Rapports sur la santé
Une mesure pancanadienne fondée sur les données ouvertes de l’accessibilité à la vie active dans les milieux de vie

par Thomas Herrmann, William Gleckner, Rania A. Wasfi, Benoît Thierry, Yan Kestens et Nancy A. Ross

Date de diffusion : le 15 mai 2019

DOI : https://www.doi.org/10.25318/82-003-x201900500002-fra

Les éléments modifiables des milieux de vie (p. ex. le nombre de trottoirs, la proximité des services commerciaux, la densité de la population) peuvent accroître les taux de recours au transport actif (c.-à-d. se déplacer à pied et en vélo et utiliser le transport en commun)Note 1Note 2Note 3Note 4Note 5. Les chercheurs en santé publique et en urbanisme mesurent souvent trois caractéristiques des collectivités qui favorisent le transport actif : une plus grande connectivité des rues (p. ex. la densité d’intersections, le caractère direct de la trame routière), une densité accrue (p. ex. la densité de la population, la densité de logements) ainsi qu’un plus grand nombre et une plus grande diversité de destinations à proximitéNote 4Note 6Note 7. Les études canadiennes révèlent que l’exposition à un milieu favorable à la vie active est associée à des indicateurs de la santé optimaux, y compris une tension artérielle systolique plus optimaleNote 8; une diminution de la prévalence de l’obésité, de l’embonpoint et du diabèteNote 9,et une meilleure évolution de la masse corporelle chez les hommesNote 10.

Une mesure nationale de l’accessibilité à la vie active dans les milieux de vie est souhaitable afin de faciliter la comparaison directe des collectivités, la surveillance de la santé de la population à l’échelle nationale, le couplage de données avec celles des enquêtes nationales sur la santé au Canada (p. ex. l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes et l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé) et les études par cohortes menées par des chercheurs. Actuellement, il existe très peu de mesures pancanadiennes de l’accessibilité à la vie active et celles qui existent ne sont pas facilement accessibles ni gratuitesNote 11.

Le présent article a pour objet de décrire la création de l’ensemble de données sur l’accessibilité à la vie active dans les milieux de vie au Canada (AVA-Can) : un ensemble pancanadien de quatre mesures individuelles et quatre mesures agrégées qui caractérisent l’accessibilité à la vie active dans les collectivités canadiennes au niveau des aires de diffusion (figure 1). La présente étude fait état des analyses qui ont guidé le choix des mesures et des sources de données pour constituer l’ensemble de données. L’objectif était de produire une base de données nationale seulement à partir de données ouvertes et d’évaluer le rendement des données ouvertes par rapport aux sources conventionnelles ou privées. Une version 2006 et une version 2016 de l’AVA-Can sont téléchargeables en ligne (https://nancyrossresearchgroup.ca/research/can-ale/).

Données et méthodes

Conception de l’étude

De nombreuses mesures potentielles de l’accessibilité à la vie active ont été créées pour représenter la connectivité, la densité et l’accès aux destinations pour 56 589 aires de diffusion (données de 2016) au Canada à l’aide d’un système d’information géographique (SIG). On a obtenu les mesures potentielles à l’aide d’ArcMap (version 10.5) et les mesures comprises dans l’ensemble de données définitif d’AVA-Can à l’aide de PostGIS (version 2.3.3), une extension de type SIG du système de gestion de base de données relationnelle-objet PostgreSQL (le codage est accessible sur demande auprès des auteurs). Les aires de diffusion (AD) sont des unités géographiques définies par Statistique Canada. Il s’agit de la plus petite région géographique normalisée pour laquelle toutes les données du recensement sont diffusées dans l’ensemble du Canada; la population d’une AD compte de 400 à 700 personnesNote 12. Une analyse de corrélation a servi à éclairer les décisions relatives aux mesures à retenir pour l’ensemble de données définitif pancanadien. Les décisions étaient fondées sur des principes selon lesquels les mesures sélectionnées étaient (1) associées aux taux de recours à la marche, (2) conformes à une variété d’environnements bâtis (p. ex. la ville, la banlieue, les régions rurales) et (3) librement accessibles pour les chercheurs et le milieu de la santé publique. On a réalisé une analyse par grappes à K médianes — un processus itératif utilisé pour assigner des observations (dans le cas présent, des AD) à une grappe où la distance médiane à l’intérieur des grappes est réduite au minimum et où la distance médiane entre les grappes est maximisée — pour guider la création d’une variable catégorique caractérisant le caractère favorable du milieu à la vie active dans les collectivités canadiennes tant pour la recherche que pour la surveillance de la santé publique.

Unité d’analyse

La principale unité d’analyse était une zone tampon circulaire située dans un rayon de un kilomètre autour du centroïde de l’AD. Des études antérieures ont démontré des différences dans les associations entre les mesures et le recours à la marche pour se déplacer ou les résultats en matière de santé en fonction du type d’unité géographique utilisée pour obtenir les mesuresNote 13Note 14Note 15. Par conséquent, les chercheurs ne s’entendent pas toujours sur le choix des zones tampons. Pour déterminer la forme et la taille les plus appropriées pour les zones tampons de l’ensemble de données national, on a calculé 12 mesures de la vie active pour un sous-ensemble d’AD sur l’île de Montréal d’après 4 types de zones tampons, dont la forme (circulaire ou fondée sur le réseau routier) et le rayon (500 mètres ou 1 kilomètre) variaient. Selon les taux de déplacement à pied tirés de l’enquête Origine-Destination menée en 2013 à Montréal, 10 des 12 mesures étaient le plus fortement corrélées au taux de déplacement à pied lorsque les calculs étaient fondés sur la zone tampon circulaire de un kilomètre de rayon. De façon générale, les mesures calculées selon des zones tampons de 500 mètres fondées sur le réseau routier présentaient les associations les plus faibles aux taux de déplacement à pied (les résultats sont disponibles sur demande auprès des auteurs). De par leur nature, les zones tampons fondées sur le réseau routier constituent une mesure de la connectivitéNote 16Note 17 et leur utilisation signifie en fait que la connectivité est comptée deux fois dans les mesures agrégées. La force des associations aux taux de déplacement à pied et l’incidence étonnante des zones tampons fondées sur le réseau routier ont mené à l’adoption des zones tampons circulaires de un kilomètre de rayon. Les zones tampons circulaires facilitent également le calcul des ressources en regard des zones tampons fondées sur le réseau routier.

Données

Mesures de l’accessibilité à la vie active dans les milieux de vie

Les mesures de l’accessibilité à la vie active dans les milieux de vie ont été calculées à partir de trois sources principales : Statistique Canada (Fichier du réseau routier 2016, chiffres de population et des logements), DMTI Spatial (le fichier « Enhanced Points of Interest » [EPOI] 2017 sur les points d’intérêt améliorés) et OpenStreetMap (réseau de routes et de voies piétonnières, points d’intérêt). Le Fichier du réseau routier 2016 de Statistique Canada est une représentation numérique du réseau routier national du CanadaNote 18. Le fichier EPOI 2017 de DMTI Spatial contient environ 1,7 million d’enregistrements géocodés sur les entreprises et les établissements (p. ex. les écoles, les hôpitaux) ainsi que sur d’autres éléments sélectionnésNote 19. DMTI Spatial est une source de données privées qui est accessible aux chercheurs universitaires canadiens en vertu de la concession de licences spéciales aux fins de recherche et constitue le pilier des mesures fondées sur les destinations. OpenStreetMap (OSM) est une carte numérique du monde qui est fondée sur les licences ouvertes et les données générées par les utilisateursNote 20. OSM contient des données spatiales concernant l’infrastructure de transport (p. ex. les rues, les voies piétonnières, les gares ferroviaires), les caractéristiques naturelles et topologiques, les points d’intérêt (p. ex. les magasins, les écoles) et les limites administratives. Bien que la plupart des chercheurs au Canada utilisent des ensembles de données exclusifs pour mesurer l’accessibilité à la vie active dans les milieux de vie, les données d’OSM ont été validées à l’aide d’ensembles de données exclusifs et gouvernementaux et elles ont été utilisées pour la recherche au CanadaNote 21ainsi que dans d’autres pays occidentauxNote 22Note 23. Les données d’OSM ont été tirées de la base de données du serveur de Geofabrik en octobre 2017Note 24.

On a calculé deux mesures de connectivité (la densité d’intersections à trois voies et la densité d’intersections à quatre voies) à trois reprises, chaque fois selon une démarche méthodologique ou une source de dérivation différente. Premièrement, on a calculé la densité d’intersections à partir des intersections routières figurant dans le Fichier du réseau routier 2016 de Statistique Canada. Deuxièmement, on a calculé la densité d’intersections à l’aide des caractéristiques routières dans OSM, qui sont en principe identiques à celles que contient le fichier de Statistique Canada. Troisièmement, on a calculé la densité d’intersections à partir des intersections des routes, des voies piétonnières et des sentiers récréatifs figurant dans OSM. Les routes à accès limité (p. ex. les autoroutes) ont été retirées de chaque fichier routier avant le calcul de la densité d’intersections.

Quatre mesures de la densité ont été calculées, et elles variaient sur le plan des données sous-jacentes (le chiffre de population par rapport au chiffre des logements) et de la méthode de calcul (la densité brute par rapport à la densité pondérée). On a calculé la densité de population brute et la densité de logements brute en divisant le chiffre de population ou le chiffre des logements par la superficie de l’AD. On a calculé la densité de population pondérée et la densité de logements pondérée en agrégeant le chiffre de population ou le chiffre des logements de chaque AD dans la zone tampon et en le divisant par la superficie de la zone tampon. Si une AD était entièrement incluse dans la zone tampon, on ajoutait toute sa population et tous ses logements au dénombrement de la zone tampon. Si une AD n’était que partiellement comprise dans la zone tampon, le chiffre de population ou le chiffre des logements de l’AD était ajusté en fonction de la proportion de l’AD se trouvant dans la zone tampon. Par exemple, si seulement 25 % d’une AD de 1 000 habitants se trouvait dans la zone tampon, on assignait 250 habitants de cette région à la zone tampon. Les grandes étendues d’eaux côtières et les AD sans données ont été exclues de ce calcul. On a additionné les valeurs entières et ajustées pour déterminer le chiffre de population et le chiffre des logements approximatifs pour la zone tampon. Les chiffres de population et les chiffres des logements ont été tirés du Recensement de 2016 réalisé par Statistique Canada.

Le seul élément qui distinguait les mesures de points d’intérêt était la source de données sous-jacente. L’ensemble de données EPOI de DMTI Spatial contient les coordonnées géographiques des entreprises et des institutions gouvernementales au Canada ainsi que quelques autres points d’intérêt particuliers (p. ex. les parcs provinciaux et nationaux, les postes frontaliers). Les points d’intérêt dans OSM sont un large éventail d’éléments cartographiés (p. ex. les écoles, les magasins, les parcs, les bancs, les guichets automatiques, les terrains de soccer) provenant de sources de données administratives et des contributions des utilisateurs. On a calculé les deux mesures en dénombrant les points d’intérêt dans la zone tampon circulaire de un kilomètre de rayon. En outre, on a calculé une mesure des arrêts de transport en commun pour les AD se trouvant dans les régions métropolitaines de recensement (RMR), des régions urbaines dont la population compte au moins 100 000 habitants. Cette mesure reflète le nombre d’arrêts ou de stations pour le transport en commun (p. ex. les arrêts d’autobus, les stations de train léger sur rail, les stations de métro) dans l’AD de la zone tampon. Les coordonnées de chaque arrêt de transport en commun ont été tirées en décembre 2017 des ensembles de données publiés sur les sites Web des municipalités ou des agences de transport qui sont conformes aux normes de la General Transit Feed Specification (GTFS). Les régions situées à l’extérieur des RMR ont été omises puisque la disponibilité des données GTFS n’était pas uniforme. On a calculé la mesure des arrêts de transport en commun pour 35 338 AD (97,1 % des AD se trouvant dans les RMR). Il a été impossible de trouver les données spatiales sur les emplacements des arrêts de transport en commun pour certaines RMR de plus petite taille : Belleville (Ontario), Peterborough (Ontario), Saguenay (Québec) et Trois-Rivières (Québec).

Taux de transport actif

Deux taux de transport actif ont été calculés d’après la question 43 a) du questionnaire détaillé du Recensement de 201625. Cette question s’adresse aux membres de la population active d’au moins 15 ans qui ont une adresse de travail fixe et elle porte sur le mode de transport utilisé pour se rendre au travail. Pour calculer les taux, on a additionné le nombre de piétons, de cyclistes et d’usagers du transport en commun pour toutes les AD qui croisent la zone tampon circulaire de un kilomètre de rayon autour du centroïde de l’AD. Si une AD n’était que partiellement dans la zone tampon, on agrégeait un plus petit nombre de navetteurs selon la proportion de l’AD se trouvant dans la zone tampon. Par exemple, si 25 % d’une AD se trouvait dans une zone tampon où 40 personnes ont déclaré se rendre au travail à pied, on estimait que seulement 10 personnes se rendant au travail à pied vivaient dans la zone tampon de l’AD. Le taux de recours à la marche pour se rendre au travail reflète la proportion de cette population qui déclare que la marche constitue son principal mode de transport pour se rendre au travail. Le taux de recours au transport actif pour se rendre au travail reflète la proportion de cette même population qui marche, fait du vélo ou prend le transport en commun pour se rendre au travail. L’utilisation du transport en commun a été incluse dans le transport actif, car il a été démontré que le transport en commun donne lieu à une certaine activité physique puisqu’il faut marcher pour se rendre aux arrêts et en revenirNote 26Note 27Note 28.

Méthodes statistiques

Les coefficients de corrélation de Pearson ont été calculés pour évaluer l’association entre les taux de recours à la marche pour se rendre au travail, les taux de recours au transport actif pour se rendre au travail et les 13 mesures potentielles d’accessibilité à la vie active dans les milieux de vie (tableau 1). Pour déterminer s’il existait un biais régional dans la couverture des données générées par les utilisateurs d’OSM, on a calculé la proportion de points d’intérêt figurant dans OSM par rapport aux points d’intérêt de DMTI Spatial dans cinq régions géographiques (la région de l’Atlantique, le Québec, l’Ontario, les Prairies et la Colombie-Britannique). Il est important de souligner que les ensembles de données d’OSM et de DMTI Spatial sur les points d’intérêt contiennent des types d’enregistrements différents. Le fichier EPOI de DMTI Spatial est principalement constitué d’enregistrements d’entreprises, alors que les points d’intérêt dans OSM comptent certaines entreprises commerciales (p. ex. les épiceries, les restaurants, les magasins de vêtements) ainsi que des éléments propres aux espaces publics et aux rues (p. ex. les bancs, les tables de pique-nique, les terrains de tennis, les stands de restauration, les guichets automatiques, les boîtes postales). Par conséquent, le nombre de points d’intérêt dans chaque ensemble de données ne peut pas être mis en comparaison directe; ainsi, on a examiné la proportion des points d’intérêt dans OSM par rapport à ceux de DMTI Spatial pour différentes régions du pays. La force des corrélations dans cette analyse ainsi que la répartition spatiale et régionale des ensembles de données d’entrée constituent les principales conclusions qui ont éclairé le choix des mesures de l’AVA-Can.

L’analyse par grappes à K médianes a été réalisée afin de classer les AD canadiennes en cinq catégories qui caractérisent le caractère favorable des milieux à la vie active. L’analyse par grappes à K médianes est une méthode de répartition en grappes selon laquelle on précise le nombre de grappes (k), après quoi on utilise un processus itératif pour assigner des observations (dans ce cas-ci des AD) à un groupe dont les valeurs médianes sont les plus proches. L’analyse par grappes était fondée sur les trois mesures pancanadiennes au niveau des AD sélectionnées pour l’AVA-Can : (1) la densité d’intersections routières et piétonnières à trois voies tirée d’OSM, (2) la densité de logements pondérée tirée des chiffres des logements de Statistique Canada et (3) les points d’intérêt tirés d’OSM. On a utilisé la méthode d’analyse par grappes à K médianes parce que l’asymétrie positive des mesures de l’accessibilité à la vie active rendait la méthode d’analyse par grappes à K moyennes inadéquate. Une analyse descriptive a permis de comparer les taux de recours à la marche pour se rendre au travail, les taux de recours au transport actif pour se rendre au travail ainsi que les valeurs moyennes de la connectivité, de la densité et des points d’intérêts par groupe de grappes.

Résultats

Analyse de corrélation

La plupart des mesures étaient faiblement (coefficient de corrélation [r] = 0,20 à 0,39) à modérément (r = 0,40 à 0,59) corrélées avec les taux de recours à la marche pour se rendre au travail et de modérément à fortement (r ⋝ 0,60) corrélées avec les taux de recours au transport actif pour se rendre au travail (tableau 2), peu importe la source de dérivation. Parmi les mesures de la connectivité, la densité d’intersections routières et piétonnières à quatre voies tirée d’OSM était la plus fortement associée aux taux de recours à la marche pour se rendre au travail (r = 0,42). La densité d’intersections routières et piétonnières à trois voies tirée d’OSM était l’une des deux mesures de la connectivité les plus fortement associées aux taux de recours au transport actif pour se rendre au travail (r = 0,68). Cependant, les intersections à quatre voies étaient plutôt dispersées dans l’ensemble du Canada (surtout dans les régions rurales et certaines banlieues); la mesure d’intersections à quatre voies était donc moins pertinente que la mesure d’intersections à trois voies pour un ensemble de données pancanadien. Par exemple, 55,4 % des zones tampons des AD rurales au Canada (c.-à-d. celles à l’extérieur des RMR ou des régions visées par le recensement) ne comptaient aucune intersection à quatre voies, alors que seulement 33,8 % des zones tampons des AD rurales ne comptaient aucune intersection à trois voies.

Les mesures de la densité de logements étaient plus fortement associées aux taux de recours à la marche pour se rendre au travail que les mesures de la densité de la population, et la méthode de dérivation de la densité pondérée était plus fortement associée à la fois aux taux de recours à la marche pour se rendre au travail et aux taux de recours au transport actif pour se rendre au travail. La densité de population brute (r = 0,23) et la densité de logements brute (r = 0,29) étaient toutes deux faiblement associées aux taux de recours à la marche pour se rendre au travail, alors que la densité de population pondérée (r = 0,82) et la densité de logements pondérée (r = 0,82) étaient toutes deux fortement associées aux taux de recours au transport actif pour se rendre au travail.

Les mesures des points d’intérêt de DMTI Spatial (r = 0,55) et d’OSM (r = 0,53) étaient toutes deux associées de manière semblable aux taux de recours à la marche pour se rendre au travail, et les points d’intérêt d’OSM étaient un peu plus fortement associés aux taux de recours au transport actif pour se rendre au travail (r = 0,66) que les points d’intérêt de DMTI Spatial (r = 0,57). Une mesure agrégée de l’accessibilité à la vie active, l’indice AVA (pour la définition, voir la figure 1), était modérément associée aux taux de recours à la marche pour se rendre au travail (r = 0,47) et fortement associée aux taux de recours au transport actif pour se rendre au travail (r = 0,78). Dans le sous-ensemble des AD urbaines (n = 35 319), la mesure des arrêts de transport en commun était corrélée avec les taux de recours à la marche pour se rendre au travail (r = 0,45) ainsi qu’avec les taux de recours au transport actif pour se rendre au travail (r = 0,70). La couverture des données d’OSM variait de façon minimale dans l’ensemble des cinq régions du Canada (la région de l’Atlantique, le Québec, l’Ontario, les Prairies et la Colombie-Britannique). La proportion des points d’intérêt d’OSM par rapport aux points d’intérêt de DMTI Spatial à l’échelle nationale est de 17,9 %; ce pourcentage varie à l’échelle régionale, allant de 14,1 % au Québec à 20,7 % en Ontario.

Analyse par grappes

Cinq groupes de grappes présentaient la plus faible variation des valeurs médianes pour chaque mesure dans les groupes de grappes et la plus forte variation entre les groupes. On a classé les groupes de grappes selon le caractère favorable du milieu à la vie active : les AD du groupe 1 représentent les milieux de vie les moins favorables à la vie active et les AD du groupe 5 représentent les milieux de vie les plus favorables à la vie active au Canada. Aucun groupe de grappes n’a été assigné aux 500 AD où la densité de logements n’a pu être déterminée (c.-à-d. les régions pour lesquelles Statistique Canada ne diffuse pas de données sur les chiffres des logements).

La plupart des AD canadiennes (64,3 %) se situaient dans les deux groupes de grappes les plus faibles (les groupes 1 et 2). Cela reflète l’asymétrie positive des mesures de l’accessibilité à la vie active sur lesquelles les groupes de grappes sont fondés. Les régions rurales et les secteurs situés à la limite des villes et des villages avaient tendance à se retrouver dans le groupe 1. Les AD du groupe 5 avaient tendance à se trouver dans les centres-villes des plus grandes villes canadiennes. Les groupes 2 à 4 étaient principalement situés dans les quartiers résidentiels des régions urbaines (figure 2).

Les taux de recours au transport actif pour se rendre au travail ont été classés en ordre croissant par groupe de grappes et suivaient une hausse du même ordre par groupe de grappes (tableau 3). En revanche, les taux de recours à la marche pour se rendre au travail étaient semblables et inférieurs à la moyenne nationale (6,0 %) pour les groupes 1 à 3 (groupe 1 : 5,3 %, groupe 2 : 4,8 %, groupe 3 : 5,3 %).

Discussion

La présente étude a permis de décrire la création de la première base de données pancanadienne de mesures de l’accessibilité à la vie active dans les milieux de vie provenant entièrement de sources non exclusives. Le contenu de la base de données était fondé sur des principes selon lesquels les mesures sélectionnées devaient être associées aux taux de recours à la marche, conformes à une variété d’environnements bâtis (p. ex. la ville, la banlieue, les régions rurales) et librement accessibles pour les chercheurs et le milieu de la santé publique. En fin de compte, on a retenu quatre mesures individuelles (trois entièrement pancanadiennes; la proximité des arrêts de transport en commun était accessible seulement pour un sous-ensemble d’AD dans les régions urbaines) pour la base de données, qui contient également des mesures composites. On a sélectionné la densité d’intersections à trois voies déterminée en fonction des éléments routiers et piétonniers figurant dans OSM en raison de sa forte corrélation avec les taux de recours au transport actif pour se rendre au travail par rapport aux mesures fondées seulement sur les routes. La densité d’intersections à trois voies a été jugée plus appropriée pour la base de données nationale, puisque les intersections à quatre voies sont concentrées dans les villes dont le tracé de rues est quadrillé et qu’elles sont moins nombreuses dans les régions rurales et certaines banlieues du Canada, ce qui pourrait mener à la sous-estimation de la connectivité dans ces collectivités. On a sélectionné la densité de logements pondérée en raison de sa plus forte association avec les taux de recours à la marche pour se rendre au travail par rapport aux mesures de densité de la population ainsi que de l’association beaucoup plus forte entre les méthodes axées sur la densité pondérée et les taux de recours au transport actif pour se rendre au travail. On a retenu les points d’intérêt d’OSM en raison de leur forte association aux taux de recours au transport actif pour se rendre au travail par rapport aux points d’intérêt de DMTI Spatial ainsi que de la preuve manifeste des similitudes régionales quant à la couverture des éléments cartographiés. En outre, la mesure des arrêts de transport en commun a été retenue et calculée pour les AD se trouvant dans des RMR et elle était fortement associée à la fois aux taux de recours à la marche pour se rendre au travail et aux taux de recours au transport actif pour se rendre au travail.

Les mesures de l’accessibilité à la vie active dans les milieux de vie canadiens qui sont tirées des données ouvertes sont associées de manière semblable, ou plus fortement, aux comportements liés au transport actif que les mesures provenant de sources conventionnelles. Pour ce qui est des mesures de la connectivité, la présence d’éléments piétonniers dans OSM pourrait être en cause; il s’agit d’un élément qui n’est pas bien cartographié dans les autres ensembles de données canadiens (Statistique Canada, Streetfiles de DMTI Spatial). En 2010, avant même que le réseau routier soit considéré comme terminé en Allemagne, Zielstra et Zipf ont souligné qu’OSM était plus optimisé pour cartographier les voies piétonnières qu’un ensemble sûr de données GPS dans les villes allemandes de grande et moyenne tailleNote 22. Aujourd’hui, les éléments du réseau routier d’OSM sont considérés comme complets au Canada et dans la plupart des pays occidentaux, et la couverture des voies piétonnières et des sentiers continue de s’améliorerNote 29. Un autre avantage que procurent les ensembles de données ouvertes, comme OSM, est l’émergence à l’échelle internationale de travaux de comparaison qui sont facilités par l’utilisation de méthodes pouvant être reproduites et de données accessibles partout dans le monde. Par exemple, les présentes méthodes ont été reprises pour produire une mesure semblable de l’accessibilité à la vie active pour le pays de GallesNote 30.

Aucune recherche n’a été réalisée pour évaluer l’exhaustivité des données sur les points d’intérêt d’OSM au Canada ou ailleurs. Contrairement à l’ensemble de données EPOI de DMTI Spatial, qui contient principalement des enregistrements d’entreprises, on compte parmi les points d’intérêt d’OSM de nombreux éléments pour lesquels il n’existe aucun ensemble de données exhaustif et accessible au public (p. ex. les plages, les terrains de jeu, les fontaines). Cependant, la recherche sur les caractéristiques des points d’intérêt d’OSM indique que les éléments figurant dans OSM sont exacts sur les plans spatial et descriptif et que le nombre de points d’intérêt augmente de manière exponentielleNote 23Note 31Note 32. En outre, les éléments de petite envergure qui se trouvent dans les rues et qui sont cartographiés dans OSM sont attrayants sur le plan conceptuel en raison de leurs similitudes avec les micro-éléments propres aux milieux favorables à la vie active (p. ex. les bancs, les installations dans les parcs), qui sont associés à une activité physique accrue, mais qui sont traditionnellement difficiles à cartographier sans mener des vérifications sur le terrainNote 33. Bien que les données incomplètes d’OSM puissent constituer un obstacle à la recherche pour ceux qui étudient des types d’attributs particuliers (p. ex. les magasins qui vendent de l’alcool, les arrêts de transport en commun)Note 34, la mesure des points d’intérêt d’OSM est répartie de manière semblable aux mesures de points d’intérêt de DMTI Spatial par région, et les deux mesures sont associées de manière semblable aux taux de recours à la marche et de recours au transport actif pour se rendre au travail.

Les taux de recours au transport actif pour se rendre au travail sont classés en ordre croissant dans les cinq groupes de grappes qui sont définis dans l’analyse par grappes à K médianes. Cette constatation va à l’encontre des éléments qui attestent du fait que seuls les milieux les plus favorables à la vie active (dans les groupes 4 et 5, qui représentent les collectivités de seulement 13,6 % de la population canadienne) peuvent maintenir des taux de déplacement à pied ou en vélo au-delà de la moyenne nationale. Des recherches antérieures ont révélé que les usagers du transport en commun pouvaient atteindre les niveaux d’activité physique recommandés, peu importe le degré d’accessibilité à la vie active de leur quartierNote 26. Comme les taux les plus élevés de recours à la marche pour se rendre au travail se trouvent surtout dans les groupes de grappes 4 et 5 et que moins de 2 % des Canadiens se rendent au travail en véloNote 35, la croissance des taux de recours au transport actif pour se rendre au travail s’explique en grande partie par l’utilisation accrue du transport en commun par groupe de grappes. Ensemble, ces constatations indiquent que l’utilisation du transport en commun pourrait constituer une solution pratique pour accroître les niveaux d’activité physique dans les endroits où il est difficile de se rendre au travail à pied.

Les groupes de grappes dont les milieux étaient plus favorables à la vie active (groupes 4 et 5) comptaient moins d’AD que ceux dont les milieux étaient moins favorables à la vie active (groupes 1 et 2). En raison d’une très forte densité de logements et d’une concentration élevée de destinations dans quelques quartiers canadiens — surtout dans les noyaux urbains des grandes villes — les mesures de l’accessibilité à la vie active à l’échelle nationale présentent une forte asymétrie positive. Par le passé, les chercheurs ont classé les collectivités dans des catégories d’intervalles équivalents (p. ex. des quartiles ou des quintiles) et ils ont observé des relations significatives entre ces caractéristiques de la vie active et les résultats en matière de santé dans les quartiles ou les quintiles supérieursNote 9Note 36. Des recherches ultérieures permettront peut-être de tirer des conclusions plus solides si elles s’appuient sur des catégories reflétant l’asymétrie positive des mesures de l’accessibilité à la vie active.

Limites

L’une des limites de la présente étude concerne l’utilisation de données sur le navettage tirées du recensement pour obtenir les taux de recours à la marche et de recours au transport actif pour se rendre au travail. Les données sur le navettage ne reflètent qu’une portion de l’ensemble des comportements liés au transport actif. D’autres chercheurs pourraient utiliser des mesures de l’activité physique et de l’état de santé tirées d’enquêtes, comme l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé, pour analyser l’association entre ces mesures et d’autres modes de vie active. L’utilisation de données agrégées sur le transport pour les deux analyses suggère une association de nature écologique entre les caractéristiques de l’accessibilité à la vie active et l’augmentation de l’activité physique par le transport, mais pas nécessairement une relation de cause à effet.

Souvent, la combinaison d’utilisations du sol est comprise dans les mesures de l’accessibilité à la vie active au lieu ou en plus des destinations et des points d’intérêt. Bien que l’absence de données gratuites sur l’utilisation du sol ait empêché le calcul d’une combinaison d’utilisations du sol pour l’AVA-Can, les destinations sont souvent évaluées en parallèle à la combinaison d’utilisations du sol ou à la place de celle-ciNote 4Note 37Note 38, et les estimations de la combinaison d’utilisations du sol réalisées à l’aide de la formule conventionnelle d’entropie ont été critiquées puisqu’elles surestimaient la combinaison d’utilisations dans certaines régionsNote 39.

L’utilisation de données ouvertes pour constituer la base de données AVA-Can rend les mesures plus accessibles, mais présente également un défi sur le plan de la reproductibilité. OSM existe depuis seulement une décennie et évolue constamment, ce qui limite la reproduction exacte de la recherche. Étant donné l’ajout constant de nouveaux points d’intérêt par les utilisateurs, il pourrait être difficile d’attribuer les changements dans OSM à des changements dans l’environnement bâti ou simplement à des améliorations dans la qualité et la quantité des données. Tant que les points d’intérêt n’auront pas atteint un niveau de saturation à l’échelle nationale (c.-à-d. que le nombre annuel d’ajouts ou de modifications à l’ensemble de données est inférieur à 3 % du nombre total de pointsNote 40), les points d’intérêt d’OSM pourraient ne pas constituer une source appropriée de données pour les études portant sur les changements dans l’environnement bâti. Par contre, les éléments routiers d’OSM sont considérés comme exhaustifsNote 29 et pourraient convenir aux recherches longitudinales.

Conclusion

Pour s’attaquer à la prévalence des comportements sédentaires au Canada, on devra peut-être effectuer des interventions environnementales qui appuient la pratique habituelle et quotidienne de l’activité physique. Cependant, à ce jour, il existe peu d’ensembles de données nationaux permettant de caractériser l’accessibilité à la vie active dans les milieux de vie et de soutenir la recherche et la surveillance de la santé publique. L’AVA-Can vient combler cette lacune en fournissant un ensemble de données librement accessible qui a été validé à l’aide de données nationales sur le transport actif. L’étude met l’accent sur les considérations méthodologiques associées à l’élaboration de mesures à l’échelle nationale, et plus particulièrement sur le fait que la densité d’intersections à trois voies et la densité de logements sont des mesures pertinentes à l’échelle nationale. La présente étude vient également élargir la base de données probantes canadiennes sur la validité de l’utilisation des données ouvertes et indique que certains éléments bien cartographiés d’OSM (p. ex. les voies piétonnières, les micro-éléments) peuvent accroître la capacité de prédiction des mesures de l’accessibilité à la vie active. Plus OSM sera exhaustif ou saturé, plus les données ouvertes constitueront une source de dérivation importante pour les mesures de l’accessibilité à la vie active et soutiendront la création d’ensembles de données longitudinales.

Les conclusions soulignent également la répartition spatiale de l’accessibilité à la vie active et des comportements associés au transport actif au Canada. Se rendre au travail à pied ou en vélo est encouragé de manière optimale seulement dans les milieux les plus favorables à la vie active. La répartition anormale des mesures de l’accessibilité à la vie active et du transport actif au Canada révèle que l’utilisation de catégories d’intervalles équivalents pour stratifier les quartiers pourrait sous-estimer la relation entre l’environnement bâti et l’état de santé. En revanche, l’augmentation forte de l’utilisation du transport actif par groupe de grappes d’accessibilité à la vie active met en lumière le rôle que peut jouer le transport en commun en augmentant le niveau d’activité physique chez un plus grand nombre de Canadiens.

Références
Date de modification :