Préserver la richesse et la qualité des soins psychiques
Dans ce numéro

Préserver la richesse et la qualité des soins psychiques

Editorial
Issue
2017/08
DOI:
https://doi.org/10.4414/sanp.2017.00547
Swiss Arch Neurol Psychiatr Psychother. 2017;168(08):221

Published on 12.12.2017

La pratique de la psychiatrie et de la psychothérapie est une affaire de lien et c’est l’établissement d’une ­relation avec le patient, qui conditionne l’entier de notre démarche. Elle est aussi une affaire de confiance entre le patient et son thérapeute. Giovanni Maio ­explore dans son article les multiples facettes de ce sentiment qui permet justement l’établissement du lien. Il y discute ce qu’il est advenu de la confiance dans le monde contemporain des «soins contractua­lisés», de l’impact que ce contexte nouveau peut avoir sur l’établissement d’une relation de confiance entre soignant et patient et de combien il est essentiel d’y travailler de manière à pouvoir offrir des soins de ­qualité.
Mais la pratique de la psychiatrie et de la psychothérapie, et plus généralement celle des métiers de soins où la compassion et le souci de l’autre jouent un rôlecentral, demande énormément d’énergie et, reconnaissons-le, peut user et parfois conduire à l’épuisement. Dans leur article, Francis Vu et Patrick Bodenmann abor­dent cette question parfois taboue et certainement complexe de la «fatigue de compassion». Alors que le burn out survient avant tout dans un contexte de surcharge, de pressions professionnelles et donc de facteurs de stress organisationnels, la fatigue de compassion survient dans le celui d’un excès d’expo­sition à des situations émotionnellement difficiles qui progressivement émousse la capacité d’empathie du soignant et peut le conduire aussi loin qu’à la ­dépression et au suicide. Dans une revue de littérature très détaillée, les auteurs définissent le concept, en ­explorent les causes et identifient les stratégies qui permettent de la combattre.
Parmi celles-ci, on trouve naturellement le fait de reconnaître l’existence de cette fatigue, ce qui souvent n’est pas évident pour des soignants très dévoués à leur tâche. On trouve également la mention de l’importance de l’encadrement des soignants et de la création d’espaces dans lesquels il peut être question de leur ­expérience et de leur ressenti dans leur pratique quo­tidienne. On trouve enfin la mention de la formation, qui est à l’évidence un élément essentiel pour pouvoir trouver la bonne distance dans une relation soignante et se préserver tout en éprouvant de l’empathie. C’est l’objet de l’article d’Ueli Kramer et collaborateurs, qui présentent le «Good Psychiatric Management (GPM)», une approche clinique pragmatique développée par John Gunderson aux Etats-Unis pour la prise en charge des patients souffrant d’un trouble de personnalité. Cette méthode facilement accessible constitue, selon les auteurs, une excellente base pour la prise en charge de ces patients dont le suivi peut constituer un défi de taille, si bien qu’ils suggèrent d’en faire le socle de la formation des psychiatres et psychothérapeutes dans le domaine des troubles de personnalité.
La formation est également au cœur de l’article de Heinz Böcker qui fait le compte rendu du livre rédigé par ­Joachim Küchenhoff. Dans cet ouvrage pratique, s’adressant aux psychothérapeutes de tous les axes, l’auteur explore les mécanismes de la dépression, ­identifie comme élément central la peur de la perte de la relation et défend l’importance, dans certains cas tout au moins, de traitements de longue durée dans une ère où la thérapie brève devient la norme.
Mais naturellement et heureusement, tout ne repose pas sur les soignants; le mieux-être psychique passe également par la remobilisation des ressources propres du patient qui le conduiront sur le chemin du réta­blissement. C’est ce que nous rappelle Thomas Meng, responsable de l’«Atelier ouvert» de l’hôpital de jour de la personne âgée de Weinfelden quand il affirme que la créativité donne des réponses aux questions existentielles et contribue à reconstruire l’identité.
Comme on le voit, ce numéro des Archives Suisses de Neurologie, Psychiatrie et Psychothérapie regorge de sujets passionnants et de pistes qui devraient nous permettre de préserver la richesse et la qualité des soins psychiques délivrés dans notre pays, et nous vous souhaitons donc une bonne lecture.