Rapports sur la santé
Associations parents-enfants concernant le comportement sédentaire et l’activité physique au cours de la petite enfance

par Valerie Carson, Kellie Langlois et Rachel Colley

Date de diffusion : le 19 février 2020

DOI : https://www.doi.org/10.25318/82-003-x202000200001-fra

L’activité physique procure de nombreux avantages pour la santé physique, sociale et cognitive au cours de la petite enfanceNote 1. Inversement, le comportement sédentaire, surtout le temps passé devant un écran, peut compromettre une croissance et un développement sains dans ce groupe d’âgeNote 2. Les modèles comportementaux développés au cours de la petite enfance ont des répercussions tout au long de l’enfanceNote 3. Plus précisément, les résultats ont permis de constater que l’activité physique était modérément stable de la petite enfance jusqu’à la moyenne enfance, alors qu’au cours de la même période, la stabilité du comportement sédentaire était de modérée à grandeNote 3. Actuellement, seulement 15 % des enfants canadiens d’âge préscolaire (âgés de 3 à 4 ans) respectent à la fois les recommandations concernant l’activité physique (au moins 180 minutes par jour d’activité physique au total, ce qui comprend au moins 60 minutes par jour de jeu énergique) et celles concernant le temps passé devant un écran (1 heure ou moins par jour), conformément aux Directives canadiennes en matière de mouvement sur 24 heuresNote 4. Un modèle semblable a été observé dans un échantillon régional de tout-petits à Edmonton, au CanadaNote 5.

D’un point de vue écologique, le comportement sédentaire des enfants et leur niveau d’activité physique peuvent être influencés par plusieurs corrélats sur différents plans, par exemple sur les plans intrapersonnel, interpersonnel, organisationnel, environnemental et politiqueNote 6. Le plan interpersonnel, lequel comprend les corrélats parentaux (p. ex. les comportements et les pratiques), est considéré comme particulièrement important pour les comportements sédentaires et le niveau d’activité physique des enfantsNote 7. Plus précisément, les parents influencent profondément le développement de leurs enfants et exercent un contrôle sur leur participation au comportement sédentaire et à l’activité physiqueNote 7. C’est particulièrement le cas chez les jeunes enfants qui sont moins indépendants de leurs parents, par rapport aux enfants plus âgésNote 8. Par conséquent, l’identification de corrélats parentaux clés du comportement sédentaire et de l’activité physique permet d’étayer les interventions visant à accroître la proportion de jeunes enfants qui respectent les recommandations.

L’un des mécanismes pouvant expliquer l’influence des parents sur le comportement sédentaire et le niveau d’activité physique de leurs enfants est le fait qu’ils sont pour eux des modèles à imiterNote 7. La littérature antérieure sur le rôle de modèle portait généralement sur les associations entre le comportement sédentaire et le niveau d’activité physique des parents et des enfantsNote 7Note 9. Cependant, il est difficile de tirer des conclusions fiables sur le rôle de modèle que jouent les parents dans le comportement sédentaire et le niveau d’activité physique au cours de la petite enfance, étant donné que les données probantes actuelles sont insuffisantes et limitées. Par exemple, les travaux de recherche antérieurs sont limités du fait qu’ils reposent sur des échantillons de commodité, des échantillons de petite taille ou des mesures subjectives du comportement sédentaire et du niveau d’activité physiqueNote 10. En outre, peu d’études ont permis d’examiner si les associations entre les comportements sédentaires et le niveau d’activité physique des parents et ceux des enfants d’âge préscolaire étaient différentes selon le sexe de l’enfant, le sexe du parent ou le jour de la semaine (p. ex. les jours de semaine, les jours de fin de semaine)Note 9Note 11. Les objectifs de la présente analyse étaient donc les suivants : 1) examiner les associations entre le temps consacré à des activités sédentaires et le niveau d’activité physique mesurés objectivement pour l’ensemble des journées, les jours de semaine et les jours de fin de semaine, ainsi que le temps total passé devant un écran déclaré par les parents, chez les parents et les enfants, dans un vaste échantillon représentatif d’enfants canadiens âgés de 3 à 5 ans; 2) déterminer si les associations sont différentes entre les fils et les filles; 3) déterminer si les associations sont différentes entre les mères et les pères.

Méthodes

Participants

Les participants étaient des enfants âgés de 3 à 5 ans accompagnés par l’un de leurs parents biologiques, issus des cycles 2 (2009-2011), 3 (2012-2013), 4 (2014-2015) et 5 (2016-2017) de l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (ECMS)Note 12. Dans le cadre de l’ECMS, un plan transversal répété et une méthode d’échantillonnage à trois étapes ont été utilisés pour recueillir les données à partir d’un échantillon représentant 96 % des Canadiens âgés de 3 à 79 ans vivant dans les provincesNote 13. À chaque site de collecte, un répondant était sélectionné dans chaque logement. Si le répondant était âgé de 3 à 11 ans, un membre plus âgé de ce logement était également sélectionné (12 à 79 ans)Note 13. Les données du cycle 1 n’ont pas été incluses dans cette analyse parce que le groupe d’âge était exclu du champ de l’enquête (seules les personnes âgées de 6 à 79 ans ont fait l’objet d’un échantillonnage).

La collecte de données comprenait une interview sur place assistée par ordinateur dans chaque logement et un examen physique dans un centre d’examen mobile (CEM). Au CEM, chaque participant a reçu un accéléromètre ainsi que des instructions précises sur la façon de le porter. Au total, 2 181 enfants âgés de 3 à 5 ans présents à la visite du CEM ont participé à l’ECMS avec un membre plus âgé de leur logement, et 1 792 de ces paires ont été réputées admissibles à l’étude parce que le membre participant plus âgé était le parent biologique. L’approbation déontologique de l’ECMS a été obtenue auprès du Comité d’éthique de la recherche de Santé CanadaNote 14. Le consentement éclairé du parent a été obtenu par écrit et l’accord de l’enfant a été obtenuNote 15. Des renseignements détaillés sur l’ECMS sont disponibles ailleursNote 13.

Comportement sédentaire et activité physique

Le temps consacré à des activités sédentaires, l’activité physique d’intensité légère (APL) et l’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse (APMV) ont été mesurés de manière objective chez les parents de même que chez les enfants, au moyen d’accéléromètres Actical (Philips Respironics, Bend, Orégon, États-Unis). Pendant 7 jours consécutifs, les parents comme les enfants ont porté l’appareil sur la hanche droite, lequel était retenu au moyen d’une ceinture élastique. Les données ont été recueillies par périodes de 60 secondes pour les parents de tous les cycles. Cependant, dans le cas des enfants, les données ont été recueillies par périodes de 60 secondes pour les enfants du cycle 2 et par périodes de 15 secondes pour les enfants des cycles 3 à 5. Comme les périodes utilisées dans les cycles 3 à 5 étaient plus courtes, des données ont été recueillies pour 5,6 jours seulement, étant donné la capacité de stockage de l’appareil. Par conséquent, seuls les 5 premiers jours ont été utilisés pour les enfants des cycles 3 à 5. Le temps pendant lequel les parents et les enfants ne portaient pas l’appareil a été défini comme une période d’au moins 60 minutes consécutives sans mouvement dénombré (ou au moins 240 intervalles de 15 secondes sans mouvement dénombré), laquelle admettait une période de 2 minutes comptant de 0 à 100 mouvements (ou 30 secondes au cours desquelles de 0 à 25 mouvements étaient comptés)Note 16Note 17. Pour être inclus dans l’analyse, les parents devaient avoir cumulé au moins 4 journées valides, définies comme couvrant au moins 10 heures de temps de port, et les enfants devaient avoir cumulé au moins 4 journées valides dans le cycle 2 et au moins 3 journées valides dans les cycles 3 à 5, définies comme couvrant au moins 5 heures de temps de portNote 16Note 18Note 19Note 20. Chez les enfants, le temps consacré à des activités sédentaires correspond à moins de 100 mouvements par minute (mpm, ou moins de 25 mouvements par 15 secondes)Note 21, l’APL se situe dans un intervalle de 100 à 1 149 mpm (ou de 25 à 278 mouvements par 15 secondes) et l’APMV correspond à au moins 1 150 mpm (ou au moins 288 mouvements par 15 secondes)Note 22. Chez les adultes, le temps consacré à des activités sédentaires correspond à moins de 100 mpmNote 21, l’APL se situe dans un intervalle de 100 à 1 534 mpm et l’APMV correspond à au moins 1 535 mpmNote 23. Le nombre moyen de minutes par jour de temps consacré à des activités sédentaires, d’APL et d’APMV a été calculé pour les parents et les enfants, pour tous les jours valides, les jours de semaine valides et les jours de fin de semaine valides. Dans le cycle 2, des facteurs de correction ont été appliqués aux données des « minutes par jour » des enfants, afin que ces données puissent être comparées à celles des cycles 3 à 5Note 24. Finalement, afin de tenir compte du temps de port, des variables normalisées ont été calculées pour le temps consacré à des activités sédentaires et l’APL des parents et des enfantsNote 25. L’APMV n’a pas été corrigée en fonction du temps de port, parce qu’elle n’était pas fortement corrélée avec le temps de port chez les enfants (r = 0,28) ou chez les parents (r = 0,17).

Le temps moyen passé quotidiennement devant un écran a été évalué dans le cadre de l’interview à domicile, tant pour les parents que pour les enfants. Les parents ont déclaré le nombre moyen d’heures que leur enfant a consacré aux activités suivantes : 1) regarder la télévision ou des vidéos ou jouer à des jeux vidéo; 2) utiliser l’ordinateur. Les catégories de réponse étaient légèrement différentes entre le cycle 2 (aucune, moins de 1 heure, de 1 à 2 heures, de 3 à 4 heures, de 5 à 6 heures, 7 heures ou plus) et les cycles 3 à 5 (aucune heure, moins de 1 heure, de 1 heure à moins de 3 heures, de 3 à moins de 5 heures, de 5 à moins de 7, 7 heures ou plus). Toutefois, les mêmes valeurs médianes pourraient être appliquées à l’ensemble des cycles (p. ex. 0; 0,5; 1,5; 3,5; 5,5 et 7). Pour calculer le temps moyen que les enfants passaient devant l’écran, les valeurs médianes obtenues aux deux questions portant sur le temps passé devant un écran ont été additionnées. Dans le cas des cycles 2 à 4, les parents ont également déclaré le temps moyen consacré aux activités suivantes, pendant une semaine type, en dehors des heures de travail ou d’école (temps de loisirs seulement), au cours des trois derniers mois : 1) regarder la télévision, des DVD ou des vidéos; 2) jouer à des jeux vidéo; 3) utiliser l’ordinateur. Quant au cycle 5, les parents ont déclaré le temps consacré aux activités suivantes au cours des 7 derniers jours, en dehors des heures de travail ou d’école (temps de loisirs seulement) : 1) regarder la télévision, des DVD, des films, ou des vidéos sur Internet; 2) jouer à des jeux vidéo ou à des jeux informatiques; 3) utiliser l’ordinateur, une tablette ou un téléphone intelligent. Pour l’ensemble des cycles, afin de calculer le temps moyen que les parents passaient devant l’écran, les valeurs obtenues aux trois questions portant sur le temps passé devant un écran ont été additionnées puis divisées par 7.

Covariables

Les covariables comprennent le sexe de l’enfant et celui du parent, l’âge de l’enfant et celui du parent, le ménage comptant un seul enfant, le niveau de scolarité des parents et le cycle d’enquête. Le niveau de scolarité des parents a été codé selon deux catégories, à savoir les titulaires d’un diplôme d’études postsecondaires et les parents dont le niveau de scolarité est inférieur au diplôme d’études postsecondaires. Un ménage comptant un seul enfant a été défini comme un logement où ne vit aucun autre enfant de moins de 18 ans.

Analyses statistiques

Toutes les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide des logiciels SAS 9.4 (SAS Institute, Cary, Caroline du Nord, États-Unis) et SUDAAN 11.0.3, au moyen de 46 degrés de liberté du dénominateur dans les énoncés de procédure de SUDAAN. Des statistiques descriptives ont été calculées pour l’ensemble de l’échantillon et séparément pour les hommes et les femmes. Des tests t ont été réalisés afin de comparer les caractéristiques des participants de l’échantillon définitif et celles des participants ayant des données d’accéléromètre valide (enfant), mais ces tests ont été jugés inadmissibles parce que le membre plus âgé sélectionné dans le logement n’était pas le parent biologique, la mère biologique était enceinte ou n’avait pas de données d’accéléromètre valides, ou encore la dyade était exclue par manque d’information sur les covariables (échantillon non visé par l’étude; n = 511). Des différences entre les sexes observées dans l’information descriptive ont également été examinées au moyen de tests t. Pour aborder le premier objectif, des corrélations entre les variables de l’enfant et du parent quant au comportement sédentaire et au niveau d’activité physique ont été effectuées. Ensuite, les modèles de régression linéaire ont été corrigés selon le sexe de l’enfant et du parent, l’âge de l’enfant et du parent, le niveau de scolarité des parents, les ménages comptant un seul enfant et le cycle d’enquête. Des modèles distincts ont été appliqués pour chacune des variables du comportement sédentaire et du niveau d’activité physique. Pour aborder les deuxième et troisième objectifs, des corrélations ont été effectuées pour les sous-groupes d’enfants et de parents selon le sexe. Pour déterminer si des analyses stratifiées selon le sexe étaient nécessaires, le sexe de l’enfant ou le sexe du parent selon les paramètres d’interaction avec le comportement sédentaire ou le niveau d’activité physique a été ajouté aux modèles de régression linéaire séparément. Pour satisfaire à l’hypothèse de normalité des modèles de régression linéaire, l’APMV de l’enfant a été transformée en logarithme. Les analyses ont été pondérées au moyen des poids de sondage de l’ECMS attribués à l’enfant pour les cycles 2 à 5 combinésNote 26. Les poids de sondage tenaient compte des cas de non-réponse et des données incomplètes de l’accéléromètre. Il était ainsi possible de s’assurer que l’échantillon était représentatif des enfants canadiens âgés de 3 à 5 ans. Afin de tenir compte des effets du plan de sondage, des intervalles de confiance à 95 % ont été estimés par la méthode du bootstrap.Note 27Note 28 La signification statistique a été préalablement fixée à une valeur p de < 0,05.

Résultats

Sur les 1 792 paires parent-enfant admissibles, 51 paires ont été exclues parce que la mère était enceinte, 621 paires ont été exclues en raison du manque de données d’accéléromètre valides pour le parent et l’enfant, et 4 ont été exclues en raison de données de covariables manquantes. Par conséquent, l’échantillon définitif pour l’étude était de 1 116 paires parent-enfant, et pour les analyses portant sur les jours de fin de semaine, l’échantillon était de 935 paires parent-enfant. Aucune différence significative n’a été observée entre l’échantillon définitif et l’échantillon non visé par l’étude en ce qui concerne l’âge des enfants, le sexe, le temps consacré à des activités sédentaires, l’activité physique d’intensité légère (APL), l’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse (APMV) et la proportion de ménages comptant un seul enfant. Cependant, les enfants de l’échantillon définitif ont passé moins de temps devant un écran que les enfants de l’échantillon non visé par l’étude. De plus, les adultes de l’échantillon définitif étaient plus âgés que les adultes de l’échantillon non visé par l’étude, et il y avait une plus grande proportion de diplômés universitaires ou collégiaux dans l’échantillon définitif que dans l’échantillon non visé par l’étude (données non présentées).

Le tableau 1 présente les caractéristiques des participants, stratifiées selon le sexe. L’âge moyen des enfants était de 4 ans, et environ la moitié (49 %) d’entre eux était des filles. Le temps moyen passé devant un écran et le temps consacré à des activités sédentaires chez les enfants étaient de 1,8 heure par jour et de 452 minutes par jour, respectivement, alors que la moyenne de l’APL et l’APMV pour l’ensemble des jours étaient de 208 minutes par jour et de 73 minutes par jour, respectivement. Peu importe le jour de la semaine, le temps consacré par les filles à des activités sédentaires était fortement supérieur au temps que les garçons avaient consacré à de telles activités, et l’APMV des filles était fortement inférieure à celle des garçons. L’âge moyen des parents était de 36,6 ans, et environ la moitié (52 %) d’entre eux étaient des femmes. Le temps moyen passé devant un écran et le temps consacré à des activités sédentaires chez les parents étaient de 2,3 heures par jour et de 567 minutes par jour, respectivement; l’APL et l’APMV pour l’ensemble des jours étaient de 259 minutes par jour et de 23 minutes par jour, respectivement. Le temps de port moyen chez les hommes pour l’ensemble des jours et les jours de semaine était nettement supérieur à celui des femmes, et l’APMV des hommes pour l’ensemble des jours et les jours de semaine était nettement supérieure à celle des femmes.

Les corrélations entre les parents et les enfants quant au temps passé devant un écran, au temps consacré à des activités sédentaires et au niveau d’activité sont reproduites dans le tableau 2. Dans l’échantillon global, tous les comportements des parents étaient significativement corrélés avec les comportements des enfants. Pour ce qui est des données de l’accéléromètre, les corrélations observées étaient constantes pour l’ensemble des jours, les jours de semaine et les jours de fin de semaine. Toutefois, elles étaient moins fortes Note 29, variant de 0,08 à 0,20. La force de la corrélation variait selon les différentes combinaisons de sexe des dyades parent-enfant. Par exemple, l’APMV des pères avait tendance à être en plus forte corrélation avec l’APMV des enfants que celle des mères. La même chose a été constatée concernant le temps consacré à des activités sédentaires, pour les fils seulement. Dans la plupart des cas, les corrélations avaient tendance à être plus fortes pour les dyades parent-enfant du même sexe que pour les dyades parent-enfant de sexe opposé.

Les associations de régression linéaire entre les parents et les enfants quant au temps passé devant un écran, au temps consacré à des activités sédentaires et au niveau d’activité sont reproduites dans le tableau 3. Les paramètres d’interaction que sont le sexe de l’enfant selon le niveau d’activité physique ou le comportement sédentaire des parents et le sexe du parent selon le niveau d’activité physique ou le comportement sédentaire des parents n’étaient pas significatifs; aucune analyse stratifiée selon le sexe n’a donc été effectuée. Tous les comportements des parents étaient significativement associés aux comportements des enfants. Quant aux données de l’accéléromètre, ces corrélations étaient constantes pour l’ensemble des jours, les jours de semaine et les jours de fin de semaine. Toutefois, en ce qui concerne le temps consacré à des activités sédentaires et l’APL, les coefficients bêta étaient plus élevés pour les jours de fin de semaine que pour l’ensemble des jours et les jours de semaine. Dans l’ensemble, la taille des effets était petite. Par exemple, chaque heure additionnelle de temps passé devant un écran chez les parents était associée à une augmentation d’environ 8 minutes du temps passé devant un écran chez les enfants. Pour l’ensemble des jours, chaque période additionnelle de 60 minutes par jour de temps consacré à des activités sédentaires et d’APL chez les parents était associée à une hausse d’environ 7 minutes du temps consacré à des activités sédentaires et de 6 minutes de l’APL chez les enfants. Après une rétrotransformation de l’APMV pour l’ensemble des jours à partir de l’échelle logarithmique, chaque période de 20 minutes par jour supplémentaire d’APMV chez les parents a été associée à une hausse d’environ 4 % de l’APMV chez les enfants (ce qui correspond à environ 3 minutes par jour).

Discussion

La présente étude a pour objectifs d’examiner les associations entre le comportement sédentaire et l’activité physique des parents et ceux des enfants au cours de la petite enfance et de déterminer si les associations sont différentes selon le sexe du parent ou de l’enfant. Des valeurs supérieures pour le temps passé devant un écran, le temps consacré à des activités sédentaires, l’activité physique d’intensité légère (APL) et l’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse (APMV) des parents ont été associées de manière significative à des valeurs supérieures pour le temps passé devant un écran, le temps consacré à des activités sédentaires, l’APL et l’APMV des enfants, au sein de ce vaste échantillon représentatif d’enfants canadiens âgés de 3 à 5 ans. Cependant, la taille des effets était petite. En outre, les associations n’étaient pas différentes entre les jours de semaine et les jours de fin de semaine, les fils et les filles ou les mères et les pères.

Parallèlement à la présente étude, une méta-analyse publiée en 2015 sur les corrélats parentaux de l’activité physique chez les enfants et les adolescents âgés de 2,5 à 18 ans a révélé que le modèle parental, sous forme d’activité physique chez les parents, était faiblement associé au niveau d’activité physique des enfantsNote 9. Dans cette méta-analyse, le groupe d’âge (p. ex. 2 à 5,4 ans; 5,5 à 12,4 ans; 12,5 à 19 ans) n’était pas un modérateur significatif, bien que les estimateurs ponctuels dans les modèles à effets aléatoires étaient plus élevés dans les groupes plus jeunesNote 9, appuyant ainsi la notion selon laquelle les parents exercent une influence plus forte sur les enfants plus jeunes que sur les enfants plus âgésNote 8. Dans l’ensemble, la présente étude renforce les données probantes fondées sur l’association entre le rôle de modèle que joue le parent et le niveau d’activité physique dans la petite enfance, en surmontant les limites antérieures, y compris les échantillons de petite taille et les mesures subjectivesNote 9. De plus, des associations ont non seulement été observées pour l’APMV, mais aussi pour l’APL, laquelle a rarement été étudiée dans un groupeNote 9.

Par rapport à l’activité physique, on sait peu de choses sur l’association entre le temps consacré à des activités sédentaires des parents et celui des enfants mesurés objectivement pendant la petite enfance, ce qui fait ressortir un autre aspect nouveau de la présente étudeNote 30Note 31. Les résultats de l’étude sont conformes à ceux d’une étude antérieure, menée auprès d’un échantillon représentatif de Canadiens âgés de 6 à 11 ans issu de l’ECMS, laquelle a également permis de constater que le temps consacré par les parents à des activités sédentaires était faiblement associé au temps que les enfants avaient consacré à de telles activitésNote 32. D’autres travaux de recherche ont porté sur l’association entre le temps passé devant un écran par le parent et par l’enfant au cours de la petite enfance. Par exemple, un examen systématique publié en 2012 sur les corrélats des comportements liés à l’équilibre énergétique a fait état d’une association positive entre l’écoute de la télévision par les parents et le temps passé par les enfants devant un écran, et ce, dans les deux études inclusesNote 33. Depuis la publication de cet examen, deux études canadiennes réalisées sur des échantillons régionaux ont également indiqué une association entre un nombre plus élevé d’heures passées devant un écran par le parent et une hausse du nombre d’heures passées devant un écran par les enfants de 0 à 5 ansNote 11 et de 1 à 2 ansNote 34. Toutefois, la taille des effets était plus forte dans ces études antérieures que dans la présente étude. Dans l’ensemble, les conclusions de cette étude confirment que le rôle de modèle que joue le parent est un corrélat fidèle du temps passé devant un écran au cours de la petite enfance.

La présente étude apporte une importante contribution à la littérature concernant le rôle de modèle que joue le parent sur les plans du comportement sédentaire et de l’activité physique au cours de la petite enfance, grâce à un examen des effets modérateurs du sexe, tant chez les enfants que chez les parents. Contrairement à la présente étude, la méta-analyse sur les corrélats parentaux de l’activité physique indique que le sexe du parent avait un effet modérateur sur l’association entre les parents et les enfants en ce qui a trait à l’activité physique, mais chez les garçons seulementNote 9. Plus précisément, la taille des effets était plus grande pour les dyades père-fils que pour les dyades mère-filsNote 9. Cependant, aucune des études comprises dans ces sous-analyses n’était axée sur les jeunes enfantsNote 9. Dans la présente étude, les corrélations étaient également plus fortes pour les dyades père-fils que pour les dyades mère-fils en ce qui concerne l’APMV. Par contre, dans les modèles de régression linéaire, il s’est avéré que les paramètres d’interaction n’étaient pas significatifs sur le plan statistique. Selon l’étude antérieure réalisée auprès d’un échantillon d’enfants de 6 à 11 ans issu de l’ECMS, le sexe du parent n’avait pas d’effet modérateur sur l’association entre les parents et les enfants quant au comportement sédentaire et à l’activité physiqueNote 11Note 32. Toutefois, certaines différences ont été observées selon le sexe de l’enfant. Par exemple, pour ce qui est de l’ensemble des journées, l’APMV du parent était associée à l’APMV des filles, mais pas à celui des garçonsNote 32. Conformément à la présente étude, le sexe des enfants était également un modérateur non significatif dans l’étude antérieure sur les enfants âgés de 0 à 5 ansNote 11. Par conséquent, il est possible que les effets modérateurs qu’a le sexe du parent et de l’enfant ne soient pas aussi forts dans les groupes plus jeunes que dans les groupes plus âgés.

Le rôle de modèle que joue le parent est considéré comme un corrélat important de l’activité physique chez les enfants, particulièrement pour les groupes plus jeunes, en raison des normes sociales qu’il crée au sein de l’unité familialeNote 9. Un raisonnement semblable peut s’appliquer au comportement sédentaire. En outre, et surtout chez les jeunes enfants, on estime que le rôle de modèle que joue le parent englobe également la coparticipation au comportement sédentaire et à l’activité physiqueNote 9. Les mesures rudimentaires utilisées pourraient expliquer la petite taille des effets observés dans la présente étude et dans d’autresNote 9. Par exemple, bien que la durée moyenne des comportements des parents et des enfants rende probablement compte des niveaux habituelsNote 19, il est impossible de savoir, à partir de ces mesures, à quel moment les comportements des parents et ceux des enfants surviennent de manière indépendante ou simultanée. Par conséquent, dans les prochains travaux de recherche sur le rôle de modèle que joue le parent en ce qui concerne le comportement sédentaire et l’activité physique, il faudra envisager le recours à des méthodes qui fournissent des renseignements plus précis sur le modèle parental. Par exemple, certains modèles d’accéléromètres plus récents sont munis de capteurs de proximité pour permettre la mesure objective du temps consacré à des activités sédentaires et du niveau d’activité physique chez plusieurs personnes tout en poursuivant l’enregistrement simultanément lorsque ces personnes sont très proches l’une de l’autreNote 35Note 36. Cette fonctionnalité a été validée dans les dyades parent-jeune enfantNote 36. À ce jour, une étude réalisée au moyen de cette méthode auprès d’un petit échantillon de dyades mère-jeune enfant a révélé que les dyades passent la plupart de leur temps ensemble, s’adonnant à des activités sédentaires ou à une activité physique d’intensité légère, mais rarement à une activité physique d’intensité modérée à vigoureuseNote 35. Cette méthode de captage de la proximité pourrait être élargie de manière à inclure plus d’une personne qui prend soin de l’enfant (p. ex. la mère et le père) ainsi que les frères et sœurs, afin de mieux comprendre les influences comportementales de l’unité familiale complète.

La présente étude comporte plusieurs points forts, dont le vaste échantillon représentatif et les mesures objectives du temps consacré à des activités sédentaires et du niveau d’activité physique, tant chez les parents que chez les enfants. En outre, l’examen visant à déterminer si les associations étaient différentes selon le sexe de l’enfant et le sexe du parent a permis de combler une lacune observée dans les données probantes pour ce groupe d’âge. Néanmoins, l’étude comporte aussi certaines limites. Étant donné le plan transversal répété de l’ECMS, les associations observées ne peuvent pas être interprétées comme des relations de cause à effet. Certaines différences (le temps passé devant un écran, le niveau de scolarité des parents) ont été constatées entre les enfants visés par l’analyse (c.-à-d. ceux dont le parent biologique avait des données complètes) et ceux exclus de l’analyse en raison de l’inéligibilité. Ces différences seraient prises en compte dans les poids de sondage; cependant, il pourrait demeurer un certain biais dans les résultats observés. Le temps passé devant un écran a été déclaré par le parent, et cette valeur est donc plus susceptible d’être biaisée (p. ex. les biais associés à la capacité de se rappeler et à la désirabilité sociale). Les données n’étaient accessibles que pour un parent biologique; cependant, le parent participant était choisi au hasard par le personnel de l’étude en fonction de la liste de logements et non par la famille. Certaines méthodes étaient différentes selon les cycles, mais le cycle d’enquête a été ajusté dans les modèles de régression linéaire. Enfin, il est possible qu’il y ait eu confusion dans les données résiduelles. Par exemple, il n’a pas été possible de corriger les données en tenant compte de la situation pour ce qui est des soins aux enfants, parce que cette variable n’était pas disponible pour l’ensemble des cycles. En outre, les enfants sont influencés par d’autres adultes en plus de leurs parents (p. ex. les prestataires de services de garde, les grands-parents), et il n’y avait aucun mécanisme dans la présente analyse pour tenir compte de ce facteur. Bien que les analyses aient été stratifiées selon les jours de semaine et les jours de fin de semaine, c’est la fin de semaine que les enfants sont généralement avec leurs parents, et ce, peu importe la situation quant aux soins aux enfants.

Conclusions

Les conclusions de ce vaste échantillon représentatif de Canadiens âgés de 3 à 5 ans et de leur parent biologique donnent à penser que les comportements des parents peuvent constituer une cible d’intervention en matière de comportement sédentaire et d’activité physique et faire l’objet de messages de santé publique au cours de la petite enfance. Cela semble pertinent, peu importe le sexe du parent ou de l’enfant. Étant donné la petite taille des effets observés, d’autres travaux de recherche reposant sur des mesures plus précises du rôle de modèle que joue le parent seront nécessaires, de même que l’examen d’autres cibles d’intervention.

Remerciements

Valerie Carson est récipiendaire d’une bourse salariale de nouveau chercheur des Instituts de recherche en santé du Canada.

Références
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