispositifs ont pour objectif, à partir d’un travail de conceptualisation des actions d’enseignants, de comprendre les principes tenus pour vrais qui les organisent et d’identifier les conditions de leur réussite ou échec.
L’outil vidéo, largement utilisé en formation depuis quelques années (Gaudin et Chaliès, 2012), peut être utilisé pour accéder à la part conscientisable de l’activité des enseignants. Les entretiens de remise en situation (Guérin, Archieri, Watteau et Zeitler, 2017) au cours desquels un stagiaire, à partir d’enregistrements vidéo, amène son tuteur à commenter et expliciter son activité, offrent de ce point de vue des perspectives de formation intéressantes. Il se peut cependant que l’expérience transmise soit trop difficile ou déstabilisante ou bien qu’elle devienne pour le stagiaire une « recette » à imiter. Aussi, est-il intéressant également, eu égard aux recommandations de Ria (2017), que le travail d’identification des principes organisateurs par les stagiaires s’appuie sur des analyses de l’activité d’ex-pairs (ex-débutants), ayant à peine dépassé les situations problématiques qu’ils rencontrent. Quel que soit le support d’analyse envisagé, l’accompagnement des débutants suppose de ne pas prescrire mécaniquement leur activité mais d’enrichir le contexte de leur activité (Ibid.) en les aidant à identifier des manières de faire analogues et efficaces dans différentes classes de situations (Goigoux et Serres, 2015).

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Bibliographie

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Table des illustrations

Titre Tableau 1 : Extrait 1 d’analyse du verbatim des communications et de l’entretien d’auto-confrontation simple de Théo
URL http://journals.openedition.org/rechercheseducations/docannexe/image/6955/img-1.png
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Titre Tableau 2 : Extrait 2 d’analyse du verbatim des communications et de l’entretien d’auto-confrontation simple de Théo
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Titre Tableau 3 : Extrait 3 d’analyse du verbatim des communications et de l’entretien d’auto-confrontation simple de Théo
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Pour citer cet article

Référence électronique

Élisabeth Magendie, « L’entrée dans le métier d’enseignant : analyse des conceptualisations en actes de professeurs stagiaires »Recherches & éducations [En ligne], Varia, mis en ligne le , consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/rechercheseducations/6955 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rechercheseducations.6955

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Auteur

Élisabeth Magendie

Université de Bordeaux, ESPE d’Aquitaine, Laboratoire Cultures Éducations Sociétés (LACES EA 4140)

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Droits d’auteur

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