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Dossier
L'interminable débat autour du sens: quelques approches critiques

La décision laïque

Nicolas Piqué

Résumés

Les analyses de la laïcité sont trop souvent inscrites dans une alternative entre défense d’un sens universel et critique d’un instrument de domination. Cet article se propose de dépasser ce schématisme en défendant la thèse d’une approche alternative : comprendre la laïcité implique de mobiliser les notions de régime (F. Hartog) et de décision (C. Castoriadis) pour en repenser le statut épistémique. On pourra alors en saisir la consistance théorique relative, que l’on qualifiera de républicanisme. Une telle analyse ne conduit toutefois nullement à dissoudre le sens de cette notion ; elle permet d’en saisir tout à la fois la singularité et la force.

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Texte intégral

  • 1 La chose n’est souvent pas difficile ; que l’on songe à certains, au sein de la droite conservatric (...)
  • 2 C. Kintzler, par exemple, propose une telle déduction dans Kintzler 2007. Les analyses qui vont sui (...)

1La laïcité se trouve être l’objet d’appréciations diamétralement opposées dans la sphère médiatique et politique. Considérée par les uns comme un principe architectonique du vivre-ensemble, plus encore dans sa version républicaine, assimilée même parfois à une valeur fondamentale, considérée comme universelle, elle est, à l’inverse, critiquée comme vecteur de domination, outil d’exclusion par d’autres. D’année en année les oppositions se tranchent, traversant même les clivages politiques. Les attentats contre Charlie Hebdo en janvier 2015 ont participé de cette radicalisation du débat, mais le sujet était redevenu sensible en France depuis la fin des années 1980, en particulier à partir de l’affaire dite « des foulards » lorsqu’à la rentrée scolaire 1989 deux collégiennes ont voulu garder en classe, pour des raisons religieuses, leur foulard.
Un tel constat ne se limite pas aux joutes politiques. Les débats tranchés concernant la laïcité se retrouvent également dans le champ académique, repris sur des fondements peut-être plus consistants1. Comme l’objet de cet article n’est pas d’en retracer l’histoire ou d’en analyser les composantes, on se contentera d’en caractériser deux positions. D’un côté la tentative d’une déduction de la laïcité, considérée alors comme une position philosophique universelle, analysable d’un point de vue idéel au-delà de toute vicissitude historique quant à son avènement et/ou à sa dynamique présente2. De l’autre la laïcité est conceptuellement dévitalisée, pour n’être plus comprise que comme instrument de domination et d’exclusion dont seraient victimes principalement les citoyens musulmans.
Les analyses qui vont suivre résultent d’une insatisfaction à l’égard d’une telle alternative. La laïcité n’est pas plus objet d’une déduction rationnelle (susceptible à ce titre d’une évaluation autant universalisante qu’anhistorique) qu’elle ne saurait être réduite à un vecteur de domination univoque (lui déniant de ce fait toute cohérence et signification autre qu’excluante). L’hypothèse peut se préciser. L’enjeu de la critique de cette opposition trop figée tient au statut de la laïcité ; c’est en le précisant, par le biais des notions de régime et de décision, qu’il sera possible de rendre compte du caractère historique de la laïcité (à la fois liée à un contexte, en l’occurrence français, révolutionnaire et républicain, et fruit d’une dynamique) sans pour autant lui dénier une consistance que l’on qualifiera de républicaine. Dans cette perspective, et à plusieurs reprises, il sera fait référence à l’œuvre de Cornelius Castoriadis. Il ne s’agira pas d’une référence strictement doxographique (aucune référence substantielle directe dans ses textes à la laïcité française, encore moins à sa défense), mais plutôt d’une ressource heuristique, la notion d’institution, cardinale chez lui, permettant singulièrement de penser et d‘articuler histoire et sens.

Institution et régime

  • 3 Cette décision (à comprendre comme processus non uniquement individuel d’institutionnalisation du s (...)

2Il en va donc du statut de la laïcité. De son statut épistémologique en quelque sorte, lequel ne relève ni directement d’une logique abstraite conceptuelle, ni inversement uniquement d’un dispositif de contrôle sans consistance théorique autre que négative. La laïcité a un statut intermédiaire, hybride à la vue de cette opposition binaire.
Posons, pour commencer, la thèse suivante. Il va s’agir de penser la laïcité comme un principe à la fois non universel (car dépendant d’une histoire singulière, s’inscrivant dans des circonstances inévitablement particulières, relevant aussi de choix politiques institués au long de cette histoire) mais cependant relativement consistant, s’inscrivant dans un cadre politique et idéologique, comme peuvent l’être les institutions politiques et sociales régissant toute société. Penser la laïcité dans ce cadre conduit alors à mobiliser les notions de décision, d’institution d’une part, la notion de régime d’autre part.
La décision, ou l’institution, parce qu’aucune institution social-historique n’existe en dehors d’un cadre symbolique, qui se manifeste aussi dans des effets pratiques et concrets. Une société ne peut exister que par le biais de l’institution de cadres permettant de donner du sens, d’instaurer des relations entre les personnes sur un mode prescriptif et pratique. Une société n’existe que par ces dispositifs symboliques sans lesquels aucune unité ne pourrait subsister, sans lesquels aucune vie sociale régulée ne serait possible, sans lesquels la vie sociale ne relèverait que d’un chaos instable regroupant une masse informe de monades. Une telle institution se fait évidemment dans le temps, dans une addition plus ou moins cohérente d’héritages et d’inventions dont la consistance n’est jamais totalement harmonieuse ni totalement prégnante. Dans cette perspective il convient de souligner ou de rappeler que la réalité, au moins social-historique, n’existe pas en soi ; elle résulte toujours d’une « décision ontologique » (Castoriadis 1977-a, p. 392)3. Décision, institution sont les notions les plus à même de fournir les moyens de penser et décrire les sociétés humaines, dont aucune par conséquent ne peut se prévaloir d’une supériorité sur les autres.
Pour autant une telle approche, critique à l’égard de toute approche universalisante, ne conduit pas nécessairement à priver la laïcité de toute consistance. Car chaque institution social-historique possède une forme d’unité garantissant sa pérennité. Une forme : une institution social-historique n’est jamais définitive, assurée, grâce à son éminence et/ou sa supériorité naturelle, de pouvoir subsister éternellement. L’éternité, l’universalité relèvent d’un autre paradigme que celui de l’institution humaine. Et pourtant chacune des institutions social-historiques possède bien une forme (symbolique, pratique) qui lui est propre, et qui assure son inscription (limitée donc) dans le temps et l’espace. La notion de régime vise à rendre compte de cette forme d’unité, une forme dynamique et fragile d’unité, on y reviendra.
Il convient donc d’essayer de penser en même temps deux registres de questions, deux types de problème. Castoriadis présente ce double questionnement ainsi : « Deux questions fondamentales surgissent dans le domaine social-historique. Premièrement, qu’est-ce qui tient une société ensemble ? […] Deuxièmement, qu’est-ce qui fait surgir des formes de sociétés autres et nouvelles ? » (Castoriadis 1977-b, p. 222). On ne retiendra de la deuxième question, par ailleurs essentielle pour Castoriadis, que l’attention au caractère historique, et donc relatif, de toute institution social-historique. Aucune société, au-delà de ses prétentions bien sûr, n’a jamais pu échapper à cette inscription historique particularisante, l’inscrivant dans une historicité indépassable. Ce qui ne doit pas interdire de penser le caractère cependant relativement consistant des significations qu’elle instaure.
Reconnaître le caractère institué des significations sociales ne doit en effet pas conduire à nier à ces dernières une consistance que l’on pourrait qualifier de régionale ou d’épocale. Chaque société produit, institue les significations imaginaires qui lui sont et seront propres ; elle le fait parfois explicitement, dans un cadre politique manifeste (que l’on pense aux époques révolutionnaires, qui s’accompagnent de proclamations et de déclarations instaurant de nouveaux champs d’action et de pensée), parfois aussi de manière plus insaisissable, diffuse et processuelle mais non moins efficiente. La notion, déjà mentionnée, de régime cherche à rendre compte de cela.
Ici encore une référence à Castoriadis permettra d’en préciser l’enjeu. Ce dernier, pour caractériser les modalités d’institution des significations imaginaires sociales, fait référence à la notion de legein : « le legein (distinguer-choisir-poser-rassembler-compter-dire) est la dimension ensemblisante du représenter/dire social » (Castoriadis, 1999, p. 351). Chaque société ne peut manquer d’instaurer un ensemble de distinctions, d’oppositions rendant possible l’institution du sens, passant par une série dynamique de partages. La notion de régime, qui peut en rendre compte, est quant à elle employée par F. Hartog pour analyser le caractère complexe du rapport collectif au temps historique noué par les différentes sociétés humaines (Hartog 2003 et Hartog 2009). On peut retenir de la notion de régime la pluralité (il n’y a jamais un seul régime, mais toujours plusieurs, fonction des circonstances auxquelles chacun répond ; le régime est également en lui-même pluriel, articulant ses composantes), la dynamique (le régime permet et rend possible le mouvement en s’adaptant aux conjonctures particulières, à la fois produit des ces conjonctures et producteur d’effets) et les effets (le régime est un dispositif articulant ses éléments pour produire des effets, pour rendre possible quelque chose). Penser selon le mode ou le schème du régime conduit à penser la réalité sur le mode de l’avènement, de l’émergence en essayant de rendre compte du lien entre mode d’émergence et logique des effets. Analyser la laïcité comme régime conduit donc à la détailler en fonction de la réalité social-historique à partir de laquelle elle émerge tout en repérant les effets de partage qu’elle produit. Partage plutôt qu’exclusion (E. Balibar 2012 utilise cette notion, pensée de manière critique comme résultat et sens de la laïcité) donc, tant ce dernier terme laisse supposer l’espoir normatif et prescriptif d’un dépassement ; partage, opération inévitable consistant à réguler le partage-mise en commun de représentations, mais partage-distinction aussi que produisent les représentations social-historiques, enjeu que souligne la notion castoriadienne de legein.
La laïcité représente donc l’un des éléments structurant le régime propre à notre société. Il convient certainement encore de souligner : l’un des éléments d’un régime possible, nullement le seul d’un régime exclusif. La laïcité participe ce faisant d’un ensemble de partages sur lesquels repose l’institution social-historique singulière au sein de laquelle nous vivons.
Deux remarques pour terminer cette analyse du cadre théorique. La première ne fera que mentionner ses présupposés ontologiques, l’importance et le sens des notions d’institution, de décision et de régime étant particulièrement prégnants dans le cadre d’une ontologie chaotique. Penser l’être comme chaos, à l’opposé donc d’une ontologie naturaliste, impose particulièrement de penser les conditions permettant à la réalité social-historique de s’inscrire dans le temps. La deuxième tient au caractère institué et donc relatif et dynamique du régime de partage. Ce qui a été institué peut évidemment être désinstitué et abandonné, non pas au nom de la réalité ou d’une logique transcendante, mais par le biais d’une nouvelle décision.
À partir de cette hypothèse, les analyses à suivre se proposent de saisir deux registres du régime laïque, faisant intervenir deux temporalités distinctes. La première est profonde, relevant davantage d’un registre ou d’un ordre anthropologique et religieux souterrain articulant visible et invisible au sein d’un régime de visibilité ; le second sera politique, liant de façon singulière individu et collectif dans une décision politique (en l’occurrence républicaine) dont on précisera un trait chronologique et une caractéristique fondamentale.

Laïcité et régime de visibilité

  • 4 Dans De la liberté du chrétien [1520], à partir d’un commentaire de citations de Paul, Luther va op (...)
  • 5 C’est dans l’Institution de la religion chrétienne [1560] que Calvin redéfinit ces deux institution (...)
  • 6 Dans les Trois discours sur la condition des Grands [vers 1660] Pascal pose la nécessité de la dist (...)

3Commençons donc par la longue durée, renvoyant à des attendus religieux et anthropologiques.
La laïcité, depuis son apparition législative en France à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème, concerne les statuts du visible et de l’individu. Elle participe en fait, sur le long terme, de l’instauration d’un nouveau régime social de visibilité, régime inévitablement et indéniablement singulier, dont les origines peuvent être trouvées aux 16ème et 17ème siècles (Piqué 2009 en précise les détails). L’un des intérêts heuristiques de la notion de régime consiste précisément à circonscrire les liens entre différents champs pour mettre en évidence leurs effets. Le propre d’un régime est de ne fonctionner que par la dynamique de ces liaisons.
Ce contexte est protestant (la redéfinition par Luther de ce qu’est la liberté du chrétien4, la redéfinition par Calvin de l’Eucharistie et de l’Eglise5), mais aussi catholique (le travail de distinction entrepris par Pascal entre grandeur d’établissement visible et grandeur naturelle invisible6, en lien avec sa conception augustinienne d’une grâce elle aussi invisible), et il contribue à changer le sens du visible. A cette époque émerge une nouvelle représentation du visible, qui n’est plus tout uniment conçu et compris comme lieu d’une épiphanie de la transcendance divine ; le visible cesse d’être signe de l’invisible transcendant. Il y a là une sécularisation du visible qui accompagne le lent avènement concomitant de l’individu, défini toujours davantage par une intériorité aussi invisible que singulière. Ce processus contribue à transformer durablement les sociétés occidentales, de manière toutefois non univoque ou exclusive. Il constitue un arrière-fond fondamental pour la laïcité, sans pour autant que l’on puisse parler de détermination. Sans chercher à étayer ici l’analyse de ce lien de façon décisive, on se contentera de souligner la parenté entre les enjeux et les termes de cette sécularisation moderne du visible et la formalisation politique en France sous le nom de laïcité. Cette dernière connaît des origines multiples (Lalouette (1997) insiste par exemple sur la libre pensée), parmi lesquelles donc aussi des conditions religieuses. Le principe d’affinité élective (Löwy 1999 et Löwy 2004) permettrait certainement mieux que celui, trop mécanique, de causalité de saisir les liens entre ce nouveau régime de visibilité et la modalité française de laïcité. S’il n’est en effet pas question de trouver dans le premier terme une cause du second (car pourquoi la laïcité française n’existe-t-elle qu’en France ?), la parenté des enjeux rapportés à la redéfinition des liens entre visible et invisible ne manque pas d’apparaître signifiante.
Dans un second temps, en contribuant à invisibiliser la religion dans la sphère publique et à la cantonner dans la sphère privée, la laïcité participe également d’une transformation de la religion. Cette dernière s’intériorise, s’individualise et s’invisibilise progressivement, y compris sous la pression politique. La laïcité s’inscrit dans ce vaste mouvement dont elle est une composante, tout à la fois résultat et cause de ce long et lent processus de sécularisation multiforme, dans une dynamique dialectique que l’on a déjà soulignée.
De ce point de vue ne voir dans la laïcité qu’une logique accusatoire à l’encontre de l’islam apparaît par conséquent au mieux réducteur et partiel, oublieux des contentieux avec le christianisme, et plus particulièrement le catholicisme à la fin du 19ème siècle. Penser la laïcité sur le mode du régime permet alors de prendre en compte la dynamique de son émergence, le poids des conjonctures, la pluralité de ses composantes, toujours en lien avec les divers champs composant la réalité d’une époque.
Au-delà de ces attendus religieux, et avant le contexte politique étudié plus loin, on peut noter combien le régime de visibilité laïque s’inscrit également dans le contexte plus large de ce que l’on peut appeler un partage du visible. Dans Naissance de la clinique, M. Foucault s’attache à détailler ce « partage » (Foucault 2009, p. VI) dans un contexte (la période post-révolutionnaire de la fin du 18ème siècle) et un champ (scientifique médical) particuliers. De nouvelles « formes de visibilité » (Foucault 2009, p. 199) participent de l’avènement d’un « invisible visible » (titre du chapitre IX), fruit d’une recomposition dans laquelle les catégories de visible et d’invisible s’articulent et se distinguent par une décision mêlant enjeux épistémologique et politique.
La notion de régime cherche à rendre compte de ces liens entre des champs concourant à instituer de nouveaux partages. Du champ médical au registre religieux, le partage du visible se met en place à chaque fois de façon historique et singulière.
Il ne saurait être question d’intégrer et de relever ces remarques dans une logique générale dont les faits historiques ne seraient que la manifestation phénoménale ; la laïcité n’est en aucun cas l’expression d’une universalité, modèle dirimant pour une humanité à venir. Une telle esquisse d’analyse du régime de visibilité que la laïcité contribue à instituer et formaliser aura permis de circonscrire son caractère singulier : sa dimension holiste (le régime articule les champs et les attendus, sans qu’il soit toutefois possible d’en présenter les liens de façon univoque et systématique ; point de logique générale des régimes, dans lesquels les champs joueraient toujours et indéfiniment le même rôle en occupant la même place) et sa dynamique historique (la laïcité apparaît en fonction d’un contexte, de circonstances complexes, dans le sens où les liens entre champs ne sont jamais unilatéraux ; ici encore apparaît la singularité du processus).
Même si les attendus religieux sont, actuellement, les plus prégnants, ils ne sont donc pas les seuls. Il convient d’en venir à l’analyse d’une autre composante du régime de laïcité, la conjoncture politique sans l’intervention de laquelle la laïcité française n’aurait pas connu les formulations qui sont les siennes.

Laïcité et régime républicain

  • 7 Par exemple dans le chapitre 3 du livre II (dans lequel Rousseau précise que « chaque citoyen n’opi (...)
  • 8 Par exemple dans les premiers chapitres du livre 4.
  • 9 La thèse de cet article cherchant à inscrire le sens de la laïcité comme effet de décisions à chaqu (...)
  • 10 On n’abordera pas ici la question de savoir si cette méfiance est justifiée ou non ; on continuera (...)
  • 11 Les difficultés de l’administration Obama à faire de la question de l’assurance maladie une questio (...)
  • 12 La notion d’instant est déterminante dans Du contrat social, en particulier aux chapitres 6 et 8 du (...)
  • 13 Chez Rousseau l’homme ne peut advenir à lui-même que par une transformation essentielle, voir Kintz (...)
  • 14 Au sens défini plus haut.
  • 15 Faut-il rappeler que ce sont les institutions républicaines et leurs représentants qui sont astrein (...)

4La laïcité est donc un opérateur en même temps qu’un symptôme. Elle résulte d’un processus en même temps qu’elle participe à la dynamique de ce processus, de sécularisation en l’occurrence. Une des caractéristiques du régime réside dans cette dialectique, pour laquelle chaque élément est en même temps effet et cause.
Cette complexité, au sens strict du terme, ne doit toutefois pas être observée comme un phénomène naturel. Elle s’inscrit, on l’a mentionné plus haut, dans le cadre d’une institution social-historique. L’ensemble des liens et réactions constituant un régime n’est pas un phénomène naturel intangible ; il s’inscrit avant tout dans une perspective historique d’institution, dont il faut aussi souligner la dimension politique, objet de l’analyse qui va suivre, occasion de circonscrire une autre caractéristique de la laïcité française.
La laïcité française s’inscrit aussi, effectivement, dans une perspective politique. Elle apparaît à partir de la Révolution française pour advenir législativement un siècle plus tard. C’est dans ce contexte républicain que l’on peut comprendre une autre dimension de la laïcité, aussi particulière que difficile à saisir et comprendre hors de ce choix politique. Circonscrire le républicanisme de nos institutions permettra de comprendre en retour la singularité de la laïcité française, cette liaison entre singularités constituant l’un des éléments importants de notre régime politique, indissociablement républicain et laïc.
Le lieu, tout à la fois théorique et pratique, de cette liaison semble tenir au mode d’articulation entre individu et collectif. Il y a bien, en effet, une prétention de la République à être davantage que la simple somme des individus qui la composent. On peut trouver différents indices pratiques et historiques ou plus théoriques de ce principe holiste. On retiendra pour commencer le vote de la loi Le Chapelier (votée en juin 1791 et interdisant les corporations), laquelle, au-delà de ses enjeux antisociaux, polarise la vie sociale dans le face-à-face de l’individu et du collectif, interdisant toute intégration particulière, partielle et partiale, intermédiaire pour faire de l’espace public le lieu d’avènement d’un corps politique irréductible aux individualités, les dépassant tout en les intégrant. Dans un registre plus théorique, les analyses de Rousseau dans Du contrat social insistent également sur cette dimension, en particulier à travers sa méfiance des corps intermédiaires. Le chapitre 3 du livre II présente la volonté générale dans sa différence avec la volonté de tous, tout en insistant sur le fait que « Il importe donc pour avoir bien l’énoncé de la volonté générale qu’il n’y ait pas de société partielle dans l’Etat » (Rousseau 1992, livre II, chapitre 3, p. 270-271). L’enjeu de la volonté générale, soit la possibilité de porter l’intérêt commun dans l’exercice de la souveraineté, commande l’attention aux dispositifs (théoriques et pratiques) permettant d’en assurer l’effectivité. Si Rousseau n’exclut pas, dans Du Contrat social, une voie cherchant à penser la rencontre, la coïncidence intérieure entre individualité et citoyenneté7, la suite de notre histoire républicaine travaillera davantage les dispositifs publics et politiques visant l’émergence de l’intérêt commun, eux aussi par ailleurs largement présents dans l’œuvre de Rousseau8.
C’est dans cette perspective que le réquisit de la singularité d’un espace public laïque peut se comprendre comme un dispositif facilitant l’émergence de cette unité d’un autre ordre, au-delà des individualités inévitablement particulières. Le holisme républicain a besoin d’un espace public singulier, plus éminent ou consistant que ne le permet la simple juxtaposition des individualités particulières. La laïcité nous invite à reconnaître en même temps qu’elle garantit la spécificité d’un tel espace public par rapport au tissu des relations particulières de l’espace privé. Cette reconnaissance s’est inscrite dans un paradigme distinguant universalisme et particularisme9, citoyenneté et croyance, espace public et espace privé, la loi de 1905 mettant en forme législativement cette séparation, ce régime de distinctions.
La méfiance française à l’égard du communautarisme10 est un autre lieu où s’articulent républicanisme et laïcité. Cette défiance doit elle aussi se comprendre comme une conséquence de l’universalisme républicain repéré plus haut. Républicanisme et laïcité requièrent la possibilité et la nécessité d’un dépassement des appartenances communautaires qui, pour n’être pas niées, sont cantonnées et renvoyées à la sphère privée. Le refus des statistiques ethniques, le statut d’une République une et indivisible renvoient à la même idée de l’importance et de la singularité de l’inscription dans l’espace public. Seule cette sorte d’éminence explique la récurrence de la question laïque (qui n’exclut pas une transformation des modalités à travers lesquelles elle se pose), récurrence parfois difficilement compréhensible de l’étranger, hors précisément de ce modèle républicain. Á l’inverse il n’est pas sûr que la défiance libérale pour le registre français de laïcité, alors présenté comme excluant et finalement intolérant au nom de son universalisme abstrait, soit l’expression a contrario d’une plus grande tolérance. Cela peut tout autant exprimer un désintérêt pour autrui vivant dans son monde parallèle, apartheid doux que la conception proprement libérale de la vie publique rend parfaitement pensable et viable.
Une comparaison, même sommaire, de ce modèle républicain avec le modèle libéral anglo-saxon, incarné dans les démocraties anglaise et américaine, irait dans le même sens. Les logiques de régulation sociale des questions de la retraite (répartition vs capitalisation), du chômage ou de la maladie11 montrent à l’envi que le partage entre public et privé n’est pas le même dans une logique républicaine et dans une logique libérale. Il s’agit bien, ici encore, d’une question de régime de partage. Il est possible de trouver dans l’opposition entre le Second Traité du Gouvernement civil de Locke et Du Contrat social de Rousseau une matrice de cette divergence. Notons simplement l’absence de la notion d’intérêt général dans le texte lockien, mais aussi l’impératif de transformation présent chez Rousseau quand, au chapitre 8 du livre I, il circonscrit « l’instant heureux qui, d’un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme ». La vie en société est le lieu d’une transformation de l’individu comme aussi membre d’un tout, le sens de la transformation concernant précisément l’enjeu holiste de cette vie sociale. Entre ces deux perspectives le mode de pensée et d’analyse de la société n’est pas le même, pas plus que les équilibres entre individu et collectif. Là où Locke tend à penser la continuité entre état de nature et état social (c’est bien la préservation des propriétés qui rend compte de l’articulation nature/société), Rousseau à l’inverse signale les « instants »12 de rupture et de reconfiguration essentielles. C. Kintzler souligne cette particularité rousseauiste13 ; on peut ajouter que le holisme requiert le schème de la transformation que la laïcité de l’espace public et plus encore de l’espace scolaire sont à leur tour censées favoriser (voir, dans Dubet (2012), le commentaire, critique par ailleurs, de ce schème scolaire dans les analyses d’E. Durkheim). L’école laïque apparaît alors comme l’espace le plus efficace et le plus approprié pour initier ce changement que facilite la clôture scolaire. On peut trouver chez E. Durkheim la présentation et l’analyse de ce que F. Dubet propose d’appeler le « programme institutionnel » (Dubet 2010, p. 21 ; voir aussi Dubet 2002) : s’y articulent, entre autres, attention à la singularité de l’espace scolaire et enjeu scolaire de conversion (M. Fabre insiste aussi sur cet aspect, voir Fabre 2010 et Fabre 2011). Le sens de la loi du 15 mars 2004, qui s’applique bien exclusivement aux élèves dans l’espace scolaire public, peut se lire comme un dispositif destiné à rendre possible l’avènement d’adultes-citoyens émancipés de la sphère privée, résultat de cette transformation à laquelle aura contribué l’école laïque.
On l’aura compris, les analyses qui précèdent ne prétendent aucunement à l’exhaustivité. Elles ne sont là que pour échantillonner, en quelque sorte, les effets de la matrice républicaine telle qu’elle a été circonscrite dans ses attendus holiste et universaliste14. Ces effets peuvent se mesurer dans les systèmes de différences et d’oppositions avec le modèle libéral, mais aussi à partir du mode d’analyse de la consistance singulière de l’espace public. Le régime républicain ne sera pas, ici, l’occasion d’un jugement prescriptif tant sa particularité ne nous intéresse, analytiquement, qu’en lien avec la laïcité, dont on a établi qu’elle requiert elle aussi, pour être comprise, une rupture qualitative analogue entre espaces public et privé. Une telle reconnaissance de la consistance de la sphère publique ne conduit pas à exiger du citoyen un comportement laïque15, mais la récurrence de la question laïque en France et sa focalisation symptomatique sur l’espace public sont bien des indices de cette forme républicaine. L’importance et l’enjeu de l’inscription dans l’espace public, et plus particulièrement encore dans l’espace scolaire, sont autant d’échos du sens singulier que prend la vie dans l’espace public dans une perspective républicaine. Le sens et la forme de la laïcité résultent de cette construction, de cette institution républicaine.
La laïcité tend en effet à instaurer un espace public d’intégration d’autant plus important qu’il est (ou est censé être) le lieu non d’une simple cohabitation, mais d’un partage et d’une dynamique, comme les remarques faites plus haut ont essayé de le montrer. Le régime républicain présuppose une vie commune plus dense que le régime libéral, lequel articule moindre densité de la sphère publique, repli personnel privé et déplacement de la frontière public/privé.
La compréhension de la laïcité française dépend du régime républicain mis en place à partir de la Révolution. La décision laïque, telle qu’on vient d’en détailler les caractéristiques, n’a de sens que dans ce cadre, en lien avec les choix politiques pris à cette époque, avec la dynamique politique alors initiée. Le lien avec le contexte politique ne relève plus alors, comme précédemment, de l’affinité élective ; il y a entre les choix républicains et la laïcité un lien plus explicite, dont les attendus politique et anthropologique sont d’importance. Ils dessinent un cadre hors duquel la laïcité dans son acception française n’aurait guère de sens. La décision laïque exprime ce régime républicain à travers la série de partages régulant son mode de vie collective.

  • 16 C’est dans un discours au Sénat, le 31 mai 1883, qu’il affirme : « Nous avons promis la neutralité (...)

5La mobilisation de la notion de régime aura permis, c’est en tout cas son ambition, une compréhension de la laïcité française dans toute sa singularité, sa dynamique et sa complexité. Singularité tant ce principe politique dans sa modalité française ne saurait prétendre à quelque universalité que ce soit. La laïcité française n’est qu’un mode d’organisation du vivre ensemble parmi d’autres, fonction de décisions, explicites ou pas, tout à la fois politique, religieuse, anthropologique. Dynamique et complexité dans la mesure où le régime laïc ne peut être compris qu’en lien avec l’ensemble des liaisons (dont certaines seulement auront été évoquées) au sein desquelles émerge historiquement la décision laïque.
La notion de décision aura été employée comme elle l’est par C. Castoriadis, pour qui elle a un enjeu fondamental, analysé chez lui en terme ontologique, on l’a déjà noté. Dans le cadre d’une critique de toute position naturaliste ou substantialiste, l’histoire ne peut être que le théâtre d’une succession de décisions relatives au sens de la réalité social-historique au sein de laquelle nous vivons. La notion de décision est le corrélat de la thèse selon laquelle l’être est toujours à être sur fond de chaos. Certaines de ces décisions sont prises de façon explicite et revendiquée, comme dans les moments politiques ; d’autres sont le fait des « collectifs anonymes » à l’œuvre dans l’histoire, et dont l’institution des langues peut être un bon exemple. Les langues, autre type de régime, sont bien des matrices de sens, à la fois instituée et instituante, fruit de décisions relatives à la conception de ce qu’est la réalité pour une société et une époque. C’est dans ce sens qu’il est possible d’utiliser la notion de décision laïque.
On a déjà souligné le caractère non irrévocable des institutions social-historiques, tout en en sondant le caractère relativement consistant. Une autre conséquence de ce choix méthodologique achèvera cette conclusion. Elle a trait à la neutralité, caractéristique souvent associée à la laïcité. Il est vrai que la laïcité comprend la neutralité religieuse. La laïcité, en ne reconnaissant aucune religion, les considère toutes de façon égale, en les inscrivant et en en garantissant même l’exercice dans l’espace privé. De ce point de vue la laïcité comprend bien la neutralité religieuse. Mais la laïcité en elle-même ne saurait être présentée comme une option neutre, politiquement ou philosophiquement ; c’est dans ce sens que J. Ferry, déjà, soulignait la différence entre neutralités religieuse et philosophique16. On a assez montré plus haut comment la laïcité dépend de divers types de décisions. La laïcité est le fruit de ces décisions, de ces institutions de sens émergeant au long d’une histoire évidemment singulière et donc jamais axiologiquement neutre, jamais indépendante des circonstances par rapport auxquelles le régime laïque s’est instauré. L’histoire est toujours fonction des circonstances, des conjonctures religieuses, politiques, économiques, culturelles dont elle résulte, qu’elle contribue aussi à façonner sans que l’on puisse prétendre y échapper au nom d’une position de surplomb ou d’un fondement prétendument neutre.
Cette première critique de la neutralité est circonstancielle, en tant que relative aux circonstances historiques. Elle ne s’attaque pas directement, de front, à ce que l’on pourrait appeler le paradigme de la neutralité, qui structure par exemple les positions de J. Rawls. Il semble possible, à partir de cette exigence présentée dans sa Théorie de la justice, de remettre en cause la laïcité française (voir Gagnon 2012 pour l’analyse d’une entreprise de ce genre par C. Taylor). Il ne saurait être question ici de prétendre à une critique exhaustive et articulée de ce paradigme. On se contentera, à partir de ce qui a été avancé précédemment, de pointer les difficultés, voire l’impossibilité de la fondation, revendiquée en raison, de cette entreprise. La prétention à la neutralité apparaît de surcroît contestable à la vue de l’hypothèse individualiste sous-tendant l’ensemble de ce type d’argumentation critique, la voie individualiste empruntée (tant épistémologiquement que politiquement) ne constituant, en aucun cas, un point de vue axiologiquement neutre.
On ne saurait donc échapper, pour ces questions, au registre de la décision, sans pour autant toutefois renoncer à en détailler les enjeux et les parti-pris ou, le cas échéant, à en défendre les acquis et le sens.

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Bibliographie

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Notes

1 La chose n’est souvent pas difficile ; que l’on songe à certains, au sein de la droite conservatrice, n’hésitant pas à se poser en défenseur de la laïcité, condition sine qua non du vivre-ensemble, tout en structurant ce dernier par des racines chrétiennes tout aussi fondamentales … Comprendra qui veut ; ou plutôt comprenons là l’exploitation totalement inconsistante, partielle et excluante de la laïcité.

2 C. Kintzler, par exemple, propose une telle déduction dans Kintzler 2007. Les analyses qui vont suivre ne prétendent toutefois nullement à une analyse de ce texte, par ailleurs éclairant quant à la spécificité conceptuelle de la laïcité, par rapport à la notion de tolérance en particulier.

3 Cette décision (à comprendre comme processus non uniquement individuel d’institutionnalisation du sens) a comme prérequis chez C. Castoriadis une autre thèse, ontologique, selon laquelle l’être est chaos (Castoriadis 1977-b, p. 219), dont il faut souligner l’enjeu antinaturaliste, on y reviendra : la réalité dans laquelle nous vivons est fondamentalement social-historique, fruit d’une décision ontologique donc, posant ce que les choses sont pour nous, ici et maintenant.

4 Dans De la liberté du chrétien [1520], à partir d’un commentaire de citations de Paul, Luther va opposer la liberté intérieure du chrétien, fondée sur la Parole de Jésus et la foi, à sa servitude extérieure. Cette distinction l’amène à une critique très sévère des cérémonies extérieures sur lesquelles Rome insiste de manière totalement indue. La foi est tout intérieure et invisible, constituant la caractéristique essentielle du croyant.

5 C’est dans l’Institution de la religion chrétienne [1560] que Calvin redéfinit ces deux institutions que sont l’Eucharistie et l’Eglise, en soulignant à chaque fois leur dimension invisible. La « petitesse » des hommes, conséquence du péché originel, nécessite certes des signes, mais ceux-ci ne révèlent pour autant aucune présence réelle, ils ne sont que des institutions humaines chargées d’accompagner la foi.

6 Dans les Trois discours sur la condition des Grands [vers 1660] Pascal pose la nécessité de la distinction entre les grandeurs d’établissements visibles, sociales ne devant susciter qu’un respect extérieur et les grandeurs naturelles invisibles suscitant, quant à elles, une estime d’un tout autre ordre.

7 Par exemple dans le chapitre 3 du livre II (dans lequel Rousseau précise que « chaque citoyen n’opine que d’après lui », Rousseau 1992, p. 271), mais aussi dans le chapitre 1 du livre IV (dans lequel il est rappelé que la volonté générale subsiste « toujours constante, inaltérable et pure » dans les cœurs, Rousseau 1992, p. 351).

8 Par exemple dans les premiers chapitres du livre 4.

9 La thèse de cet article cherchant à inscrire le sens de la laïcité comme effet de décisions à chaque fois singulières, la notion d’universalisme ne doit se comprendre ici que dans le cadre de l’opposition universalisme public/particularisme privé, désignant donc une universalité à l’échelle d’une société donnée.

10 On n’abordera pas ici la question de savoir si cette méfiance est justifiée ou non ; on continuera de s’en tenir à une logique d’analyse théorique, en-deçà de l’étude des instrumentalisations toujours menaçantes, et même avérées.

11 Les difficultés de l’administration Obama à faire de la question de l’assurance maladie une question collective en sont un symptôme frappant.

12 La notion d’instant est déterminante dans Du contrat social, en particulier aux chapitres 6 et 8 du livre I. Mais un repérage des autres occurrences de ce terme dans la suite du texte (par exemple dans les chapitres 1 et 10 du livre 3, tous les deux consacrés au gouvernement) en montrerait plus encore l’importance.

13 Chez Rousseau l’homme ne peut advenir à lui-même que par une transformation essentielle, voir Kintzler 2007 p. 37.

14 Au sens défini plus haut.

15 Faut-il rappeler que ce sont les institutions républicaines et leurs représentants qui sont astreints à cette exigence laïque ? Il est vrai que la loi du 15 mars 2004 (interdisant aux élèves le port de signes religieux ostensibles dans les écoles publiques) a (malheureusement ?) brouillé les pistes.

16 C’est dans un discours au Sénat, le 31 mai 1883, qu’il affirme : « Nous avons promis la neutralité religieuse, nous n’avons pas promis la neutralité philosophique, pas plus que la neutralité politique ».

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Pour citer cet article

Référence électronique

Nicolas Piqué, « La décision laïque »Recherches & éducations [En ligne], 21 | Février 2020, mis en ligne le , consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/rechercheseducations/8477 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rechercheseducations.8477

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Auteur

Nicolas Piqué

Université Grenoble-Alpes
Ihrim, UMR 5317 ENS Lyon

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Droits d’auteur

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