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2020
Avril

État d’urgence sanitaire : la doctrine dans tous ses états ?

Antonin Gelblat et Laurie Marguet

Résumé

Institué par la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid 19, l’état d’urgence sanitaire a suscité un nombre exceptionnel d’analyses doctrinales. Les différents aspects de ce nouvel état d'exception ont été passés au crible : de son processus de création à ses conséquences à long terme, de son utilité au regard des régimes de crises préexistants à l’effectivité des mécanismes de contrôle parlementaire et juridictionnel dont il est assorti. La présente lettre d’actualité recense, présente et confronte ces discours doctrinaux qui se saisissent de ce nouveau régime de restriction des droits et libertés pour apprécier plus largement l’état de la Vème République elle-même.

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Texte intégral

  • 1 Article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.
  • 2 L’examen se cantonne aux propos doctrinaux publiés avant le 16 avril 2020.

1Le 23 mars 2020, le parlement a voté la loi n° 2020-290 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19. Cette loi intègre un nouveau chapitre 1bis dans le troisième titre de la troisième partie du Code de la santé publique relatif à « l’état d’urgence sanitaire ». Ce nouvel état d’urgence peut être déclaré par un décret du conseil des ministres en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population. Par dérogation à la règle de déclaration par un décret en conseil des ministres, l’article 3 de la loi du 23 mars 2020 déclare l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois1. Cette déclaration a pour conséquence principale le renforcement des prérogatives de police administrative du Premier ministre. Depuis son instauration, nombreux ont été les auteur.e.s à revenir sur la consécration législative de ce dispositif, et à s’interroger sur sa pertinence, sa nécessité, et, surtout, son encadrement. Face à la profusion de commentaires2, il n’apparaît pas inutile de chercher à faire le point sur les différents arguments invoqués tant pour critiquer que pour défendre le dispositif mis en place. Recenser, de manière non exhaustive, ces abondantes analyses permettent d’interroger à la fois les éventuels apports de l’état d’urgence sanitaire par rapport au cadre juridique existant (I) et ses mécanismes de contrôle (II).

I/- Le régime de l’état d’urgence sanitaire en débats : La délivrance d’un « bon pour pouvoir » ?

2« Fallait-il créer un état d’urgence sanitaire ? » Cette question semble avoir beaucoup agité la doctrine française. Nombre d’auteur.e.s se sont en effet prononcés sur la pertinence politique de l’état d’urgence sanitaire, sur sa nécessité constitutionnelle ou sur son utilité administrative. Dans ces différents commentaires, une interrogation revient de manière quasi systématique : le cadre juridique actuel (constitutionnel, législatif, voire prétorien) était-il insuffisant pour que les gouvernants puissent correctement gérer la crise sanitaire actuelle ? (A) Et tandis que la réponse apparaît dans la majorité de ces commentaires comme plutôt négative, une seconde interrogation surgit : si aucune nécessité juridique ne poussait le Gouvernement à instaurer un état d’urgence sanitaire, quelles peuvent bien être, alors, ses finalités ? (B).

A/- La nécessité d’un nouveau régime d’exception

  • 3 Même ceux qui sont favorables à la loi, concèdent que le nouveau régime n’était pas, sur le plan ju (...)

3Assez consensuellement, la majorité des analyses considèrent que le droit français comprenait déjà les outils juridiques nécessaires à la gestion de la crise3, sans qu’il soit indispensable de créer un nouveau régime d’exception (1). Mais les critiques relatives aux fondements incertains des mesures prises par le Gouvernement servent de prétexte idéal à l’instauration d’un état d’urgence inédit (2).

1/- Le consensus quant à la possibilité de fonder légalement les mesures de police administrative adoptées antérieurement à la loi du 23 mars 2020

4Les fondements des mesures prises, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle locale, avant la loi du 23 mars 2020, ont été jugés incertains, voire illégaux par une partie de la doctrine4. Cependant, bien que débattues, ces mesures sont, à notre connaissance, unanimement considérées comme insusceptibles de remise en cause car a minima justifiées par la théorie des circonstances exceptionnelles. Certes, les opinions semblent disparates quant à la nature et aux effets de cette théorie : peut-elle jouer a priori5 ou ne peut-elle être envisagée que comme une rectification a posteriori de mesures initialement illégales6 ? Une théorie jurisprudentielle peut-elle légitimement fonder des mesures aussi restrictives des libertés individuelles que celles prises par le Gouvernement7 ? Malgré ces interrogations, les auteur.e.s s’entendent sur le potentiel validateur de cette construction jurisprudentielle. Il faut ajouter que, sans minimiser l’importance théorique des nombreux débats relatifs aux fondements des mesures d’urgence sanitaire prises avant la loi du 23 mars 2020, leur validité ne craignait vraisemblablement aucune remise en question par le Conseil d’État. Ce dernier n’a d’ailleurs pas été saisi de la question de leur validité. À l’échelle locale, il est vrai que les risques d’invalidation de certaines mesures dont les fondements étaient, là encore, discutés8, apparaissent quelque peu supérieurs à ceux qui concernent les mesures prises à l’échelle nationale. Un arrêté municipal qui instaurait, en dépit de toutes circonstances locales spécifiques, un couvre-feu a d’ailleurs été invalidé le 31 mars 20209. Cela étant, certains auteur.e.s considèrent ces risques comme relativement minimes au vu du contexte10. En ce sens, notons que non seulement la décision mentionnée apparaît comme relativement isolée mais plus encore l’arrêté est invalidé en raison de l’absence de proportionnalité de la mesure locale et non en raison d’un défaut de base légale.

5On l’a dit, tous s’accordent sur le fait que la théorie des circonstances exceptionnelles aurait permis (a minima a posteriori) de valider les mesures prises. Les analyses doctrinales admettent donc assez consensuellement que le Gouvernement disposait déjà des outils nécessaires à la gestion de la crise sanitaire, sans qu’un nouveau régime d’exception, « faussement novateur »11 ne soit nécessaire. Certaines analyses mentionnent également la possibilité qu’aurait eu le parlement de modifier, à la marge, l’article L. 3131-1 CSP pour l’adapter à la crise du coronavirus, en précisant la nature des mesures possibles12. D’autres notent cependant que les débats publics n’ont pas abordé cette question, se concentrant « sur l’opportunité de déclencher ou bien l’article 16 de la Constitution ou bien l’état d’urgence de la loi du 3 avril 1955 »13. Certains estiment que la crise sanitaire aurait en effet pu être qualifiée de « calamité publique » - situation prévue par la loi de 1955 - pour permettre de déclarer l’état d’urgence « sécuritaire »14. Là encore, une nouvelle loi aurait pu modifier, à la marge, la loi de 1955 pour l’adapter à la présente situation. Enfin, la mise en œuvre de l’article 16, qui accorde les pleins pouvoirs au Président de la République, a même été envisagée pour permettre notamment le report du second tour des élections municipales15. Cette solution est toutefois peu consensuelle16 tant au regard des conditions de mise en œuvre fixées par l’article (inadaptées, selon certains auteurs, pour activer ce dispositif17) que de ses effets jugés disproportionnés au regard de la situation. Par ailleurs, certains auteurs prônent la constitutionnalisation d’un cadre commun aux régimes d’exception18 ou la constitutionnalisation d’un régime civil d’exception19.

6Certes, les observateurs s’accordent sur l’absence de nécessité juridique d’instaurer un nouveau régime d’exception, mais ils ne s’entendent pas sur le fondement le plus adéquat aux mesures d’urgence sanitaire.

2/- Le dissensus quant aux fondements légaux les mieux appropriés aux mesures adoptées antérieurement à la loi du 23 mars 2020

7Certaines analyses doctrinales critiquent les mesures prises par le Gouvernement avant la loi du 23 mars 2020 en raison de leurs fondements incertains. C’est en particulier la question de la coordination entre les compétences de police administrative générale du Premier ministre (sur le fondement, selon les auteurs, de l’article 37 de la Constitution20, de l’article 21 de la Constitution21, de la jurisprudence Labonne de 1919 du Conseil d’État22 et23/ou24 la théorie des circonstances exceptionnelles25) et celles de police administrative spéciale (i.e de police sanitaire) du ministre de la Santé (sur le fondement de l’article L. 3131-1 CSP) qui est largement discutée. C’est en particulier le décret du 16 mars 2020 – qui organise le confinement généralisé de la population – qui est débattu car il est fondé sur l’article L. 3131-1 CSP – qui n’habilite que le ministre de la Santé à agir alors même qu’il est pris par le Premier ministre. Il est jugé illégal par certains auteurs26, qu’il s’agisse pour eux de mettre en lumière le caractère désordonné et incohérent de l’action gouvernementale27 ou les faiblesses normatives de l’article L. 3131-1 CSP28. Plus largement, c’est l’articulation floue entre les pouvoirs de police du ministre de la Santé et ceux du Premier ministre qui soulèvent des interrogations doctrinales : le ministre de la Santé peut-il valablement détenir de tels pouvoirs au regard d’une disposition législative non contrôlée par le Conseil constitutionnel29 ? Son imprécision ne la rend-elle pas inconstitutionnelle30 ? Peut-il valablement décider de la fermeture des écoles ou des escales des navires31 ? Ses services sont-ils réellement outillés pour gérer une telle crise32 ? Tandis que certains critiquent l’absence de pouvoir monopolistique du Premier ministre33 pour gérer cette crise, d’autres considèrent au contraire que le décret du 16 mars 2020 aurait dû être pris par le ministre de la Santé34.

8Par ailleurs, la question de l’articulation entre les compétences de police administrative nationale et locale a également été soulevée par une partie de la doctrine, alors que les préfets comme les maires mettaient largement en œuvre leur pouvoir de police pour tenter d’endiguer l’épidémie35, et ce, dès avant, le premier arrêté ministériel du 4 mars 202036. Certains auteurs considèrent que beaucoup de ces mesures durcissent fortement, en l’absence pourtant de circonstances locales spécifiques37, les restrictions envisagées par le Gouvernement à l’échelle nationale38. En outre, les fondements de certains arrêtés préfectoraux ou municipaux sont critiqués : certains ne se référent même pas aux arrêtés pris par le ministre de la Santé, lequel n’a, par ailleurs, pas pris la peine d’habiliter – comme l’exige pourtant l’article L. 3131-1 CPS – les préfets à agir39. D’autres ne se fondent que sur l’urgence40 ou sur l’article L. 2215-1 CGCT41. Sur ce point, alors que certains auteurs considèrent que l’exercice de la police administrative spéciale à l’échelle nationale ne bloque pas le déclenchement de la police administrative générale42 ou sanitaire43 à l’échelle locale ; d’autres le contestent44.

  • 45 CE, 22 mars 2020, n° 439674 : « Dans cette situation, il appartient à ces différentes autorités de (...)

9Même si ce dernier débat a été tranché, en droit positif, par le Conseil d’État le 22 mars 202045, ces différentes interrogations quant à l’articulation des pouvoirs entre les différentes autorités de police administrative fournissent un prétexte à une refonte du droit des circonstances exceptionnelles et à la création d’un nouveau régime d’exception : l’état d’urgence sanitaire.

B/- L’opportunité d’un nouveau régime d’exception

10Même si un certain consensus se dessine sur l’absence de nécessité stricto sensu de l’état d’urgence sanitaire, la loi du 23 mars 2020 instaure ce nouveau régime. Si certains auteurs se réjouissent de la « sécurité juridique que procure l’onction du législateur »46, beaucoup d’autres critiquent cette loi47. Officiellement, et cela soulève de vives interrogations doctrinales, le nouveau régime est justifié par la nécessité de trouver un meilleur fondement juridique aux mesures d’urgence sanitaire prises (1) et de créer un dispositif inédit pour gérer une crise elle aussi inédite (2).

1/- Les interrogations quant à l’opportunité de clarifier les compétences au sein du Gouvernement

11Comme le note une auteure, les travaux préparatoires soulignaient « la nécessité de corriger certains effets pervers de la compétence exclusive du ministre de la Santé en matière d’urgence sanitaire et, de façon plus pragmatique, de consolider juridiquement les mesures contenues par le décret de confinement du 16 mars 2020 »48. Cette loi est clairement jugée opportune par certains auteurs, soit qu’ils soulignent l’importance, dans un état de droit écrit, de fonder les mesures d’urgence sanitaire sur une loi49, soit qu’ils se félicitent de l’intervention démocratique du parlement pour légitimer lesdites mesures50, soit qu’ils critiquent les imprécisions rédactionnelles (et juridiques) des anciennes mesures51.

12Mais la consolidation des fondements juridiques des mesures d’urgence sanitaire est également critiquée par certains auteur.e.s qui notent qu’à mieux articuler les pouvoirs de police du Premier ministre et du ministre de la Santé, le législateur a augmenté bien plus qu’il n’a articulé les pouvoirs de l’exécutif52. En effet, le nouveau régime est cumulatif53 : aux mesures pouvant être prises par le ministre de la Santé avant la crise (dans le cadre de son pouvoir de police sanitaire « classique ») s’ajoutent désormais celles pouvant être prises par le Premier ministre après le début de la crise (dans le cadre des prérogatives issues de l’état d’urgence sanitaire).

  • 54 Cf. infra

13Sur ce point, on peut cependant émettre l’hypothèse selon laquelle les fondements juridiques « précaires » servaient peut-être davantage la proportionnalité des mesures d’urgence sanitaire qu’un régime défini par la loi. Théoriquement, le contrôle de proportionnalité exercé par le juge administratif aurait en effet pu être bien plus large que celui qu’il devra désormais exercer à l’aune de la loi du 23 mars 202054. En effet, si le juge avait dû examiner la validité des mesures prises par le Gouvernement à l’aune de la théorie des circonstances exceptionnelles, ce dernier aurait dû prouver qu’il ne pouvait aucunement agir autrement. Même face à un juge enclin à valider ces mesures, il n’aurait pas pu s’exonérer de son obligation de justification. Plus encore, des fondements juridiques précaires permettaient a minima d’espérer que les mesures prises resteraient absolument exceptionnelles et strictement justifiées par l’urgence.

  • 55 Sénat 1ère lecture, 19 mars 2020, JO 64, p. 2530 : Phillipe Bas (rapporteur) : « La commission des (...)
  • 56 Article 7 de la Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.
  • 57 Cassia Paul, op.cit.
  • 58 Amendement n° CL42 présenté par la députée Delphine Batho devant la commission des Lois.
  • 59 Cassia Paulop.cit.
  • 60 C’est au Sénat qu’ait ajouté la disposition relative à la caducité de la loi. Voir le texte voté ap (...)

14Mais le Gouvernement souhaitait précisément l’instauration d’un régime pérenne ; c’est du moins là l’analyse des auteur.e.s qui le déplorent. Bien sûr, l’état d’urgence est un régime d’exception, qui par définition, n’a pas vocation à se substituer au droit commun55. L’article 7 de la loi précise d’ailleurs qu’il n’est « applicable [que] jusqu’au 1er avril 2021 […] ». Mais, selon certains commentateurs, « rien ne sera plus facile au législateur que de supprimer ou repousser cette date »56, soulignant que cette « limitation législative temporelle est peu crédible dès lors que l’EUS est codifié dans le Code de la santé publique »57. Pour qu’il ne soit pas pensé comme pérenne, il aurait fallu que l’amendement CL4258 qui prévoyait l’application du dispositif uniquement « en raison des circonstances exceptionnelles liées à l’impérative protection de la santé publique face à l’épidémie de covid-19 » soit accepté59, ce qui n’a pas été le cas malgré les réticences du Sénat60.

15Face aux déclinaisons thématiques de l’état d’urgence - sécuritaire, sanitaire, peut-être prochainement économique - plusieurs auteurs61 s’inquiètent de ce « millefeuille juridique »62 qui aurait « des répercussions sur l’intelligibilité des régimes de crise »63. Le Gouvernement légitime toutefois ce nouvel état en invoquant le caractère inédit de la situation.

2/- Les interrogations quant à l’opportunité de renforcer les compétences du Gouvernement

16L’une des idées sous-tendant ce nouveau régime est le caractère inédit de la crise sanitaire ; inédit car dépassant à la fois le seul champ de compétence du ministre de la Santé (et, partant, de l’ancien article L. 3131-1 CSP) – ce dernier est en effet seulement habilité à agir en cas de menace, et non de crise, sanitaire64 – et le seul champ de l’état d’urgence « sécuritaire » (de la loi de 1955) inadapté à la gestion d’une catastrophe sanitaire.

17L’une des différences entre les états d’urgence sécuritaire et sanitaire concerne notamment l’édiction de mesures pénales répressives. Après le décret du 17 mars 202065, la loi du 23 mars 2020 a ainsi renforcé le dispositif pénal pour l’adapter au caractère inédit de la crise66. La loi prévoit une amende de 135 € pour toute sortie non autorisée ; la récidive dans un délai de quinze jours est punie d’une contravention de cinquième classe et trois manquements sont sanctionnés par une peine pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et 3750 € d’amende67. Comme le souligne un auteur, « six mois, c’est le seuil minimal justifiant la procédure de comparution immédiate en flagrant délit. […] C’est même la raison du choix de cette peine »68. Ce même auteur s’inquiète alors de ce que ces sanctions ne respecteraient ni le principe de nécessité ni celui de proportionnalité des peines69. Il ajoute : « Choix étonnant que de punir celui qui a risqué le contact avec les autres en l’enfermant dans un espace confiné »70. En ce sens, nombreux sont les auteur.e.s à mettre en lumière la situation paradoxale dans laquelle se trouvent actuellement les juges d’application des peines qui tentent, dans des conditions difficiles, de désengorger les prisons71. On ajoutera sur ce point l’inégalité factuelle dans laquelle se trouvent les citoyens face au confinement : s’il n’est certes agréable pour personne de voir sa liberté d’aller et venir à ce point limitée, cela peut facilement devenir intolérable pour des personnes confinées à plusieurs dans des espaces extrêmement restreints72 ou en situation de vulnérabilité73.

18Les différentes analyses de l’état d’urgence sanitaire s’entendent, principalement – pour celles qui le critiquent –, sur les effets rhétoriques74 de la loi du 23 mars 2020 : l’insistance sur le caractère inédit de la crise pour emporter l’adhésion de la population aux mesures mises en œuvre ou la mise en place d’un nouveau régime d’exception pour prouver la réactivité de la réponse étatique75. Des auteur.e.s soulignent, à ce propos que les « mauvais souvenirs »76 liés à l’état d’urgence (de 2015) pourraient expliquer le choix d’un nouveau régime d’exception. Mais ce raisonnement en « termes de communication » a des conséquences concrètes puisque ce nouveau régime supprime, au passage, certaines des garanties instaurées par la loi de 1955.

  • 77 Nous laissons de côté la question des élections municipales qui n’appartient pas au dispositif susc (...)

19Deux éléments77 méritent en particulier notre attention sur ce point.

  • 78 Voir en ce sens l’intervention du sénateur Kanner, Compte-rendu intégral des débats, Séance du 19 m (...)
  • 79 Voir supra.
  • 80 Intervention de Mme de la Gontrie, Compte-rendu intégral des débats, Séance du 19 mars 2020, JOS(...)
  • 81 Amendement n°87 présenté par M. De Courson et al.
  • 82 Derosier Jean-Philippe, « Une vigilance nécessaire », op. cit. Renard Stéphanieop.cit.

20En premier lieu, les conditions de mise en œuvre, de cessation et de renouvellement de l’état d’urgence sanitaire sont plus souples que celles de l’état d’urgence sécuritaire. En ce qui concerne son déclenchement, les conditions sont relativement similaires à celles posées par la loi de 1955 : il est déclaré par un décret pris en conseil des ministres, si ce n’est qu’il doit être pris sur le rapport du ministre chargé de la santé ; rapport qui est en principe public. Ce nouvel état d’urgence peut être déclenché en cas de « catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ». Cette dernière notion, jugée imprécise, a été discutée au cours des débats parlementaires car susceptible de laisser une trop grande latitude au Gouvernement quant à l’opportunité de déclencher un régime d’exception, notamment, selon certains, en cas d’épidémie de grippe saisonnière78. Deux remarques peuvent être faites à propos de ce flou sémantique. La première concerne la possibilité d’une mise en jeu cumulative des états d’urgence sécuritaire et sanitaire (une « catastrophe sanitaire » pouvant aussi être considérée par le Gouvernement comme une « calamité publique »). La seconde concerne la difficulté à distinguer la « catastrophe » de la « menace » ; point sur lequel s’est focalisée l’attention des parlementaires79. En effet, formellement le Code de la santé publique distingue désormais les menaces sanitaires (chapitre 1 CSP qui relève de la compétence du ministre de la Santé) et l’état d’urgence sanitaire (chapitre 1 bis CSP qui relève de la compétence du Premier ministre). Ce dernier peut être activé, selon l’intitulé du titre III CSP, en cas de crise ou, selon l’article L. 3131-12 CSP, de catastrophe. Toutefois, la loi ne distingue pas clairement la menace de la catastrophe. Le Gouvernement s’est même systématiquement opposé aux tentatives d’encadrement de la seconde notion et avec elle, des conditions de déclenchement de l’état d’urgence sanitaire. Une sénatrice, trouvant curieuse cette absence de définition, proposait de préciser a minima qu’elle devait être « exceptionnelle » pour justifier le déclenchement de l’état d’urgence80. À l’Assemblée, un amendement a été déposé pour cantonner l’état d’urgence à une « situation sanitaire » qui « par sa nature et sa gravité » mais aussi « par son ampleur et son caractère non maitrisé par le système médical » mettrait en péril non plus « la santé de la population » mais « la vie d’une partie de la population et le fonctionnement de la vie de la Nation. »81. Toutes ces initiatives sont cependant restées lettre morte, ce qui a fait l’objet de plusieurs critiques doctrinales82.

  • 83 Article L3131-19 CSP.

21La prorogation, quant à elle, intervient par le biais d’une loi après avis du comité scientifique. À première vue, une garantie supplémentaire est donc ajoutée mais la composition du comité reste largement maitrisée par l’Exécutif. Certes, il comprend « deux personnalités qualifiées respectivement nommées par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat ainsi que des personnalités qualifiées nommées par décret » mais les sept autres membres doivent être nommés par le pouvoir exécutif ; le Président du comité étant en outre désigné par le Président de la République83.

22Par ailleurs, un décret peut mettre fin à l’état d’urgence avant le délai fixé par la loi. Même s’il n’y a aucune raison de critiquer en soi la possibilité pour le Gouvernement de mettre fin à un régime d’exception, il est étonnant, comme le souligne une auteure84, qu’un décret puisse l’emporter sur une loi. Cette entorse au principe de la hiérarchie des normes semble mettre en lumière la tendance forte de la loi du 23 mars 2020 à vouloir éviter, dès que possible, de faire intervenir le parlement85.

23En ce sens, il faut noter, en second lieu, que la loi habilite le Gouvernement à agir par ordonnances. La loi liste neuf domaines dans lesquels il est habilité à agir dans les conditions de l’article 38 de la Constitution86. Sur ce point, plusieurs auteur.e.s soulignent le « nombre impressionnant d’habilitations à légiférer par ordonnance »87, considérant qu’une telle habilitation « se rapproch[e] des ordonnances de l’article 16 de la Constitution […] »88. D’autres notent que la « liste […] est d’une longueur telle qu’elle signe une dépossession inédite, par le Parlement, de son pouvoir législatif »89 ; ou encore que « la liste des ordonnances déjà adoptées dont la légalité pose question est déjà importante »90 tandis que certains s’interrogent : « 25 ordonnances publiées dans un seul numéro du journal officiel, est-ce bien raisonnable ? »91.

  • 92 Article 2 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.
  • 93 Renard Stéphanie, op.cit.
  • 94 Cassia Paul, op.cit.

24Outre ces habilitations, et concernant l’état d’urgence stricto sensu, l’article L. 3131-15 CSP dresse une liste de dix domaines dans lequel le Premier ministre peut prendre par décret des mesures règlementaires restrictives de libertés aux fins de garantir la santé publique. Certains auteur.e.s soulignent alors le caractère faussement exhaustif de cette liste car en vertu du dixième point, le Premier ministre peut, de toute façon, prendre « en tant que de besoin, toute autre mesure réglementaire limitant la liberté d’entreprendre, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire »92. Ils notent ainsi que le « caractère exhaustif de cette liste n’a […] pas résisté à l’opposition du Gouvernement »93 ou qu’« une telle clause de compétence générale rend[e] inutile l’énumération faussement limitative […] des mesures susceptibles d’être prises »94.

  • 95 Article 2 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.
  • 96 Sizaire Vincent, op.cit.
  • 97 Sizaire Vincent, op.cit.

25Au surplus, la loi habilite le ministre de la Santé à prescrire « toute mesure réglementaire relative à l’organisation et au fonctionnement du dispositif de santé [à l’exception de celle relevant de la compétence du Premier ministre] visant à mettre fin à la catastrophe sanitaire »95. Celui-ci, ainsi que le Premier ministre, peut également habiliter le représentant de l’État territorialement compétent à agir. Ces habilitations en cascade n’étonneront que peu au regard de la philosophie générale de la loi. Ce qui peut surprendre davantage c’est la possibilité qui leur est attribuée, de prendre, à ces fins, des mesures individuelles. Comme le souligne un auteur, « il s’agit là d’un véritable dévoiement de la police administrative qui, d’outil de prévention générale des troubles à l’ordre public, devient un instrument de répression extrajudiciaire »96 alors même qu’« on ne voit guère en quoi de telles mesures pourraient être nécessaires à l’éradication d’une épidémie. Par hypothèse, ce sont des mesures collectives qui permettent de freiner l’épidémie […] : pourquoi faudrait-il les doubler d’une mesure individuelle ? »97. Une mesure visant à limiter qu’une personne en particulier sortant à certains horaires ou pour certaines finalités permettrait-elle de freiner la propagation du Coronavirus ?

26Finalement, tant la lecture de la loi du 23 mars, que les nombreuses contributions doctrinales apportées à son sujet, tendent à indiquer que l’apport principal de l’état d’urgence sanitaire réside dans la carte blanche désormais accordée au Gouvernement pour légiférer en cas de crise sanitaire, ce que confirme l’analyse doctrinale des modalités de contrôle de ce dispositif.

II/- Le contrôle de l’état d’urgence sanitaire en débats : la déférence des « contre-pouvoirs » ?

  • 98 Le professeur Truchet revendique un point de vue d’« administrativiste sanitaire » qui le conduit c (...)
  • 99 Hennette-Vauchez Stéphanie, « État d'urgence : où sont passés les contre-pouvoirs » in Halpérin Jea (...)

27Si les juristes sont divisés sur le point de savoir s’il était opportun de créer un état d’urgence sanitaire, la doctrine, constitutionnelle à tout le moins98, s’inquiète presque unanimement de la faiblesse des dispositifs prévus en matière de contrôle. L’état d’urgence sécuritaire avait déjà suscité de telles craintes99. Ici, les institutions parlementaires (A) et juridictionnelles (B) censées contrôler l’état d’urgence sanitaire cherchent surtout à prémunir le Gouvernement de toute entrave, renforçant alors les craintes qu’il ne s’agisse en fait que de maintenir une apparence de contrôle.

A/- Le contrôle parlementaire du nouveau régime d’exception

28Critiqué par le Conseil d’État, supprimé par le Gouvernement, réintroduit par le Sénat et minoré par l’Assemblée nationale, le contrôle parlementaire « renforcé » de l’état d’urgence sanitaire a été un des principaux enjeux des (brefs) débats législatifs. Alors que les parlementaires entendaient s’inspirer du contrôle de l’état d’urgence sécuritaire, le Gouvernement s’y est opposé au motif qu’il risquait d’entraver l’action gouvernementale. Si la doctrine déplore largement l’instauration d’un dispositif de contrôle parlementaire a minima (1) elle recherche, malgré tout, les ressources de droit parlementaire les mieux appropriées à son exercice (2).

1/- Le consensus quant à la faiblesse du dispositif de contrôle parlementaire de l’état d’urgence sanitaire

29Dans son avis sur l’avant-projet de loi, le Conseil d’État avait proposé « de supprimer la disposition imposant au Gouvernement la transmission d’informations relatives à la mise en œuvre de l’état d’urgence sanitaire car elle constitue une injonction du Parlement au Gouvernement et ne relève pas du domaine de la loi »100. Critiqué par la doctrine en ce qu’il tend à traiter la question au prisme de la répartition des compétences normatives et non du point de vue de la responsabilité politique du Gouvernement, cet argument a pourtant conduit au retrait de toute référence au contrôle parlementaire dans le projet de loi101. Les sénateurs ont alors souhaité rétablir un mécanisme inspiré de celui prévu pour l’état d’urgence sécuritaire102. Mais le Gouvernement, arguant de l’impossibilité de s’aligner sur le dispositif prévu par la loi de 1955, a obtenu de l’Assemblée des restrictions quant à la fréquence, au domaine et à l’étendu du contrôle parlementaire qui font l’objet des principales critiques doctrinales.

30La première restriction concerne le délai de prorogation de l’état d’urgence sanitaire par le Parlement. Il a été fixé à un mois et non douze jours comme le proposait le Sénat en s’inspirant de l’état d’urgence sécuritaire. Alors que le Conseil d’État rejetait le délai de 12 jours « eu égard à la nature d’une catastrophe sanitaire », le Premier ministre indiquait plus prudemment qu’un tel délai « pourrait ne pas être approprié ». En tout état de cause, s’appuyant sur l’avis du Conseil d’État qui préconisait un délai de deux mois, le Gouvernement s’est prévalu d’une position qu’il pouvait présenter comme modérée (en proposant un mois au lieu de deux). Certains observateurs, qui rejoignent sur ce point l’opposition103, jugent toutefois ce délai particulièrement long s’agissant d’un régime d’exception et n’ont pas été convaincus par les arguments gouvernementaux. Ils considèrent que rien ne prouve que la nature d’une telle catastrophe ne pût s’accorder avec un délai de 12 jours, alors qu’un tel délai est jugé approprié pour mettre en œuvre l’état d’urgence « sécuritaire » et l’état de siège. Seul l’article 16 de la Constitution prévoit un délai d’un mois mais il précise que durant son application, « le Parlement se réunit de plein droit »104. La capacité du Parlement à se réunir efficacement en période de catastrophe sanitaire, mise en doute par le Gouvernement, a d’ailleurs été démontrée puisque « la semaine du 16 mars a montré qu’un contexte pandémique ne pouvait empêcher la réunion en urgence du Parlement pour que soient discutées (et adoptées) des dispositions législatives de première importance »105. Pourquoi en aurait-il été autrement dans l’exercice de ses missions de contrôle ?

31La seconde restriction concerne le domaine du contrôle qui ne porte pas sur l’ensemble de la loi comme l’espéraient les sénateurs mais seulement sur l’état d’urgence « stricto sensu » à l’exclusion notamment des très nombreuses habilitations à agir par voie d’ordonnances. Cette limitation drastique du champ du contrôle a, une nouvelle fois, été justifiée par le refus d’altérer l’efficacité de l’action gouvernementale et de la possible contrariété d’un tel contrôle avec l’article 38 de la Constitution. Certain.e.s auteur.e.s, peu convaincu.e.s, voient dans cette exclusion « une absurdité conceptuelle » dès lors « qu’elles sont prises en période de l’état d’urgence sanitaire, dans une loi d’urgence pour faire face à l’épidémie du covid-19, et dans l’unique dessein d’adapter le droit à cet état exceptionnel »106.

  • 107 Compte-rendu intégral des débats, 2ème séance du 21 mars 2020, JOAN n°35, p. 2596. : D’après le min (...)
  • 108 Intervention de la rapporteure de la commission des lois. Compte-rendu intégral des débats, 2ème(...)
  • 109 Altwegg-Boussac Manon, op. cit.

32La dernière restriction concerne les actes soumis au contrôle du Parlement et les modalités de leur transmission. Alors que les sénateurs attendaient de l’ensemble des autorités administratives qu’elles leur transmettent automatiquement l’ensemble des actes adoptés dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, seules les mesures réglementaires adoptées par le Gouvernement (soit celles déjà publiées au journal officiel) font finalement l’objet d’une transmission automatique. S’agissant des mesures locales, le Gouvernement s’est seulement engagé à les transmettre à la demande des chambres. Cela implique toutefois que les parlementaires sachent ce qu’ils cherchent et où le trouver107. Quant aux mesures individuelles, aucune transmission n’est envisagée car elle « provoquerait une embolie totale au Parlement mais aussi dans les services de l’État »108. Dès lors, non seulement le Parlement est présumé incapable de remplir sa mission mais en outre le contrôle qu’il exerce est présumé entraver l’action gouvernementale bien qu’il n’ait rien de « suspensif » comme le relève une auteure109.

2/- Les divergences quant à l’utilisation des mécanismes de contrôle parlementaire de droit commun

33Au-delà du dispositif spécifiquement consacré par la loi du 23 mars pour le contrôle caméral de l’état d’urgence sanitaire, le droit parlementaire fournit plusieurs instruments qui permettent d’assurer l’information du Parlement dans le cadre de sa mission de contrôle de l’action gouvernementale. Sans être au centre de l’attention, les modalités les plus appropriées à l’exercice du contrôle parlementaire ont tout de même étaient discutées par la doctrine.

34Plusieurs solutions ont été conjointement rejetées par les chambres. La première possibilité consistait à confier à une commission permanente les pouvoirs d’une commission d’enquête pour une durée de six mois. Cette solution, retenue dans le cadre de l’état d’urgence sécuritaire110, est apparue inadaptée en raison du périmètre de la crise sanitaire qui relève du champ de compétence de plusieurs commissions permanentes et non seulement de la commission des lois111. La seconde possibilité aurait été de créer une commission d’enquête ad hoc. Mais deux raisons ont été avancées pour écarter cette option. La première concerne la durée de vie maximale de six mois de ces commissions alors que la crise et ses conséquences sont susceptibles de s’étaler sur une période bien plus longue. L’argument n’apparait pourtant pas insurmontable dès lors qu’il était possible de créer deux commissions d’enquêtes successives portant sur un même événement en cadrant correctement leurs intitulés et leurs champs d’investigation respectifs. Il semble surtout que c’est la volonté de ne pas entraver l’action gouvernementale qui ait été déterminante et le risque qu’une convocation n’oblige, le temps de l’audition, certains acteurs à se détourner de la gestion de crise. Enfin, la dernière solution – qui n’a semble-t-il, même pas été envisagée – était de solliciter l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques qui aurait permis la mise en place d’une institution de contrôle bicamérale appuyée par un conseil scientifique112. Si aucun rôle spécifique ne lui a été octroyé, il a toutefois fait savoir qu’il entendait assurer une mission de veille et examiner « les différentes orientations prises par la recherche pour faire face à cette épidémie » en se concentrant « sur la dimension sanitaire de la crise et sur la prise en compte de la recherche, de la science et des technologies pour contribuer à sa résolution »113.

35À l’Assemblée nationale, la solution retenue a été la création par la conférence des présidents, d’une mission d’information « sur l’impact, la gestion, et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-COVID19 ». Ce choix permet, selon certains spécialistes, d’appréhender la crise de manière transversale et de pouvoir perdurer au-delà de six mois114. La mission apparait certes « extraordinaire » 115mais ne semble pas convaincre l’ensemble de la doctrine quant à sa capacité à exercer un contrôle effectif de l’état d’urgence sanitaire. C’est d’abord la durée « indéterminée » de cette mission qui inquiète116. La question n’est pas dénuée d’importance, dès lors que le règlement de l’Assemblée nationale précise qu’une commission d’enquête ne peut avoir « le même objet qu’une mission d’information ou qu’une commission d’enquête antérieure, avant l’expiration d’un délai de douze mois »117. Autrement dit, l’opposition risque de ne pas pouvoir créer une autre mission d’information ou commission d’enquête sur l’épidémie de Covid-19118 avant un an à compter de l’instant où la mission terminera ses travaux119. Or, au vu de l’intitulé particulièrement large de la mission, les groupes parlementaires devront faire preuve d’imagination pour convaincre la majorité qu’ils entendent enquêter sur l’épidémie sans pour autant que cela ne relève ni de l’impact, ni de la gestion, ni des conséquences « dans toutes ses dimensions » de l’épidémie de Covid-19120. Outre sa durée, c’est la composition de la mission qui a attiré l’attention des observateurs. Elle réunit en effet, le Président de l’Assemblée, l’ensemble des présidents de commission permanente, l’ensemble des présidents de groupe parlementaire et des députés désignés à la proportionnelle des groupes en incluant également un député non-inscrit. Si une telle composition confère à la mission une certaine solennité, elle dissimule toutefois une forme de relégation de la place dévolue à l’opposition parlementaire comme le note une auteur121. Le Président de l’Assemblée a en effet choisi de cumuler les fonctions de Président et de rapporteur de la mission par dérogation au principe du binôme122. Par ailleurs, en confiant aux présidents de commissions permanentes les postes de co-rapporteurs, sept postes de co-rapporteurs sur huit sont mécaniquement réservés à la majorité123. Enfin, la composition de la mission est loin d’être paritaire puisqu’en définitive, seul un tiers des membres de la mission appartient à l’opposition. Pour finir, cette mission est extraordinaire par sa capacité annoncée à muter. Son Président a en effet déclaré qu’à l’issue de la crise, elle récupérerait les pouvoirs d’une commission d’enquête124 et que lui-même transmettrait ses fonctions de rapporteur à un membre de l’opposition. Pour l’heure, son président indique que la mission devra veiller « à ne pas entraver l’action de l’exécutif en ne surmobilisant pas dans cette phase de crise les membres du Gouvernement, ainsi que tous les acteurs dont les jours comme les nuits sont tournés vers une lutte acharnée contre les conséquences de la propagation du virus »125. Ce dispositif apparait donc, au terme de plusieurs analyses doctrinales comme matérialisant la volonté des dirigeants de la majorité parlementaire de ne pas gêner le Gouvernement. Plusieurs auteur.e.s craignent ainsi que le contrôle de l’état d’urgence sanitaire exercé par l’Assemblée nationale se caractérise par la clémence de la majorité à l’égard du Gouvernement126 le réduisant à un « tigre de papier »127.

36Les observateurs semblent placer davantage d’espoir dans le Sénat, où les contraintes relatives au fait majoritaire peuvent s’avérer moins pesantes et où un choix différent a été fait s’agissant des modalités du contrôle. Ce sont les différentes commissions permanentes qui assurent un contrôle de droit commun sans se doter des pouvoirs dévolus aux commissions d’enquête, se contentant d’auditionner les membres du Gouvernement en fonction de leurs champs de compétences respectifs. Cependant la commission des lois a choisi de créer en son sein une mission de suivi et de contrôle de la loi ; choix qui témoigne d’une différence d’approches entre le Sénat et l’Assemblée nationale quant au contrôle parlementaire de l’État d’urgence sanitaire. Là où la chambre basse choisit de créer une mission d’information transversale et à la composition pléthorique (trente-neuf membres), la chambre haute opte pour une instance spécialisée (notamment sur la question des droits et libertés) et resserrée (onze membres). En outre, la mission de suivi sénatoriale manifeste une volonté d’exercer un contrôle plus approfondi que l’Assemblée. En témoigne son intitulé même qui, faisant référence à la loi, traduit la volonté de ne pas s’en tenir à l’état d’urgence sanitaire « stricto sensu ». La mission entend exercer un contrôle sur l’ensemble de la loi y compris les conditions d’organisation du second tour des municipales et le respect par le Gouvernement des habilitations accordées par le Parlement128. Elle entend de surcroit ne pas s’en tenir à la seule transmission des mesures réglementaires adoptées par le Gouvernement et indique que « pour assurer un contrôle efficace, il importe que le Parlement soit destinataire de l’ensemble des mesures d’application prises par les préfets au niveau local […], notamment lorsqu’elles imposent des restrictions plus importantes qu’à l’échelon national à la liberté d’aller et de venir des personnes. La mission demande aussi à être régulièrement informée des contentieux ouverts devant la juridiction administrative sur l’application des mesures de restrictions aux libertés »129. Ces différents éléments pourront nourrir l’espoir, exprimé par certains auteur.e.s, que le contrôle parlementaire exercé au Sénat soit « plus impartial » qu’à l’Assemblée et « à même d’interpeller les pouvoirs publics et, notamment, le Gouvernement sur les éventuels excès en matière de libertés publiques individuelles »130.

37Au-delà, la doctrine s’interroge plus largement sur les capacités des chambres à mettre en œuvre de facto un contrôle effectif. Plus encore, la doctrine constitutionnaliste s’interroge sur le point de savoir si leurs modalités de fonctionnement permettront réellement de maintenir la continuité institutionnelle ou serviront seulement à en sauvegarder l’apparence. Alors que l’Assemblée nationale est rapidement devenue un « cluster » de l’épidémie131, la conférence des présidents a choisi de faire fonctionner l’institution en « comité restreint » pour garantir tout à la fois « le respect des règles sanitaires » et « la représentation de l’ensemble des sensibilités politiques »132. Cette formation n’est pas définie par le Règlement qui ne connait que le « comité secret »133, ce qui révèle qu’il n’a jamais « été envisagé que les députés ne puissent pas se réunir pour des raisons sanitaires »134. Ces adaptations touchent également les modalités du contrôle parlementaire puisque seule la séance de questions au Gouvernement, inscrite dans la Constitution, est maintenue quoique raccourcie, tous les groupes parlementaires disposant de deux questions135. Seule sera admise la présence des présidents de groupe et des auteur.e.s de questions. Toutes les autres activités de contrôle sont suspendues « jusqu’à nouvel ordre ». Le Sénat a procédé à des adaptations similaires quoique moins drastiques136. Les observateurs apparaissent divisés sur cette transformation du travail parlementaire à durée indéterminée. Certains considèrent que les modalités de cette réorganisation sont satisfaisantes et que « l’Assemblée nationale poursuivra son pouvoir de contrôle du Gouvernement, assurant ainsi l’essentiel du fonctionnement constitutionnel du Parlement, malgré l’état d’urgence sanitaire »137. D’autres indiquent qu’il aurait fallu aller plus loin dans la prévention des risques épidémiques et limiter encore davantage l’activité de l’Assemblée en supprimant la séance hebdomadaire de question au Gouvernement fut-ce au risque de l’inconstitutionnalité138. Ceux qui, a contrario, critiquent le dispositif mis en place jugent ces conditions de fonctionnement « déplorables »139. Ils s’inquiètent de leur impact sur la capacité des assemblées à remplir correctement leurs missions ou de l’atteinte potentielle à l’exigence constitutionnelle de « liberté des membres du Parlement dans l’exercice de leur mandat » par les règles dérogatoires instituées en matière de délégation de vote140. Une analyse doctrinale souligne en ce sens que cette réorganisation « implique inexorablement une violation du principe du vote personnel des parlementaires (et, en conséquence, de l’indépendance du mandat parlementaire) »141. Dès lors, c’est « la possibilité pour le Parlement de manifester valablement une quelconque volonté » qui serait hypothéquée et avec elle, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics en dépit des apparences dont le maintien est organisé142.

38Face aux inquiétudes que la doctrine exprime s’agissant du contrôle parlementaire de l’état d’urgence, les regards se tournent vers les juridictions qui font alors office de « palliatif à l’absence de possibilité politique de contrôler les gouvernements »143. À condition toutefois que ce contrôle ne se limite pas à « une labellisation juridictionnelle » des décisions prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire144.

B/- Le contrôle juridictionnel du nouveau régime d’exception

39Sur ce point également, la doctrine s’inquiète de la capacité des institutions juridictionnelles a jouer efficacement leur rôle de contre-pouvoir puisque tant le juge constitutionnel (1) que le juge administratif (2) adoptent à ses yeux une position de déférence à l’égard du Gouvernement.

1/- Les critiques quant à un contrôle de constitutionnalité (temporairement ?) écarté

40La constitutionnalité de la loi du 23 mars 2020 n’a pas été contrôlée a priori par le Conseil constitutionnel. Si l’absence de saisine indique certes la probable volonté des parlementaires de doter le plus rapidement possible le Gouvernement des nouveaux moyens fournis par la loi d’urgence, elle n’a pas pour autant été approuvée par la doctrine, tant pour des raisons procédurales que matérielles. Sur le plan procédural, certains auteurs145 soulignent en premier lieu que l’article 61 al. 3 de la Constitution impose, en cas d’urgence et à la demande du gouvernement, au Conseil de statuer en huit jours maximum. En second lieu, cette non-saisine a attiré l’attention sur l’articulation entre saisine parlementaire a priori et promulgation présidentielle de la loi146. En promulguant la loi dès son adoption, le Président de la République a en effet rappelé que l’effectivité de la saisine parlementaire repose seulement sur un usage147 L’auraient-ils voulu que les parlementaires n’auraient peut-être pas pu saisir le Conseil si le Président en avait décidé autrement. Quoi qu’il en soit, les parlementaires n’ont pas souhaité un tel contrôle a priori. Conséquemment, et en dernier lieu, les vices d’inconstitutionnalités susceptibles de n’être soulevés que dans le cadre de ce contentieux sont désormais couverts. Ni les éventuels cavaliers législatifs ni la procédure spécifique d’examen de la loi d’urgence dont certains observateurs jugent la constitutionnalité douteuse ne pourront être confrontés à la Constitution et aux exigences de clarté et de sincérité des débats parlementaires148. Si ces questions procédurales ont vraisemblablement été considérées comme accessoires par les parlementaires, il n’en a pas été de même de la constitutionnalité « matérielle » de la loi d’urgence149. Sur ce plan, plusieurs observateurs ont exprimé leurs craintes quant à l’exclusion du juge judiciaire s’agissant du contrôle de mesures susceptibles de porter atteinte à la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution150 et de la compatibilité des sanctions prévues en cas de violations répétées du confinement au regard des articles 7, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen151.

  • 152 M. De Courson fait part à l’Assemblée nationale de sa crainte : « Que n’interviennent de nombreux c (...)
  • 153 Derosier Jean-Phillipe », op. cit.

41Face à ces réserves quant à la constitutionnalité de la loi d’urgence, parlementaires152 et constitutionnalistes153 ont mis en avant les risques pris à ne pas saisir le Conseil constitutionnel a priori et de voir ainsi le Gouvernement mis en difficulté par une censure qui interviendrait a posteriori. Encore faut-il toutefois qu’un tel contrôle a posteriori soit possible alors que l’intention du Gouvernement a été de suspendre également l’examen de la constitutionnalité de la loi par voie de QPC.

  • 154 Article 23-4 et 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Con (...)
  • 155 Article 23-10 de cette même ordonnance.
  • 156 M. Lagarde expliquait qu’il se refuserait « à titre personnel, à voter un projet de loi organique q (...)
  • 157 Amendement n°3 présente par M. Lagarde et al.
  • 158 Compte-rendu intégral des débats, 3ème séance du 21 mars 2020, JOAN n°35, p. 2672.

42En effet, la loi organique d’urgence suspend jusqu’au 30 juin 2020 le délai de trois mois dont dispose le Conseil d’État et la Cour de cassation pour examiner les conditions de recevabilité d’une possible QPC154, et celui, de trois mois également, accordé au Conseil constitutionnel pour se prononcer sur celle-ci155. Alors que, les députés faisaient part de leurs réserves quant à l’idée de priver les citoyens de la possibilité de former un tel recours contre la loi d’urgence156, le ministre de l’Intérieur disait comprendre « le questionnement et même le doute ». Il opposait pourtant un avis défavorable à l’amendement qui entendait maintenir ces délais pour la seule loi d’urgence157 car cela reviendrait selon lui, « à organiser [la propre incapacité des institutions] à mettre en œuvre dans l’urgence les mesures nécessaires »158. Le souhait du Gouvernement était donc bien de soustraire la loi d’urgence à tout contrôle de constitutionnalité en vertu de l’idée selon laquelle il ne fallait, sous aucun motif, fût-ce le respect des droits et libertés constitutionnels, empêcher l’exécutif d’agir. Sur ce point, nombre d’observateurs mettent en cause la nécessité même de suspendre les délais d’examen des QPC.

43Il est d’abord avancé que la violation par les juridictions du filtre du délai de trois mois n’aurait eu pour seule conséquence que la transmission directe de la QPC au Conseil constitutionnel. Or, le surcroit de travail occasionné pour ce dernier aurait été limité et vraisemblablement surmontable159. Au surplus, le délai de trois mois qui s’applique a lui, est, à la différence de celui qui prévaut pour les juridictions du filtre, indicatif et non impératif160. Son non-respect n’emporte finalement aucune conséquence juridique. Au vu de ces analyses doctrinales, il semble donc que la loi organique visait principalement à soustraire la loi instituant un état d’urgence sanitaire au contrôle de constitutionnalité. Toutefois, cette loi organique visant à immuniser l’état d’urgence sanitaire contre toute déclaration d’inconstitutionnalité devait être obligatoirement soumise à l’examen du Conseil constitutionnel et il serait euphémique de dire que sa décision a fait parler d’elle.

44Pour l’ensemble des observateurs, la loi organique semblait entachée d’une inconstitutionnalité manifeste dès lors qu’elle avait été examinée et adoptée par le Sénat le lendemain de son dépôt en dépit de l’article 46 alinéa 2 de la Constitution qui prévoit un délai de 15 jours entre ces deux phases. Toutefois le Conseil a considéré que « compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, il n’y a pas lieu de juger que cette loi organique a été adoptée en violation des règles de procédure prévues à l’article 46 de la Constitution »161. Cette décision a suscité de vives réactions doctrinales. Une première approche, théorique, s’interroge sur la motivation du Conseil constitutionnel. Deux questions ont été posées à cet égard. En premier lieu, certains auteur.e.s s’interrogent sur la reprise au niveau constitutionnel de la jurisprudence Heyriès (sur les circonstances exceptionnelles)162. Plusieurs raisons ont toutefois été avancées depuis pour ne pas assimiler « les circonstances particulières de l’espèce » et les « circonstances exceptionnelles ». La première est sémantique : le juge constitutionnel a probablement choisi à dessein l’expression « circonstances particulières » qui présente en effet le double avantage d’être différente de celle déjà utilisée par le juge administratif tout en étant aussi vague163. La seconde raison est d’ordre contentieux : là où la théorie des circonstances exceptionnelles implique un contrôle de la nécessité et de la proportionnalité de la mesure illégale adoptée par l’administration, les circonstances particulières s’apparentent en comparaison à un « brevet de constitutionnalité »164. Par ailleurs, un auteur suggère qu’il existait, à travers le principe constitutionnel de « continuité de la vie nationale », un principe plus approprié pour écarter l’article 46 de la Constitution165 ; et ce d’autant plus que, pour un autre observateur, l’invocation de « circonstances particulières » n’apparait pas adaptée au caractère abstrait et objectif du contrôle a priori166. En second lieu, la question portait sur une éventuelle inscription de cette décision du Conseil constitutionnel dans le mouvement amorcé par la jurisprudence Danthony du Conseil d’Etat dès lors qu’une irrégularité procédurale apparente n’entrainait pas pour autant de sanction167. Mais une auteure observe des différences entre ces deux jurisprudences. Le Conseil constitutionnel déclare « qu’il n’y a pas lieu à juger », là ou précisément le juge administratif évalue l’influence de l’irrégularité procédurale qu’il constate sur le sens de la décision prise par l’autorité administrative168. Quoiqu’il en soit, l’absence de sanction de ce qui est considéré comme la « violation » d’une disposition qui, pour procédurale qu’elle soit, n’en restait pas moins constitutionnelle, a suscité une véhémente désapprobation doctrinale et ce d’autant qu’il ne s’agissait pas de la seule critique formulée à l’égard de cette décision169. En effet, une seconde approche dogmatique conduit à considérer que la décision « laisse[rait] un goût amer »170, se livrerait à « un bricolage un peu désolant »171 ou « déchire[rait] la Constitution »172 suivant les commentateurs. L’impartialité du Conseil a été mise en cause, dès lors que ce dernier, consulté au cours de la rédaction du projet de loi organique, aurait été « juge et partie »173. Il aurait ainsi minimisé l’objet de la loi organique en indiquant que cette dernière « se borne » à suspendre les délais d’examen des QPC174. La faiblesse ou l’absence de motivation a également été dénoncée ou regrettée175. L’argument, développé dans la contribution extérieure du professeur Cassia, d’une atteinte de la loi organique à l’article 61-1 de la Constitution a pu être considéré comme n’ayant pas reçu de réponse et continuer à faire débat en doctrine176. Pourtant il semble que le Conseil ait, à sa manière (laconique), répondu à l’argument en précisant que la suspension des délais de la QPC « ne remet pas en cause l’exercice de ce recours ni n’interdit qu’il soit statué sur une question prioritaire de constitutionnalité durant cette période ». Le projet gouvernemental qui consistait à soustraire (au moins temporairement) la loi du 23 mars 2020 à tout contrôle de constitutionnalité est donc (au moins théoriquement) mis en échec par le Conseil qui s’arroge une marge de manœuvre discrétionnaire quant à la manière dont il conviendra éventuellement de « prioriser » les questions à traiter. Aussi critiquée soit-elle, la décision du 26 mars n’en est pour autant que peu surprenante. Tout d’abord, le Conseil a déjà manifesté le peu de cas qu’il pouvait faire de certaines dispositions procédurales177. Ensuite, les motivations succinctes sont une tendance forte de la jurisprudence du Conseil que les périodes de crise tendent à renforcer. Enfin, le Conseil est rarement enclin à rendre des décisions dont il ne peut ignorer qu’elle déclencherait irrémédiablement d’importantes controverses politiques178.

45Ainsi, la loi du 23 mars n’échappera peut-être pas à tout contrôle de constitutionnalité mais la suspension des délais ne permet pas de savoir quand une éventuelle réponse sera donnée. Cela pourrait priver d’effet utile le contrôle a posteriori et amène à se pencher sur l’attitude des Cours suprêmes. Le Conseil d’État a rapidement refusé de transmettre une question relative aux dispositions du 2° de l’article L. 3131-15 du CSP179. Toutefois, la chambre criminelle de la Cour de Cassation a été saisie de deux QPC relatives à la conformité de l’article L. 3136-1 al. 4 du CSP au regard du principe de légalité des délits, de l’exigence pour le législateur d’épuiser sa propre compétence et du principe de la présomption d’innocence. La chambre criminelle a fait savoir qu’elle entendait procéder à l’examen de ces questions avec célérité ce qui peut laisser espérer que le cadre législatif de l’état d’urgence sanitaire n’échappera pas à tout contrôle de constitutionnalité en temps utile180. Certain.e.s auteur.e.s restent cependant réservé.e.s sur son issue : « Penser que le Conseil constitutionnel, dont l’histoire des rapports avec le pouvoir exécutif est loin d’être simple, puisse en période exceptionnelle être un contrepoids significatif à ce dernier, exigerait de profonds changements » observe en ce sens une commentatrice181.

46L’optimisme doctrinal ne semble pas non plus de mise s’agissant du contrôle qu’est appelé à exercer le juge administratif.

2/- Les inquiétudes quant à un contrôle de légalité (excessivement ?) compréhensif

47Comme en matière d’état d’urgence « sécuritaire », le juge administratif est pensé comme le garant de la légalité des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. La loi du 23 mars 2020 précise explicitement que « les mesures prises en application du présent chapitre peuvent faire l’objet, devant le juge administratif, des recours présentés […]» dans le cadre du référé suspension ou du référé liberté. Pourtant, dès 2015, certains universitaires s’étaient inquiétés de l’exclusion du juge judiciaire car « le juge administratif est essentiellement protecteur de l’Administration »182. À propos de l’ordonnance du 22 mars du Conseil d’État, d’autres auteurs notent que « si l’on souhaite vraiment que les citoyens continuent de craindre des collusions entre les services et les autorités, alors il faut surtout ne rien changer »183. Ainsi les craintes relatives à un manque d’indépendance des juridictions administratives (historiquement et structurellement proches du pouvoir exécutif) semblent s’accroître, en temps de crise, à mesure que les pouvoirs de l’exécutif se renforcent.

48Par ailleurs, si certaines analyses qualifient les ordonnances rendues par le Conseil d’État en lien avec l’état d’urgence sanitaire de « nuancées »184, d’autres mettent au contraire en lumière un décalage entre les garanties juridictionnelles qui entourent théoriquement les mesures d’urgence et la réalité du contrôle exercé par le juge. Quatre décalages ressortent, de manière plus ou moins directe, de ces différentes analyses.

49Le premier décalage (éventuel) est d’ordre factuel : entre, d’un côté, le principe d’un juge administratif garant de la légalité des mesures d’urgence sanitaire, et de l’autre, l’impossibilité factuelle dans laquelle il peut se trouver pour siéger. En effet, la crise sanitaire a suspendu le fonctionnement classique du contentieux administratif. Certes, au regard des déclarations du Conseil d’Etat, les procédures de référé sont maintenues185. Mais, sur ce point, certains observateurs notent qu’« en ce qui concerne les référés, il semble y avoir encore des différences d’appréciation entre les différents tribunaux »186. Alors que certains tribunaux maintiennent toutes les audiences en référé, d’autres se limitent évasivement aux référés relatifs aux « urgences avérées »187 ou n’entendent maintenir qu’« un fonctionnement minimum de l’activité juridictionnelle »188. Au regard de ces déclarations, la spécificité de la crise sanitaire semble ainsi ajouter un obstacle supplémentaire à l’accès au juge. D’autant plus que le Premier ministre dispose, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, du pouvoir d’adapter nombre de règles procédurales relatives aux juridictions administratives (et judiciaire)189comme l’illustre, par exemple, l’ordonnance du 25 mars 2020 prise pour autoriser la tenue d’audiences par visioconférence ou, à défaut, leur suppression dans le cadre des référés190. Si a priori rien n’indique que « l’adaptation » des procédures de référé conduirait le Premier ministre à supprimer l’accès aux référés, il dispose, malgré tout, des moyens nécessaires pour paralyser, s’il le jugeait nécessaire, le contentieux administratif (et judiciaire).

  • 191 CE, 22 mars 2020, n°439674.
  • 192 Voir toutes les décisions sur le site du CE.
  • 193 Toutes les ordonnances sauf CE, 1 avril 2020, n°439762.
  • 194 CE, 15 avril 2020, n° 439910 : les requérants invoquent aussi la dignité humaine.
  • 195 Telles que les dérogations à l’obligation de confinement (voir : CE, 22 mars 2020, n°439674) ou les (...)

50Pour comprendre, ensuite, les trois derniers décalages, il importe d’expliquer, brièvement, l’état actuel du contentieux (en référé). Entre le 22 mars 2020191 et le 16 avril 2020, le Conseil d’État a publié douze ordonnances liées au Covid-19192. Sommairement, les requérants étaient à chaque fois des groupements (de soignants, de détenus, de personnel pénitentiaire, de maraichers, de protection des droits des étrangers, des sans-abris ou des victimes du coronavirus) faisant valoir que l’inaction de l’État dans la gestion de la crise portait atteinte à leurs droits fondamentaux. Dans onze référés sur douze193, le droit invoqué était le droit à la vie et/ou à la santé194 qui serait mis en cause par le manque de moyens matériels de protection et la confusion dans les consignes sanitaires données aux différentes administrations. Schématiquement, les requérants demandaient au juge de prononcer quatre types d’injonction : la fourniture de matériel ou prestations médicales (masques, gants, gels, blouses, tests de dépistages, accès à la réanimation, etc.) ; l’élargissement de la prescription de la chloroquine ; l’édiction de consignes sanitaires claires et précises ; l’éviction des confinements collectifs dans des espaces restreints (ou à défaut la visite des proches). Le Conseil d’État a cependant rejeté, à quelques nuances près, toutes demandes d’injonction. S’il a certes accepté d’enjoindre au Gouvernement de redéfinir (voire de durcir) certaines consignes sanitaires195, il a cependant refusé toutes les demandes d’ordres matériels (car lesdits matériaux faisaient de toute façon défaut, ce qui correspond au décalage d’ordre matériel – explicité ci-après). Il a refusé de limiter les lieux où le confinement était collectif (car le Gouvernement fait déjà tout ce qu’il peut pour améliorer les capacités d’hébergement desdits lieux, ce qui correspond au décalage d’ordre conjoncturel – explicité ci-après). Il a refusé de faire droit à l’élargissement des prescriptions de chloroquine (car il ne dispose pas des connaissances lui permettant de substituer sa propose analyse à celles des études scientifiques en cours, ce qui correspond au décalage d’ordre scientifique – explicité ci-après). À l’exclusion de l’ordonnance par laquelle le Conseil d’État refuse d’enjoindre la réouverture des marchés car l’atteinte à la liberté d’entreprendre est jugée nécessaire et proportionnée, ces décisions illustrent toutes, à des degrés différents, les décalages pointés par la doctrine.

  • 196 La loi indique toutefois que les mesures prises doivent être « strictement proportionnées aux risqu (...)

51Des auteur.e.s observent ainsi un décalage d’ordre conjoncturel, entre d’un côté le contrôle de proportionnalité qui doit être en principe être exercé par le juge administratif en vertu de la loi du 23 mars 2020196 et, de l’autre, le contrôle réalisé. Trois formes de limites sont mises en lumière.

52S’agissant tout d’abord du contrôle de proportionnalité, certains auteurs rappellent que, même s’il a refusé de la considérer comme un acte de gouvernement197, le juge administratif ne s’assure que du caractère manifestement légal de la déclaration d’état d’urgence sécuritaire. On peut supposer qu’il en sera de même en matière d’état d’urgence sanitaire. Par ailleurs, si certaines analyses admettent qu’au nom du respect de la vie198 et des « circonstances sanitaires exceptionnelles actuelles, la restriction de police [soit] devenue le principe [et] l’exercice des libertés l’exception »199, une observatrice s’inquiète de ce que « dans un contexte épidémique, la proportionnalité cède rapidement le pas à l’efficacité dans une logique sécuritaire »200. En ce sens, force est d’observer qu’aucune des douze ordonnances rendues ne sanctionne réellement l’Administration. Le Conseil d’État semble surtout, insister, dans chacune d’elles, sur les mesures prises (ou promises) par le Gouvernement201, ce qui vaut à l’argumentation du Conseil d’État d’être considérée comme « reposant sur de la communication gouvernementale »202.

53Ensuite, nombreux sont les auteur.e.s à observer, en particulier à propos de l’ordonnance du 22 mars, que le Conseil d’État apparaît davantage comme un « promoteur de l’ordre sanitaire que [comme] un gardien de la légalité »203, comme « une sorte d’auxiliaire de la police administrative dont il s’efforce d’améliorer l’efficacité »204. Ils soulignent la transformation paradoxale de l’office du juge des référés (libertés) en matière de protection des libertés dans la mesure où, « créé pour protéger l’exercice des libertés fondamentales contre les emportements administratifs, le juge du référé-liberté se retrouve désormais en situation de prescrire aux autorités de police l’adoption de mesures de contrainte » restrictives de ces libertés205 ; transformation qu’un autre auteur qualifie de « préoccupante »206. D’autres considèrent au contraire « que le référé liberté […] donne aussi au juge le moyen d’imposer que soient prises les dispositions indispensables à la protection de ces droits »207. Cette divergence doctrinale met en lumière une conception différente, selon les auteur.e.s, à la fois des libertés fondamentales devant être protégées par le référé-liberté (une conception collective des libertés fondamentales s’opposant à une conception individualisée de celles-ci) et du rôle du juge administratif (une conception du juge comme « garde-fou »208 face aux excès du Gouvernement s’opposant à une conception du juge comme « allié » du Gouvernement dans la protection des intérêts collectifs de la population).

54Enfin, certains observateur.e.s soulignent que le juge ne doit en principe pas aller jusqu’à imposer au Gouvernement des « mesures d’ordre structurel reposant sur des choix de politique publique »209. Le 2 avril 2020, le Conseil d’État indique d’ailleurs qu’il ne lui revient pas de se prononcer sur « l’opportunité » des mesures mises en place210. Il l’avait pourtant fait, le 22 mars 2020 s’agissant du confinement211. À ce propos, un auteur note que le juge ne s’était jusqu’alors prononcé sur de tels choix de politiques publiques qu’en matière d’état d’urgence sécuritaire : lorsqu’il avait accepté en 2005 et 2016 d’examiner la validité de la déclaration et le refus d’abrogation de l’état d’urgence sans toutefois les invalider212. Faut-il alors en conclure que le juge administratif ne se prononce sur des choix de politique publique que lorsqu’il entend les légitimer ? Non que ces choix ne fussent justifiés – là n’est pas le propos. Certes le refus du juge administratif de qualifier ces mesures d’actes de gouvernement (insusceptibles d’être contrôlés) peut être vu comme une garantie supplémentaire de leur légalité. Malgré tout, la validation par le juge administratif desdits choix, alors que cela ne relèverait pas, selon certaines analyses, de son office, participe indéniablement de leur légitimation. Lorsque cette validation est lue à l’aune du contrôle exercé par le juge administratif pendant le dernier état d’urgence sécuritaire (entre 2015 et 2017)213, elle tend alors à renforcer la thèse selon laquelle, en période de crise, il tend davantage à être un protecteur de la collectivité (i.e de l’ordre public), au côté du Gouvernement, que des libertés individuelles et qu’il s’assure surtout que ces dernières s’effacent devant la sauvegarde de l’intérêt général214.

  • 215 CE 22 mars 2020, n°439674.
  • 216 CE, 28 mars 2020, n° 439726.
  • 217 CE, 15 avril 2020, n° 439910.
  • 218 CE 22 mars 2020, n°439674. Voir aussi, CE, 8 avril 2020, n° 43982.

55Les analyses doctrinales mettent également en lumière un décalage d’ordre matériel, entre, d’un côté le large pouvoir d’injonction imparti au juge administratif et, de l’autre, l’impossibilité matérielle d’en prononcer certaines. Certes, dans les ordonnances rendues, le juge administratif rejette les référés ; il n’y a dès lors aucune mesure à ordonner. Mais s’il avait considéré qu’une telle atteinte existait, les injonctions matérielles qu’il aurait pu prononcer étaient de facto limitées par l’absence de matériel médical disponible. Dans son ordonnance du 22 mars 2020, le Conseil indique d’ailleurs que « le caractère manifestement illégal de l’atteinte doit s’apprécier notamment en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente »215. Or, ces moyens sont restreints puisque le juge admet « une insuffisante disponibilité des matériels » qu’il s’agisse des tests216, des diagnostics virologiques217, ou des masques218 tout en refusant de reconnaitre une carence de l’Administration compte tenu, justement, des moyens insuffisants dont elle dispose.

  • 219 Sur l’importance de l’expertise médicale : Truchet Didier, « Covid 19 : Point de vue d’un “administ (...)
  • 220 CE, 15 avril 2020, n° 439910.
  • 221 Voir par exemple, CE, 4 avril 2020, n° 439904 ; CE, 4 avril 2020, n°439905.
  • 222 Truchet Didier, op. cit. Contra : Chevalier Jean-Baptiste, op.cit.

56En dernier lieu, un décalage d’ordre scientifique a été relevé par certains observateurs219 : le Conseil d’État ne dispose pas des connaissances scientifiques lui permettant de se prononcer, en l’absence d’études fiables à ce sujet, sur l’extension des prescriptions de la chloroquine. Il renvoie alors aux avis des « sociétés savantes de médecin »220, du Haut Conseil de la santé publique221 ou aux études (méthodologiquement fiables) en cours, pour rejeter les demandes. Comme le soulignent certaines analyses, « l’expert [scientifique] [est] en réalité le plus souvent, le véritable décideur sur le fond »222.

57Face à ces décalages, le juge administratif utilise alors le conditionnel (ou le futur) pour justifier l’absence d’atteinte illégale au droit à la santé ou à la vie en avançant que « la situation devrait connaître une nette amélioration au fil des jours et des semaines à venir »223 ; ou en mettant en avant les « efforts » que l’Administration fait valoir dans la lutte contre le virus224. À défaut de pouvoir prononcer des mesures concrètement réalisables (telles que l’apparition de masques, gels ou autres matériels de protection), de pouvoir se prononcer en 48 heures sur des questions aussi techniques que celle de la pertinence du traitement à la chloroquine, ou d’oser entraver l’action gouvernementale, le juge des référés devra, une fois le plus fort de la crise passé, laisser la place au juge du plein contentieux notamment (et à la Cour de justice de la République éventuellement225) pour déterminer les éventuelles responsabilités en cause226.

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Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

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Notes

1 Article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

2 L’examen se cantonne aux propos doctrinaux publiés avant le 16 avril 2020.

3 Même ceux qui sont favorables à la loi, concèdent que le nouveau régime n’était pas, sur le plan juridique et à strictement parler, « nécessaire ». Voir en ce sens : De Béchillon Denys, « Le Conseil d’État refuse d’imposer le confinement total mais impose un durcissement de la règlementation sur les sorties et les marchés couverts », Le club des juristes, 23 mars 2020 ; Truchet Didier, « Covid 19 : Point de vue d’un “administrativiste sanitaire” », Blog Jus politicum, 27 mars 2020 ; Urvoas Jean-Jacques, « Dans la crise que nous vivons, le contrôle parlementaire peut et doit s’exercer », Interview dans L’opinion, 23 mars 2020.

4 Cf. infra.

5 Sur ce débat, voir notamment : Sizaire Vincent, « Un colosse aux pieds d’argile. Les fondements juridiques fragiles de l’urgence sanitaire », Revue des droits de l’homme, ADL, mars 2020 ; Truchet Didier, op. cit. ; Renard Stéphanie, « L’état d’urgence sanitaire : droit d’exception et exceptions au droit », RDLF, n°2020, chron. 13.

6 Andriantsimbazovina Joël, « Les régimes de crises à l'épreuve des circonstances sanitaires exceptionnelles », RDLF 2020 chron. n°20, ; Dupré de Boulois Xavier, « On nous change notre référé…liberté », RDLF, 2020, chron. 12.

7 Symchowicz Nil, « Urgence sanitaire et police administrative : point d’étape », Dalloz actualité, 31 mars 2020.

8 Cf. infra.

9 TA Caen, ord. du 31 mars 2020, n° 2000711, Préfet du Calvados. Voir sur ce point : Marliac Claire, « Quelques réflexions à propos de l’ordonnance du 31 mars 2020, Préfet du Calvados - L’urgence sanitaire appréciée au niveau local », Revue des droits de l’homme, ADL, avril 2020.

10 Symchowicz Nil, op.cit.

11 Cassia Paul, « L’état d’urgence sanitaire : remède, placebo ou venin juridique », Mediapart, 23 mars 2020 ; Renard Stéphanieop.cit.

12 Voir en ce sens : l’étude d’impact relative au projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 du 18 mars 2020. Voir également : Cassia Paul, op.cit. ; Renard Stéphanie, op.cit.

13 Andriantsimbazovina Joël, op.cit.

14 Voir l’étude d’impact relative au projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 du 18 mars 2020, op. cit. Voir également : Letteron Roseline, « L'état d'urgence sanitaire, objet juridique non identifié », Blog libertéschéries, 21 mars 2020. ; Cassia Paul, op.cit. ; Renard Stéphanie, op.cit. ; Truchet Didier, op. cit

15 Duhamel Olivier, Interview, Le point, 16 mars 2020.

16 Beaud Olivier, « La surprenante invocation de l’article 16 dans le débat sur le report du 2nd tour des élections municipales », Blog Jus Politicum, 23 mars 2020.

17 Beaud Olivier, op.cit. ; Andriantsimbazovina Joël, op.cit.

18 Andriantsimbazovina Joël, op.cit.

19 Blacher Philippe, Gicquel Jean-Eric, « Pour gérer des crises comme celle du coronavirus, il faut modifier notre constitution », Huffingtonpost, 17 mars 2020.

20 Tawil Emmanuel, « Lutte contre le covid-19 : les nouvelles mesures de police administrative restrictives de libertés adoptées par le gouvernement », Gazette du Palais, n°12, p 10 ; Sizaire Vincent, op.cit.

21 De Béchillon Denys, op.cit.

22 CE, 8 août 1919, n° 56377. Voir aussi : Pech Adrien, « De maux en mot : les premiers temps d’une gestion incertaine du COVID 2019 », Journal du droit administratif, 23 mars 2020.

23 Voir notamment : Marliac Claire, op.cit.

24 Cassia Paulop.cit.

25 CE, 28 juin 1918, n°63412. Voir aussi, See Arnaud, « Les libertés économiques en période de crise sanitaire : un premier état des lieux », RDLF, 2020 chron. n°21.

26 Pech Adrien, op.cit ; Sizaire Vincent, op.cit. ; Symchowicz Nil, op.cit. Voir également : Boudon Julien, « De quelques problèmes juridiques et politiques dans les circonstances actuelles », Le club des juristes, 3 avril 2020 ; « Note complémentaire sur l’illégalité du décret n° 2020-260 du 16 mars », Le club des juristes, 7 avril 2020

27 Symchowicz Nil, op.cit. ; Pech Adrien, op.cit. ; Cassia Paul, op.cit.

28 De Combles de Nayves Pierre, « Ne rajoutons pas l’arbitraire à la catastrophe sanitaire », 22 mars 2020, Dalloz actualité ; Tawil Emmanuel, op.cit.

29 De Combles de Nayves Pierre, op.cit.

30 Renard Stéphanieop.cit. ; Cassia Paul, op.cit.

31 Truchet Didier, op. cit.

32 Truchet Didier, op. cit. ; Tawil Emmanuel, op.cit.

33 Truchet Didier, op. cit.

34 Renard Stéphanieop.cit.

35 See Arnaud, op.cit.

36 Roman Diane, « Coronavirus : des libertés en quarantaine ? », JCP Général, 23 mars 2020, n°13.

37 Symchowicz Nil, op.cit. ; Cassia Paul, op.cit.

38 En ce sens : CE, 8 août 1919, n°56377.

39 Pech Adrien, op.cit. ; Sizaire Vincent, op.cit.

40 Roman Diane, « Coronavirus : des libertés en quarantaine ? », op.cit.

41 Pech Adrien, op.cit. ; Sizaire Vincent, op.cit.

42 Marliac Claire, op.cit.

43 See Arnaud, op.cit.

44 Sizaire Vincent, op.cit.

45 CE, 22 mars 2020, n° 439674 : « Dans cette situation, il appartient à ces différentes autorités de prendre, en vue de sauvegarder la santé de la population, toutes dispositions de nature à prévenir ou à limiter les effets de l’épidémie ».

46 Truchet Didier, op. cit. ; Tawil Emmanuel, op. cit.

47 Pour une critique de ses conditions d’élaboration : voir notamment, Cassia Paul, op.cit. Il considère que ce genre de législation devrait être voté en temps calme. Voir sur ce point : Andriantsimbazovina Joël, op.cit.

48 Renard Stéphanie, op.cit.

49 Truchet Didier, op. cit. : « Pourquoi [une loi] ? Parce que, me semble-t-il, nous sommes vraiment un pays de droit écrit. […] Quoi qu’on en dise, nous vivons dans un pays profondément légaliste et démocratique […] ».

50 De Béchillon Denys, op.cit. : « La loi[…] nous donnera un cadre spécial et je pense, comme tout le monde, qu’il est « démocratiquement » bon sur le principe que le Parlement soit impliqué […]». Voir également: Boudon Julien, op. cit.

51 Tawil Emmanuel, op.cit.: « Les mesures restrictives de libertés adoptées […]entre l’arrêté du 14 mars 2020 et celui du 20 mars 2020 ne pourraient plus l’être aujourd’hui. Heureusement ! […], tant ces arrêtés étaient mal rédigés ».

52 Renard Stéphanie, op.cit.

53 Renard Stéphanie, op.cit.

54 Cf. infra

55 Sénat 1ère lecture, 19 mars 2020, JO 64, p. 2530 : Phillipe Bas (rapporteur) : « La commission des lois a adopté un dispositif de nature différente. Nous ne voulons pas inscrire dans notre droit un régime exceptionnel qui pourrait être mobilisé dans des circonstances que nous ignorons dans cinq, dix ou vingt ans, parce que tout régime dérogatoire pose des problèmes en termes de respect des libertés publiques. Par conséquent, nous avons voulu circonscrire le recours à l’état d’urgence sanitaire à la crise que nous connaissons ».

56 Article 7 de la Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

57 Cassia Paul, op.cit.

58 Amendement n° CL42 présenté par la députée Delphine Batho devant la commission des Lois.

59 Cassia Paulop.cit.

60 C’est au Sénat qu’ait ajouté la disposition relative à la caducité de la loi. Voir le texte voté après la première lecture au Sénat (article 6 bis).

61 Andriantsimbazovina Joël, op.cit. ; Cassia Paul, op.cit. ; Renard Stéphanie, op.cit. ; Rousseau Dominique, « Attention à ne pas multiplier les états d’exception », 22 mars 2020, Le point.

62 Cassia Paul, op.cit.

63 Andriantsimbazovina Joël, op.cit.

64 Renard Stéphanie, op.cit.

65 Décret n° 2020-264 du 17 mars 2020 portant création d’une contravention réprimant la violation des mesures destinées à prévenir et limiter les conséquences des menaces sanitaires graves sur la santé de la population.

66 Pour une critique de son insuffisance : Mistretta Patrick, « Coronavirus covid-19 : un droit pénal chimérique », La Semaine Juridique Édition Générale n° 13, 30 Mars 2020, p. 371.

67 Article 2 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19. Cette loi prévoit aussi une peine complémentaire de travail d’intérêt général. Sur ce point (notamment) : Mayer Danièle, « Le droit pénal au chevet de la crise sanitaire », Dalloz, 2020, p. 649.

68 De Combles de Nayves Pierre, op.cit.

69 Cf infra.

70 De Combles de Nayves Pierre, op.cit.

71 Voir sur ce point notamment : Mucchielli Julien, « Pandémie et prison : les instructions de l’administration pénitentiaire », Dalloz actualité, 16 mars 2020; Babonneau Marine, « Il est purement inexact d’affirmer que le milieu carcéral ne protège pas des risques de pandémie », Dalloz actualité, 23 mars 2020; Bloc Antoine, « Coronavirus : les JAP sur le pied de guerre », 1 avril 2020, Dalloz actualité; Dervieux Valérie-Odile, « Justice pénale française en état d’urgence sanitaire », Dalloz actualité, 17 mars 2020 ; Morineau Amélie, « Covid 19 : on peut faire baisser la population carcérale », LPA, n°064, p. 4 ; Naserzadeh Roksana, « Le (non) journal de confinement », Dalloz actualité, 8 avril 2020.

72 Voir en ce sens, un article du « 20 min ».

73 Voir notamment, Hennette-Vauchez Stéphanie, « L’urgence (pas) pour tou(te)s », Revue des droits de l’homme, ADL, avril 2020.

74 Letteron Roseline, op.cit. L’auteure parle de « stratégie de communication ».

75 Urvoas Jean-Jacques, op.cit. : « Était-il nécessaire de prévoir un état d’urgence sanitaire ? Probablement pas. La jurisprudence du Conseil d’État permet de prendre les mesures qui s’imposent. [Mais…] Le vote d’une loi d’urgence dans la crise actuelle montre surtout que l’État agit… »

76 Letteron Roselineop.cit. Dans le même sens : Andriantsimbazovina Joël, op.cit.

77 Nous laissons de côté la question des élections municipales qui n’appartient pas au dispositif susceptible de durer : Voir notamment : Beaud Olivier, op.cit ; Cassia Paul, « Municipales 2020: la possibilité d'un second premier tour », Mediapart, 19 mars 2020 ; Daugeron Bruno, « Le report du second tour des élections municipales : analyse juridique contre simplifications médiatiques ? », Blog Jus politicum, 30 mars 2020.

78 Voir en ce sens l’intervention du sénateur Kanner, Compte-rendu intégral des débats, Séance du 19 mars 2020, JOS n°24, p. 2503 : « Ce texte est également inquiétant du fait de son champ d’application indéfini. Aucune définition n’est donnée de la notion de « catastrophe sanitaire » laquelle « a une signification très large et pourrait recouvrir les épidémies de grippe, qui font plusieurs milliers de victimes par an, voire celles de gastro-entérite ». Voir aussi Derosier Jean-Philippe, « Une vigilance nécessaire », La constitution décodée, 19 mars 2020.

79 Voir supra.

80 Intervention de Mme de la Gontrie, Compte-rendu intégral des débats, Séance du 19 mars 2020, JOS n°24, p. 2512 : « Curieusement, votre texte ne contient pas de définition claire de la notion de « catastrophe sanitaire ». Il conviendrait sans doute d’établir une hiérarchie entre la « menace sanitaire grave », notion qui renvoie à l’article L. 3131-1 du Code de la santé publique, la « catastrophe sanitaire » et la « catastrophe sanitaire exceptionnelle ». Sinon, je ne vois pas comment vous pourrez faire le départ entre les diverses situations ».

81 Amendement n°87 présenté par M. De Courson et al.

82 Derosier Jean-Philippe, « Une vigilance nécessaire », op. cit. Renard Stéphanieop.cit.

83 Article L3131-19 CSP.

84 Renard Stéphanieop.cit.

85 Cf. infra.

86 Article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.

87 Monteclerc Marie-Christine « Le juge des référés du Conseil d'État sur le front du coronavirus », Dalloz actualité, 1 avril 2020.

88 See Arnaud, op.cit.

89 Hennette-Vauchez Stéphanie, op.cit.

90 Tawil Emmanuel, op.cit.

91 Andriantsimbazovina Joël, op.cit.

92 Article 2 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

93 Renard Stéphanie, op.cit.

94 Cassia Paul, op.cit.

95 Article 2 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

96 Sizaire Vincent, op.cit.

97 Sizaire Vincent, op.cit.

98 Le professeur Truchet revendique un point de vue d’« administrativiste sanitaire » qui le conduit certes à admirer« le talent des constitutionnalistes pour controverser à propos de la sauvegarde et de l’aménagement des procédures et des compétences, de la place du Parlement et du Conseil» mais à ses yeux, « les administrativistes paraissent plus expéditifs ou plus réalistes.». Truchet Didier, op. cit. 

99 Hennette-Vauchez Stéphanie, « État d'urgence : où sont passés les contre-pouvoirs » in Halpérin Jean-Louis and Hennette-Vauchez Stéphanie et Millard, Éric, L’état d’urgence : de l'exception à la banalisation, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2017.

100 Conseil d’Etat, Avis n°399873 du 18 mars 2020 sur un projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.

101 Altwegg-Boussac Manon, « La fin des apparences. À propos du contrôle parlementaire en état d’urgence sanitaire », in Revue des droits de l’Homme, Actualités Droits-Libertés, 10 avril 2020 : « La perception du Parlement comme « autorité normative », semble se substituer, là encore, à l’institution parlementaire devant laquelle s’exerce la responsabilité dans un régime parlementaire » ce qui fait dire à Mme Renard que le Conseil d’Etat est « décidément fâché avec le droit constitutionnel ». Renard Stéphanie, op.cit.

102 La disposition sénatoriale était ainsi rédigée : « I. – À la demande de l’Assemblée nationale ou du Sénat, les autorités administratives communiquent toute mesure prise ou mise en œuvre en application de la présente loi. II. – L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire en ce qui concerne le contrôle et l’évaluation de ces mesures ainsi que les conséquences sanitaires de l’épidémie de Covid‑19 ».

103 Intervention de M. Pierre Laurent. Compte-rendu intégral, Séance du 19 mars 2020, JOS n°24, p. 2514 : « On nous dit que douze jours, c’est trop court, mais regardez ce qu’il vient de se passer en douze jours : la situation a changé plusieurs fois ! Cet après-midi encore, il a été nécessaire de convoquer une réunion exceptionnelle dans cette enceinte pour prendre des mesures nouvelles […]. Douze jours, lors d’une crise de cette ampleur, cela peut être très long. Réunir le Parlement ne constitue pas un obstacle au déploiement des moyens nécessaires ».

104 Altwegg-Boussac Manon, op. cit.

105 Voir en ce sens : Renard Stéphanie, op. cit. ; Cassia Paul, op.cit.

106 Altwegg-Boussac Manon, op.cit.

107 Compte-rendu intégral des débats, 2ème séance du 21 mars 2020, JOAN n°35, p. 2596. : D’après le ministre chargé des relations avec le parlement, « de toute évidence, l’amendement inclut les informations requises par l’Assemblée nationale ou par le Sénat sur des mesures prises par les préfets dans les départements ».

108 Intervention de la rapporteure de la commission des lois. Compte-rendu intégral des débats, 2ème séance du 21 mars 2020, JOAN n° 35, p. 2594.

109 Altwegg-Boussac Manon, op. cit.

110 En vertu de l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958, les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat s’étaient dotées des pouvoirs dévolus aux commissions d’enquête la commission des lois du Sénat avait également établie un comité de suivi de 6 membres afin de tenir le Sénat régulièrement informé de l’ensemble des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence et d’organiser l’audition des responsables publics ainsi que des personnalités ou des organisations susceptibles de compléter son information.

111 Camby Jean-Pierre, « Contrôle parlementaire et coronavirus », Le club des juristes, 31 mars 2020.

112 Prévue par l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, cette mission d’information particulière aurait permis aux parlementaires de s’appuyer sur leur propre groupe d’experts mais les critiques relatives à l’influence des scientifiques sur la décision politique ont peut-être pesé. Voir à ce sujet : Chevallier Jacques, « Expertise scientifique et décision politique », Le club des juristes, 23 mars 2020.

113 Communiqué de presse du 30 mars 2020. Voir aussi le point de situation établi par l’office au 30 mars 2020.

114 Camby Jean-Pierre, op. cit. : « la Conférence des présidents décide d’une mission générale de suivi de la crise, structure adaptée au suivi de calamités publiques ».

115 En ce sens : Viguer Simon, « Une mission d’information extraordinaire », Les cuisines de l’Assemblée, 31 mars 2020.

116 Voir les communiqués de presse de la présidence de l’Assemblée nationale du 16 mars 2020 et du 17 mars 2020. Elle devra toutefois être « temporaire » selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Voir la décision 90-275 DC du 06 juin 1990.

117 Article 138 RAN

118 En faisant usage du « droit de tirage » consacré par l’article 141 RAN.

119 En ce sens : Derosier Jean Phillipe, « Etat d’urgence sanitaire et liberté en mauvaise santé », La Constitution décodée, 30 mars 2020.

120 Sur les initiatives de l’opposition, voir : la proposition de résolution n°2742 tendant à la création d’une commission d’enquête sur le coronavirus déposée par un membre du groupe Les Républicains le 04 mars 2020 ;la proposition de résolution n°2817 tendant à la création d’une commission d’enquête visant à identifier les dysfonctionnements dans la gestion sanitaire de la crise du Covid 19 déposée par M. Chassaigne le 08 avril 2020 en vertu du droit de tirage dont dispose le groupe communiste au titre de l’article 141 al. 2 du RAN.

121 Voir en ce sens : Lemaire Elina, « Le Parlement face à la crise du Covid 19 (2/2) », Blog Jus politicum, 13 avril 2020.

122 L’article 145 al. 4 du RAN précise que dans une mission d’information, « la fonction de président ou de rapporteur revient de droit à un député appartenant à un groupe d’opposition, si ces fonctions ne sont pas exercées par la même personne » ce qui est bien le choix qui a été fait en l’espèce.

123 En vertu de l’article 39 al. 3 du RAN ne peut être élu à la présidence de la Commission des finances qu’un député appartenant à un groupe d’opposition. Ce dernier est donc le seul co-rapporteur d’opposition.

124 Sans que les fondements juridiques permettant d’octroyer ces pouvoirs à une mission d’information ne soient pour l’heure, explicités.

125 Compte-rendu n°2 de la Mission d’information de la conférence des Présidents sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Coronavirus-Covid 19, Séance de 18h du mercredi 1er avril 2020.

126 « On connait, depuis l’affaire Benalla, la clémence de la majorité envers le Gouvernement ». Derosier Jean Phillipe, op.cit.

127 Voir Cassia Paul, op.cit. Selon lui, il n’y aurait rien à attendre de ce contrôle parlementaire qui « ne conduira […] qu’à la production de rapports parlementaires utiles aux seuls chercheurs en droit ou en sciences sociales, tant il est exclu […] qu’une commission des Lois sous emprise du président de la République contrôle de manière effective l’action du gouvernement ».

128 Communiqué de presse du 2 avril 2020 : « La mission de suivi de la commission des lois du Sénat analyse les premiers textes pris au titre de l’état d’urgence sanitaire ».

129 Ibid.

130 Derosier Jean Phillipe, ; op.cit. Voir aussi Lemaire Elina, op. cit.

131 Rescan Manon, Soullier Lucie, Mestre Abel et Zappi Sylvia, « Coronavirus : Comment l’assemblée est devenue un nouveau “cluster” », Le Monde, 21 mars 2020.

132 Communiqué de presse de la présidence de l’Assemblée nationale du 17 mars 2020.

133 Ce comité secret est prévu à l’article 51 du RAN mais n’a jamais été utilisé sous la Ve République. Il apparait inadapté à la gestion de la crise sanitaire puisqu’il porte atteinte à la publicité des séances sans pour autant limiter le nombre de personnes physiquement réunies à l’Assemblée.

134 Lacourieux Brice, « Légiférer en période d’épidémie », Les cuisines de l’Assemblée, 18 mars 2020.

135 Mais seulement une pour la vingtaine de députés non-inscrits.

136 Voir l’ouverture de la séance du 19 mars 2020. Voir également : Lemaire Elina, « Le Parlement face à la crise du Covid 19 (1/2) », Blog Jus politicum, 2 avril 2020.

137 Viguer Simon, op. cit.

138 Lacourieux Brice, op. cit..

139 Derosier Jean-Philippe, « Etat d’urgence sur les libertés », La constitution décodée, 6 avril 2020. : « Un suivi des mesures prises par le Gouvernement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire est organisé […] mais, là encore, dans des conditions déplorables, par des auditions en visioconférence qui n’ont d’autres conséquences que d’informer, plutôt que de contrôler ».

140 Déc. n° 2018-767 DC du 5 juillet 2018, Résolution relative aux obligations déontologiques et à la prévention des conflits d'intérêts des sénateurs).

141 Lemaire Elina, op.cit.

142 Ibid.

143 Champeil-Desplats Véronique, « Toutes les mesures en matière de surveillance ont été étendues au-delà de leur finalité initiale », Society, 12 avril 2020.

144 Cassia Paul, « Le Conseil d’Etat et l’état d’urgence sanitaire : bas les masques ! », 11 avril 2020

145 Derosier Jean-Phillipe, « Projet de loi d’urgence : que le Conseil constitutionnel soit saisi ! », Libération, 20 mars 2020.

146 La question de savoir si la saisine du Conseil constitutionnel rendait impossible la promulgation de la loi a été posée par un parlementaire qui espérait concilier le contrôle du Conseil et l’entrée en vigueur immédiate de la loi, arguant du fait que la décision de ce dernier « ne serait pas un préalable à l’entrée en vigueur de la loi » en dépit de l’article 61 al. 4 C. qui dispose que la saisine du Conseil suspend le délai de promulgation de 15 jours prévu à l’article 10 C. Compte-rendu intégral des débats, 3ème séance du 21 mars 2020, JOAN n° 35, p. 2672.

147 Voir, entre autres, sur cette pratique : Benetti Julie, « « La saisine parlementaire (au titre de l'article 61 de la Constitution) », in Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel 1/2013 (n° 38), p. 85-98.

148 Voir supra.

149 Voir en ce sens « l’aveu » de M. Lagarde, pour qui tous les députés ont « conscience que certaines mesures contenues dans le projet de loi exceptionnel […] sont à la limite de la constitutionnalité » ou les doutes de M. De Courson pour qui « le projet de loi ordinaire d’urgence que nous venons de voter soulève un certain nombre de problèmes constitutionnels. Bien malin celui d’entre nous qui pourrait affirmer que toutes les dispositions que nous avons votées sont conformes à la Constitution ». Compte-rendu intégral des débats, 3ème séance du 21 mars 2020, JOAN n°35, p. 2671-2672.

150 Voir Sizaire Vincent, op.cit. Voir aussi, Slama Serge, « États d’urgence au pluriel », Colloque virtuel Droit et coronavirus, 27 mars 2020 : le Conseil constitutionnel avait, à l’occasion de son contrôle de l’état d’urgence sécuritaire, indiqué qu’une assignation à résidence au-delà de 12 heures par jour s’apparenterait à une privation de liberté individuelle. La transposition de cette jurisprudence à des mesures de quarantaine personnalisées se pose alors.

151 Voir en ce sens, Slama Serge, op. cit. ; DE Combles de Nayves Pierre, op.cit. Voir contra : Sizaire Vincent, op.cit. 

152 M. De Courson fait part à l’Assemblée nationale de sa crainte : « Que n’interviennent de nombreux contentieux, à l’occasion desquels les requérants soulèvent une QPC. Or si la loi était annulée à cette occasion, nous serions en difficulté ». Compte-rendu intégral des débats, 3ème séance du 21 mars 2020, JOAN n° 35, p. 2672.

153 Derosier Jean-Phillipe », op. cit.

154 Article 23-4 et 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

155 Article 23-10 de cette même ordonnance.

156 M. Lagarde expliquait qu’il se refuserait « à titre personnel, à voter un projet de loi organique qui suspendrait le droit pour nos concitoyens de contester la constitutionnalité d’une loi que je viens de voter mais dont je ne suis pas sûr qu’elle respecte en tout point les principes fondamentaux de la Constitution ». Compte-rendu intégral des débats, 3ème séance du 21 mars 2020, JOAN n°35, p. 2671.

157 Amendement n°3 présente par M. Lagarde et al.

158 Compte-rendu intégral des débats, 3ème séance du 21 mars 2020, JOAN n°35, p. 2672.

159 Benzina Samy, « La curieuse suspension des délais d’examen des questions prioritaires de constitutionnalité », Blog Jus politicum, 3 avril 2020.

160 Cassia Paul, « Le Conseil constitutionnel déchire la Constitution », 27 mars 2020. Voir également la contribution à l’examen de la loi organique par le Conseil constitutionnel rédigée pour l’association de défense des libertés constitutionnelles.

161 Décision n°2020-799 DC du 26 mars 2020, Loi organique d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

162 En ce sens : Gicquel Jean-Eric, « La loi organique Covid-19 et l'irrespect non sanctionné de la Constitution », Gazette Du Palais 7 avril 2020, p. 27 ; Roudier Karine, « Un nouveau recul du Conseil constitutionnel dans son rôle de contrepoids », Dalloz Actualité, 06 avril 2020 ; Torrente Maxime, « Loi d’urgence contre le Covid-19 : une nécessaire inconstitutionnalité », Les Cuisines de l’Assemblée, 27 mars 2020.

163 Voir en ce sens : Champeil-Desplats Véronique, « Le Conseil constitutionnel face à lui-même », in Revue des droits de l’Homme, Actualités Droits-Libertés, 13 avril 2020.

164 Carpentier Mathieu, « L’arrêt Heyries du Conseil constitutionnel ? », Blog Jus politicum, 04 avril 2020.

165 Gicquel Jean-Eric, op. cit.

166 Cassia Paul, op.cit.

167 Conseil d’Etat, Ass., 23 décembre 2011, Danthony. Voir l’intervention de la professeure Mamoudy à l’occasion des débats de la matinée du 30 mars 2020 du Colloque virtuel Droit et coronavirus.

168 Voir encore Champeil-Desplats Véronique, op. cit.

169 En plus de celle selon laquelle l’utilité de la loi étant douteuse (voir supra), les conséquences de son annulation auraient été limitées.

170 Roudier Karine, op. cit.

171 Ibid. Voir aussi Gicquel Jean-Eric, op. cit., voir aussi : Andriantzimbazovina Joël, intervention à l’occasion des débats de la matinée du 30 mars 2020 du Colloque virtuel Droit et coronavirus.

172 Cassia Paul, op. cit.

173 Cassia Paul, op. cit se référant au rapport n° 381 déposé le 19 mars 2020 à la commission des Lois du Sénat.

174 Roudier Karine, op. cit.

175 Voir Andriantzimbazovina Joël, op.cit.

176 Sur ce point : Cassia Paul, op. cit. ; Benzina Samy, op.cit. » Au contraire, le professeur Carpentier juge que la suspension du délai imposé aux cours suprêmes « ne supprime pas celui-ci, et demeure donc conforme à l’exigence « de délai déterminé » de l’article 61-1 ; quant à la décision QPC du Conseil constitutionnel lui-même, aucune règle ni aucun principe constitutionnel n’exige que la loi organique instaure un délai quel qu’il soit » (Carpentier Mathieu, op.cit.).

177 Voir, par exemple, la décision n° 86-225 DC du 23 janvier 1987, Loi portant diverses mesures d’ordre social, (Décision dite « amendement Seguin ») : La méconnaissance du principe du vote personnel est bien constitutive d’une inconstitutionnalité mais celle-ci n’entraine la censure de la procédure législative qu’à la double condition, « d’une part, qu’un ou des députés ont été portés comme ayant émis un vote contraire à leur opinion et, d’autre part, que, sans la prise en compte de ce ou ces votes, la majorité requise n’aurait pu être atteinte ». Voir également les décisions n° 2005-528 DC du 15 décembre 2005 (cons. 20 à 24) et n° 2016-745 DC du 26 janvier 2017 (cons. 2 à 8) mentionnées par la professeure Champeil-Desplats.

178 Champeil-Desplats Véronique,op. cit.

179 Voir : Conseil d’Etat, Ordonnance n°439895 du 09 avril 2020, Association mouvement citoyen tous migrants et autres

180 Voir la fiche d’actualité de la Cour de Cassation.

181 Champeil-Desplats Véronique, op. cit.

182 Elshoud Mélanie, « Etat d’urgence et juge administratif », Journal du droit administratif, 3 avril 2016, disponible sur http://www.journal-du-droit-administratif.fr/?p=511.

183 Touzeil Divina Mathieu, « Ni oui ni non, ni bravos ni confinements totaux « en l’état » d’urgence sanitaire : l’ordonnance dilatoire du Conseil d’Etat », 23 mars 2020, Journal du droit administratif. Voir aussi Letteron Roseline, « Covid-19 : le Conseil d’Etat tombe le masque », Blog, libertéschéries, 31 mars 2020.

184 Touzeil Divina Mathieu, op.cit ; De Béchillon Denys, op.cit.

185 Voir en ce sens, voir la déclaration du Conseil d’Etat sur son site.

186 Chevalier Jean-Baptiste, « Crise sanitaire du Covid-19 : quel impact sur le fonctionnement des juridictions administratives ? », Blog de droit administratif, 26 mars 2020.

187 Chevalier Jean-Baptiste, op.cit.

188 Chevalier Jean-Baptiste, op.cit.

189 Article 11 de la loi du 23 mars 2020.

190 Article 7 et 9 de l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

191 CE, 22 mars 2020, n°439674.

192 Voir toutes les décisions sur le site du CE.

193 Toutes les ordonnances sauf CE, 1 avril 2020, n°439762.

194 CE, 15 avril 2020, n° 439910 : les requérants invoquent aussi la dignité humaine.

195 Telles que les dérogations à l’obligation de confinement (voir : CE, 22 mars 2020, n°439674) ou les mesures d’hygiène dans les cantines des établissements pénitentiaires (voir : CE, 8 avril 2020, n°439827).

196 La loi indique toutefois que les mesures prises doivent être « strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires », alors même que le juge des référés exerce théoriquement un contrôle de l’erreur manifeste même si de nombreuses études ont montré que son office avait déjà largement évolué vers un contrôle de la proportionnalité.

197 See Arnaud, op.cit.

198 Charité Maxime, « Les besoins essentiels à la vie : une notion fonctionnelle au cœur de la lutte contre la pandémie du coronavirus », RDLF, 2020, chron. n°23.

199 Charité Maxime, op.cit.

200 Renard Stéphanie, op.cit.

201 Saunier Claire, « La position délicate du juge des référés face à la crise sanitaire : entre interventionnisme ambigu et déférence nécessaire », Blog Jus politicum, 11 avril 2020.

202 Letteron Roseline, op.cit.

203 Renard Stéphanie, op.cit.

204 Dupré de Boulois Xavier, op.cit.

205 Dupré de Boulois Xavier, op.cit. Dans le même sens : Parinet-Hodimont Pauline, « Les joggers bientôt privés de sortie ? », Recueil Dalloz 2020, p. 687.

206 Hervieu Nicolas, « Le droit à l’épreuve de la pandémie », Gazette du Palais, 26 mars 2020.

207 De Béchillon Denys, op.cit.

208 Renard Stéphanie, op.cit.

209 Dupré de Boulois Xavier, op.cit. ; Saunier Claire, op.cit.

210 CE, 2 avril 2020, n°439763.

211 Saunier Claire, op.cit.

212 Dupré de Boulois Xavier, op.cit.

213 CREDOF, « Ce qui restera(ra) toujours de l’urgence », Rapport pour le Défenseur des droits, février 2018.

214 Saunier Claire, op.cit.

215 CE 22 mars 2020, n°439674.

216 CE, 28 mars 2020, n° 439726.

217 CE, 15 avril 2020, n° 439910.

218 CE 22 mars 2020, n°439674. Voir aussi, CE, 8 avril 2020, n° 43982.

219 Sur l’importance de l’expertise médicale : Truchet Didier, « Covid 19 : Point de vue d’un “administrativiste sanitaire” », op. cit. ; De Béchillon Denys, op.cit.

220 CE, 15 avril 2020, n° 439910.

221 Voir par exemple, CE, 4 avril 2020, n° 439904 ; CE, 4 avril 2020, n°439905.

222 Truchet Didier, op. cit. Contra : Chevalier Jean-Baptiste, op.cit.

223 CE, 28 mars 2020, n°439693. Voir également : CE, 27 mars 2020, n° 439720 : « Le nombre des personnes nouvellement placées en rétention […] devrait être marginal dans la période à venir ».

224 Le mot apparaît CE, 2 avril 2020, n° 439763. Voir : Saunier Claire, « La position délicate du juge des référés face à la crise sanitaire : entre interventionnisme ambigu et déférence nécessaire », op.cit.

225 Beaud Olivier, Rebut Didier et Broyelle Camille, « La responsabilité des ministres et de l’État dans la gestion de la crise du Coronavirus », Le club des juristes, 23 mars 2020.

226 Touzeil Divina Mathieu, op.cit. Voir aussi Hennette-Vauchez Stéphanie, « Covid-19 et responsabilité de la puissance publique », Colloque virtuel Droit et coronavirus, 27 mars 2020.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Antonin Gelblat et Laurie Marguet, « État d’urgence sanitaire : la doctrine dans tous ses états ? »La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 20 avril 2020, consulté le 17 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/revdh/9066 ; DOI : https://doi.org/10.4000/revdh.9066

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Auteurs

Antonin Gelblat

Docteur en droit public de l'Université Paris-Nanterre

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Laurie Marguet

Maîtresse de conférences en droit public à l’université Paris-Est Créteil, rattachée au centre de recherche MIL (marchés, institutions, libertés)

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