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Énoncés sans verbes et registres en traduction

Michel Ballard
p. 179-206

Résumés

Les contrastivistes ont souvent souligné le fait que phrases ou propositions sans verbe étaient caractéristiques du français par rapport à l’anglais. L’auteur de cet article propose tout d’abord de nuancer cette perception des deux langues. L’examen d’un corpus tiré de divers textes anglais permet de remarquer que les phrases sans verbe y apparaissent avec une certaine fréquence en liaison avec certains registres ; chose étrange, bien que plusieurs de ces structures soient traduisibles littéralement, il convient de noter qu’une certaine fraction d’entre elles requiert l’introduction d’un verbe en français. A l’inverse, l’examen d’un corpus de textes contenant des phrases avec verbe mène à une double observation : les traducteurs n’utilisent pas toujours la possibilité de construire une phrase sans verbe ; quand ils le font, c’est à nouveau en relation avec un certain registre, ou avec la création d’un certain registre. Même s’il est vrai que les phrases sans verbe semblent parfois une caractéristique linguistique, il convient de nuancer prudemment cette opinion en faisant intervenir la notion de registre.

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Texte intégral

1Dans son étude comparée des ponctuations française et anglaise, Points de repère, Claude Demanuelli écrit à propos du point :

L’une des différences essentielles non plus d’usage mais d’écriture entre le français et l’anglais, eu égard à l’emploi du point, réside dans le goût nettement marqué du français pour l’énoncé sans verbe. En effet, si de tels énoncés ont tendance à se généraliser aujourd’hui dans la littérature de langue anglaise (voir E. Figes, J. Carol Oates, T. Pynchon, A. Brink, etc.), il s’agit là d’un phénomène relativement récent qui jusqu’à une date tardive de l’histoire littéraire anglaise restait l’exception.
…………………………………………………………………………
Le français, au contraire, semble toujours avoir privilégié le point "stylistique", celui qui sert à détacher de la proposition principale un mot, un groupe de mots, voire une subordonnée : "On avait donné dans le Nord un grand coup de pied dans la fourmilière, et les fourmis s’en allaient. Laborieusement. Sans panique. Sans espoir. Sans désespoir. Comme par devoir". (Saint-Exupéry, Pilote de guerre)
(Demanuelli, 1987, pp. 56-57)

2A ce stade, C. Demanuelli renvoie aux auteurs du manuel Pratique du thème anglais, Monica Chariot et al., qui soutiennent un point de vue analogue :

Il est important de se rappeler l’une des principales différences stylistiques entre le français et l’anglais : le goût français de l’énoncé sans verbe. "Par goût j’aime les phrases courtes. La ponctuation permet (par le point) de se passer du verbe. Elle est souvent non une charge supplémentaire mais une ellipse évitant la répétition peu harmonique des conjonctions et autres particules syntaxiques". (Jacques Lacarrière). "Pour la prose, j’utilise beaucoup le point : classiquement, ou pour souligner, mettre en valeur, un seul adjectif, un seul adverbe, isoler le mot entre deux points". (G. Marquet) L’anglophone a, naturellement, la possibilité de s’exprimer d’une façon analogue, mais il le fait rarement. La traduction de tels énoncés lapidaires français ne peut donc se limiter à un simple calque, et il est vivement conseillé au traducteur de rétablir l’essentiel, au moins, de ce qui est sous-entendu.
(Chariot et al., 1982, p. 11)

3Les commentaires de Lacarrière et Marquet font déjà apparaître deux des fonctions possibles de l’énoncé sans verbe : l’allégement du style et la mise en relief. Les conseils des auteurs du manuel semblent indiquer que l’on ne peut préserver le même type d’énoncé en anglais.

4Hélène Chuquet et Michel Paillard traitent de ce problème dans le chapitre 6 de leur Approche linguistique des problèmes de traduction, intitulé "L’agencement syntaxique". Selon leurs propres termes, cette expression empruntée à Jacqueline Guillemin-Flescher leur sert à désigner :

l’étude des transformations syntaxiques souvent nécessaires et parfois contraignantes lors du passage d’une langue à l’autre. Il ne s’agit donc pas de simples variantes stylistiques mais, plus fondamentalement, de la stratégie propre à chaque langue dans l’orientation de l’énoncé dans son ensemble.
(Chuquet et Paillard, 1987, p. 135)

5C’est dans ce cadre qu’ils exposent la tendance mise en évidence par J. Guillemin-Flescher à "une plus grande actualisation des procès en anglais", laquelle se marque "par la présence d’un syntagme verbal en anglais là où il n’en figure pas en français", et ils donnent une série d’exemples dont voici deux aperçus :

jusqu’à une panne... (Texte 24)
until I had an accident

cet étrange petit homme, frêle et résolu à la fois (Texte 25)
This odd little man, who was both frail and determined.
(Chuquet et Paillard, 1987, p. 136)

6Outre la confirmation, en d’autres termes, de la tendance précédemment évoquée, nous avons trouvé chez Chuquet et Paillard l’indication qu’on ne pouvait véritablement dans cette étude se limiter à la phrase mais qu’il fallait y inclure, même si c’était de façon accessoire (provisoirement), la proposition.

7Etant donné l’existence de cette tendance signalée par plusieurs contrastivistes, notre propos est d’en explorer les aspects et la nature, et, en liaison avec le thème du présent volume de nous interroger de manière générale sur le bien-fondé de cette assertion : s’agit-il d’une spécificité linguistique ou de la manifestation d’un registre ? C’est-à-dire l’énoncé sans verbe est-il caractéristique du français ? Ne le rencontre-t-on pas en anglais ? avec quelle fréquence ? et dans quels types de discours ? pour exprimer quoi ? L’énoncé sans verbe apparaît dans un système linguistique comme un effet par rapport à l’énoncé canonique, et comme tel il s’inscrit dans un registre différent. Nous entendons par registre un "ensemble de traits contribuant à créer une manière de s’exprimer, une tonalité". Cette manière de s’exprimer peut se rattacher à un niveau de langue, à un type de texte, à une volonté stylistique visant à créer par rapport à la tonalité construite, élaborée et rationnelle de la phrase canonique, une tonalité plus brute, évoquant avec plus de force l’emphase ou l’affectivité. Les questions que l’on se pose au départ de cette étude sont multiples : à l’origine, il s’agit de réexaminer l’hypothèse concernant les tendances des langues : l’énoncé sans verbe est-il si caractéristique du français, et sous quelles formes apparaît-il en anglais ? Ensuite, et conjointement, il y a lieu de s’interroger quant au rattachement de cette manière de s’exprimer à un ou à des registres. Enfin il faut réfléchir sur les possibilités et les limites de transfert de cette manière de dire.

8La présente réflexion s’inscrit dans le cadre plus général d’une étude faisant intervenir les énoncés sans verbe dans les deux langues et leur devenir en traduction. Nous nous limiterons ici à l’observation de la traduction de l’anglais en français. Notre démarche sera la suivante : dans un premier temps nous exposerons la présence d’énoncés sans verbe en anglais, leur rattachement à des registres spécifiques, leurs possibilités de traduction en français ; dans un second temps nous observerons des cas de traduction où l’on passe de phrases canoniques en anglais à des énoncés sans verbe en français, et nous nous interrogerons sur le bien-fondé de ces transformations, déterminées sans doute par le respect de la dichotomie exposée en tête de cette étude.

9Il n’est pas rare de rencontrer des énoncés sans verbe en anglais même s’il est vrai qu’ils apparaissent avec une moins grande fréquence qu’en français ; et cela n’est pas seulement le fait de quelques auteurs modernes essayant d’en tirer des effets stylistiques. Comme en français, les énoncés sans verbe s’utilisent, en anglais, dans les titres et en particulier dans les titres de journaux. Il y a là une fonction commune aux deux langues qui repose sur l’utilisation de la valeur thématique de l’énoncé sans verbe (nous verrons qu’il peut aussi être rhématique) et sa capacité à créer un impact propre au titre en tant que point de départ d’un article de journal. Apparaissent ainsi les premiers traits de l’énoncé sans verbe : son caractère compact, sa force dans une rhétorique de l’interlocution. Si la fonction est a priori la même dans les deux langues, il ne semble pas toutefois qu’elle puisse être assurée avec une régularité absolue dans la correspondance d’une langue à l’autre. Les variations auxquelles les énoncés sans verbe donnent lieu en traduction révèlent, par contraste avec le calque, la manière dont ils se démarquent des énoncés canoniques :

10calque:

Amateurs and gentlemen or the cult of incompetence.
(Encounter, n° 118, July 1963)
Amateurs et gentlemen ou le culte de l’incompétence.
(Sergeant, 1991, p. 57)

11rétablissement de présentatif lorsque la phrase nominale est issue d’une phrase existentielle dont on a effacé le présentatif :

No shame in a change of career. (The Guardian, 18.1.87)
Il n’y a pas de honte à changer de carrière.

12rétablissement du verbe be/être et éventuellement réduction de l’ensemble à un verbe faisant apparaître la valeur dynamique de "be + prédicat" (voir à ce propos Ballard, 1987, pp. 161-166) :

Scotland: prosperous, confident, eager for a taste of freedom.
Prospère et confiante dans ses capacités, l’Ecosse aspire à un peu de liberté. (Sergeant, 1991, p. 25)

13Afin de prendre la mesure du phénomène dans les titres de journaux, nous l’avons observé dans un recueil bilingue, La Grande-Bretagne d’aujourd’hui à travers sa presse, qui contient trente articles de journaux traduits par Jean-Claude Sergeant.

14Sur 30 titres anglais, 17 ont la forme d’énoncés sans verbe, 13 ont un verbe, ce qui signifie que les énoncés sans verbe sont largement utilisés pour les titres de presse en anglais comme en français.

15Sur les treize énoncés avec verbe, trois sont traduits sous la forme d’énoncés sans verbe :

T. XXVI

English invasion no-one can stop.

L’irrésistible invasion de l’anglais

16(transformation en adjectif du groupe "sujet + verbe", qui est lui-même en fait une relative déterminative dont le relatif est sous-entendu).

T. XXVII

Storms set a challenge to scientists.

Les scientifiques face au défi des tempêtes.

17(renversement de point de vue : le français prend pour sujet potentiel l’animé humain ; la relation entre terme de départ et terme d’arrivée est assurée par une transformation du verbe en locution prépositive).

T. XXVIII

Glass in baked beans starts new food scare.

Nouvelle panique chez les consommateurs après la découverte d’éclats de verre dans des boîtes de haricots.

18(A nouveau, renversement de point de vue ; en français on présente d’abord le résultat : la "panique des consommateurs". La source de cette panique est présentée dans un syntagme prépositionnel introduit par "après" qui assure une relation temporelle décalée (antériorité) entre les deux faits. La préposition se substitue au sémantisme d’inchoation du verbe "starts").

19Ces traductions-transformations auraient tendance à accroître la proportion des énoncés sans verbe dans le corpus d’arrivée (en français) ; mais cet accroissement est contrebalancé par la transformation de quatre énoncés sans verbe anglais en énoncés avec verbe en français :

T. III

Scotland: prosperous, confident, eager for a taste of freedom..

 

Prospère et confiante dans ses capacités, l’Ecosse aspire à un peu de liberté 
   

T. XVII

More English, please, my lords.

De grace, My lords, utilisez davantage l’anglais.
   

T. XXI

Final whistle for thugs.

La partie est terminée pour les voyous.
   

T. XXII

Better without litter

Une ville propre, c’est tellement mieux.

20Ce qui donne dans le corpus français, traduit, une proportion de 16 énoncés sans verbe et 14 avec verbe. La différence entre les deux corpus étant presque nulle, nous pouvons dire que la proportion d’énoncés sans verbe est la même dans les deux langues dans ce registre. Pourtant, presque un quart des énoncés ne relève pas du calque en traduction :

  • trois phrases verbales anglaises voient leur élément verbal recatégorisé en adjectif ou en préposition.

  • les quatre phrases anglaises sans verbe transformées en phrases verbales en français sont des phrases adjectivales, ou du moins est-ce leur élément adjectival qui est transformé le plus souvent par l’insertion de "be/être" et l’utilisation de la valeur dynamique de "be + prédicat".

21Ces observations appellent, à nos yeux, une réflexion, que nous élaborerons à partir d’une remarque faite par Maurice Pergnier dans sa thèse, Les Fondements sociolinguistiques de la traduction, à propos du lexique :

[...] la langue effectivement réalisée ne se compose pas de toutes les formes que les systèmes phonologiques et sémiologiques sont susceptibles d’engendrer (par exemple, si le système des dérivations permet théoriquement d’engendrer en français, à partir de triste : tristesse, *tristité, *tristien, *tristable, *tristier, *intriste, etc., seul le premier est avéré dans la langue effectivement parlée).
(Pergnier, [1978] 1993, p. 175)

22Puis, il généralise et énonce la constatation suivante :

Toutes les langues, par conséquent, considérées en elles-mêmes, se présentent à la fois comme un système et comme un ensemble limité et codifié de réalisations de ce système. Comparées les unes aux autres, elles apparaissent comme autant de systèmes différents (ce qui n’exclut pas dans certains cas, des similitudes, des ressemblances, et même des points d’identité), et comme des ensembles de réalisations concrètes différentes de ces systèmes virtuellement infinis. Aucune langue ne réalise pleinement dans la parole - il s’en faut de beaucoup - les possibilités de son système.
(Ibid. [C’est nous qui soulignons])

23A la lumière de cette constatation générale, qui repose sur l’opposition entre langue et parole, une conclusion semble s’imposer à notre attention à propos des énoncés sans verbe : les systèmes des deux langues (français et anglais) permettent de construire des énoncés canoniques (avec verbes) et des énoncés sans verbes ; or l’usage (dont on ne tient pas assez compte) en parole ne réalise que certaines de ces possibilités, et la différence des réalisations constitue l’idiomaticité des langues d’un point de vue stylistique. Nous venons de voir que pour un registre donné (celui du titre d’article de journal) l’usage des deux langues coïncide pour une bonne part, mais il y a des franges de non-coïncidence, qui relèvent d’une pragmatique subtile et aussi, il faut le dire, de choix subjectifs dont il faut tenir compte dans tout effort de systématisation.

24La phrase nominale apparaît également en anglais dans le style oral, de type télégraphique :

A bell rang inside the hut. They waited, suddenly alert. A policeman said in German, "Black Opel Rekord, Federal registration".
……………………………………………………………
The policeman began his commentary. Leamas knew it by heart. "Car halts at the first control.
Only one occupant, a woman. Escorted to the Vopo hut for document check." They waited in silence.
(Le Carré, The Spy Who Came in from the Cold, [1964] 1978, p. 2)

Un timbre résonna à l’intérieur du poste. Ils attendirent, tous les sens en éveil.
— Opel Rekord noire, immatriculée en Allemagne de l’Ouest, annonça un policier en allemand.
……………………………………………………………
Le policier reprit son commentaire. Leamas le connaissait par cœur :
— La voiture s’arrête au premier point de contrôle. Un seul occupant. C’est une femme. On l’escorte jusqu’au poste des Vopos pour vérification d’identité. Ils attendirent en silence.
(Duhamel et Robillot, [1964] 1987, pp. 8-9)

25Les phrases sans verbes correspondent ici à une certaine brusquerie ou tout au moins à une certaine froideur dans la communication : on efface les présentatifs, on donne l’information sous une forme brute.

26Des variantes seraient possibles pour la traduction du premier paragraphe : "soudain sur le qui-vive, immatriculée en R.F.A." ; mais il semble impératif de conserver la transformation fondamentale du nom en participe. De même pour le second paragraphe : "un seul passager" au lieu de "un seul occupant" ; mais il serait peut-être possible de calquer la formulation anglaise, "une femme", au lieu de réintroduire le présentatif.

27Nous avons relevé dans Nineteen Eighty-Four de George Orwell une forme de discours indirect libre, très proche du style oral, donnant des indications sur le même mode télégraphique, que la traductrice a préservé :

"Then listen carefully. You’ll have to remember this. Go to Paddington Station..."
With a sort of military precision that astonished him, she outlined the route that he was to follow. A half-hour railway journey; turn left outside the station; two kilometres along the road: a gate with the top bar missing, a path across a field; a grass-grown lane; a track between bushes; a dead tree with moss on it. It was as though she had a map inside her head. "Can you remember all that?" she murmured finally.
(Orwell, Nineteen Eighty-Four, [1949] 1961, p. 95)

— Alors, écoutez-moi bien. Vous aurez à vous rappeler ceci. Allez à la gare de Paddington...
Avec une précision militaire qui étonna Winston, elle lui indiqua la route qu’il devait suivre. Un trajet en chemin de fer d’une demi-heure. Au sortir de la station, tourner à gauche. Marcher sur la route pendant deux kilomètres. Une porte dont la barre supérieure manque. Un chemin à travers champs, un sentier couvert d’herbe, un passage dans les buissons, un arbre mort couvert de mousse. C’était comme si elle avait eu une carte dans la tête.
— Pouvez-vous vous souvenir de tout cela ? murmura-t-elle à la fin. (trad. Audiberti, [1950] 1972, p. 166)

28Dans les dialogues, la phrase nominale réponse peut prendre la forme d’une phrase de type appositif :

The queue gave another jerk forward. As they halted he turned and faced Syme again. Each of them took a greasy metal tray from a pile at the edge of the counter.
"Did you go and see the prisoners hanged yesterday?" said Syme.
"I was working," said Winston indifferently. "I shall see it on the flicks, I suppose".
"
A very inadequate substitute", said Syme.
His mocking eyes roved over Winston’s face. "I know you," the eyes seemed to say, "I see through you. I know very well why you didn’t go to see those prisoners hanged."
(Ibid., p. 43)

La queue avançait d’une autre saccade. Lorsqu’elle s’arrêta, Winston se retourna encore vers Syme. Chacun d’eux préleva, dans une pile qui se trouvait au bord du comptoir, un plateau de métal graisseux.
— Etes-vous allé voir hier la pendaison des prisonniers ? demanda Syme.
— Je travaillais, répondit Winston avec indifférence. Je verrai cela au télé, je pense.
— C’est un succédané tout à fait insuffisant, dit Syme. Ses yeux moqueurs dévisageaient Winston. "Je vous connais, semblaient-ils dire. Je vous perce à jour. Je sais parfaitement pourquoi vous n’êtes pas allé voir ces prisonniers".
(Ibid., pp. 75-76)

29On remarquera, en l’occurrence, le rétablissement presque obligatoire du présentatif "c’est..." en français. Ceci étant posé, d’autres traductions faisant intervenir différemment la négation ne seraient-elles pas possibles, voire préférables : "ça ne remplace pas (la réalité, le vrai spectacle)", ou bien encore : "Ça n’est pas la même chose" ?

30Ce phénomène de rétablissement en français d’une phrase canonique dans le cadre d’une construction de type appositif, est remarquable aussi dans le style narratif, avec la réintroduction fréquente d’une forme verbale :

Winston, at normal times the kind of person who gravitates to the outer edge of any kind of scrimmage, shoved, butted, squirmed his way forward into the heart of the crowd.
(Ibid., p. 94)

Winston qui, en temps normal, était le genre d’individu qui gravite à la limite extérieure de tous les genres de bousculade, joua des coudes, de la tête, se glissa en avant au cœur de la foule.
(Ibid., p. 165)

31Toujours sur le plan syntaxique (mais dans un registre autre que l’oral), l’anglais pratique, avec la plus grande facilité, l’effacement de "be" avec son sujet dans certaines subordonnées circonstancielles, ce qui peut produire des propositions sans verbe, pour lesquelles il faut presque régulièrement rétablir le verbe en français (cf. Ballard, 1987, p. 253). Ainsi, par exemple, ce passage de Thomas Hardy:

Rhoda said she was well enough; and, indeed, though the paler of the two, there was more of the strength that endures in her well-defined features and large frame than in the soft-cheeked young woman before her.
(Th. Hardy, "The Withered Arm", [1888] 1975, p. 35)

Rhoda répondit qu’elle n’allait pas mal, et de fait, bien qu’elle fût la plus pâle des deux, ses traits nettement dessinés et sa forte charpente donnaient davantage une impression de résistance que ceux de la jeune femme au doux visage qui se trouvait devant elle. (trad. Ballard, "Le bras atrophié", 1980, p. 34)

32Autre exemple, chez Scott Fitzgerald, dans un style narratif proche de l’oral (il s’agit d’un processus de remémoration), l’utilisation de la proposition nominale "Two o’clock" surgit avec l’immédiateté d’un souvenir et d’une simple notation à l’état brut :

When I came home to West Egg that night I was afraid for a moment that my house was on fire. Two o’clock and the whole corner of the peninsula was blazing with light, which fell unreal on the shrubbery and made thin elongating glints upon the roadside wires. Turning a corner, I saw that it was Gatsby’s house, lit from tower to cellar.
(Fitzgerald, The Great Gatsby. [1926] 1963, p. 88)

33Les deux traducteurs en ont rendu compte différemment et cette différence correspond à des registres différents : Victor Llona respecte la phrase nominale et l’effet stylistique :

Quand je rentrai cette nuit-là à West Egg, je craignis un moment que ma maison ne fût en feu. Deux heures, et la pointe entière de la péninsule flamboyait d’une lueur qui tombait, irréelle, sur les fils télégraphiques. Au premier tournant, je constatai que c’était la maison de Gatsby illuminée de la tour à la cave.
(trad. Llona, [1926] 1985, p. 111)

34Michel Viel rétablit la phrase canonique et crée ainsi un style narratif plus classique :

Quand je rentrai à West Egg ce soir-là, j’eus l’impression, l’espace d’un moment, que ma maison était en feu. Il était deux heures du matin, et tout ce coin de la péninsule flamboyait d’une lumière qui tombait de manière irréelle sur les bosquets, et faisait de minces reflets allongés sur les fils télégraphiques du bord de la route. A la sortie d’un virage, je vis qu’il s’agissait de la maison de Gatsby, illuminée de la cave à la tour.
(trad. Viel, 1991, p. 77)

35Les caractéristiques déjà notées dans les extraits de The Spy ("brusquerie") et de The Great Gatsby ("semi-conscience") se trouvent réunies et portées à une utilisation dramatique maximale dans le passage suivant, de style narratif descriptif :

It was always at night — the arrests invariably happened at night. The sudden jerk out of sleep, the rough hand shaking your shoulder, the lights glaring in your eyes, the ring of hard faces round the bed.
(Orwell, Nineteen Eighty-Four, [1949] 1961, p. 19)

C’était toujours la nuit. Les arrestations avaient invariablement lieu la nuit. Il y avait le brusque sursaut du réveil, la main rude qui secoue l’épaule, les lumières qui éblouissent, le cercle de visages durs autour du lit.
(trad. Audiberti, [1950] 1972, p. 33)

36Dans ce roman de George Orwell, les phrases nominales remplissent une triple fonction :

  • décrire de façon presque intemporelle (l’élément verbal étant absent) un processus dont le caractère récurrent est souligné par les adverbes : "always" et "invariably".

  • donner des impressions brutes, telles qu’elles peuvent être vécues dans la semi-conscience de celui qui est réveillé et arrêté.

  • traduire la brutalité du traitement auquel est soumis celui qui est arrêté.

37La traductrice Amélie Audiberti rétablit le présentatif "il y avait" pour introduire la série de nominalisations, et conjugue les verbes qui sont au participe présent dans le texte anglais. Or il serait peut-être possible de préserver à l’ensemble son caractère nominal en traduisant :

le brusque réveil en sursaut, la secousse brutale d’une main sur votre épaule, la lumière aveuglante des projecteurs et, autour du lit, le cercle des visages durs.

38Il est évident que le passage à des phrases canoniques donne un registre différent où l’on perd la brusquerie du processus :

On vous réveillait en sursaut, une main rude vous secouait l’épaule, des lumières vives vous aveuglaient, autour du lit il y avait un cercle de visages durs (le lit était encerclé de visages durs).

39L’extrait suivant, de John Updike, apporte une autre illustration de cet usage de la fonction impressionniste de la phrase nominale, que l’on dit si caractéristique du français, mais qui n’est pas impossible en anglais :

Boys are playing basketball around a telephone pole with a backboard bolted to it. Legs, shouts. The scrape and snap of Keds on loose alley pebbles seems to catapult their voices high into the moist March air blue above the wires.
(Updike, Rabbit Run, [1960] 1965, p. 5)

De jeunes garçons jouent au basket-ball autour d’un poteau télégraphique auquel on a fixé un panier rudimentaire. Galopades ; des cris fusent. Le crissement des semelles sur les cailloux de l’allée semble catapulter leurs voix dans le bleu du ciel de mars, au-dessus des fils électriques.
(trad. Rosenthal, 1962, p. 9)

40II est évident, tout d’abord, que la traduction littérale au sens strict est presque impossible : "Des jambes, des cris" est étrange en français, peut-être à cause de l’hétérogénéité de cette association : partie du corps + évocation d’un bruit, plus dynamique. C’est ce qui explique sans doute le passage par la métonymie de "legs" à "galopades". Cependant le traducteur construit une phrase canonique à partir de "cris". Pourquoi ? Le calque est-il impossible ? "Galopades, cris" n’est pas acceptable pour deux raisons :

  • l’euphonie : la présence de "crissement" dans la phrase suivante crée une allitération malheureuse en français.

  • le rythme : l’énoncé anglais est constitué de deux monosyllabes (même si le second est diphtongué, sa présence en seconde position est satisfaisante) ; en français un élément de trois syllabes suivi après une pause d’un élément d’une syllabe ne crée pas un rythme satisfaisant.

41Voilà sans doute les raisons qui ont amené (d’instinct ?) le traducteur à opter pour l’allongement du rythme par la construction d’un énoncé canonique. Cependant la préservation de la nature nominale de l’énoncé n’est pas impossible si l’on change l’ordre des mots : "cris, galopades".

42Cette analyse nous amène à souligner la pertinence de notre redéfinition de l’unité de traduction (dans Ballard éd., 1993, pp. 224-261). Selon la tradition héritée de Vinay et Darbelnet, "L’unité de traduction est le plus petit segment de l’énoncé dont la cohésion des signes est telle qu’ils ne doivent pas être traduits séparément" (Vinay et Darbelnet, 1966, p. 37).

43Comme on le voit cette définition est inadéquate pour décrire la traduction de : "Legs, shouts", par "Galopades, des cris fusent" ou par "Cris, galopades". La définition de Vinay et Darbelnet est trop axée sur le texte de départ ; elle en propose un découpage comme si la traduction allait procéder de manière linéaire, par petits blocs, et surtout sans se préoccuper de l’effet de l’agencement de ces blocs dans la constitution du texte d’arrivée. Ce n’est pas tant "la cohésion des signes" "legs, shouts" qui génère leur traduction que la préservation d’un registre stylistique signalé par des formes nominales en liaison avec la musique de ces formes dans le cadre du discours français. Or ces problèmes de musique, d’effet de sens, d’effet stylistique résultant, on ne les découvre que dans l’acte de traduction, ils ne sont pas toujours prévisibles, mais il faut les intégrer dans la description de la traduction, puisqu’ils font partie du processus. Ce n’est que par la prise en compte totale du processus que l’on peut définir l’unité en tant qu’élément constituant d’un processus : lecture d’éléments formels dans le texte de départ, qui constituent ce que nous appellerons des bases ; construction du sens ; projection d’hypothèses formelles pour la constitution du texte d’arrivée, ce que nous appelons des aboutissements. La base : "legs, shouts" est caractérisée par des choix lexicaux et un choix syntaxique qui correspond à un registre impressionniste, non construit. La recherche d’une équivalence pour la construction du texte français amène à émettre des hypothèses d’aboutissements où s’impose le glissement métonymique de "legs" à "galopades" et où la préservation de l’ordre des mots génère une rupture de registre (passage à la phrase canonique). Le registre ne sera préservé que par une interversion des termes qui satisfait au rythme de l’aboutissement.

44Nous examinerons maintenant l’utilisation de ce que Claude Demanuelli appelle le point stylistique et dont on dit qu’il est si caractéristique du français. Il est loin d’être absent de l’anglais.

45Le premier exemple que nous en donnerons est une phrase nominale qui est une forme de prédicat sur le texte qui la précède. La comparaison avec la traduction fait apparaître une similitude de construction dans les deux langues, ce qui rend l’effet de style traduisible (c’est l’argument développé par Mounin dans la sixième section du chapitre II des Belles Infidèles, [1955] 1994) :

At his father’s death he came into possession [...] of about two hundred pounds [...] as soon as possible he released himself from his uncongenial occupations [...] and betook himself to the metropolis.
To become a literary man, of course.
His capital lasted him nearly four years, for, not withstanding his age, he lived with painful economy.
The strangest life, of almost absolute loneliness.
(Gissing, New Grub Street, [1891] 1968, p. 88)

A la mort de son père, il entra en possession de deux cents livres environ [...] dès que possible, il se libéra de ses fonctions, peu dans ses goûts [...] et se rendit dans la capitale. Pour devenir homme de lettres, bien sûr.
Il fit durer ce capital près de quatre ans, car, malgré son âge, il pratiquait une laborieuse économie. Vie des plus étranges dans une solitude presque absolue.
(trad. Calbris et Coustillas, 1978, p. 48)

46On notera, de plus, que ce texte date de la fin du xixe siècle, ce qui prouve que le procédé du point stylistique est décelable assez tôt en anglais et que son utilisation lors du "thème" ne devrait pas être bloquée.

47Dans l’exemple suivant, il s’agit d’un complément séparé du reste du prédicat :

"Your place looks like the World’s Fair", I said.
"Does it?" he turned his eyes toward it absently. "I have been glancing into some of the rooms. Let’s go to Coney Island, old sport. In my car".
"It’s too late".
(Fitzgerald, The Great Gatsby [1926] 1963, p. 88)

"Votre maison fait penser à l’Exposition universelle !
— Ah ! oui ?" Puis tournant les yeux vers elle d’un air distrait, il dit : "Je visitais des chambres. Allons à Coney Island, vieux frère. Dans ma voiture.
— Il est trop tard". (trad. Llona [1946] 1985, p. 111)

"On se croirait à l’Exposition universelle, fis-je.
— Vraiment ?" Il tourna un regard distrait vers sa maison. "Je suis allé jeter un coup d’œil dans certaines pièces. Allons donc à Coney Island, cher ami. On prendra ma voiture.
— Il est bien trop tard". (trad. Viel, 1991, p. 77)

48Llona respecte le point stylistique, Viel utilise une phrase canonique qui est d’un effet tout aussi heureux, sans doute à cause de l’utilisation de "on", qui situe la phrase dans le registre oral.

49L’observation de ces phrases nominales anglaises et de la manière dont elles sont rendues par les traducteurs fait apparaître que, pour une proportion non négligeable d’entre elles, une forme de calque est possible mais que les traducteurs n’exploitent pas toujours cette possibilité. Le phénomène apparaît avec plus de netteté encore lorsque l’on compare deux traductions d’un même texte réalisées à plusieurs années d’intervalle. L’exemple de Fitzgerald précédemment cité, nous semble être un contre-exemple de la tendance générale, plus justement illustrée par deux traductions de nouvelles de Katherine Mansfield.

50Exemple 1:

Stanley dashed into the bedroom where Linda was lying. "Most extraordinary thing. I can’t keep a single possession to myself. They’ve made away with my stick, now!"
(Mansfield, "At the Bay", [1922] 1988, p. 32)

51L’extrait anglais offre une phrase nominale qui est une prédication sur la situation exprimée par les deux phrases suivantes :

Stanley se précipita dans la chambre où Linda était couchée.
"Voilà une chose insensée ! je n’arrive pas à conserver un seul des objets que je possède. On a fait disparaître ma canne, à présent !" (trad. Duproix, [1932] 1977, p. 217)

52Marthe Duproix utilise une phrase présentative qui place son texte dans un registre plus soutenu.

Stanley entra en coup de vent dans la chambre où Linda était couchée. "Incroyable. Pas moyen de rester en possession d’un seul de mes objets personnels. Voilà qu’on a subtilisé ma canne !"
(trad. Merle, 1988, p. 33)

53Magali Merle utilise une phrase adjectivale, plus réduite encore sur le plan formel que l’original ; ce faisant elle se situe dans le même registre et préserve davantage la vigueur et la brusquerie de cette exclamation.

54Exemple 2:

Yes, the coach was there waiting, and Beryl, leaning over the open gate, was laughing up at somebody or other just as if nothing had happened. The heartlessness of women !
(Mansfield, "At the Bay", [1922] 1988, p. 32)

55A nouveau, on a une phrase nominale exclamative, qui est cette fois une prédication sur la situation exprimée par le contexte avant.

Oui, l’omnibus était là qui attendait et Béryl, se penchant par-dessus la porte ouverte, riait, le visage levé vers quelqu’un, tout juste comme s’il n’était rien arrivé. Les femmes n’ont pas de cœur ! (trad. Duproix, [1932] 1977, p. 217)

Oui, la diligence était bien là, qui attendait, et Beryl, penchée sur le portail ouvert, riait, le visage levé vers Pierre ou Paul, comme si de rien n’était. Le sans cœur des femmes !
(trad. Merle, 1988, p. 33)

56Il est évident que Marthe Duproix, inconsciemment sans doute, mais sous influence quand même (sa traduction date de 1932), coule son texte dans le registre classique de la phrase canonique, alors même que le français offre des possibilités analogues à celles qui sont utilisées par l’auteur de langue anglaise. Toutes proportions gardées, nous touchons là à la confection des "belles infidèles" par le biais du changement de registre. Par contre, dans sa traduction qui date de 1988, Magali Merle préserve la phrase nominale : même si elle fait là un choix personnel, elle a bénéficié de la redécouverte des vertus d’une certaine "littéralité bien tempérée", selon les termes de Jean-Michel Déprats ("Traduire Shakespeare pour le théâtre ?" Palimpsestes 7, Paris, 1987, p. 63). N’avons-nous pas là une illustration flagrante, sur le plan stylistique, du principe énoncé par Meschonnic :

La notion de traduction est une notion historique. La traduction comme pratique idéologique courante (non théorisée, philologisée, esthétisée), [...] se définit par le possible d’une époque. Le possible d’une époque est la somme de ses idées reçues.
(Meschonnic, [1973] 1980, p. 321)

57Nous avons jusqu’ici procédé à un examen d’occurrences qui accréditent l’existence en anglais d’un type d’énoncé que l’on dit généralement plutôt caractéristique du français. Nous en avons fait apparaître les valeurs sous la forme d’un ensemble polysémique constituant des registres par rapport à celui de l’énoncé canonique : l’énoncé brut, sans verbe (qu’il soit tronqué, nominalisé ou sous forme de lexies en termes culioliens) s’inscrit en décalage par rapport à la construction logique, il introduit de l’affectif, de l’impressionnisme, de la vigueur, de la légèreté dans le discours. C’est une composante de l’unité de traduction, il faut tenter d’en préserver la trace. Chose étrange, les traducteurs ne semblent pas (du moins par le passé) exploiter la possibilité, sinon d’un calque, du moins d’une structure sans verbe équivalente. Ce que nous allons examiner maintenant est le phénomène inverse, à savoir que, étant donné cette tendance du discours français à utiliser davantage les énoncés sans verbe, on voit des traducteurs utiliser cette construction pour traduire des énoncés canoniques alors que le maintien de la structure canonique n’est pas impossible. Nous nous interrogerons sur ces actes de traduction : s’agit-il de tendances des discours comme le disent Chuquet et Paillard ? S’agit-il de phénomènes d’une autre nature ? S’agit-il d’options, et dans ce cas, correspondent-elles à un changement de registre ?

58Nous examinerons successivement quelques exemples de style narratif, puis surtout du style oral où se rencontre davantage encore ce type d’énoncé.

  • 1 Exemple communiqué par un collègue.

"She said that, did she?" Tom suddenly looked at me quite naively.
I nodded my head.
"We’ve both suffered", said Tom.
I nodded again. It seemed the only appropriate gesture to such monumental nonsense. (W. Cooper)1

"Ah, elle a dit ça ?" Tom m’adressa soudain un regard plein d’innocence.
Je fis un signe de tête.
"Nous avons tous les deux souffert", dit Tom.
Nouveau signe de tête. Il semblait que ce fut le seul geste approprié devant une sottise aussi monumentale. (B. Jacquin)

59Le traducteur a opté pour la nominalisation de la proposition de départ avec effacement de la référence à la personne du narrateur. Il s’agit d’un choix par rapport à la traduction littérale : "je fis un nouveau signe de tête". Il semble que la nominalisation soit ici utilisée pour éviter la répétition d’un membre de phrase et en liaison avec la suite du texte où il est question de "gesture".

60Dans l’exemple suivant, le choix du traducteur est motivé par d’autres raisons :

It was pleasant to wake up in Florence, to open the eyes upon a bright bare room, with a floor of red tiles which look clean though they are not; with a painted ceiling whereon pink griffins and blue amorini sport in a forest of yellow violins and bassoons. It was pleasant, too, to fling wide the windows, pinching the fingers in unfamiliar fastenings, to lean out into sunshine with beautiful hills and trees and marble churches opposite, and, close below, the Arno. gurgling against the embankment of the road.
(E.M. Forster, A Room with a View, [1908] 1972, p. 19)

Bonheur : s’éveiller à Florence, ouvrir les yeux sur une pièce éclatante et nue, sur le carrelage rouge si propre d’aspect bien que les carreaux ne le soient pas, sur le plafond peint où des griffons roses et de bleus amours jouent dans une forêt de violons et de bassons jaunes. Plus grand bonheur encore : ouvrir longuement ses fenêtres, se pincer les doigts dans des trucs inaccoutumés, s’accouder enfin au soleil, face à la beauté des collines, des jardins, des églises de marbre, avec juste au-dessous, l’Arno gargouillant contre le quai qui borde la route.
(trad. Mauron, [1947] 1992, p. 25)

61Nous proposons une traduction plus littérale (qui en tout cas respecte l’utilisation de la phrase canonique) afin de permettre de mieux juger de la différence d’effet :

Il était agréable de s’éveiller à Florence, d’ouvrir les yeux sur une chambre lumineuse et nue, un carrelage rouge et propre en apparence, un plafond peint sur lequel folâtrent des griffons roses et des amours bleus au milieu d’une forêt de violons et de bassons jaunes. Il était agréable, aussi, d’ouvrir toutes grandes les fenêtres, en se pinçant les doigts dans des fermetures inhabituelles, de se pencher au soleil et de découvrir, en face de soi, des collines, des arbres, des églises de marbre, tout aussi magnifiques les uns que les autres, et puis juste au-dessous, l’Arno, qui gargouillait le long des quais bordant la route.

62On peut toujours critiquer la traduction de Mauron en estimant qu’il n’est pas bon d’introduire des phrases nominales dans un texte de 1908 : cette construction est-elle déjà largement utilisée dans le roman français de la même époque ? Correspond-elle au style assez classique de Forster ? C’est ce qui pourrait justifier une traduction littérale de la structure, telle que nous la proposons. Par ailleurs, il faut reconnaître que la traduction de Mauron est séduisante ; l’utilisation de la phrase nominale (impossible en anglais sous cette forme) exprime mieux la sensualité et l’immédiateté du plaisir de cette vision matinale. En concurrence avec la formule de Charles Mauron, on a envie d’utiliser une exclamative nominale : "Quel plaisir de s’éveiller à Florence... !". Ces envies de traduire par une autre forme que celle de départ, ne sont pas des infidélités ; elles sont générées par l’objet du texte, par l’empreinte qu’il doit produire dans la matière linguistique pour être.

63Dans l’exemple suivant les deux options sont choisies respectivement par les deux traductrices.

When dear old Mrs Hay went back to town after staying with the Burnells she sent the children a doll’s house. It was so big that the carter and Pat carried it into the courtyard, and there it stayed, propped up on two wooden boxes beside the feed-room door.
(Mansfield, "The Doll’s House", [1923] 1988, p. 166)

Quand cette bonne vieille Mme Hay rentra en ville, après son séjour chez les Burnell, elle envoya aux enfants une maison de poupée. Cette maison était si grande que le charretier et Pat la portèrent dans la cour, et elle y resta, posée sur deux caisses, près de la porte de la salle à manger. (trad. Faguer, 1966, p. 423)

Quand cette chère vieille Mrs Hay retourna en ville après son séjour chez les Burnell, elle envoya aux enfants une maison de poupée. Une maison si lourde que Pat et le charretier la transportèrent dans la cour, où d’ailleurs elle resta, en équilibre sur deux caisses de bois près de la porte du hangar à provisions.
(trad. Merle, 1988, p. 167)

64En anglais, la base qui nous intéresse est une phrase canonique en "be", qui apporte une information supplémentaire sur l’objet placé en fin de propos de la phrase précédente : "a doll’s house".

65Marguerite Faguer dépronominalise le "it" mais conserve la structure canonique.

66Magali Merle ajoute à la dépronominalisation un effacement de la copule "être", ce qui donne à l’adjectif "lourde" une fonction épithète au lieu de la fonction attribut de "heavy" en anglais (et de "grande" dans la traduction de M. Faguer). Cette transformation, qui modernise indéniablement le style, est aussi un allégement bénéfique dont on peut estimer qu’il compense la dépronominalisation. Le choix lexical de "lourde" allié à la forme nominale de la proposition exprime aussi avec plus de force le poids de la maison, mais est-ce juste ? "big" nous semble bien plutôt décrire la taille de la maison.

67La traduction de Magali Merle est séduisante par sa légèreté. Et pourtant, en l’occurrence, dans ce style narratif classique, le passage à l’énoncé sans verbe ne constitue-t-il pas un changement de registre concernant le narrateur et non pas, comme dans le cas du roman de Forster (ou dans l’exemple ci-après) l’expression des sentiments d’un personnage ?

68Le style oral, en revanche, semble bien s’accommoder davantage de ce passage à des énoncés sans verbe :

Stanley dashed into the bedroom where Linda was lying. "Most extraordinary thing. I can’t keep a single possession to myself. They’ve made away with my stick, now!
(Mansfield, "At the Bay", [1922] 1988, p. 32)

Stanley se précipita dans la chambre où Linda était couchée. "Voilà une chose insensée ! Je n’arrive pas à conserver un seul des objets que je possède. On a fait disparaître ma canne, à présent !" (trad. Duproix, [1932] 1977, p. 217)

Stanley entra en coup de vent dans la chambre où Linda était couchée. "Incroyable. Pas moyen de rester en possession d’un seul de mes objets personnels. Voilà qu’on a subtilisé ma canne !"
(trad. Merle, 1988, p. 33)

69La traduction littérale de Marthe Duproix n’est certes pas impossible, mais l’option de nominalisation prise par Magali Merle introduit une force et une affectivité qui conviennent bien à ce type de discours. Cependant l’accumulation de deux phrases sans verbes est difficile à supporter en français : il ne s’agit pas simplement de notations de langage parlé. Il nous semble qu’il faut contraster le point stylistique tel qu’il est illustré par l’exemple tiré de Saint-Exupéry : "Laborieusement. Sans panique. etc." (mentionné dans notre introduction), et le style elliptique oral illustré par l’exemple, déjà cité, de J. Le Carré traduit par Duhamel et Robillot, où l’on rétablit un verbe sur deux dans deux énoncés sans verbes contigus. Le passage de Katherine Mansfield relève, en l’occurrence, du style elliptique oral. On pourrait envisager d’autres traductions tout aussi modernes dans leur registre, mais avec des formes verbales comportant des élisions :

"C’est pas croyable. On m’prend tout".
"C’est pas croyable. J’peux rien conserver".
"C’est pas croyable. J’n’ai plus rien à moi".

70Toutefois, ces phrases ont une tonalité moderne. On voit que la question du registre d’une traduction s’inscrit aussi très nettement par rapport au paramètre temporel.

71De même, dans le passage suivant, l’âge du texte de Gissing (1891) amène à se demander si, malgré le caractère séduisant de la nominalisation, on ne pourrait pas faire dire au personnage : "je ne saurais vous la décrire".

"Imagine my excitement when there came in a very beautiful girl, a tremendously interesting girl, about one-and-twenty — just the kind of girl that most strongly appeals to me, dark, pale, rather consumptive-looking, slender — no there’s no describing her; there really isn’t! You must wait till you see her."
(Gissing, New Grub Street, [1891] 1968)

"Imaginez mon émotion quand je vis entrer une très belle fille, une fille prodigieusement intéressante d’environ vingt et un ans... juste le genre de fille qui m’attire le plus ; mince, les cheveux noirs, pâle, l’air plutôt phtisique... non, pas moyen de la décrire ; vraiment pas ! Il vous faudra attendre de la voir".
(trad. Calbris et Coustillas, 1978)

72Dans cet autre passage de Katherine Mansfield, c’est l’interrogation qui donne lieu à ellipse ; et la coïncidence des deux traductions semble bien indiquer dans ce cas l’existence d’une tendance. Elle est presque régulière lorsqu’il y a des reprises par auxiliaires qui donnent souvent lieu à des traductions par des adverbes ou des interjections :

"Matilda. Matilda. Come back im-me-diately! What on earth have you got on your head? It looks like a tea-cosy. And why have you got that mane of hair on your forehead?"
"I can’t come back, Mother. I’ll be late for my lesson!"
"Come back immediately!"
She won’t. She won’t. She hates Mother.
(Mansfield, "The Wind Blows", [1920] 1988, p. 138)

"Mathilde ! Mathilde ! Reviens immédiatement ! Qu’est-ce que tu as bien pu te fourrer sur la tête ? et pourquoi cette tignasse sur ton front ?
— Je ne peux pas revenir. Maman, je serai en retard pour ma leçon.
— Reviens immédiatement".
Non, non et non ! Elle déteste sa mère.
(trad. Delamain, 1932, p. 101)

"Mathilde. Mathilde. Reviens im-mé-diatement ! Mais qu’est-ce que tu es allée te fourrer sur la tête ? On dirait un couvre-théière. Et pourquoi toute cette tignasse sur le front ?
— Je ne peux pas revenir, maman. Je serai en retard pour ma leçon.
— Reviens immédiatement".
Non, pas question. Elle déteste maman.
(trad. Merle, 1988, p. 139)

73Ailleurs, en revanche, on retrouve l’alternance : traduction littérale chez Marthe Duproix, traduction nominalisante ou elliptique chez Magali Merle, avec des effets de registre différents :

[...] and there was the splashing of big drops on large leaves, and something else — what was it? — a faint stirring and shaking, the snapping of a twig [...]
(Mansfield, "At the Bay", [1922] 1988, p. 12)

[...] on entendait le bruit de grosses gouttes éclaboussant des feuilles larges, le bruit de quelque chose encore — qu’était-ce donc ? — un vague frémissement, une secousse légère, une brindille qui se brisait [...] (trad. Duproix, [1966] 1977, p. 209)

[...] il y avait aussi le clapotement de larges gouttes sur les grandes feuilles, et autre chose encore — mais quoi ? —, un vague frémissement, une secousse ténue, le bruit sec d’une brindille qui se brise [...] (trad. Merle, 1988, p. 13)

74Deux éléments concourent chez Marthe Duproix à créer un style classique et un rythme lent (qui convient au monologue intérieur) : l’insertion de la perception par l’animé humain ("on entendait") et la préservation du verbe dans l’interrogation. Magali Merle, au contraire, préserve (sans fioriture) le "il y avait" du texte de départ et rend l’interrogation plus nerveuse par l’ellipse de l’auxiliaire "être".

75Même si les deux options sont possibles, comme dans les deux exemples qui suivent, on ne peut s’empêcher d’être séduit par les formes nominales utilisées par Magali Merle :

Linda was so astonished at the confidence of this little creature... Ah no, be sincere. That was not what she felt; [...]
(Mansfield, "At the Bay", [1922] 1988, p. 68)

Linda fut stupéfaite de la confiance de cette petite créature... Ah ! non, il fallait être sincère. Ce n’était pas de la stupéfaction qu’elle éprouvait ; (...) (trad. Duproix, [1932] 1977, p. 231)

Linda fut si médusée de l’assurance de ce petit être... Ah, non, de la sincérité. Elle n’éprouvait rien de ce genre, [...]
(trad. Merle, 1988, p. 69)

"Why can’t you eat your food properly like Isabel and Lottie?" How unfair grown-ups are!
(Mansfield, "At the Bay", [1922] 1988, p. 30)

"Pourquoi ne peux-tu pas manger convenablement, comme Isabel et Lottie ?" Que les grandes personnes sont injustes !
(trad. Duproix, [1932] 1977, p. 216)

"Pourquoi ne peux-tu pas manger convenablement, comme Isabel et Lottie ?" L’injustice des grandes personnes !
(trad. Merle, 1988, p. 31)

76On rapprochera cette dernière nominalisation de celle qui a été utilisée pour rendre le titre du roman de David Lodge The British Museum is Falling Down / La Chute du British Museum. Il semble bien que dans ce cas on se trouve confronté aux tendances des discours qui apparaissent très nettement également dans le rendu différencié de l’exclamative suivante :

But curse the fellow! He’d ruined Stanley’s bathe. What an unpractical idiot the man was!
(Mansfield, "At the Bay", [1922] 1988, p. 22)

Mais, peste soit de l’animal ! Il avait gâté le bain de Stanley. Quel idiot dénué de tout bon sens était cet homme-là !
(trad. Duproix, [1932] 1977, p. 213)

Mais maudit soit le bonhomme ! Il avait gâché le bain de Stanley. Quel lamentable idiot, ce type-là !
(trad. Merle, 1988, p. 23)

77C’est là que le littéralisme semble trouver ses limites. Il est certes possible de "forcer" le français et de construire une phrase canonique maladroite. Mais la séduction, qui fait partie du plaisir esthétique, appartient à la construction elliptique et disloquée adoptée par Magali Merle.

Conclusion

78Nous sommes parti d’une constatation faite par un certain nombre de contrastivistes et traductologues, à savoir qu’il y a davantage d’énoncés sans verbes en français qu’en anglais et que cela correspond à une "stratégie propre à chaque langue". S’il est vrai qu’il y a différence dans la constitution des discours français et anglais en ce qui concerne l’ellipse et l’usage de l’énoncé sans verbe, force est de constater, premièrement, que les différences ne sont pas toujours aussi fortes qu’on le dit, ou tout au moins aussi irréductibles ; deuxièmement, que la notion d’énoncé sans verbe (ou de proposition sans verbe) n’est pas neutre, mais se rattache à la notion de registre (style journalistique, style oral, effets de surprise, style impressionniste).

79L’objet de notre première partie a été de montrer que l’énoncé sans verbe est bel et bien présent en anglais comme en français, et qu’il y a même une coïncidence d’usage assez forte en ce qui concerne, par exemple, les titres de journaux. Chose étrange, dans les cas où, pour des raisons de registre, précisément, le texte anglais offre des énoncés sans verbes, les traducteurs n’exploitent pas toujours les possibilités du français dans ce domaine ; cette préférence pour un français plus classique avec phrases canoniques semble parfois obsolète, comme cela apparaît dans la comparaison de traductions effectuées à plusieurs décennies d’intervalle.

80Notre seconde partie a porté sur l’observation de phrases canoniques anglaises dont la transformation en phrases sans verbes en français semble possible, voire souhaitable. Elle fait davantage apparaître ce goût du français pour l’énoncé sans verbe dont parlent les contrastivistes. Le tour appartient sans doute à un registre plus moderne, mais il semble plus naturel et plus séduisant dans le registre oral, plus élégant et plus léger dans le registre écrit, où il permet également d’exprimer avec plus de force et d’immédiateté des émotions ou des impressions.

81Loin d’éteindre le texte, la traduction le réactive et lorsque la langue d’arrivée offre (comme dans le cas de certains énoncés canoniques anglais examinés dans la seconde partie) des choix qui n’existaient pas dans la langue de départ, le traducteur est alors tenté d’être pleinement co-auteur et de continuer à écrire le texte pour l’implanter plus sûrement dans la langue et la culture d’arrivée.

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Notes

1 Exemple communiqué par un collègue.

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Pour citer cet article

Référence papier

Michel Ballard, « Énoncés sans verbes et registres en traduction »Palimpsestes, 10 | 1996, 179-206.

Référence électronique

Michel Ballard, « Énoncés sans verbes et registres en traduction »Palimpsestes [En ligne], 10 | 1996, mis en ligne le 01 janvier 1996, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/palimpsestes/1518 ; DOI : https://doi.org/10.4000/palimpsestes.1518

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Auteur

Michel Ballard

Université d’Artois

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