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Dossier

« Situation sans issue » ?

A propos d’Eduard Spranger et du dispositif victimaire national-socialiste1
Leonore Bazinek

Résumés

Eduard Spranger, auteur prolifique de textes qui prônent une pédagogie discutable, est peu connu en France. L’article met en perspective la problématique principale de son œuvre : instituer au cœur de l’individu l’esprit de sacrifice pour son État. Ce geste qualifié par lui-même de « frappe pédagogique » est l’étape essentielle d’un changement profond de mentalité entrainant un processus « victimaire » qui permet aux autorités de modifier le cadre de référence tout en maintenant le sujet dans une position de « victime », et ce faisant l’oblige à croire que sa situation est sans issue. Cette frappe, mise à l’œuvre en amont de la prise du pouvoir national socialiste et appliquée pendant les années du Reich, a été reconduite notamment entre 1945 et 1955.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Je remercie Corinne Benestroff, Emmanuel Faye, Marie-Louise Martinez, François Rastier et Aminata S (...)
  • 2 Cet article rejoint le projet de ce numéro par la notion d’urgence, cf. pour l’actualité de Sprange (...)
  • 3 Il s’inscrit donc à la suite de notre contribution « Cassirer, la critique de la confusion dans la (...)
  • 4 Par conséquent, ces textes sont caractérisés par l’évacuation systématique de la réflexion en faveu (...)
  • 5 Je ne traite pas la « deuxième faute de l’Allemagne », discutée vivement dans l’après-1945.
  • 6 Cf. : https://academic.oup.com/ahr/article-abstract/23/1/164/37614?redirectedFrom=fulltext (consult (...)
  • 7 Schmitt a été un des principaux experts de ce dispositif victimaire, cf. ma contribution « La quere (...)

1Ma contribution à la discussion du victimaire2 s’inscrit dans le cadre de l’élucidation du mythe national-socialiste et de sa vision du monde « völkisch »3. Elle éclaire une stratégie qui vise à s’accaparer autant du lien social que de la subjectivité en imposant une logique identitaire.4 Cette stratégie est entièrement guidée par la sémantique de la « victime », fondée sur le présupposé que tout être vivant est, du simple fait de vivre, coupable. Sur cette présomption d’une culpabilité existentielle, est érigée une conception de la conscience qui sert à imposer des mutations sociétales importantes : en effet, on institue la recherche effrénée de boucs émissaires comme moyen de réguler la vie sociale. Si cette conception, ouvertement mythique, engendre un véritable « labyrinthe » (cf. Lourau, 1997), elle n’échappe pour autant pas à l’analyse réflexive. C’est ainsi que nous pouvons discerner un enchaînement de deux états de « victime » proposé à la même population.5 L’état 1 correspond à cette présomption de culpabilité existentielle. L’état 2 se surajoute suite à une injonction de se reconstruire dans un cadre marqué par une hostilité mystérieuse et englobant le peuple de son appartenance tout entier. Par conséquent, le sujet victime « état 1 » est certes appelé à se reconstruire, mais en revêtant de nouveau une identité de « victime », donc victime des ennemis de son peuple (cf. Bazinek, 2014). Cette nouvelle identité substitue à l’individuel l’identification avec le peuple d’appartenance. Fortement développée dans l’Allemagne des années 1920 pour contrer le Traité de Versailles, les pourfendeurs de cette vision ont déployé des figures de pensée fallacieuses, destinées à convaincre la population allemande qu’il fallait devenir un peuple pur pour pouvoir enfin détruire ses ennemis qui l’ont mené à la catastrophe de 1918. Par ailleurs, ce dispositif a été adapté à la situation de l’après-guerre 1945. Les acteurs rajoutaient surtout le mythe de leur propre sacrifice non consenti, pour expliquer leur comportement sous le régime de Hitler. Ainsi, pendant la décennie 1945-1955, une nouvelle vague de textes propageaient que l’Allemagne est de nouveau la « victime » des puissances du monde. Cette explication a été conçue par les mêmes acteurs qui ont conduit la population pendant les années 1920 vers le Reich. C’est eux qui ont infligé ce sentiment de fatalisme dont ils ont cherché à tout prix à dissimuler leur responsabilité et c’est encore eux qui ont créé le dispositif de la transformation du moi blessé d’une large partie de la population tout en évacuant de nouveau le sujet réflexif, la personne. C’est pourquoi, pour que l’institutionnalisation de ce sentiment soit effective, on a largement désamorcé le processus de rééducation institué surtout par les États-Unis.
Ce dispositif est particulièrement bien étudié par Ortmeyer (cf. 2010). Ses recherches originales constituent donc la base du présent article introductif. Il a aussi été clairement mis à jour par Morat (cf. 2007), mais à l’opposé de l’examen nécessairement critique des nationaux-socialistes par Ortmeyer, Morat s’inscrit ouvertement sur l’autre rive du spectre idéologique. Retenons alors que ce dispositif ressort d’une analyse des écrits nationaux-socialistes, peu importe le goût du chercheur. Ce constat est appuyé par une étude récente de Faye (cf. 2016). L’auteur tire des conclusions des Cahiers dits « noirs » de Martin Heidegger (1889-1976) qui attestent la forte implication de ce dernier dans le dispositif que nous traitons ici. Dans ce même ouvrage, Faye signale également une véritable négligence d’Hannah Arendt (1906-1975) dans ses références aux études du pangermanisme, notamment des quatre volumes édités par Charles Andler (1866-1933) entre 1915 et 19176 (cf. 2016, 107-113). Cette négligence lui a permis d’écarter l’élite intellectuelle allemande des responsables de la genèse et de la mise en place du Reich hitlérien. L’usage allusif de cette référence est aussi la base d’une certaine versatilité dans son usage de la notion de « victime ». Elle peut ainsi renverser la position des victimes juives du national-socialisme en leur attribuant une responsabilité dans la formation de l’antisémitisme (cf. Faye, 2016, 81sq), ce qui entérine ce dispositif victimaire national-socialiste pour disculper les élites du Reich « en les présentant comme les victimes d’une situation historique sans issue » (Faye, 2016, 129). Cette analyse contribue considérablement à faire évoluer la réflexion à ce sujet.
Pour souligner les enjeux de notre propos, rappelons qu’un esprit si perspicace que celui d’Henri Lefebvre (1901-1991) a été, comme le suggère son préfacier Georges Labica (1930-2009), aussi impressionné par la puissance de l’effet victimaire : critique de Heidegger dès 1927, Lefebvre semble adoucir son jugement dans son ouvrage Métaphilosophie. Labica l’explique par une analogie : comme Heidegger a été persécuté pour son appartenance à la NSDAP, Lefebvre a subi des discriminations à cause de son appartenance au PC. Donc, ce qui aurait pu tempérer Lefebvre à l’égard de Heidegger, c’est une certaine analogie de leur situation de victime (cf. Labica dans Lefebvre, 2000, 5-7). Nous trouvons une prise de position similaire et non moins surprenante dans une lettre de Hans Blumenberg (1926-1996) à Carl Schmitt (1888-1985).7 Blumenberg réfute sans aucune concession le mélange d’histoire et d’eschatologie que Schmitt veut imposer. Franchement désabusé par la recherche des coupables du national-socialisme, Blumenberg opte pour le dialogue (cf. Blumenberg et Schmitt, 2007, 147). Cette correspondance constitue au demeurant un véritable témoignage.
De toute évidence, la position de « victime » touche à quelque chose de si viscéral en nous qu’elle déclenche quasi automatiquement une certaine bienveillance. Et c’est ce fait que les protagonistes nationaux-socialistes exploitent pour implanter un dispositif maléfique, charriant ainsi le Reich hitlérien dans le monde de l’après.

Le discours victimaire et le mythe du Germain

  • 8 Cf. l’introduction de Jean-Jacques Chevallier (1900-1983) à la correspondance entre Alexis de Tocqu (...)
  • 9 Pour autant, on ne peut pas en déduire sa pseudo législation, l’élément qui cache le plus l’iniquit (...)
  • 10 Notons au passage que le mot « total » et l’expression « guerre totale » font partie du vocabulaire (...)

2Ces explications posées, il convient maintenant de revenir brièvement sur le mythe pangermaniste. Pour cela, je propose de commencer par une réflexion d’ordre méthodologique. En effet, une étude du national-socialisme ne peut pas faire l’impasse de la réinterprétation du kantisme sur la base de cette vision du monde völkisch, car cette réinterprétation a évacué la distinction entre les faits et notre compréhension des faits, établie principalement par la philosophie critique d’Emmanuel Kant (1724-1804). Cette transformation a rendu possible une instrumentalisation du mythe, moment important de l’implantation du national-socialisme. Ainsi, on peut se rendre compte du potentiel destructeur de ces auteurs. Blumenberg démêle cette situation patiemment dans son étude Travail sur le mythe. Renouant avec le criticisme kantien, il insiste sur la transmission orale et écrite car, finalement, la raison n’a de prise que sur ces deux productions ; l’histoire effective lui échappe. Blumenberg forge alors pour eux le concept de « méta-époque ». La raison n’a pas besoin de se laisser décourager et de se refugier dans le mythe (cf. Blumenberg, 1990, 169 ; cf. aussi Faye 2004), car elle peut dès lors retracer les grandes lignes de l’évolution de l’histoire par les discours qui agissent sur les changements sociétaux. Les événements n’émergent donc pas à l’impromptu. Ils s’établissent par le discours. C’est dans ce sens que la genèse de cette conception du « victimaire » nous aide à comprendre la radicalité du national-socialisme.
En effet, la place de la Germanie fait objet de multiples écrits depuis des siècles. Jacques Ridé s’est intéressé à cette situation exceptionnelle dans sa thèse d’État, L’image du Germain dans la pensée et la littérature allemandes de la redécouverte de Tacite à la fin du xvie siècle, conçue comme « contribution à l’étude d’un mythe » (cf. 1977). Ses trois volumes retracent les argumentations théologiques, politiques et scientifiques qui se sont produites à partir des récits protohistoriques de Tacite (58-120), redécouverts au XVe siècle dans les archives de différents monastères. Ridé montre comment, dans leur conflit avec les Italiens, couvert sous un conflit entre le protestantisme naissant et l’Église romaine, les Allemands s’accordent déjà la place de « victime » de la curie romaine ou, plus généralement, des « velches ». La prochaine étape décisive sera le conflit entre la France et la Prusse trois siècles plus tard. Pour se défendre des Français dont elle ne veut pas rester la « victime », la Prusse institue à l’université de Halle une recherche pluridisciplinaire qui devait mettre à jour et promulguer la spécificité de la race germanique (cf. Dilthey 1970, t. II). C’est dans ce sillage qu’évoluera Arthur de Gobineau (1816-1882), l’auteur de l’Essai sur l’inégalité des races humaines, paru en 1853.8
Les textes issus de ces conflits contiennent certains éléments qui préfigurent la doctrine nationale-socialiste et sa mise en œuvre dans le Reich hitlérien.9 On s’aperçoit, en étudiant la transmission du mythe du Germain, que la discussion se resserre autour d’une compétition culturelle. C’est donc l’humanité qui ressort clairement comme acteur de l’histoire : elle intervient dans le naturel et produit ainsi l’histoire. Ce qui vaut, en général, aussi pour les guerres dont la réglementation réinstitue une situation pacifiée. Mais il n’est pas possible de réglementer la fin de la guerre dite « totale » annoncée par le national-socialisme (cf. Bazinek 2014a),10 car elle appelle aux solutions finales. Ce moment explique pourquoi les nationaux-socialistes ne peuvent pas reconnaitre les défaites de 1918 et de 1945 : La guerre totale est à mener jusqu’au bout, soit en instituant le Reich, soit à la perte de (ou des) prétendue(s) race(s) germanique(s).
Et effectivement, la spécificité du national-socialisme résulte d’une radicalisation du mythe du Germain par une doctrine raciale que nous peinons à saisir clairement. Nous pouvons pourtant affirmer, en suivant l’analyse d’Ernst Cassirer (1874-1945), que nous sommes face à un redéploiement de la science qui aboutit à la fabrication de ce nouveau mythe (cf. Cassirer, 1993). C’est ainsi que l’on comprend comment le national-socialisme est diffusé tout particulièrement par des universitaires.

La comparaison des alliés au régime national-socialiste

3Nous avons maintenant un aperçu de la transmission des sédiments qui, lentement, ont construit cette vision du monde virulente. Rentrons alors in medias res dans notre propos. Ortmeyer introduit la partie « C. La prise de position des quatre pédagogues à propos du temps du NS après 1945 » de son livre en citant le quatrième tract de la Rose Blanche :

« "Il n’y a pas, sur cette terre, de punition qui ferait justice aux actions de Hitler et de ses zélateurs. Mais pour l’amour des générations à venir, on se doit de statuer un exemple après la guerre, afin que plus jamais se manifeste le moindre désir de réessayer de nouveau une pareille chose. N’oubliez pas non plus les petits bandits de ce système, mémorisez leurs noms, afin que personne n’échappe ! Ils ne doivent pas réussir à changer de camp encore à la dernière minute et feindre que rien ne s’est passé." » (Ortmeyer, 2010, 376).

4Ortmeyer souligne que ces groupes de résistance comme la Rose Blanche, ont prouvé que la situation n’a jamais été sans issue. S’il semble alors que la rééducation, mise en place après la guerre par les alliés, a échoué, cette impression vient surtout du chaos organisationnel dans l’immédiat de l’après-guerre, de l’épuisement de la population et d’un manque de compréhension. Le dernier mot sur ces mesures souvent discutées et rarement étudiées, n’est pas encore dit. Ortmeyer renvoie à l’enquête Rééducation à la démocratie ? publiée par Karl-Ernst Bungenstab en 1970 et en conclut :

  • 11 Morat décrit de manière détaillée l’enchaînement des événements et la réaction des cercles révision (...)

« Il fallait quitter l’éducation national-socialiste. "Reeducation" indique l’approche de reconduire à quelque chose, reconduire vers les approches démocratiques. Ou bien, comme l’écrit Bungenstab, apprendre de nouveau "ce qui a été supprimé, désappris ou oublié" » (Ortmeyer, 2010, 380).11

5Le cœur de cette partie est dédié au discours des grands pédagogues nationaux-socialistes après la guerre, en commençant par les chefs de fil, Alfred Baeumler (1887-1968) et Ernst Krieck (1882-1947). Dès 1945, ils ont établi des « clichés classiques » qui allaient structurer par la suite le discours d’auto-défense révisionniste et étouffer une confrontation critique au national-socialisme (cf. Ortmeyer, 2010, 446). Baeumler met en œuvre « des stéréotypes classiques de refoulement et de falsification » (Ortmeyer, 2010, 382). Ortmeyer discerne six figures de pensée qui portent cette manœuvre. Je relève la quatrième figure qui postule que la vérité se situe au milieu. Baeumler s’en sert pour soutenir qu’il serait aussi erroné de dire que toute la faute revient aux Juifs que de dire qu’elle revient à Hitler, « "ce serait la dictature à l’envers" » (Ortmeyer, 2010, 383). L’auteur montre ensuite que cette figure de renversement est liée à une détermination ambigüe de la réalité : Baeumler attribue à chaque chose lumière et ombre – autant au national-socialisme qu’à toutes les autres institutions. Dans la séquence suivante sur Krieck, nous retrouvons l’argument factice « victimaire ». Cette fois-ci, c’est le système national-socialiste qui aurait tout imposé aux individus. Krieck affirme effectivement qu’il a été obligé de rentrer dans le NSDAP et de collaborer ainsi avec Hitler (cf. Ortmeyer, 2010, 385sq).
Si Baeumler et Krieck ont été des nationaux-socialistes avérés, le cas de Spranger est plus compliqué. Pour le situer, Ortmeyer prend appui sur une remarque de Heidegger qui :

« expliquait en toutes lettres en réponse au reproche qu’il aura juré sur la "grandeur et la gloire" du "renouveau" de 1933 : "(…) je pourrais ici, seulement pour donner un exemple, citer un article d’Eduard Spranger, qui dépasse de loin mon Discours de Rectorat" (Heidegger, Martin : "Seul un Dieu peut nous sauver". Entretien avec le Spiegel du 23 septembre 1966, dans : Der Spiegel, 30e année (1976), n° 23, p. 193–219, pour ici p. 196). » (Ortmeyer, 2008, 113)

  • 12 Je me suis déjà exprimée à cet égard dans une étude consacrée à Arendt (cf. Bazinek, 2017, 1).
  • 13 Force est de souligner que cette distinction est pernicieuse. Sur la base des recherches très récen (...)

6Sans rentrer dans ce jeu du « qui a été le pire », disons pourtant que la ruse de Spranger a atteint un niveau exceptionnel :12 il n’a pas adhéré au parti, il s’est donné l’image de critique distancié qui aurait fait juste les concessions nécessaires pour pouvoir survivre. Il a été arrêté après l’attentat du 20 juillet 1944. Toutefois, ce bref épisode, lié à son appartenance à la Société du Mercredi, une société des savants de longue tradition (cf. Scholder, 1982), n’avait aucune influence sur son activité. Il continue son jeu ambigu après la fin du régime hitlérien. Ortmeyer montre par exemple comment il reprend en 1950 la distinction de Baeumler13 entre l’hitlérisme, réduit à l’accusation du juif, et les acquis du national-socialisme pour le peuple allemand (cf. 2010, 384) dans son texte Cinq générations de jeunesse : « "Mais il m’importe d’ajouter que ce n’est pas le national-socialisme qui a conduit à la catastrophe, mais très précisément l’hitlérisme" » Or, « cette opposition entreprise en 1950 entre un "hitlérisme" condamnable et une construction idéelle d’un national-socialisme qui s’en distingue, porte le germe d’un Spranger récalcitrant, partant de sa conviction profonde d’un "noyau positif" du national-socialisme. » (Ortmeyer, 2008, 115 ; cf. Fontana, 2009, 77 et Klee, 2003, 592).
Spranger est, dès 1945, placé à la tête de l’université de Berlin. Il décrit le comportement des troupes alliées en analogie avec celui des nationaux-socialistes. Cette attitude trahit son antisémitisme jamais ouvertement déclaré, comme le relève Ortmeyer (cf. infra). De même, elle manifeste son inscription au discours victimaire, si bien qu’ :

« au milieu des années 1950, non seulement Spranger s’exprimait d’une manière que l’on n’aurait jamais pu imaginer en 1946/47. La comparaison entre des soldats des États-Unis et des SS inclut une dimension que Spranger aurait dû remarquer. » (Ortmeyer, 2010, 391)

7Ortmeyer indique ces petits points qui auraient pu servir à ces auteurs de revenir sur leur position. Néanmoins, ils ont préféré de la retourner selon les conjonctures sociopolitiques, comme le montre bien un passage de la « Faute allemande » (1946). Spranger explique :

« "Mais on ne peut pas nier les actions de punition de toutes les puissances d’occupation contre nous et qui présupposent tacitement une faute collective des Allemands. Puisque ces mesures se déroulent sans normes et sans limites clairement reconnaissables, nous ne les ressentons pas comme quelque chose de juste, mais comme une simple prolongation de l’état de guerre. Disons-le tout prudemment : le peuple allemand a le sentiment que, sur cette voie, il n’y aura pas de retour à des conditions réglées. C’est toujours le pouvoir, même la violence, qui règne à la place du droit. Pour quand la conclusion de la paix sans laquelle tout le verbiage sur l’ordre du droit et les Droits est prématuré ?" » (Ortmeyer, 2010, 397).

  • 14 Le corolaire du bouc émissaire dans ce schéma.

8Ortmeyer souligne à juste titre que Spranger brouille les pistes car, en dépit de l’inexistence des traités de paix, on observe des textes réglementaires très pointus. Cette « accusation générale de Spranger et le fait que ces mesures ont été assimilées à la Sippenhaft14 correspondent en ce temps aux figures de pensée publiquement exprimées » (Ortmeyer, 2010, 397sq).

L’argumentaire de Spranger dans « Implication et voie de solution » (1946)

9Pour compléter ce parcours, regardons encore un autre écrit de l’année 1946. La guerre est finie et Spranger a pu sauver sa réputation de « théoricien remarquable de la pédagogie spirituelle qui a imprégné de manière décisive les sciences de l’éducation en Allemagne et cela depuis l’Empire » (Fontana 2009, 4e de couverture). Mais nous avons vu que sa pensée est en fait très problématique, comme le confirme l’analyse de son article « Implication et voie de solution. Un mot sur la jeunesse » qui s’inscrit dans le cadre établi par « La faute allemande » :

« "Du fait de sa constitution et de son essence, l’homme est de telle sort qu’il ne peut que pêcher. Mais cela n’a rien à voir avec une faute collective nationale. Car tous les hommes et toutes les nations participent à cette espèce d’âme corrompue. C’est d’ici que suit l’appel au fond purement religieux : ‘Ne jugez pas afin que vous ne soyez pas jugé’" (Spranger, La faute allemande, 1946, p. 265, souligné dans l’original). » (Ortmeyer, 2010, 398).

10Ortmeyer pointe que la radicalité de sa condamnation de l’humanité pour couvrir le crime avéré des Allemands dévoile que sa référence au « purement religieux » est factice. Spranger redéploye ici la conception de la conscience d’Être et Temps que Heidegger a publié en 1927. Loin de contribuer à l’élucidation de la réalité historique, il crée une sphère religieuse qui devait absorber les entraves humaines. Puis, l’auteur insiste sur un deuxième point de cette fumisterie. Spranger

« a, dans ses différents textes rétrospectifs, souligné de manière répétée "l’aspect juif" parmi les alliés. (…) Maintenant, le manuscrit se termine par l’annonce que, de toute façon, les non-chrétiens ne peuvent pas comprendre une pensée fondée chrétiennement. […] Le critère de l’humanité en général, ce que tout un chacun peut comprendre, n’est pas nommé comme critère suprême, mais un christianisme compris de manière exclusive » (Ortmeyer, 2010, 399).

  • 15 « Sacrilège » dans son vocabulaire pseudo-religieux.

11Ce constat lui sert de transition à son analyse d’« Implication et voie de solution ». On retrouve cet effort de normaliser le national-socialisme. Spranger affirme que « "le service de travail, l’année à la campagne, le combat compétitif au travail" » (cf. Ortmeyer, 2010, 400) sont aussi possibles dans une démocratie, signalant ensuite l’abus15 national-socialiste de la jeunesse. Ortmeyer est, en principe, d’accord qu’il traite ici d’un vrai problème, mais il interroge le présupposé de Spranger que l’homme appartient à l’Église et à l’État (cf. 2010, 400). Spranger signale aussi l’abus de la population allemande toute entière si bien que « les soldats allemands "devaient protéger le sol natal avec leur propre sang, mais en définitive, mais ils ne devaient même pas gagner" » (Ortmeyer, 2010, 401). Cet énoncé est, selon l’auteur, encore préliminaire ; « le véritable discours de défense » commence ainsi :

  • 16 Comme Ortmeyer le rappelle, le fait que des étrangers ont jugé les Allemands a contribué lourdement (...)

« "La faute qui pèse sur nous a été suffisamment répétée, et cela non seulement par l’étranger.16 Pour autant, même à l’étranger, on devait, pour une fois, s’ouvrir au sentiment de compréhension pour ce qu’un peuple au rang si élevé a été conduit dans une telle situation sans issue" ; Par la suite, Spranger explicite cette "situation sans issue" à l’exemple de la SS. » (Ortmeyer, 2010, 401)

  • 17 Seulement après Stalingrad ; avant, rentrer dans la SS a été présenté comme un privilège et précédé (...)

12L’auteur critique notamment que Spranger insiste trop sur l’obligation de devenir membre de la SS17 et ne dit pas un seul mot sur les milliers qui ont résisté et ont alors témoigné du fait que la situation n’a jamais été sans issue. La défense de Spranger prend un ton pathétique : ce qui se passe en 1946, serait alors un « "auto déchirement du peuple allemand" » qui méconnait que le national-socialisme avait conduit à une guerre qui a été « "le plus grand suicide d’un peuple que l’histoire n’a jamais vu" » (Ortmeyer, 2010, 401). Il insiste sur le fait que le peuple allemand a été mené avec le bâton, et ne dit mot « sur l’autre côté de la question, (…) la carotte qui consistait dans l’aryanisation et les richesses gagnées par la guerre, ce qui a lié des larges pans de la population au régime » (Ortmeyer, 2010, 401) et en conclut que l’occultation de ce coté, « devient apologie » (2010, 402).

Conclusion

  • 18 Cette citation résume aussi l’attitude d’un pan grandissant de la population allemande dans ces ann (...)

13Il semble impossible d’ébranler le prestige d’Eduard Spranger qui, rappelons-le, n’a jamais adhéré au NSDAP. Toutefois, vu le dispositif « victimaire » que nous avons restitué dans ce présent article, il n’y a aucune ambigüité. Spranger a défendu l’Allemagne avant la prise du pouvoir de Hitler et a continué à la dédouaner après la défaite du Reich. Sa conception de la relation entre l’homme et l’État est hautement problématique, comme le souligne Ortmeyer à juste titre, allant jusqu’à mettre en question le sérieux de son renvoi au religieux. Nous ne pouvons pas décider sur la foi de Spranger, mais nous pouvons affirmer que ses textes entérinent une instrumentalisation du langage religieux au service du pangermanisme et c’est sur ce point que nous pouvons conclure.
Ainsi, il dit dans son discours « Éthique du bien-être social et éthique du sacrifice dans les décisions du monde contemporain » à la fête de la fondation de l’Empire à Berlin le 18 janvier 1930 : « "Le guerrier qui sacrifie l’existence, ne le fait pas pour la guerre et pour le simple sacrifice, mais : ‘L’Allemagne doit vivre, même si nous devons mourir’" » (cf. Ortmeyer, 2010, 101sq).18 Sa détermination est confirmée dans un de ses derniers textes, L’éducateur né, paru en 1958 et dédié à son ami Carl Diem (1882-1962), le guide du sport du Reich. Ortmeyer souligne que Spranger peint l’éducateur né comme « "une sorte de magicien et d’enchanteur" » et cite le passage qui, selon lui, résume cette approche mythique, mettant en réseau l’âme individuelle, l’éthos du peuple et un esprit supra-historique :

« De la structure de la vie de l’esprit suit qu’une éducation qui veut correctement mettre en œuvre le mécanisme de réglage de l’homme en devenir perce seulement à travers les communautés et les institutions afin de pouvoir conduire la frappe proprement dit dans l’âme de l’individu. » (Ortmeyer, 2010, 406)

14Afin que « "cette frappe pédagogique dans le cœur" » réussisse, il faut présupposer un « "sentiment populaire saine" », la conséquence d’« "un ethos du peuple" » et « "des forces spirituelles supra-individuelles" », ce que Spranger explique en 1958 en renvoyant à ses textes de la période nazie … (cf. Ortmeyer, 2010, 406sq). Redéployant l’éros platonicien aux fins de sa magie, Spranger développe une conception de l’éducation dans laquelle tout s’enchaîne mécaniquement à partir d’un lien avec quelque chose de divin. Ortmeyer en conclut à juste titre que le dialogue scientifique avec un tel propos n’est plus possible et ne conduirait qu’à l’erreur (cf. Ortmeyer, 2010, 407).
Fontana reprend l’expression clé dans l’intitulé d’une étude et s’en explique :

« Même en 1958, cette expression de la frappe pédagogique qui perce le cœur ne lui apparait ni suspect ni problématique. De fait, il a, avec cette formule, remarquablement bien […] résumé les points nodaux de ses visions théoriques et politiques et de l’éducation nationale : l’orientation vers "l’intériorité" de l’homme ainsi que son intention d’éducation nationale, produit l’obéissance non seulement par des moyens superficiels, en implantant la "Prusse" dans la poitrine de chaque Allemand. » (2009, 15)

  • 19 Spranger renvoie toujours aux mêmes auteurs et ne donne que rarement les références exactes. La pol (...)

15Par conséquent, nous pouvons dire que la pédagogie de Spranger relève plutôt d’un dispositif mythico-magique dans lequel le pédagogue revêt la fonction du victimaire que d’une « pédagogie critique et émancipatrice » (Dietrich, 1984, 243). Le style de ses innombrables textes qui semblent continuer la pure tradition des savants allemands ne peut plus nous tromper19 :

« Finalement, la vérité politique que la réalité du système national-socialiste avait besoin de cette frappe pédagogique qui perce le cœur – entendu comme métaphore – pour la destruction de toute humanité qui conduisait des millions de jeunes hommes allemands à la participation aux crimes bestiaux et à l’indifférence. » (Fontana, 2009, 15).

16Il en tire la conclusion suivante qui résume l’enjeu de la pédagogie de Spranger :

« Ce dernier aspect violent de la métaphore de la frappe pédagogique qui perce le cœur cible la pensée véritablement critique et autonome et la vraie humanité. Elle est, au fond, une triple déclaration de guerre aux idées des Lumières et de la pédagogie critique qui déduisent leur légitimité "de l’enfant", des hommes. » (Fontana, 2009, 15 ; cf. Faye, 2005, 7-10).

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Bibliographie

Bazinek, L. (2017), « La polis d’Hannah Arendt : un paradigme d’irréalité ? », [En ligne], texto ! Volume XXII - n° 3. Coordonné par François Laurent, URL : http://www.revue-texto.net/index.php?id=3957

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Bazinek, L. (2014b) Les sciences de l’éducation au défi de l’irrationalité. La question de la conscience individuelle dans les sciences de l’éducation de 1800 à l’ère contemporaine [http://]

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Notes

1 Je remercie Corinne Benestroff, Emmanuel Faye, Marie-Louise Martinez, François Rastier et Aminata Soukhouna pour leurs conseils.

2 Cet article rejoint le projet de ce numéro par la notion d’urgence, cf. pour l’actualité de Spranger par exemple https://motivations.fr/. Au moment de la rédaction de ce présent article, il n’y a pas d’entrée en français sur la wikipédia. Par contre, l’entrée sur la valeur en comporte un petit chapitre :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Valeurs_%28psychologie%29#Spranger_%281922%29. Il y a deux références dans le sudoc en langue française dont la deuxième est en effet la notice française d’une édition allemande, cf. :

http://www.sudoc.abes.fr//DB=2.1/SET=2/TTL=2/SHW?FRST=2. Une piste déjà dégagée est la relation entre le suisse francophone Jean Piaget (1896-1980) et Spranger (consultés le 22/07/2018).

3 Il s’inscrit donc à la suite de notre contribution « Cassirer, la critique de la confusion dans la culture comme transvaluation mythico-magique » (cf. Martinez et Bazinek 2018).

4 Par conséquent, ces textes sont caractérisés par l’évacuation systématique de la réflexion en faveur des assertions qui consolident les présupposés de cette vision du monde.

5 Je ne traite pas la « deuxième faute de l’Allemagne », discutée vivement dans l’après-1945.

6 Cf. : https://academic.oup.com/ahr/article-abstract/23/1/164/37614?redirectedFrom=fulltext (consulté le 22/07/2018).

7 Schmitt a été un des principaux experts de ce dispositif victimaire, cf. ma contribution « La querelle autour de la légitimité des temps modernes : à propos de la Correspondance Schmitt - Blumenberg » (Colloque « Le créateur et son critique : débats épistolaires et diffusion », Université de Rouen ; sous presse).

8 Cf. l’introduction de Jean-Jacques Chevallier (1900-1983) à la correspondance entre Alexis de Tocqueville (1805-1859) et Gobineau dans (Tocqueville, 1959, 9-35).

9 Pour autant, on ne peut pas en déduire sa pseudo législation, l’élément qui cache le plus l’iniquité de ses institutions.

10 Notons au passage que le mot « total » et l’expression « guerre totale » font partie du vocabulaire usuel de Spranger.

11 Morat décrit de manière détaillée l’enchaînement des événements et la réaction des cercles révisionnistes (colloques, conférences, projets éditoriaux etc.), cf. (2007).

12 Je me suis déjà exprimée à cet égard dans une étude consacrée à Arendt (cf. Bazinek, 2017, 1).

13 Force est de souligner que cette distinction est pernicieuse. Sur la base des recherches très récentes et toujours en cours, on peut déjà dire qui l’« hitlérisme » se distingue du « national-socialisme » en ce qu’il est une application conséquente du principe de guide. Issu d’une redéfinition de la pédagogie, il s’agit ici pourtant d’un principe national-socialiste !

14 Le corolaire du bouc émissaire dans ce schéma.

15 « Sacrilège » dans son vocabulaire pseudo-religieux.

16 Comme Ortmeyer le rappelle, le fait que des étrangers ont jugé les Allemands a contribué lourdement à nourrir ce climat « victimaire » (cf. 2010, 400, note 1317).

17 Seulement après Stalingrad ; avant, rentrer dans la SS a été présenté comme un privilège et précédé par toute sorte de concours. Spranger, membre du Stahlhelm et engagé dans la formation des militaires, ne le savait que trop bien.

18 Cette citation résume aussi l’attitude d’un pan grandissant de la population allemande dans ces années. Pour autant, une minorité seulement a perçu déjà dans ces années qu’une partie de ces auteurs soutient une implacable doctrine raciale.

19 Spranger renvoie toujours aux mêmes auteurs et ne donne que rarement les références exactes. La polémique avec ses contemporains prévaut aux restitutions exactes des positions historiques. Par conséquent, le vernis savant de ses textes, articulé exclusivement autour de l’éthos du peuple, ne résiste pas à une lecture critique.

20 Document téléchargeable à l’adresse suivante :

https://forschungsstelle.files.wordpress.com/2012/06/ortmeyer_forschungsbericht_sprangerunddienszeit.pdf

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Pour citer cet article

Référence électronique

Leonore Bazinek, « « Situation sans issue » ? »Recherches & éducations [En ligne], 20 | octobre 2019, mis en ligne le , consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/rechercheseducations/7628 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rechercheseducations.7628

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Auteur

Leonore Bazinek

Université de Rouen Normandie, laboratoire ERIAC EA 4705

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Droits d’auteur

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